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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

Des fonctions d’un glossaire dans un programme de recherche pluridisciplinaire.

Exemple du glossaire du programme ANR, « Inégalités éducatives et construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie ».

Illustration : Takuma Nakagawa, « An Example : A Cross Section of Printed Matters », 15.11.2015, Flickr (licence Creative Commons).

De janvier 2012 à octobre 2015, l’Unité Mixte de Recherche CNRS 6590, « Espaces et Sociétés » (ESO), le Centre d’Études et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ) accompagné de la Plate-forme Universitaire des Données de Caen (PUDC), le Groupement d’Intérêt Scientifique Môle Armoricain de Recherche sur la Société de l’Information et les Usages d’Internet (M@rsouin), le Centre de Recherche sur l’Éducation, les Apprentissages et la Didactique (CREAD) ainsi que le Pôle régional de Recherche et d’Étude pour la Formation et l’Action Sociale (PREFAS) – en tant que prestataire – ont été partenaires d’un programme financé par l’Agence Nationale de la Recherche et coordonné par Olivier David, professeur des universités en géographie, portant sur les inégalités éducatives et la construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie (acronyme INEDUC). Une telle combinaison de partenaires, en grande partie inédite, posait l’enjeu d’une véritable collaboration scientifique, afin d’éviter la fragmentation des analyses selon les thématiques, les disciplines, les sites institutionnels, voire selon chacun des chercheurs concernés, ou l’imposition d’un leadership non négocié. L’état de l’art préalable à la soumission du projet a ainsi été complété par un glossaire, dans lequel chacun pouvait retrouver son fil directeur à chaque moment de l’immersion dans le travail de terrain. Ce glossaire, dont l’inspiration est explicitée par les objectifs du projet, y a pris une place importante, dans une perspective de cumulativité des savoirs. La première partie de cet article présente donc la manière dont ces termes ont été combinés pour renforcer le partage de leur connotation commune entre l’ensemble des chercheurs d’INEDUC. La seconde partie de l’article propose une réflexion sur les fonctions de ce glossaire tout au long de la recherche, maintenant qu’INEDUC est terminé.

Le glossaire comme espace de construction d’une culture commune jugée nécessaire à un projet pluridisciplinaire.

Objectifs du projet de recherche INEDUC.

Ce projet visait à identifier les inégalités éducatives liées aux contextes et espaces de vie des jeunes âgés de 11 à 15 ans (période scolaire du collège) en France. L’objectif était d’analyser différents contextes qui influencent les parcours éducatifs de ces jeunes : celui de l’institution scolaire, celui des loisirs sportifs et culturels et celui, transversal aux deux précédents, des environnements numériques.

L’ambition était de dépasser les clivages usuels de la recherche selon les disciplines et selon les objets, en vue de renouveler l’approche de la question des inégalités éducatives. Le projet était fondé sur l’idée qu’il y a un réel intérêt à effectuer une investigation prenant en compte simultanément les parcours scolaires des jeunes, leurs pratiques de temps libre (entendues comme non contraintes par l’institution scolaire) et leurs pratiques numériques, ceci permettant de constater d’éventuels effets de distribution des investissements, de cumul et de croisement des inégalités. Pendant les années de scolarisation en collège s’opèrent des changements décisifs, marquant le passage de l’enfance à l’adolescence. Cette période est celle d’une véritable prise d’autonomie et, en même temps, celle de l’acquisition des méthodes de travail, des choix d’orientation et des modèles culturels de loisirs. Durant ces années s’effectue, par exemple, le passage des usages ludiques du numérique de l’enfance à des usages différenciés des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), contingentés par les étapes de la construction identitaire adolescente.

Le projet offrait un caractère novateur par rapport aux précédentes enquêtes qui ne croisent pas, ou insuffisamment, les données relatives aux parcours scolaires des adolescents (réussite, retard scolaire, choix d’options), les pratiques de temps libre et les usages des TIC. Les enquêtes relatives aux parcours scolaires des jeunes (panel DEPP du Ministère de l’Éducation nationale), ainsi que celles ayant trait à l’insertion professionnelle des jeunes (par exemple les enquêtes Céreq), ne comportent pas, ou très peu, de questions permettant d’apprécier le degré de pratiques et d’activités sportives, culturelles ou récréatives pendant le temps libre de l’individu enquêté. À l’inverse, les travaux d’observation de pratiques de temps libre (David 2010) ou des usages des TIC (M@rsouin 2010) n’examinent pas les liens existant entre ces activités extra-scolaires et la réussite scolaire ou le retard accumulé en classe de quatrième.

L’ambition était aussi de saisir les inégalités éducatives et la construction des parcours individuels à différentes échelles, en mettant en lien les politiques publiques, les effets de lieu de résidence et d’établissement, les parcours scolaires, les pratiques numériques et de loisirs, le milieu social, le genre/sexe et la place dans la fratrie. Le projet proposé était également novateur par le fait d’étudier les articulations entre toutes les pratiques (culturelles, sportives, touristiques, numériques) au regard des caractères économiques et sociaux de la famille d’origine de l’individu, en l’occurrence, le collégien en classe de quatrième. De plus, une attention particulière était portée aux conditions de logement, ainsi qu’aux pratiques culturelles, sportives et récréatives des autres membres de la famille. Enfin, le fait de prendre en compte la place du collégien dans sa fratrie [1] (quand il n’est pas enfant unique), dans l’étude de la relation entre pratiques et réussite éducative, était novateur.

L’investigation globale des espaces scolaires, numériques et de loisirs des 11-15 ans devait permettre d’identifier de nouveaux facteurs, rendant possible la compréhension (et l’explication) de la construction des parcours éducatifs. Parmi l’ensemble des facteurs de réussite éducative, le projet devait permettre également d’apprécier le bénéfice retiré, d’une part, des pratiques culturelles scolaires, périscolaires et extrascolaires (théâtre, pratique assidue d’un instrument de musique, séjours réguliers à l’étranger, intégration à une équipe sportive), d’autre part de l’accès à des ressources documentaires sur sites web ou supports numériques, en classe comme à l’extérieur de celle-ci.

L’accès à l’éducation n’est cependant pas seulement une question de ressources sociales ou territoriales, mais dépend aussi très fortement de l’imaginaire et du système de valeurs des familles (lesquels sont, bien sûr, très liés à l’origine sociale, mais aussi à l’origine géographique/ethnique/culturelle des personnes). S’ajoute également à ces critères fondamentaux la question du niveau d’estime de soi (sentiment d’infériorité selon les catégories sociales, phénomène d’auto-discrimination). Nous examinions donc, ici, tant les conditions/causes subjectives des inégalités éducatives que leurs conditions objectives.

Si la question des inégalités scolaires a déjà fait l’objet de nombreux travaux de recherche, celle portant sur les inégalités éducatives nous semblait beaucoup moins explorée dans une optique socio-spatiale. Ce projet souhaitait explicitement dépasser le seul registre de l’école, pour intégrer à la réflexion l’ensemble des espaces éducatifs fréquentés par les 11-15 ans.

C’est donc autour de trois entrées complémentaires – l’école, le temps libre et l’environnement numérique – et de leurs interactions que nous proposions d’engager une recherche sur la construction des parcours éducatifs des jeunes âgés de 11 à 15 ans. L’objectif était de relier la qualité des trajectoires scolaires, des pratiques de loisirs et des pratiques numériques aux caractéristiques propres à l’individu, à sa famille, à son environnement ou à son mode de vie, pour analyser les inégalités éducatives.

La place du glossaire dans le projet.

L’équipe a regroupé une vingtaine de chercheurs et chercheuses, rattachés à chacun des quatre partenaires mentionnés précédemment : des géographes, des sociologues, des chercheurs des sciences de l’éducation et des sciences de l’information et de la communication. Du fait de son approche volontairement interdisciplinaire, comme première tâche, l’équipe a pensé nécessaire de partager une culture commune sur les concepts et les notions inhérents à l’objet de recherche. À partir de 2012, pendant près d’un an, nous avons travaillé pour questionner et définir collectivement les concepts et les notions suivants : Adolescent, Contexte, Éducation, Empowerment, Environnement numérique, Inégalités, Institutions scolaires, Justice spatiale, Loisirs, Mobilité/déplacement, Orientation, Parcours, Politiques scolaires/politiques éducatives, Pratique, Projet (d’orientation), Ressources, Réussite (scolaire/éducative), Socialisation, Stratégies familiales d’éducation, Temps libre et Usage. Cette liste de termes découle des échanges entre les différents partenaires du projet, qui y ont amené chacun leur culture disciplinaire et leurs options en termes de programme de recherche (cf. les exemples du tableau n°2). C’est ainsi que, par exemple, la focalisation sur les inégalités éducatives et la construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie a conduit les membres d’ESO à proposer la construction d’un emploi commun de « Justice spatiale », ceux du Céreq opérant de même pour « Orientation », ainsi que ceux du CREAD pour « Institutions scolaires », ceux de M@rsouin pour « Environnement numérique » et ceux du PREFAS pour « Réussite ». Si la présence de certains termes dans le glossaire relève ainsi d’une initiative bien identifiée, l’accord fut tel pour l’investigation d’autres termes (par exemple, « Politiques scolaires/politiques éducatives ») qu’il serait difficile d’isoler la contribution de chacun au travail commun sur chaque définition. Les apports postérieurs de la recherche de terrain, qui caractérisent pleinement son optique socio-spatiale, ont apporté les sources de la révision réflexive du glossaire.

Pour les définitions initiales, souvent conservées sans changement après la phase de terrain, chaque terme a été travaillé en sous-groupe afin de proposer une première définition, ensuite discutée en équipe. À des fins d’appropriations aisées par les uns et les autres, et davantage dans un souci de concision que de discussion scientifique, les définitions produites sont courtes (autour de 3 000 caractères pour les termes simples, 3 500 pour les doubles termes). Le glossaire relatif à la recherche INEDUC a vu le jour après une année de travail collectif [2].

Au-delà de cette tâche de normalisation collective du vocabulaire employé, la réalisation du glossaire INEDUC a permis de mieux caractériser l’articulation entre les différentes tâches et méthodologies de la recherche en cours (questionnaires, entretiens, monographies).

En vertu de ce premier objectif, certaines définitions du glossaire sont plus opérationnelles que d’autres, certains concepts se prêtent plus facilement à la mesure que d’autres, qui s’attachaient plus à la cohérence de leur pertinence réciproque dans le cadre de l’ensemble de la recherche.

Le second objectif du glossaire (terminé en 2013) était d’assurer un meilleur partage des acquis des recherches bibliographiques effectuées par chacun des participants.

Chacun de ces textes s’inscrit dans la perspective d’une cumulativité dynamique du savoir en sciences sociales (Livet 2009). En effet, si chacun des articles du glossaire est susceptible d’illustrer des formes de « cumulativité additive » [3] (Livet 2009, p. 23), comme le suggèrent en particulier ceux qui ne mentionnent pas de dissensus dans leur explicitation (à l’exemple de l’article « Éducation »), d’autres laissent plus de latitude a priori à « une dynamique de remise en question » (Livet 2009, p. 24). Dans la seconde partie de l’article, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette remise en question des contenus, comme de l’usage de ce glossaire, maintenant que le programme de recherche soutenu par l’ANR est terminé. Par ailleurs, chacune des définitions des termes du glossaire peut être considérée comme une expression d’un modèle, c’est-à-dire d’un niveau d’objet conceptuel des corpus scientifiques disciplinaires, situé entre les données et les programmes d’analyse (Walliser 2009). Une fois le glossaire terminé, il importait donc d’assurer le partage de la compréhension par tous les membres de l’équipe, d’une part, de l’articulation de chacun de ces modèles, et de leur inscription dans des programmes d’analyse, aux données à recueillir ; et, d’autre part, de l’articulation de ces modèles entre eux. C’est l’objet du dernier temps de la première partie de l’article qui suit, laquelle constituait alors une forme de mode d’emploi du glossaire.

De l’agencement des termes du glossaire : articuler les données aux modèles et programmes de recherche, dans le cadre des méthodologies d’INEDUC.

La présentation qui suit résume les modèles d’analyse et les programmes de recherche partagés par l’équipe de recherche INEDUC, tout en préparant leur articulation aux données à recueillir par une « démarche projective » (Walliser 2009, p. 14). Elle s’efforce de ne pas cloisonner mondes scolaires et hors scolaire, sans pour autant négliger leurs spécificités respectives. Chacun de ces paragraphes reprend une partie du contenu de chaque définition du glossaire et précise les sources des données et leurs croisements, qui seront employés pour réaliser l’analyse globale (questionnaires, entretiens et monographies [4]). La première section de cette mise en perspective du glossaire est centrée sur la partie scolaire (« l’éducation formelle ») du parcours des enquêtés. La deuxième section privilégie les analyses des temps de loisirs périscolaires (« l’éducation non formelle ») et du temps libre (« l’éducation informelle ») des adolescents. Quant à la dernière, elle replace les éléments de la recherche préalablement abordés dans une perspective située dans l’espace et dans le temps, ainsi que dans ses fondements intentionnels.

Les 11-15 ans, qui sont au centre de la recherche INEDUC, se distinguent nettement par leur comportement, leurs activités, leurs centres d’intérêt, des enfants et des jeunes. Ce sont des adolescents qui, en France, fréquentent tous le collège. La culture adolescente est produite dans les relations des adolescents entre eux et avec les autres âges sociaux (avec les enfants, les jeunes, les adultes, les personnes âgées) ; elle se caractérise par l’importance des relations et par les types d’activités. À ces deux éléments (fréquentation du collège et culture commune) de ressemblance, voire d’égalité entre adolescents, s’opposent des éléments de différenciation, sources d’inégalités. Celles-ci ont une dimension scolaire, étudiée dans la recherche INEDUC en particulier via le questionnaire destiné à des élèves de collège.

À l’entrée en classe de quatrième (d’âge moyen de 13 ans), l’orientation fait consensus, parce que la structure cylindrique du collège unique ouvre peu de possibilités de disjonction entre les projections des familles en matière d’orientation et les attentes de l’institution en matière de performances scolaires. Pourtant, cet espace de disjonction existe pour les 3 % de redoublements contestés par les parents en sixième, mais aussi pour les élèves qui ne redoublent pas, mais sont déjà dans des dispositifs spécifiques, comme les classes de préprofessionnalisation ou de SEGPA [5] (1,5 %). Après la quatrième, seulement 89 % des élèves entrent en troisième de la filière générale. En matière d’orientation (voir ci-dessous), on peut donc considérer la quatrième comme un palier particulièrement décisif, dans le sens où une spécialisation est amorcée puis accentuée avec la classe de troisième « Découverte de la voie professionnelle » et le renforcement en technologie. C’est pourquoi l’enquête par questionnaire, destinée aux collégiens dans INEDUC, concerne spécifiquement des élèves de quatrième. Elle comporte des éléments d’appréciation, par les collégiens, de leur situation scolaire, complétés par une grille d’appréciation de leur niveau scolaire à la fin du premier trimestre, plus objective, car renseignée par le professeur principal de la classe.

Les différences d’orientation sont-elles des inégalités au sens où elles renvoient à des questions de justice sociale ? Oui, si elles sont corrélées à des situations socio-spatiales (par exemple, ancrage territorial très fort et faible capacité de projection temporelle à long terme d’adolescents en milieux ruraux isolés et montagnards) qui permettent d’émettre l’hypothèse que c’est en raison de ces situations que tous les collégiens n’ont pas les mêmes probabilités de poursuivre le parcours scolaire général. Mais lorsque ce n’est pas le cas ?

« Définir les inégalités est une opération complexe et un exercice rarement pratiqué, ce qui est assez étonnant vu l’ampleur du débat sur ce sujet. (…) À l’Observatoire des inégalités, nous proposons la définition suivante : on peut parler d’inégalités « quand une personne ou un groupe détient des ressources, exerce des pratiques ou a accès à des biens et services socialement hiérarchisés », sous-entendu « et qu’une partie des autres ne détient pas » » (Maurin 2018).

Le classement de référence est plus ou moins facile à réaliser. Ainsi, hiérarchiser des revenus ne pose pas de difficultés, mais il est plus difficile de le faire, par exemple, pour des pratiques de loisirs, en dehors des inégalités d’accès (voir ci-dessous). La recherche INEDUC a permis de progresser dans la précision de la définition des inégalités, autant par la tâche de qualification des sites de l’enquête qualitative que par les éléments des questionnaires portant sur les caractéristiques sociales des familles enquêtées et leurs conditions d’accès aux équipements de loisirs, dont l’environnement numérique.

Illustration de cette difficulté à mesurer très précisément par quels processus certaines différences se traduisent en inégalités (même s’il est banal de considérer, par exemple, que les inégalités de revenus génèrent pour partie de l’inégale réussite scolaire), la notion de réussite est peu aisée à définir, car elle est entachée de biais normatifs forts. En effet, autour de l’adolescent-élève coexistent plusieurs systèmes de valeurs, qui peuvent le plus souvent se combiner, mais aussi se contredire. Le premier système est celui de la norme institutionnelle, c’est-à-dire de l’école, qui fournit deux définitions classiques de l’échec : la sortie sans qualification et la sortie sans diplôme. Par voie de conséquence, il existe deux définitions larges de la réussite : l’obtention d’un diplôme ou/et d’une qualification. Mais l’obtention d’un diplôme plutôt qu’un autre définit-il une réussite versus un échec ? Devant la difficulté à trancher de façon dichotomique, on préférera parler d’écarts de réussite entre élèves, en particulier au regard de leur niveau de performance. Une seconde façon de définir l’objectif fixé à un élève est de se référer à ses attentes propres ou à celles de son environnement (famille, milieu de vie, amis…). On se place ici dans une perspective plus subjective, basée sur le sentiment de réussite en fonction de normes, de valeurs, d’ambitions personnelles. Le plus souvent, les deux systèmes de valeurs (celui de la norme institutionnelle et celui des attentes des collégiens-acteurs sociaux dans leur environnement social) sont cohérents, les attentes de l’environnement (familial en particulier) s’alignant sur celles de l’institution. Toutefois, lorsque la réussite n’est pas assurée du point de vue institutionnel, on observe que les critères de réussite issus de l’environnement peuvent se déplacer vers des dimensions moins « scolaires » (les notes, les diplômes…) et plus « éducatives », comme le bien être, la confiance en soi, la sociabilité, l’épanouissement personnel. Certains adolescents peuvent subir une tension forte entre des systèmes qui s’opposent, ce qu’a montré la mise en regard des questionnaires destinés respectivement aux élèves et à leurs parents.

S’agissant de la partie familiale de l’environnement de l’adolescent, compte tenu de l’autonomie partielle des collégiens comme acteurs sociaux, il est nécessaire d’interroger les stratégies familiales d’éducation, plus ou moins formalisées et plus ou moins conscientisées quant à leur rapport à l’école. En France, au vu de l’importance du diplôme dans la réussite socioprofessionnelle, ces stratégies se polarisent autour de la réussite scolaire. Les parents peuvent ainsi s’investir fortement dans le suivi du travail et des résultats scolaires ou dans la vie de l’établissement de leur enfant. Ils peuvent aussi exploiter les marges de manœuvre que leur offre la régulation du système éducatif, lorsqu’elle laisse place aux stratégies parentales. Ces stratégies peuvent concerner le choix de l’établissement – avec des stratégies d’anticipation (choix du logement) ou de contournement de la carte scolaire – ou celui de la classe. Les stratégies éducatives parentales peuvent également être à l’œuvre dans le choix d’activités ludiques, culturelles ou sportives censées favoriser les apprentissages scolaires et l’acquisition de compétences socioculturelles, telles que la persévérance, la motivation ou la confiance en soi. Plusieurs travaux ont ainsi montré la plus grande tendance des parents favorisés à « scolariser » les temps sociaux ou à « pédagogiser » leurs pratiques éducatives. On peut alors distinguer plusieurs grands styles parentaux d’éducation, associés à des types de relations familiales différenciés. Pour la recherche INEDUC, il s’est agi de voir comment les dispositions et les stratégies parentales (appréhendées via le questionnaire destiné aux parents) s’articulent avec les pratiques scolaires et les propres choix des adolescents (appréhendés via le questionnaire destiné aux élèves).

Signe d’une évolution du système scolaire français vers l’individualisation des politiques éducatives, les enjeux liés à l’orientation préoccupent. Le Haut Conseil à l’Éducation a ainsi remarqué que :

« [L]e terme « orientation » recouvre deux activités que la langue anglaise distingue : le processus qui répartit les élèves dans différentes voies de formation, filières et options (« students distribution ») ; l’aide aux individus dans le choix de leur avenir scolaire et professionnel (« vocational guidance », « school and career counseling ») » (2008).

La recherche INEDUC s’est efforcée de vérifier dans quelle mesure tous les établissements concernés par l’enquête quantitative sont bien entrés dans l’âge de « l’éducation à l’orientation », de même que s’ils ont évolué ou non vers un projet d’orientation plus situé dans le court terme que dans le long terme et moins tourné vers le développement de la personne que vers les contingences, selon une tendance récemment observée. Si quelques éléments des questionnaires ont permis d’obtenir des informations de type « cohorte rétrospective » [6] sur les stratégies familiales (voir ci-dessus) ou les parcours des élèves, plus rares ont été les possibilités, via les questionnaires ou les entretiens, d’appréhender les perspectives des adolescents et familles enquêtés.

Si l’on appréhende plus globalement les processus d’éducation, en s’attachant cette fois au rôle des institutions dans ces processus, ainsi qu’aux objectifs visés et aux méthodes employées, on distinguera éducation formelle, non formelle et informelle. L’éducation formelle est l’éducation assurée par l’institution scolaire. L’éducation non formelle regroupe l’ensemble des activités à finalité éducative non scolaires, mais néanmoins organisées. Ces accueils extrascolaires développent une approche éducative qui dépasse les savoirs scolaires pour s’attacher davantage au développement physique, psychique et social de l’adolescent. Enfin, l’éducation informelle est non structurée, assurée par des institutions sociales (famille, groupes de pairs, couple, médias, etc.), par « osmose entre l’environnement et l’apprenant », sans que ce dernier ait une réelle conscience de ses apprentissages (Bhola 1983, p. 52). Pour la recherche INEDUC, qui appréhende l’éducation de façon large, prendre en compte les processus d’éducation informelle est essentiel, d’où la place accordée à cette dimension dans ses deux questionnaires.

Allons donc plus avant dans le questionnement sur l’éducation non formelle et informelle des adolescents. L’appréhension historiquement récente de l’adolescence comme un « problème » de société place la fonction de son encadrement au sein d’autres sphères que la sphère scolaire : auparavant dévolue à l’école, cette fonction échoit désormais à tous les acteurs d’institutions qui assurent un rôle de socialisation. Ce faisant, les grands principes de formation des adolescents-élèves se dissocient de l’école pour étendre le dispositif méthodique d’encadrement moral à l’ensemble des sphères d’activités sociales. C’est pourquoi leurs loisirs ne sont pas l’équivalent de l’école, mais se placent néanmoins dans un rapport complétif de celle-ci. Dans l’analyse proposée par Joël Zafran, selon le contenu des loisirs encadrés, la forme scolaire sera plus ou moins prégnante, et l’objectif présidant au déroulement de l’activité visera un encadrement des adolescents selon une intensité différente. Le croisement de ces deux dimensions, considérées selon leur degré d’influence, permet d’isoler trois types de loisirs encadrés (voir ci-dessous).

Si l’on s’intéresse maintenant plus particulièrement au contenu des loisirs du temps libre des adolescents, ceux-ci regroupent un ensemble d’activités très diverses, pratiquées pour de multiples raisons : se divertir, se détendre, se reposer, participer à la vie sociale… Ces activités, au-delà de leur intérêt intrinsèque (le plaisir de jouer d’un instrument de musique par exemple), permettent en outre de faciliter les profits sociaux (faire des rencontres, élargir les connaissances) et symboliques, étant donné que chaque loisir est classé et classant. Le choix du type de loisir est ainsi étroitement lié aux univers sociaux (origine sociale de la famille, fréquentations amicales, offre localisée de loisirs, etc.) au sein desquels évolue l’individu. Le « système » des loisirs, même dans le cadre du temps libre, correspond ainsi à un jeu de relations entre une offre de différentes pratiques agencées les unes par rapport aux autres – culturelles, sportives, affinitaires, associatives, etc. – et des individus, objectivement positionnés dans l’espace social, dotés de dispositions structurantes et à partir desquelles s’effectuent leurs choix. S’agissant des inégalités (voir ci-dessus) dans le domaine des loisirs, le comportement culturel des élites se caractérise désormais moins par la familiarité avec les « arts savants » que par la diversité des pratiques. Les membres des classes supérieures se caractérisent avant tout par leur éclectisme culturel, alors que les membres des classes populaires manifestent des préférences généralement plus exclusives. L’originalité de la recherche INEDUC aura surtout porté sur la mise en regard des pratiques de loisirs des adolescents, accompagnés ou non par leurs parents, objets d’intérêt et cibles de propositions des institutions du domaine périscolaire, avec leur réussite scolaire, objective ou subjective, sur le plan scolaire, ceci via les croisements des données issues des enquêtes quantitatives et qualitatives.

Une des spécificités des loisirs des adolescents est le type de recours à un environnement numérique. Celui-ci se compose de différents outils qui permettent de diversifier les usages, lesquels ont été appréhendés par les deux questionnaires, les groupes de discussion entre adolescents et les entretiens individuels de la recherche INEDUC.

En matière d’analyse de faits sociaux localisés dans l’espace, comme la scolarisation d’un adolescent dans un collège donné, ou son décrochage scolaire, le contexte de ce fait social, dans une perspective d’autonomisation des disciplines, est à la fois géographique (urbain, périurbain, rural…), démographique (zone d’exode rural ou d’urbanisation rapide, etc.), sociologique (classes paupérisées ou moyennes, classes aisées…), économique (métropole ou commune touristique…) et culturel (fief catholique ou zone frontalière…). Le contexte de la scolarisation, des parcours de formation et d’insertion professionnelle des adolescents recouvre à la fois des inégalités de composition sociale de leurs lieux de vie (de répartition de richesses) et de leurs lieux de scolarisation. Le contexte recouvre aussi des inégalités de densité d’offres de formation, de structures sportives et culturelles, et des inégalités en matière de densités de réseaux de transport. D’autres inégalités relèvent du fonctionnement du système éducatif lui-même (nombre, âge, statut et niveau de diplôme des enseignants, par exemple), et de décisions prises de manière plus ou moins contrainte par les collectivités territoriales en charge des établissements scolaires. Les perceptions et les représentations de ce contexte varient chez chaque individu et chaque famille, en fonction de leur histoire et de leur espace vécu (exemple de lieux répulsifs et attractifs, de stéréotypes et de clichés concernant les lieux). La recherche INEDUC se caractérisant par une démarche comparative, le choix des collèges enquêtés, sur le plan quantitatif, et des espaces de vie analysés, sur le plan qualitatif, a été opéré afin de disposer de trois situations spatiales bien différenciées (en particulier, « urbaine », « périurbaine » et « rurale ») dans chacune des trois académies concernées. Mais afin de mieux appréhender le rôle spécifique des espaces de vie dans la comparaison, ce choix s’est basé, au plan scolaire, sur des établissements aux recrutements scolaires socialement diversifiés, mais dont la somme des élèves se situe, dans chaque académie, globalement dans la moyenne de l’échelle sociale quant aux catégories socio-professionnelles de leurs parents. Cette position moyenne ne préjuge pas pour autant des différences d’origine sociale des élèves au sein de chaque classe ou entre les classes de quatrième d’un même établissement enquêté, ce qui garantit la diversité sociale de l’échantillon de l’enquête quantitative.

La notion de ressource étant souvent, c’est-à-dire dans beaucoup de disciplines, une catégorie de pensée sans contenu a priori, une notion qui permet d’incorporer des éléments des rapports sociaux de pouvoir ou de production, l’approfondissement de sa définition permet une approche interdisciplinaire, plus intégrante des rapports entre disciplines que celle proposée ci-dessus quant à la notion de contexte. Incontournable en géographie pour expliquer la localisation différentielle des êtres humains sur la Terre, devenue « ressource territoriale » pour être mieux partagée avec d’autres disciplines, la notion contient quatre caractères fondamentaux : des attributs de position quant à sa localisation, sa constructibilité (y compris sur le plan symbolique), son inscription dans une complexité de relations (dont les processus d’interaction) et sa temporalité. La partie qualitative de la recherche INEDUC (tâche 3) permet, via une grille d’observation des pratiques et des parcours commentés, de mieux connaître ce qui fait ressource pour les adolescents dans les contextes préalablement étudiés, à l’aune de la qualification des sites de l’enquête qualitative.

La différenciation des espaces et la variété des qualités des lieux contraignent les individus (adolescents et leurs parents) à la mobilité. L’éloignement des autres, de l’habitat, de l’emploi, des écoles et des loisirs implique d’être mobile. Par ailleurs, se déplacer dans l’espace permet d’accumuler un certain nombre de ressources, constituées à la fois de connaissances et de compétences. Bouger dans l’espace (mobilité locale, régionale, nationale, internationale) signifie découvrir de nouveaux lieux, voire être en mesure d’acquérir de nouveaux savoirs, comme la maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères ou la connaissance de plusieurs cultures. Se déplacer permet donc potentiellement d’accéder à des ressources, mais nécessite également de mobiliser des ressources acquises par apprentissage. Il existe un lien entre mobilité spatiale et inégalités sociales (cf. ci-dessus), dans le sens où les classes les plus favorisées seraient celles qui contrôlent le mieux la gestion de la mobilité spatiale. Les échelles spatiales et temporelles de la mobilité sont si nombreuses qu’il est nécessaire de distinguer différents types de mobilités. Ainsi appliqué à la recherche INEDUC, le déplacement peut se définir comme un trajet induit par la dissociation du lieu de scolarisation ou de formation et du lieu de résidence (le domicile) restant dans le cadre de la proximité et ne nécessitant pas un arrangement de l’organisation de la vie quotidienne. La mobilité spatiale scolaire, trajet découlant de la fréquentation d’une école ou d’un établissement secondaire qui dans sa catégorie n’est pas le plus proche du domicile ou qui n’est pas celui du secteur de rattachement administratif, renvoie aux stratégies familiales (voir ci-dessus), de même que la fréquentation des écoles et établissements privés, dont le sens varie aussi selon les contextes régionaux (voir ci-dessus). Les questionnaires de la recherche INEDUC ont permis le recueil des données sur les différents motifs et échelles spatiales, ainsi que temporelles, des mobilités des adolescents et de leurs familles dans les différents contextes de l’enquête.

La notion de justice spatiale est associée à l’objectif de réduction des inégalités et de toutes les formes de discrimination, notamment par la promotion de politiques d’équilibre territorial. Pour autant, l’égalisation des conditions d’existence des individus et des groupes sociaux renvoie à la tension permanente qui traverse les sociétés démocratiques contemporaines, liée à la difficulté de prendre en compte dans sa globalité la diversité au sein des sociétés et de leurs espaces. Pour prétendre réduire les inégalités inscrites dans l’espace, il faut donc agir sur l’ensemble des distances qui séparent les individus entre eux. Le poids des déterminants sociaux et des contraintes structurelles dans la production des inégalités sociales implique une action politique sur l’origine même des injustices, et non pas uniquement sur la distribution des ressources, des services et des équipements. Ce n’est pas l’espace ou le territoire qui produit des inégalités, mais bien les acteurs sociaux et la nature des rapports qu’ils y entretiennent. En effet, les modalités d’accessibilité d’un service ou d’une activité relèvent de configurations sociales et spatiales différentes, concrètes ou subjectives, d’adaptation à des contextes (voir ci-dessus). Ces différentes dimensions constituent les fondements inséparables de toute politique visant à réduire les inégalités sociales. Pour garantir une plus grande justice spatiale, la construction des politiques de régulation doit obligatoirement articuler la réduction des inégalités sociales et la résorption de leurs manifestations spatiales. La recherche INEDUC, dans son analyse des politiques locales visant la réussite éducative (incluant la prise en compte, dans l’échantillon de l’enquête quantitative, d’établissements concernés par le dispositif du Programme de Réussite Éducative, PRE), s’est appuyée sur la qualification des sites de l’enquête qualitative pour apprécier les effets de justice spatiale qu’elles produisent.

La réduction des inégalités ne pouvant s’envisager sans progrès de la part des individus qui en pâtissent, celui-ci renvoie à la notion d’empowerment ou de capacitation, entendue comme ce qui permet à l’individu de renforcer sa capacité d’action en vue d’agir sur la réalité qui l’entoure, et ce en mobilisant les ressources nécessaires. Cette notion pouvant s’appliquer à toute action visant à améliorer l’accès aux ressources et leur mobilisation par des adolescents ou leurs parents, il est nécessaire, dans le cadre de la recherche INEDUC, de fixer des limites à sa convocation. Afin d’éviter toute ambiguïté normative liée à l’individualisation des prises en charge socioéducatives, il est préférable de réserver l’emploi de cette notion aux actions publiques effectuées en dehors des mesures réglementaires ou contractuelles initiées par l’État (comme le PRE). On pourra donner en exemple les actions précises menées par des institutions issues de la société civile, qui peuvent apporter une valeur ajoutée aux adolescents et à leurs parents (association de parents d’élèves, mouvement d’éducation populaire…), ceci en dehors de leur participation à des dispositifs pilotés nationalement.

En conclusion de cette explicitation des liens à établir entre les termes du glossaire, il faut noter que la dimension comparative de la recherche INEDUC, qui est une de ses richesses, ouvre vers un horizon qui se modifie à chaque étape de sa progression. Certains paramètres de ces modifications étaient en partie prévisibles. C’est ainsi que chacun des contextes spatiaux étudiés s’inscrit lui aussi dans une temporalité que l’analyse devra s’efforcer de prendre en compte, en termes de dynamiques sociales inscrites dans l’espace (par exemple, changements récents, ou prévisibles et dans un avenir proche, de l’environnement scolaire ou de celui du lieu de résidence de l’adolescent). Mais toutes les comparaisons ne sont pas immédiatement possibles. L’équipe a déjà éprouvé certaines de ces impossibilités via les contraintes de choix des établissements d’enquête (refus de chefs d’établissement), de longueur des questionnaires… D’autres restent actuellement suspendues à la disponibilité, à une échelle adéquate, de données comparables à celles qui ont été recueillies (questions d’orientation, par exemple). Ce sont autant de pistes pour des recherches futures, auxquelles s’ajoutent les perspectives d’analyse longitudinale à construire à partir des données récoltées. Mais aussi, de manière moins prédéterminable, le glossaire permet, ou tout au moins suggère, de mener ces comparaisons avec l’objectif « d’épuiser les jeux de contraste, les différences de graduation, les emboîtements successifs de formes singulières, les processus de généralisation afin d’éviter toute opposition artificielle entre le registre du particulier et celui de l’universel » (Remaud, Schaub et Thireau 2012, p. 15).

Retour sur l’intérêt d’un glossaire ou la cumulativité dynamique du savoir en actes.

Lorsque l’équipe a débuté le travail sur le glossaire, elle partait du présupposé qu’une opération de normalisation collective du vocabulaire employé permettrait de mieux caractériser l’articulation entre les différentes tâches et méthodologies de la recherche en cours. Qu’en est-il réellement ? Cette démarche de construction de glossaire a-t-elle été pertinente au sein de cette recherche ? Qu’a-t-elle vraiment apporté au collectif qui a mis en œuvre la recherche ? En particulier, de quelle manière le glossaire a-t-il permis d’éviter que les analyses des différents sous-groupes qui ont mené les entretiens sur les neuf sites ne débouchent sur des monographies incomparables, car ayant mal apprécié le risque de l’incommensurable (Remaud, Schaub et Thireau 2012, p. 14) ? Les définitions initiales peuvent-elles être enrichies à l’aune des résultats de la recherche ? La partie suivante propose quelques exemples de réponses à ces questions.

Trois perspectives d’usage d’un glossaire : port d’attache, base de ravitaillement et d’exploration.

Répondre – provisoirement – à ces questions, c’est participer aux réflexions sur la cumulativité du savoir en sciences sociales (Walliser 2009). Rappelons que pour cet auteur, « la notion de cumulativité du savoir exprime simplement la possibilité de comparer deux états du savoir, alternatifs ou successifs, et d’évaluer si on en sait « plus » dans l’un que dans l’autre » (Walliser 2009, p. 7). Pour effectuer cette comparaison, il distingue trois niveaux d’objets conceptuels des corpus scientifiques disciplinaires : ceux des données, des modèles et des programmes d’analyse. Cette distinction alimente l’esquisse de tableau évolutif des apports et nouvelles questions suscitées par la recherche INEDUC qui figure dans notre conclusion, illustrant la manière dont chacun des termes de notre glossaire peut aujourd’hui encore servir de base d’exploration.

Auparavant, nous aurons présenté, parmi les 21 définitions de concepts ou notions retenues dans la construction du glossaire terminé en 2013, cinq d’entre elles (empowerment, inégalités, loisirs, mobilité et usage) qui font l’objet d’une réactualisation illustrant son potentiel de cumulativité dynamique évoqué dans la première partie de l’article. C’est ce que nous résumons par l’image du port d’attache, où viennent s’accumuler les témoins des résultats de nos explorations. Cette réactualisation des cinq définitions n’est pas uniforme. Par exemple, pour « Empowerment » et « Usages », l’actualisation a été importante en matière théorique tout en incorporant également les résultats de la recherche INEDUC, tandis que pour « Inégalités », l’accent a davantage été mis sur les seuls résultats de la recherche pour discuter la définition initiale. C’est aussi le cas pour « Loisirs » et « Mobilité », pour lesquels l’enquête a simplement permis de confirmer, mais aussi de préciser la définition initiale.

Enfin, ou plus exactement, entre ces deux allers-retours de la théorie à l’expérience (passée ou à venir), une analyse de l’apport du glossaire à la rédaction d’une des neuf monographies de sites de l’enquête INEDUC illustre la manière dont les outils d’analyse embarqués pour l’exploration ont pu être mis à l’épreuve de la description d’un des types d’exercices effectués lors de la recherche. Les vicissitudes de la passation, du recueil et de l’interprétation des questionnaires, des entretiens et du déroulement des focus groups auraient pu servir cette illustration, de manière plus classique, mais l’originalité de cette analyse nous a paru mieux à même de rendre compte de l’intérêt de l’usage de notre glossaire dans le cours de l’action de recherche.

Chacun des trois temps de cette seconde partie du texte (conclusion comprise) illustre l’intérêt d’allier l’investigation empirique et la recherche théorique, en évitant à la fois les écueils de la validation confirmatoire des hypothèses causales et le déductivisme (Franck 2009).

Exemples de révisions du glossaire.

C’est ainsi que pour l’article « Empowerment », on remarque qu’au-delà des actualisations théoriques et bibliographiques, les investigations des membres de l’équipe de recherche INEDUC particulièrement chargés de la question des usages des TIC ont abouti à une révision plus circonspecte du contenu de la notion. Le déploiement de la nouvelle définition sur trois versants, général, spécifiquement lié au domaine du numérique, puis précisément appliqué au contexte français dans la recherche INEDUC témoigne, par rapport à la définition initiale, de la prise en compte de la diversité des contextes spatiaux et de l’importance de leur comparaison. L’analyse des données recueillies a ainsi révélé des résultats qui peuvent être objets de généralisation à l’échelle des sites enquêtés (absence de réflexion politique sur les enjeux d’éducation au numérique), de contrastes (opposition ou concordance entre projet de l’établissement scolaire et projet politique municipal), ou de différences de graduation (accompagnement de l’équipement numérique au domicile des adolescents).

Pour « Usages », c’est plutôt la dimension non spatiale des contextes dont l’importance est révélée par l’analyse. Les différences (préférence pour les dessins animés chez les garçons versus les séries filmées pour les filles) et les inégalités (équipement en téléphone portable) de genre, de même que les inégalités sociales, pèsent plus pour expliquer les différences d’usages que les inégalités spatiales (difficultés de connexion en zone rurale). Par ailleurs, la vitesse de l’évolution des usages (apparition récente de nouveaux réseaux sociaux numériques) invite à renouveler fréquemment les analyses, à l’avenir.

Les résultats de l’analyse concernant les « Loisirs » (non numériques) confirment le poids des inégalités sociales tout en les précisant : le cumul des pratiques de loisir (avec, en particulier, une forte corrélation entre fréquentation des musées et multiples départs en vacances) se combine avec l’effet de compensation ou d’aggravation, par les inégalités sociales, des différences ou inégalités spatiales (zones rurales moins équipées).

L’analyse des données d’INEDUC a révélé que les zones rurales sont aussi celles où les difficultés d’accès à la « Mobilité » spatiale sont les plus prégnantes, mais les inégalités dans ce domaine sont aussi importantes entre contextes urbains et périurbains.

Les quatre exemples de référence aux définitions réactualisées qui précèdent convergent pour illustrer l’enrichissement de la définition d’« Inégalités » dans le cadre d’INEDUC, où un système des inégalités commence à se dessiner. À ce stade de l’analyse, les inégalités sociales, via les situations socio-professionnelles des parents des adolescents enquêtés, priment. À l’inverse, les inégalités entre académies des collèges concernés sont mineures, quelles que soient leurs différences. Cependant, à une échelle plus précise, certaines inégalités relèvent nettement d’un effet de contexte spatial. Par exemple, pour les loisirs, les inégalités quant à la fréquence de la pratique sportive, entre adolescents (garçons) collégiens ruraux (moins pratiquants) et ceux des collèges périurbains et urbains (plus pratiquants) sont assez fortes. De même que les inégalités entre adolescentes collégiennes pour la fréquence des pratiques culturelles (opposition surtout entre les élèves des collèges des trois grandes villes et les autres contextes d’enquête). Par ailleurs, si les départs en vacances des adolescents sont corrélés aux catégories socioprofessionnelles de leurs parents, les collégiens d’Aquitaine partent plus fréquemment en vacances l’hiver, tandis que ceux de Basse-Normandie voyagent plus souvent à l’étranger. Ce dernier exemple confirme la complexité de la définition des inégalités. On constate ainsi que le processus de comparaison aboutit, selon les thématiques concernées, à des généralisations, des différences de graduation ou des formes singulières plus ou moins emboîtées.

Le deuxième temps de ce texte, à suivre, est le plus précis quant au glossaire comme outil de partage des acquis des recherches bibliographiques effectuées par chacun de ses participants, et d’usage de ses définitions comme modèles pour l’analyse. Il repère les effets d’étayage, guidage ou balisage qu’a eus le glossaire sur l’écriture d’une monographie de site d’enquête, dans le domaine des loisirs des adolescents et des politiques scolaires ou éducatives locales. Ces effets, explicités infra, illustrent la logique de découverte permise par le glossaire : en effet, posant la question « comment faut-il observer les faits de manière à parvenir à des découvertes scientifiques ? », Robert Franck répond « quant aux expériences que l’on fait, il faut les guider si on veut parvenir à des découvertes » (Franck 2009, p. 76).

Fonctions du glossaire dans l’écriture d’une monographie de site.

Le glossaire a servi à mettre en œuvre la partie qualitative de la recherche, dont les monographies constituent l’élément central. Cette partie qualitative avait pour fonction de cerner l’influence des configurations locales sur les parcours éducatifs d’adolescents. Pour chaque terrain, les chercheurs ont mené des observations et des entretiens individuels et collectifs auprès d’adolescents, de parents, d’élus et de professionnels. Les « monographies de sites » qui en sont tirées obéissent à un plan identique : la caractérisation institutionnelle du site, les pratiques et représentations scolaires sur ce site, les pratiques et représentations numériques, les pratiques et représentations des loisirs culturels et sportifs, enfin une conclusion qui rassemble les principaux résultats observés en matière d’inégalités éducatives. Ce choix de cadrage formel des monographies se combine avec celui de leur structuration analytique au moyen du glossaire. C’est à cet usage du glossaire comme base de ravitaillement que nous nous intéressons maintenant. Comment des éléments embarqués dans les définitions du glossaire permettent-ils d’assurer cette structuration analytique ?

Nous nous appuyons sur le cas d’une des neuf monographies de site, celle qui concerne la ville d’Hérouville-Saint-Clair [7]. Cette commune de 22 000 habitants, située dans l’aire urbaine caennaise et en proche périphérie de la ville centre, est marquée morphologiquement par la ville nouvelle qui y est érigée de 1963 à 1978. Bien qu’en décroissance depuis 1990 (moins 3000 habitants), la population demeure jeune, avec 28,9% des habitants de moins de 20 ans. L’impôt restant un bon indicateur de niveau de vie, il faut constater que, d’une part, le revenu net déclaré moyen par foyer fiscal est au moment de l’enquête beaucoup plus faible à Hérouville (17 730 euros) que dans le département (22 175 euros) ou qu’à Caen (20 685 euros) ; et que, d’autre part, le pourcentage de foyers imposables y est également nettement moins élevé : 47.2% dans la commune (51.6% dans la commune de Caen), contre 52.8% dans le Calvados. La population d’Hérouville Saint-Clair est par conséquent plus pauvre et plus précarisée que la moyenne du département, et que celle de Caen.

Le retour sur la monographie d’Hérouville-Saint-Clair s’attache à deux thématiques : les politiques éducatives et les loisirs des adolescents. Le traitement de ces thématiques permet de cerner trois fonctions qu’a remplies le glossaire dans l’écriture de la monographie : des fonctions de guidage, d’étayage et de balisage. 

Des politiques éducatives à leur dimension spatiale.

S’agissant des politiques éducatives, le glossaire a fonctionné par guidage pour résoudre la question, jugée importante, de la taxinomie de ces politiques. Le guidage est l’indication d’une voie à suivre, et effectivement suivie, par les auteurs de la monographie. Le glossaire a également fonctionné par étayage, pour explorer la dimension spatiale de ces politiques. Dans ce cas, il soutient ou invite à l’exploration de cette direction, sans toutefois prédéfinir une voie à suivre dans l’analyse.

La définition « Politiques scolaires/politiques éducatives » a d’abord une préoccupation taxinomique. Les chercheurs doivent prêter attention à la qualification des politiques locales qu’ils analysent. Par exemple, si toute politique scolaire est éducative, l’inverse n’est pas vrai. En cas de construction d’une médiathèque, devra-t-on parler de politique culturelle ou de politique éducative ? Or il est nécessaire de clairement identifier le périmètre de ces politiques locales pour déterminer si les municipalités enquêtées ambitionnent ou non de lutter, grâce à elles, contre les inégalités éducatives.

Dans le cas d’Hérouville-Saint-Clair, la politique conduite en direction des jeunes peut être qualifiée de politique éducative. Outre qu’elle dépasse le cadre scolaire, elle touche différents domaines tels que l’emploi, le logement et le cadre de vie, l’accès aux équipements culturels et l’animation des quartiers. Elle cherche à relier ces différents domaines au service d’une idée phare : un avenir est possible pour les jeunes à Hérouville-Saint-Clair. L’attention portée à la taxinomie par la définition du glossaire a nettement guidé les auteurs de la monographie dans leur qualification de la politique conduite, ainsi que le montre cet extrait :

« En matière d’éducation, même si les polémiques politiques locales se focalisent sur le scolaire, en contexte actuel de baisse des effectifs scolarisés en collège, la politique en direction des adolescents excède le scolaire pour toucher à l’éducatif, dans un sens large. [Ainsi] la politique éducative traverse ou relie les axes prioritaires de la municipalité, tels que l’élue [en charge des questions éducatives] les a précisés : la jeunesse, l’éducation, l’emploi, le logement. Par exemple, les actions de la municipalité en direction de l’emploi (il existe un maire-adjoint chargé de l’emploi qui organise des matinées de l’emploi, un forum de l’emploi, etc.) ont pour fonction de rendre palpable l’idée qu’il y a un avenir possible dans l’emploi à Hérouville pour ses jeunes. La jeunesse, dit l’élue, c’est aussi l’Agenda 21 et le lien intergénérationnel. En somme, une conception « ouverte » ou « tissée » de la politique éducative : inter-âges de la vie, inter-quartiers, inter-domaines. »

En revanche, le glossaire a étayé plus que guidé l’exploration de la dimension spatiale de cette politique. En effet, la définition « Politiques scolaires/politiques éducatives » ne propose pas d’approche de la dimension spatiale des politiques. Pour trouver une orientation de ce type, il faut aller chercher la définition « Justice spatiale ». À travers l’exemple de politiques locales visant la réussite éducative (Programmes de Réussite Éducative), la définition indique qu’il faudra « apprécier les effets de justice spatiale qu’elles produisent ». Cette définition fournit un cadre d’analyse : « Pour prétendre réduire les inégalités inscrites dans l’espace, il faut donc agir sur l’ensemble des distances qui séparent les individus entre eux .[…] Ce n’est pas l’espace ou le territoire qui produit des inégalités, mais bien les acteurs sociaux et la nature des rapports qu’ils y entretiennent ». Mais les modalités concrètes d’analyse de la réduction ou non des inégalités ne sont pas précisées. C’est, par conséquent, seulement au moment du travail monographique que des choix ont été opérés à propos de l’analyse de l’action sur les distances entre acteurs qui pourrait être mise au crédit d’une politique éducative.

Dans le cas d’Hérouville-Saint-Clair, la monographie explore la dimension spatiale en utilisant les notions de « dispositif spatial » et d’« usages » de ce dispositif, comme l’extrait suivant le montre. 

« Spatialement, cette politique éducative s’adosse au Grand Projet de Ville et au Programme de Rénovation Urbaine (PRU) et se traduit par un quadrillage de l’espace en équipements adressés aux publics d’enfants et d’adolescents. Elle a doté le territoire matériel d’un équipement structurant central : le Pôle Animation Jeunesse (PAJ), et d’un réseau de City-Stades et autres équipements sportifs, auquel il faut ajouter un ensemble d’événements nourri tout au long de l’année (Fête des Communautés, Mini-Olympiades, etc.). Mais il y a aussi l’idée du « fil rouge » (entretien élue) du périscolaire au scolaire primaire puis au collège, réussite éducative liant collège, domicile, bibliothèque, etc., qui tente de concevoir les lieux de l’éducation en un ensemble « connectable ». Resterait à voir si « tout Hérouville » se trouve mis ainsi en relation. Il n’y a par exemple que quatre City-Stades. D’autre part, le rôle de chaque personne présente au PAJ ou dans ses environs est pensé. Les éducateurs vont au-devant des jeunes, inscrits ou non dans la structure, à partir de l’esplanade du PAJ, « au contact » (entretien professionnel). Les animateurs sont dans les locaux et à l’extérieur sur les sites équipés, mais aussi en contact avec les écoles, les clubs, la radio. Il existe aussi un local d’accès libre pour les jeunes avec une simple présence adulte. Le PAJ est enfin un endroit de passage et de dialogue pour les élus.

La question de l’usage de ce dispositif spatial se pose : comment les équipements et encadrements, pensés par les acteurs de la politique pour des adolescents, sont-ils investis par ces derniers ? »

Du glossaire à la monographie, on assiste ainsi à une opérationnalisation de l’approche de la dimension spatiale dans la politique municipale en direction des jeunes. Cela passe par sa qualification comme politique éducative (guidage), puis par le choix de critères d’analyse de sa dimension spatiale (étayage). Plutôt que d’estimer la réduction des distances relatives aux objets, équipements et acteurs susceptibles de soutenir les parcours éducatifs, ainsi que le suggèrerait la définition « Justice spatiale », il s’agit d’apprécier les écarts entre d’un côté les objectifs déclarés d’une politique éducative et, de l’autre, les pratiques observées ou déclarées en rapport avec le « dispositif spatial » qui traduit ces objectifs. 

Des pratiques de loisirs des adolescents à l’analyse de la politique éducative locale.

En ce qui concerne les loisirs des adolescents, la définition « Loisirs » du glossaire a joué une fonction de balisage. On peut définir cette fonction en s’appuyant sur le sens premier qu’elle a en navigation : mettre en place une signalisation servant de point de repère ou indiquant l’obstacle à éviter. Contrairement au guidage, la voie à suivre n’est pas fixée. Il s’agit de l’établir en prenant en compte l’obstacle signalé par la balise. Par différence avec l’étayage, il n’y a pas d’invitation à explorer une direction en particulier, mais l’indication de l’obstacle à éviter. 

En l’occurrence, l’obstacle à éviter est l’idée selon laquelle les pratiques de loisirs seraient fonction des goûts personnels des individus, indépendamment de tout contexte social de formation de ces goûts [8]. Or, les entretiens individuels passés avec des adolescents sur les sites retenus pourraient incliner à un traitement décontextualisé des pratiques qu’ils déclarent et des préférences qu’ils expriment. Ancrée à une sociologie bourdieusienne qui rapporte la formation des goûts aux univers sociaux des individus, la définition « Loisirs » joue donc le rôle d’un garde-fou pour l’étude monographique. À la condition que ce rôle de balise soit respecté, le glossaire ouvre, pour le domaine des loisirs, la possibilité de rapporter les choix des adolescents à des dispositions socialement constituées au regard de l’offre éducative locale et, ce faisant, de les rapporter à la politique éducative municipale dont on peut alors essayer d’estimer l’impact. 

Pour illustrer cette fonction de balisage, nous partons du traitement, dans la monographie, du cas d’un des onze adolescents rencontrés sur le site d’Hérouville-Saint-Clair. Les entretiens ont pour objectif de recueillir des données sur les pratiques et parcours, sur les conditions et contextes, sur le sens et les représentations (de ces et sur ces pratiques) concernant : l’école, les loisirs (sports, hobbies, cultures, vacances, etc.), le numérique. Ces trois thématiques sont interrogées au prisme des espaces de vie et des contextes familiaux (parents, fratrie) et sociaux (dont les pairs). Les entretiens durent entre 30 minutes et une heure. À Hérouville-Saint-Clair, ils ont été passés au Pôle d’Animation Jeunesse (PAJ), dont le responsable a été sollicité pour mettre les chercheurs en contact avec des jeunes susceptibles de leur accorder ces entretiens. La monographie restitue thématiquement le contenu de ces entretiens et, en conclusion, s’essaie à des synthèses par cas d’adolescents et d’adolescentes. En voici un extrait, présentant la synthèse de l’entretien avec Yassine, pour ce qui touche ses loisirs, parmi l’ensemble des pratiques que l’entretien a permis de déceler. 

« Yassine a un ensemble de pratiques plutôt hiérarchisées et focalisées : [il préfère] être dehors avec les copains plutôt que dedans, Facebook pour communiquer avec des copains en Tunisie plutôt qu’Internet, plutôt les sports que des activités culturelles, plutôt le foot que les autres sports. Il dit : « Le football, c’est ma vie ». Il ne dit rien sur des lectures, mais le travail scolaire est important pour lui, pour « devenir un adulte ». [Cet ensemble de pratiques est] plutôt resserré sur Hérouville, mais prolongé à Caen et au-delà par le football. Il habite près du Pôle Animation Jeunesse, au cœur des quartiers de collectifs, et se rend à son club trois arrêts de tram plus loin tandis que son collège est tout près, à pied. Le football l’ouvre aux autres, dit-il, et de fait, il joue en club et suit les équipes plus âgées dans leurs matchs sur la région. Le foot lui permet d’avoir un regard sur la politique locale : il juge l’encadrement du club plus porté sur le social que sur la qualité des équipements. Il lui permet aussi d’avoir l’ébauche d’un regard « politique » : il reproche ainsi au Stade Malherbe Caennais (le club de la ville centre) de regarder vers Paris pour recruter, plutôt que vers Hérouville où il y a de bons joueurs. Il dit qu’il connaît quelqu’un dans ce cas, très bon, mais refusé au Stade Malherbe. Ce qu’il dit fait écho à l’histoire de Youssef El Arabi, jeune footballeur d’Hérouville Saint-Clair, pris à l’essai par le SMC et renvoyé à Hérouville avant de devenir par la suite un excellent joueur finalement repris par Caen, puis jouant en Arabie, enfin terminant sa carrière à Grenade.

[Il justifie] ses choix par l’idée du dépassement : [il veut] devenir adulte, faire des études dans une section choisie au lycée (ES), se faire par soi-même, en n’étant pas aidé, comme sa sœur, dans ses études ; aller au-devant des autres par le football, par les langues vivantes (il a le désir de voir d’autres pays que la Tunisie), etc. […] Les parents sont assignés [dans son discours] à la position sociale dont il veut sortir : il déclare qu’ils ne savent ni lire, ni écrire (le français) et donc que, même si les relations sont bonnes avec eux, ils ne pourront pas l’aider. Il déclare également que le grand frère et la grande sœur non plus ne l’aideront pas […].

C’est une logique de performance qui semble organiser ses activités (en tout cas ses propos). Il dit qu’il doit à ses bons résultats à l’école, le fait qu’il soit plus équipé que son grand frère (il a une TV, un ordinateur et deux consoles de jeu dans sa chambre). « Pour arriver à ça, avoir vite un boulot et devenir un adulte, ma technique, c’est la compétition comme le foot : j’essaie de convertir ça à la compétition et ça se passe bien parce que je suis premier de ma classe. » »

On voit que les choix de l’adolescent ne sont pas rapportés à son seul goût déclaré pour une activité. Si le football est sa pratique sportive de référence, la monographie retient de l’entretien les liens qu’il établit entre différentes formes de cette pratique, ainsi qu’avec d’autres types de loisirs. Les dispositions structurantes à partir desquelles cet adolescent fait le choix du football au sein d’une ample offre locale de loisirs culturels et sportifs, sont caractéristiques d’un jeune Hérouvillais de milieu populaire, dont les parents, d’origine tunisienne, sont déclarés « illettrés » par leur fils. Son cas illustre très certainement un jeu de correspondances entre l’espace de l’offre de football de l’agglomération caennaise et l’espace social local, tel que ce jeu peut être analysé dans une sociologie du sport d’inspiration bourdieusienne (Suaud 1989). Inscrire une partie de ses pratiques footballistiques (deux entraînements par semaine, suivi des équipes du club en déplacement, etc.) dans celles du club omnisports de la ville multiculturelle qu’est Hérouville-Saint-Clair, c’est se construire, dans le même temps que nombre de ses pairs hérouvillais d’ascendance étrangère ou que son grand frère de 17 ans licencié dans le même club, au sein d’un espace d’offre de football où domine la figure historique du club de la ville centre, le Stade Malherbe Caennais [9].

Se pose alors la question de savoir comment la monographie, avec le balisage fourni par la définition « Loisirs » du glossaire, contribue à la réalisation de l’objectif de recherche, à savoir : mettre en regard les pratiques de loisirs des adolescents, cibles de propositions inscrites le cas échéant dans des politiques éducatives locales, avec leur réussite, objective ou subjective, sur le plan scolaire. Le choix du football, chez ce jeune de milieu populaire issu de parents d’origine étrangère, dans cette ville périphérique est un choix conforme à la position de la famille dans l’espace social. Mais ce choix se porte sur une offre structurée par la politique éducative locale. Financés par la municipalité, les city-stades où cet adolescent pratique librement le football ont organisé les pratiques de sport collectif dans les quartiers. Le Pôle Animation Jeunesse qu’il fréquente pour des animations à caractère sportif lui permet de rencontrer des jeunes d’autres quartiers. Ce faisant, l’offre d’animation qui, selon l’élue en charge de la jeunesse et le directeur de la structure, vise à mêler les populations, touche son but. Le club de football où l’adolescent se socialise aussi est identifié par la municipalité comme un acteur du secteur éducatif. Il a été consulté, comme les autres associations, dans la définition de la politique jeunesse de la municipalité. Il est partenaire du PAJ, d’écoles et de collèges de la ville, pour des événements sportifs à l’échelle de la ville, et met en place des animations délocalisées dans les quartiers. 

Il est cependant difficile de décider en l’état, pour cet adolescent, s’il y a réussite ou non en matière éducative. L’idée, chère à la municipalité, de faire exister la ville comme espace de vie plutôt que tel ou tel de ses quartiers semble avoir rencontré un écho, mais l’adolescent ne se projette pas pour l’instant dans un avenir ici, à Hérouville-Saint-Clair. Il met en correspondance son investissement dans le club de football avec sa réussite scolaire. Évoquant cet investissement, il rapproche d’ailleurs sa pratique footballistique des apprentissages en écoles spécialisées (musique, danse, etc.), caractéristiques du temps de la perfection, où se transmet « l’ethos du travail scolaire ou, si l’on préfère, une éthique préconisant une ardeur soutenue et régulière et qui représente un sésame de la réussite » (Zaffran 2011). Pour autant, on doit remarquer que cet adolescent passe à côté d’une offre culturelle plus large (radio, théâtre, arts visuels) portée par la municipalité, et particulièrement incarnée par le directeur du PAJ, artiste plasticien multimédia. Or, certaines des pratiques proposées conforteraient plus sûrement l’apprentissage d’un ethos du travail scolaire, et pourraient ouvrir ultérieurement l’éventail de ses perspectives d’études et de travail.

Du glossaire à la monographie, on assiste, pour les loisirs, à un essai de mise en regard des pratiques individuelles déclarées avec les propositions offertes aux jeunes au titre de la politique éducative locale. La synthèse par adolescent dépasse la mise en liste de leurs activités : elle contribue au repérage des modalités locales d’investissement dans les temps libres et les loisirs encadrés, en fonction des positions sociales des adolescents et de leurs familles dans l’espace social (balisage). Confrontées entre elles, les analyses par cas d’adolescents soutiennent ce repérage et précisent l’impact et les limites de la politique éducative locale, en prenant en compte ses objectifs déclarés.

La rédaction de la monographie d’Hérouville-Saint-Clair doit au glossaire d’avoir permis une exploration des données recueillies, au moyen d’outils d’analyse embarqués de plusieurs manières. Nous avons ainsi passé en revue les fonctions de guidage : un cadre d’analyse et sa mise en œuvre sont fournis dans une définition du glossaire et ils sont appliqués (devoir caractériser les politiques locales en matière d’éducation des jeunes) ; d’étayage : un cadre d’analyse est proposé, mais la mise en œuvre appartient aux auteurs des monographies (opérer un choix d’analyse de la dimension spatiale d’une politique éducative locale) et de balisage : un risque de dérive analytique est repéré, la responsabilité de son évitement revient aux auteurs des monographies (appréhender les pratiques individuelles de loisirs autrement que comme résultant d’un choix portant sur la nature des activités). De la sorte, les monographies ne sont pas seulement du matériau synthétisé. Elles sont aussi un capital analytique que le glossaire a généré sans pour autant toujours le commander de façon extrêmement serrée.

Voici que l’escale au port d’attache se prolonge : même si l’analyse des matériaux apportés par la recherche n’est pas complètement terminée, nous pouvons d’ores et déjà faire le bilan de l’apport du glossaire à la recherche INEDUC. Incontestablement, le glossaire a facilité la construction d’une culture commune nécessaire pour ce projet pluridisciplinaire. Chacune des définitions en témoigne, d’autant plus que leur écriture porte la trace de l’apport de chacune des disciplines de leurs auteurs à leur compréhension commune. Elles ont aussi, lorsque c’était utile, joué un rôle non seulement de guidage, mais aussi d’étayage et de balisage pour la partie qualitative de la recherche. Comme le montre l’exemple choisi pour ce type d’analyse, ce sont aussi les liaisons entre les différents termes du glossaire, explicitées dans son mode d’emploi, qui ont rendu son usage optimal. Enfin, une fois les données récoltées, il s’est avéré assez facile, lorsque c’était pertinent, d’enrichir les définitions initiales. Mais l’apport de la démarche du glossaire ne s’arrête pas là : en effet, le recueil des données, s’il a souvent permis d’affermir l’articulation avec les modèles d’analyse et les programmes de recherche privilégiés dans l’analyse INEDUC, a aussi permis d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche. L’absence de révision des définitions du glossaire ne signifie donc pas nécessairement l’épuisement de leur potentiel heuristique.   

Le tableau n°2 fournit ainsi quelques exemples des questions de recherche qu’il semble nécessaire de poser pour parvenir à « l’épuration, l’intégration et la restructuration des explications en présence d’une nouvelle donnée » (Franck 2009, p. 58) dans le cadre de l’analyse des inégalités éducatives. Il reprend, pour quelques-uns des termes du glossaire, les trois niveaux d’objets conceptuels des corpus scientifiques disciplinaires distingués par Bernard Walliser (cf. supra), qu’il accompagne des nouvelles questions et des projets de recherche futurs que s’efforceront de développer les membres de l’équipe INEDUC.

Certains de ces projets, tels que la construction d’indicateurs d’enclavement, auxquels on pourrait ajouter l’analyse longitudinale des parcours d’une partie des adolescents enquêtés, constituent le prolongement logique des objectifs du projet de recherche INEDUC. Certaines de ces questions sont relatives à des formes de structuration des activités sociales assez contingentes, aussi bien temporellement que spatialement, et pour lesquelles les analyses généralistes restent rares (par exemple des modalités de l’accompagnement périscolaire).

Quant aux questions ou disputes en termes de données, modèles ou programmes d’analyse, elles résultent directement des apports de la recherche (pas encore complètement fixés ici). Sur ce point, les monographies de sites d’enquête restent des sources de données précieuses pour corriger les limites du déductivisme, par une démarche inductive permettant de rectifier certaines des hypothèses relativement classiques qui avaient permis à l’équipe INEDUC d’échapper aux « aléas du financement de la recherche » (Franck 2009, p. 58) et donc de mener à bien le déroulement d’un projet complexe par le nombre de variables prises en compte dans l’analyse. Parmi celles-ci figuraient le partage des contextes spatiaux des collèges, constituant les pôles scolaires des espaces de vie des adolescents enquêtés, en trois types, urbain, périurbain et rural (selon la catégorisation de l’INSEE). Ce choix avait été effectué en toute connaissance du caractère insuffisamment précis de cette typologie, mais était contraint faute d’alternative, surtout compte tenu de la diversité des terrains régionaux (et académiques) choisis. Or, les monographies de chacun des sites d’enquête ruraux ont permis de découvrir de nouvelles données suggérant de nouvelles pistes de recherche.

Par exemple, l’une d’entre elles a attiré l’attention sur trois aspects contingents de la situation des collèges ruraux par rapport à l’accès aux offres culturelles localisées dans les métropoles régionales. Si, d’une manière générale, l’effet des déterminations sociales réduit les inégalités spatiales entre adolescents scolarisés en milieu rural, périurbain ou urbain (ce qui limite la pertinence de la vérification de l’hypothèse « spatiale » à cette échelle topologique), qu’en est-il, à catégories sociales des parents comparables, en dehors des deux extrémités de l’échelle sociale ? On voit alors se distinguer, si l’on en croit les « modèles inverses incomplets » (Livet 2009, p. 34) des professionnels interrogés lors des entretiens [10], des formes diverses de contextes ruraux en fonction des distances métriques aux métropoles (et donc des coûts de transport induits), de la disponibilité des accompagnateurs bénévoles (enseignants ; ce qui pose alors la question de la taille des établissements scolaires…), des politiques de compensation de ces coûts de transport par les collectivités locales, et même des cloisonnements de financements liés aux compétences des différentes collectivités territoriales (voir tableau n°2). D’où les questions adjacentes : comment construire un modèle de la diversité de l’espace rural qui soit adapté à la question des inégalités éducatives ? Existe-t-il un modèle d’analyse des politiques scolaires/éducatives à l’échelon régional applicable à cette question ? Quels seraient les enseignements d’une recherche sur la cumulativité additive des données relatives aux cloisonnements des financements de l’offre de transport public ? Les contenus des colonnes de notre tableau n’interrogent-ils pas les rapports entre disciplines ? Ce serait alors une preuve que « c’est sans doute par le chemin de la méthodologie que nous pouvons espérer aujourd’hui contribuer à faciliter les découvertes dans les sciences sociales » (Franck 2009, p. 77). Espérons que la recherche sur les inégalités éducatives sera suffisamment interpellée à son tour par le spatial turn pour que ce type de démarche se développe.

Définitions du glossaire.

Adolescent.

Auteur : INEDUC.

Contexte.

Auteur : INEDUC.

Éducation.

Auteur : INEDUC.

Environnement numérique.

Auteur : INEDUC.

Institutions scolaires.

Auteur : INEDUC.

Justice spatiale.

Auteur : INEDUC.

Orientation scolaire.

Auteur : INEDUC.

Parcours.

Auteur : INEDUC.

Politiques scolaires / Politiques éducatives.

Auteur : INEDUC.

Projet (d’orientation).

Auteur : INEDUC.

Ressources.

Auteur : INEDUC.

Réussite (scolaire / éducative).

Auteur : INEDUC.

Socialisation.

Auteur : INEDUC.

Stratégies familiales d’éducation.

Auteur : INEDUC.

Temps libre.

Auteur : INEDUC.

Inégalités.

Auteurs : INEDUC, Gérard Boudesseul, Isabelle Danic, Louisa Plouchart et Régis Keerle.

Loisirs.

Auteurs : INEDUC, Barbara Fontar et Christophe Guibert.

Mobilité.

Auteurs : INEDUC, Christophe Guibert et Lionel Guillemot.

Empowerment.

Auteurs : INEDUC, Mickaël Le Mentec.

Usages.

Auteurs : INEDUC, Barbara Fontar et Pascal Plantard.

Résumé

De janvier 2012 à octobre 2015, le programme financé par l’Agence Nationale de la Recherche portant sur les inégalités éducatives et la construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie (acronyme INEDUC) a regroupé une vingtaine de chercheurs de plusieurs disciplines : des géographes, des sociologues, des chercheurs des sciences de l’éducation et des sciences de l’information ainsi que de la communication. En raison de son approche volontairement interdisciplinaire, l’équipe a pensé nécessaire de partager une culture commune sur les notions et les concepts inhérents à l’objet de recherche, ce qui a abouti à la constitution d’un glossaire, dont la fonction a été réinterrogée à l’issue de la recherche.

Bibliographie

Bhola, Harbans. 1983. « L’éducation non formelle en perspective » Perspectives – revue trimestrielle de l’éducation, vol. 45 : p. 49-59.

David, Olivier. 2010. « Le temps libre des enfants et des jeunes à l’épreuve des contextes territoriaux : les pratiques sociales, l’offre de services, les politiques locales » Dossier en vue de l’habilitation à diriger les recherches en géographie, Université Rennes 2.

Franck, Robert. 2009. « Allier l’investigation empirique et la recherche théorique : une priorité » in Walliser, Bernard (dir.). La cumulativité du savoir en sciences sociales, p. 57-84. Paris : Éditions de l’EHESS.

Haut Conseil de l’Éducation. 2008. « L’orientation scolaire » Rapport.

Livet, Pierre. 2009. « Cumulativités et dynamiques des sciences sociales » in Walliser, Bernard (dir.). La cumulativité du savoir en sciences sociales, p. 23-56. Paris : Éditions de l’EHESS.

M@rsouin. 2010. « Évolution de l’équipement technologique des ménages bretons entre 2006 et 2009 : chiffres clés » Rapport.

Maurin, Louis. 2018. « Qu’est-ce qu’une inégalité ? » Observatoire des Inégalités, Analyses.

Remaud, Olivier, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau. 2012. « Pas de réflexivité sans comparaison » in Remaud, Olivier, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau (dirs.). Faire des sciences sociales. Comparer, p. 13-20. Paris : Éditions de l’EHESS.

Suaud, Charles. 1989. « Espace des sports, espace social et effets d’âge. La diffusion du tennis, du squash et du golf dans l’agglomération nantaise » Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 79 : p. 2-20.

Walliser, Bernard. 2009. « Avant-propos » in Walliser, Bernard (dir.). La cumulativité du savoir en sciences sociales, p. 7-22. Paris : Éditions de l’EHESS.

Zaffran, Joël. 2011. « Le « problème » de l’adolescence : le loisir contre le temps libre », SociologieS, Dossier « Théories et Recherches ».

Notes

[1] On envisageait la place du jeune dans sa fratrie au sens large du terme, y compris dans les familles recomposées.

[2] Ont participé à ce collectif Gérard Boudesseul, Patrice Caro, Isabelle Danic, Olivier David, Christophe Guibert, Lionel Guillemot, Magali Hardouin, Régis Keerle, Mickaël Le Mentec, Agnès Grimault-Leprince, Pierre Merle, Céline Piquée, Pascal Plantard, Louisa Plouchart-Even, Rémi Rouault, Marc Rouzeau, Eugénie Terrier et Céline Vivent.

[3] Pour Pierre Livet, la cumulativité additive « tient à ce qu’une discipline produit des résultats qui s’ajoutent les uns aux autres sans que jamais un résultat suivant n’amène à devoir retirer ou exclure un résultat précédent du champ du savoir » (Livet 2009, p. 23).

[4] Dans les trois régions retenues (Aquitaine, Basse-Normandie, Bretagne), un questionnaire (66 questions, plus 34 questions conditionnelles), a été rempli par tous les adolescents scolarisés en quatrième (N=3356) dans 36 collèges (10 en Aquitaine, 13 en Basse-Normandie, 13 en Bretagne) choisis sur plusieurs critères : le milieu (rural, péri-urbain, urbain), le régime juridique (privé sous contrat d’association avec l’État/public), la composition sociale des familles. Un autre questionnaire a été rempli par ceux des parents des élèves enquêtés qui l’ont souhaité (N=1043). Enfin, une enquête qualitative complémentaire a été centrée sur trois sites dans chacune des trois régions, soit neuf sites, pour qualifier les contextes de vie des adolescents, leurs pratiques scolaires et celles de temps libres. Des entretiens avec des élèves (N=78) et leurs parents (N=28), avec des professionnels (N=20), des élus (N=9), 14 focus-groupes (5 de garçons, 5 de filles et 4 mixtes) et des observations de la fréquentation des lieux de regroupement d’adolescents dans l’espace public ont permis de rédiger neuf monographies de sites (Cambo-les-Bains, Floirac et Monflanquin en Aquitaine ; Ploemeur, Pontrieux et Rennes en Bretagne ; Deauville, Hérouville-Saint-Clair et Villedieu-les-Poêles en Normandie) qui clarifient les liens entre inégalités de pratiques éducatives et espaces de vie des jeunes.

[5] Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté.

[6] La cohorte est définie par l’ensemble des individus qui ont vécu le même événement initial au même moment ou au cours de la même période relativement courte. Par exemple, 16 % des élèves qui entrent dans la filière technologique au collège y restent jusqu’à leur sortie, avec ou sans l’obtention d’un bac technologique. Dans la cohorte inversée ou rétrospective, l’événement constitutif de la cohorte est un point d’arrivée et l’analyse consiste à revenir en arrière pour comprendre comment les entités qui forment la population étudiée en sont arrivées là.

[7] Le travail de terrain et la rédaction de la monographie ont été assurés par Patrice Caro, Christophe Guibert et Jean-François Thémines.

[8] « Il s’agit [les activités de loisirs] dans tous les cas d’une démarche volontaire, investissant un espace-temps dégagé de toute contrainte professionnelle, familiale ou domestique. Ce n’est donc pas tant la nature des activités qui préside à la définition des loisirs que l’exercice d’un apparent libre-choix de la part des individus. On ne peut toutefois faire l’économie d’une prise en compte des positions sociales des individus dans l’espace social pour saisir les modalités d’investissement dans les temps libres et les loisirs (qu’ils soient culturels, sportifs, artistiques, touristiques, etc.) » (définition « Loisirs »).

[9] De ce club, créé en 1913 et obtenant le statut professionnel en 1985, Yassine déclare par exemple : « J’aime pas trop Malherbe. Ils vont recruter dans les villes voisines alors qu’ici il y a du très bon potentiel. Ils vont recruter à Paris. Ils nous donnent pas notre chance. Ils en prennent pas beaucoup à la fin : j’ai un copain qui a été choisi et à la fin ils l’ont pas repris, alors qu’il est bon. »

[10] Pierre Livet rappelle que « les difficultés des sciences sociales tiennent à ce qu’elles doivent tenir compte, dans leurs explications des phénomènes sociaux, de la manière dont ces phénomènes collectifs sont influencés par les modèles que se font les acteurs sociaux de leur société, alors même que ces modèles, qui appartiennent à la catégorie dite des « modèles inverses » sont incomplets » (Livet 2009, p. 25). Dans l’exemple ici proposé, on peut supposer que tel professionnel ne connaît peut-être pas toutes les sources de financement possibles, surestime l’importance d’une visite physique d’un musée par rapport à sa visite virtuelle (par exemple), etc.

Auteurs

Partenariat

Sérendipité.

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