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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

Au poil !

De bonnes raisons pour se faire des cheveux

Source : Wikipedia Commons

La presse s’en est fait l’écho depuis quelque temps, certaines top models ont décidé de ne plus s’épiler les aisselles ou les jambes et de le faire savoir, y compris par l’image. Vous pensez peut-être qu’il n’y a là qu’anecdote. Nous pensons au contraire que si ces statues vivantes, ces icônes de la perfection des corps basculent dans le touffu, le sauvage et l’approximatif, il s’agit d’un événement majeur. Voici pourquoi.

De quoi parlons-nous ? Il y a bientôt trois ans, nous avions inauguré cette chronique en parlant de cheveux. La réalité nous impose de reprendre le fil, mais dans une perspective presque inverse. Si, comme nous l’avons également évoqué dans cette rubrique, le tatouage est une pratique qui, même quand elle devient massive, n’est jamais anodine, il en va différemment de la culture du poil. On sait que des artistes peuvent payer très cher la peau d’un individu, comme on le voit dans le film de Kaouther Ben Hania, L’homme qui a vendu sa peau (الرجل الذي باع ظهره‎, 2019) où un dos tatoué est vendu en viager pour le prix d’un appartement. Avec le poil, on est, en apparence, loin de la brutalité du marché des arts plastiques.

En apparence, seulement. Les poils peuvent aussi se vendre pour faire des perruques, les produits pour les cheveux sont aussi nombreux que tous les autres produits cosmétiques réunis et le traitement des cheveux crépus peut coûter fort cher dans les salons de coiffure du Monde entier. On sait aussi, grâce à Samson le nazir (une sorte de sâdhu hébreu) et à son ex, la Philistine Dalila, que les cheveux peuvent être la source d’un pouvoir considérable. On sait encore que le musical bien nommé Hair (Gerome Ragni, James Rado, Galt MacDermot, 1967) a constitué un emblème incontesté des révolutions de la fin des années 1960.

Cependant, dans l’ensemble, l’avantage des poils, c’est qu’ils sont dotés d’une énergie renouvelable qui profite, à peu d’exceptions près, à chaque humain : le corps les produit en permanence, gratuitement et sans douleur. C’est, avec les ongles, un cas spécifique de l’usage ornemental du corps. Dans les autres cas, l’organisme biologique des humains constitue pour le moi un environnement vulnérable qui impose la prudence, sous peine de graves dangers potentiels. Bien que partie intégrante du corps, le poil, lui, se laisse traiter comme un objet indépendant. Il a droit à une palette de couleurs propres : le « blond » et le « roux » lui sont réservés, « châtain » veut dire brun et, par défaut, « brun » veut dire noir. Même quand on l’élimine radicalement, il n’est pas une menace. Organe vivant pourvu de fonctions plus ou moins utiles à la survie, il n’est jamais farouche, on peut en prendre soin mais aussi le détruire à loisir. C’est une machine biologique efficace à la disposition de chacun pour des dizaines d’années.

Il s’agit d’un phénomène tellement massif et tellement diversifié que la compétence encyclopédique mobilisée à chaque Riens du tout n’y suffira peut-être pas cette fois. Le poil est une vertigineuse aubaine qui lance un défi au chercheur et aux paresses intellectuelles qui le tenaillent chaque fois qu’il désespère de pouvoir embrasser par la raison l’extrême foisonnement du monde.

Le silence de la géographie des mots

Pour y voir clair, commençons par les mots. Les langues n’ont pas eu un poil dans la main lorsqu’il s’est agi de fabriquer des images. Sans même parler des cils et des sourcils, les poils sont présents dans une multitude de métaphores dans une multitude de langues, souvent avec des inspirations similaires [1]. Un peu partout, ces petits filaments organiques sont partie prenante des mêmes imaginaires.

Il ne faut pas se cacher, par ailleurs, qu’une frontière majeure sépare les langues au sein du continent velu. En chinois, en turc, en hindi, en malais-indonésien et dans les langues romanes, le poil et le cheveu sont deux morphèmes distincts, même si chaque locuteur garde plus ou moins en tête que les cheveux appartiennent à la famille des poils. Les animaux et les hommes ont des poils, mais seuls les humains ont des cheveux. Inversement, en russe, en japonais et en anglais comme dans les autres langues germaniques, il n’y a qu’un mot, même s’il est admis que les cheveux sont des poils ayant leur spécificité. Le partage partiel du terme avec les animaux indique en tout cas une hésitation sur le classement des espèces, les humains étant parfois à part, parfois non. Si la langue déterminait la pensée [2], le Monde se diviserait non seulement en paroles mais aussi en actes en ces mêmes deux camps dans son rapport à la pilosité. Pourtant, rien n’indique que l’usage du peigne, de la brosse, des ciseaux, du rasoir ou de la pince à épiler, change, pas plus que l’image que les habitants ont de leur pelage, lorsque l’on passe, à Bruxelles, d’un quartier francophone (poil/cheveu) à un quartier néerlandophone (haar). Admettons-le, si nous espérions ranger les poils par le seul recours à la langue, nous aurions fait fausse route : la géographie des champs sémantiques du poil et du cheveu n’a guère de sens.

Sous le signe du poil

Pourtant, ce passage par la linguistique permet d’entrevoir une autre ressource grâce à un autre langage, celui du poil lui-même : il est suffisamment varié et ouvert pour permettre à des significations les plus divergentes de se manifester. On l’a vu récemment avec l’apparition de la barbe comme marqueur générationnel en Occident alors même que la barbe « islamique », à peine différente, connaissait aussi un certain succès. Le caractère arbitraire du signe (un « mot » peut ressembler morphologiquement à un autre mot et avoir un sens totalement distinct) est patent mais aussi le fait que les sens les plus divers peuvent être exprimés avec le même « alphabet ».

Si on se concentre, dès lors, sur les significations des agencements des poils et des cheveux dans l’espace du corps, on constate que, ici aussi, on a affaire à un langage et non à un message. Les permanences sont rares, sinon inexistantes. L’arbitraire du signe, c’est-à-dire l’orthogonalité entre matériel linguistique et sémiologie y règne, comme dans les langues. Ainsi, chez les chrétiens comme dans le bouddhisme, la tonsure est souvent associée au statut de moine, sauf que certains d’entre eux, qui deviennent des ermites, arborent une longue barbe et une chevelure hirsute. Une variante à l’intérieur d’un groupe pourtant bien distinct des autres se traduit donc par une différence spectaculaire dans le traitement du poil. Inversement, les barbes courantes chez les hommes plutôt jeunes et diplômés dans l’Occident contemporain se distinguent assez peu, parfois pas du tout, des barbes des islamistes conservateurs, qui vivent parfois dans les mêmes quartiers qu’eux. Cette fois, la différence morphologique faible porte une divergence de sens très marquée. Les synonymes et les homonymes existent bien aussi dans la langue du poil.

Y a-t-il néanmoins des constantes qui transcenderaient les espaces-temps du poil et du cheveu ? Par exemple, la chevelure longue et épaisse portée par les humains de genre masculin serait-elle le signe d’un moindre raffinement en comparaison des cheveux courts ? Que dire alors de la natte combinée au rasage d’une partie du crâne, imposée la dynastie Qing (1640-1911) pendant près de trois siècles aux hommes chinois qui, jusque-là, avaient coutume de laisser pousser leurs cheveux ? La natte était une coutume mandchoue, héritée de la dynastie Jin de Chine du Nord (1115-1234), qui l’avait elle-même reprise d’une pratique courante dans le peuple turco-mongol nomade des Jürchen. Pour les insurgés du 19e siècle, la natte était vue comme un signe de la sauvagerie des Qing et devint un marqueur politique clair pour les insurgés, qui finirent par l’emporter en 1911 et établir la république. Cette année-là, dans le Guangdong, 200 000 hommes se coupèrent la natte le même jour pour célébrer la victoire de la civilisation sur la barbarie (Wang, 2017).

Par rapport aux femmes, les hommes traiteraient-ils la coiffure avec plus de discrétion ? On en doutera lorsque l’on notera que la perruque, une mode française à l’origine, fut imposée deux siècles durant aux cours d’Europe, dans un contexte où l’extravagance des apparences est la plus marquée du côté masculin.

La barbe et la moustache seraient-ils, comme l’affirme Jean-Marie Le Gall (2011), un marqueur permanent de virilité ? C’est peut-être vrai dans le cadre historico-géographique qu’il étudie (la France de l’Ancien Régime), mais, certainement pas dès qu’on en sort. Les empereurs romains, qui semblent avoir été le plus souvent clairs sur leur identité de genre, ont été glabres d’Auguste (27 avant J.-C.-19 après J.-C) à Trajan (98-117 après J.-C.), plutôt barbus d’Hadrien (117-138) à Constantin (306-337), qui se rase la barbe en se convertissant, glabres ensuite, du moins pour l’Empire d’Occident. Les hommes de pouvoir contemporains manifestant des tendances autocratiques et qui affichent sans complexe leur virilité, voire leur machisme, tels Recep Tayyip Erdoğan, Vladimir Poutine, Jair Bolsonaro, Donald Trump ou Rodrigo Duterte (sans parler de Xi Jinping) n’arborent pas de poils sur le visage. Les contre-exemples d’Ali Khamenei (pour qui la barbe fait partie de l’uniforme imposé par la fonction d’ayatollah) et de Narendra Modi (qui trompe son monde en présentant une barbe de papi bien sage) ne sont guère convaincants.

Les ethnographes ont montré l’incroyable variété des traitements du poil et du cheveu dans les sociétés africaines, asiatiques ou amérindiennes et l’impossibilité, en ce domaine, de trouver un petit nombre de catégories se prêtant à une interprétation commune, comme cela a pu être fait avec les systèmes de parenté. L’ouvrage collectif Histoire du poil (Auzépy et Cornette, 2017 [2010], p.9) tient la promesse proclamée dans l’introduction : « Ceci n’est pas un livre barbant », et d’abord parce qu’il propose une visite du monde du poil dans sa stupéfiante diversité. On y découvre, par exemple, que dans l’Empire byzantin (395-1453), il y a trois genres, les hommes, les femmes et les eunuques, et c’est par le traitement des poils (barbe ou non) et des cheveux (courts ou longs) qu’il est possible de placer chaque personne rencontrée dans la bonne case, en limitant le risque d’erreur. Un vocabulaire simple, mais des combinaisons variées pour des significations multiples, tels sont les paysages complexes de la présentation de soi que nous offrent poils et cheveux.

L’être-poilu : trop ou pas assez humain ? 

L’absence de signification évidente de tel ou tel aménagement pileux impose, si l’on veut tout de même dire par le poil des choses claires, des coups de force pour faire accepter la traduction du langage du poil dans la langue courante : « Telle coiffure, barbe ou moustache signifie ceci et pas autre chose, c’est moi qui vous le dis ! ». Cette possibilité a été utilisée par ceux qui souhaitent diviser l’humanité en groupes stables, étanches et imposés à leurs membres, les communautés, et définir les frontières de ces groupes, en assignant aux poils de les respecter et de les conforter en existant ou en disparaissant, en se montrant ou en se cachant.

Toute une famille de discours a ainsi visé à découper des communautés en déshumanisant certains humains. Il y avait les vrais humains et ceux qui ne l’étaient pas tout à fait, et c’était leurs poils qui les trahissaient.

Or, imposons-nous ici une nouvelle halte, le poil unifie l’humanité et même la banalise. La pilosité se rencontre en effet partout dans le monde vivant, chez les animaux mais aussi chez les végétaux (on les nomme trichomes en botanique, et ils ont souvent une fonction de protection ou d’absorption) et même, sous forme de flagelle, chez les êtres frustes que sont les organismes eucaryotes unicellulaires comme les paramécies, les amibes ou les algues vertes ou chez des procaryotes comme les bactéries « à Gram négatif », souvent couvertes de pili, un terme qui n’est autre, en latin, que le pluriel de pilus, le poil. On ne les dira jamais assez : les barbes sont pleines de bactéries, mais celles-ci sont elles-mêmes barbues.

Il y a plus préoccupant. Quasiment toutes les 6 495 espèces de mammifères sont dotées de poils, qui vont de la fourrure soyeuse et enveloppante à la carapace de piquants ou d’écailles, contribuant à créer une homéothermie interne aux organismes, à la différence, des animaux « à sang froid », comme les reptiles, les amphibiens ou les poissons. Sept seulement seraient imberbes, dont l’étonnant rat-taupe nu qui n’est justement pas homéotherme, ce qui en fait un mammifère passablement dissident. En matière de pilosité, Homo sapiens se distingue donc peu de ses cousins évolutifs, y compris des singes qui ont souvent plus de poils sur la face antérieure du crâne (qui est appelé « visage » chez les humains) mais parfois moins sur d’autres parties du corps.

Lorsque les Européens se mirent à explorer systématiquement l’écoumène terrestre, ils crurent pendant un temps que la théorie du poil permettrait de justifier un racisme propice au colonialisme : les « primitifs » hyperpoilus rencontrés ici ou là offraient le « chaînon manquant » entre le singe et l’homme. On était d’autant plus humain qu’on était imberbe. Cette idéologie était aussi très présente en Chine, dont les habitants présentent une faible pilosité, d’où l’idée que la domination des « Blancs » couverts de poils n’avait aucune légitimité naturelle. Pour les Européens, en revanche, il y avait un problème. Parmi les « primitifs », certains étaient plus poilus, mais d’autres beaucoup moins qu’eux.

Comment s’accommoder de ce constat ? Il fallait inventer des théories plus alambiquées qui dévaloriseraient les sans-poils tout autant que les hirsutes. Buffon relia ainsi la pilosité faible des Amérindiens à une supposée impuissance sexuelle qu’il expliquait par le climat et l’alimentation. Autour de 1860, Johan Meckel et Étienne Serres présentèrent la thèse du parallélisme, qui sera ensuite généralisée par Ernst Haeckel en théorie de la récapitulation : la phylogenèse [l’évolution] récapitule l’ontogenèse [le développement d’un organisme]). Pour Meckel et Serres, les êtres inférieurs atteignent à l’âge adulte un stade correspondant à l’enfance chez les êtres supérieurs : ainsi expliquèrent-ils que des êtres peu poilus, comme les adultes noirs, souffrent d’une immaturité qui les rapproche des enfants blancs.

Les conjectures bioclimatiques ont beaucoup fleuri dans diverses représentations du Monde, de la Grèce antique à Montesquieu. La causalité par le poil se trouvait bien au chaud dans ces paradigmes fonctionnalistes et évolutionnistes. L’« anthropologie physique » perdit pourtant de son influence, au fur et à mesure qu’on découvrait la complexité des sociétés sans État et l’absence de lien entre apparence physique et organisation sociale, mais cette démarche résista pendant des décennies dans les secteurs les plus arriérés des sciences sociales. Ainsi, dans ses Principes de géographie humaine, publiés après sa mort en 1922, Paul Vidal de La Blache définissait le « Yankee » [habitant des États-Unis] comme un type racial marqué par son « long et maigre cou » et « sa chevelure plate et lisse » qu’il attribuait à l’hygrométrie. Plus sérieusement, en 1876, Cesare Lombroso avait fondé, avec L’uomo delinquente, l’« anthropologie criminelle » qui associait au délinquant de multiples caractéristiques héréditaires, dont des cheveux épais et bouclés. Dans le même esprit, l’anthropologue Earnest Hooton notait en 1939, dans The American Criminal, que les grands délinquants ont les poils et les cheveux plus fins que la moyenne et que ceux-ci sont plus souvent de couleur brun-roux.

Arborescences communautaires

Certaines communautés sont fabriquées pour le seul besoin de la « théorie ». D’autres sont conjoncturelles comme celles qui, dans la France de la Première Guerre mondiale, dissociaient les « Poilus », qui souffraient au front au point de ne pouvoir se raser, des « Embusqués », qui se pomponnaient à l’arrière.

Le poil communautaire a pour mission de faire sortir les humains de l’histoire. Christian Bromberger (2010) a organisé son enquête sur les cheveux et les poils en commençant par les allégeances liées au statut : genre, ethnie, classe avant de s’intéresser aux logiques éthico-esthétiques qui évoluent dans un autre registre et d’autres temporalités.

En comparaison d’autres organisations, l’islam présente une spécificité en associant le principe de pureté, qui existe dans toutes les logiques communautaires afin de bien marquer la différence entre « nous » et « eux », à la propreté et à la santé, en donnant une mission bien précise à la spatialité corporelle du poil. Pour être brefs, nous dirons que les poils retiennent sur la peau les émissions corporelles antithétiques à l’hygiène et que les hommes comme les femmes doivent s’épiler, raser ou au moins raccourcir aux ciseaux leurs poils des aisselles et de la zone génitale. Ces pratiques en acquièrent une signification sexuelle, au moins connotative. Dans le Coran et de nombreux hadiths convergents, la religion musulmane porte également beaucoup d’attention à ce que le mariage soit régulièrement validé par des rapports sexuels réguliers et, dans une culture érotique, surtout masculine, où la composante visuelle compte beaucoup, les corps glabres peuvent y aider, comme le confirment de nombreux traits de la culture islamique, tel le hammam, où le soin du poil occupe une grande place, conservant un rapport lointain, voire légèrement conflictuel, avec les normes religieuses. C’est dire que la labilité de la sémantique du poil permet aussi du jeu dans l’application des règles, ce que Roland Barthes (1967), à propos de la mode, a nommé switcher, cet opérateur de glissement d’un sens vers un autre. Un peu comme si le poil, obéissant en apparence, offrait, même dans les institutions les plus totales, des marges de liberté. La force du poil, c’est au fond de mettre à disposition son matériel langagier pour toutes sortes de marquages communautaires, une sorte d’« intersectionnalité » faite d’allégeances essentialisées mais multiples.

La Turquie contemporaine (Fliche, 2017) est un bon cas d’études pour comprendre comment peut fonctionner une arborescence du poil à la fois stricte et multidimensionnelle. La distinction première sépare les hommes des femmes mais, parmi les femmes, la visibilité ou l’invisibilité des cheveux distingue les islamistes des kémalistes. Chez les hommes, c’est d’abord la moustache qui sert de séparateur : les modernistes n’en portent pas, celles des Loups gris (extrême droite nationaliste) sont dessinées « à la Gengis Khan » tandis que celles des communistes ou des Kurdes sont taillées « à la Staline ». Enfin, de manière moins catégorique, le port de la barbe sépare certains pieux des laïques, et le bouc permet aux sunnites de repérer les alévis même si ce peut être aussi une marque juvénile.

Parmi les principes communautaires qui organisent la partition forcée de la société en groupes non choisis, il faut accorder une attention particulière à la sexuation, celle des hommes et celle des femmes, assise sur le critère biologique du sexe. Les genres ainsi fabriqués constituent le découpage le plus largement imposé dans l’histoire de l’humanité, en complémentarité avec le classement jeunes/vieux, qui lui s’inverse au cours de la vie, tandis que, jusqu’à il y a peu, être un homme ou une femme était une caractéristique s’appliquant à la vie entière. Or ce découpage n’est pas si simple car, d’abord, il existe une zone grise significative dans la biologie du sexe et, surtout, les différences visibles sont rarement décisives. Si les hommes et les femmes cherchaient à se ressembler par le vêtement ou le maquillage, ce ne serait pas si difficile, mais cela aurait posé jusqu’à récemment un double problème car cela n’aurait pas été favorable à l’hétérosexualité, jugée nécessaire à leur survie par des sociétés fragiles et, en outre, cela aurait incité à l’égalité de genre, une option contradictoire avec un système inégalitaire dominé par les hommes. La différenciation obligatoire et l’inégalité sont ici indissociables. Or les poils jouent un rôle fondamental en incorporant dans le corps lui-même cette dichotomie et en contribuant à naturaliser l’inégalité. La sexuation passe par l’obsession de la topologie : une « femme à barbe » a longtemps été une bête de foire tandis qu’un homme imberbe était forcément « efféminé ». Mais c’est surtout dans les pratiques que se joue la fabrication des séparations.

Celles-ci portent notamment sur le fait que l’appariement est en fait un « échange des femmes » (selon la formule de Claude Levi-Strauss) opéré par les hommes, ce qui fait des femmes des produits sur un marché. La recherche de meilleurs atouts dans la compétition afin d’être choisie et d’éviter l’exclusion sociale a longtemps constitué un trait majeur de la vie des femmes, et cela n’a pas complètement disparu même dans les sociétés qui ne se reconnaissent plus explicitement dans ces pratiques. Aussi, parmi les traits les moins variables de la sémantique du poil, se trouve l’incitation permanente pour les femmes à travailler leur cheveu afin de le rendre attirant et de contribuer, en en faisant un élément fort de leur « silhouette », à rendre l’ensemble de leur corps séduisant. Cela paraissait si évident dans les sociétés configurées selon ce modèle sexiste qu’il fallait un contrepoids pour éviter une perte de contrôle sur la sexualité. Dans la tradition chrétienne, la femme doit cacher ses cheveux à Dieu, sinon, cela pourrait être mal interprété. Le foulard islamique, qui est une extrapolation discutée de ce que dit le Coran (sourates 24 et 33) sur la pudeur, les cache, plus prosaïquement, aux hommes. Dans certaines communautés juives « orthodoxes » [intégristes], les femmes portent le sheitel, une perruque – paradoxale car elle peut être faite de cheveux humains brillants et soyeux – pour cacher leurs vrais cheveux au reste du monde.

Ce que le système de différenciation obligatoire des genres nomme « féminité » passe par une exhibition plus ou moins discrète mais toujours présente du corps des femmes, avec une présence immédiate et puissante des cheveux. Pour une part en raison de l’instabilité de leurs coiffures, plus fréquente que chez celles des hommes, les femmes se touchent les cheveux pour les arranger, les caresser ou les montrer, jusqu’à la trichotillomanie, ce trouble compulsif consistant à se tripoter les cheveux jusqu’à l’alopécie, c’est-à-dire de provoquer leur chute. La plupart du temps, on s’arrête avant, mais, pour une femme, détacher ses cheveux, ne serait-ce que pour mieux les rattacher est considéré par beaucoup comme une invite sexuelle claire, mais non infamante. Une étude systématique des gestes, des attitudes, en situation de séduction montre que les mouvements des cheveux se révèlent les plus courants après le regard pour attirer le partenaire potentiel (Moore, 2010).

Les malheurs d’une blonde

À ce moment du parcours, un dernier point fixe s’impose, fort délicat mais nécessaire, pour tenter de répondre à une question lancinante : une théorie des blondes est-elle utile ? Partons d’un constat : l’idée que la couleur des cheveux soit prédictive du caractère est si courante qu’on n’y fait plus, à tort, attention. Le couple « belles » blondes/brunes « piquantes » exprime l’idée que la qualité des premières se mesure par le regard, celle des secondes dans l’action. Cette opposition, on la voit déjà en 1761 dans La Nouvelle Héloïse. Ici comme dans d’autres de ses œuvres, Jean-Jacques Rousseau a été tout sauf révolutionnaire. Mais l’enjeu est plus fondamental et donne à la pilosité un autre rôle que celui d’indicateur d’un style personnel. « Being blonde is a full-time job » a révélé en 2015 Kim Kardashian. Dans la même veine, on trouve La revanche d’une blonde (Legally Blonde, Robert Luketic, 2001) et La blonde contre-attaque (Legally Blonde 2, Charles Herman-Wurmfeld, 2003), de même que « Les brunes comptent pas pour des prunes » (Jacques Duvall, Marc Moulin, Lio, 1986) et bien sûr l’emblématique comédie musicale Les hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, Gentlemen Prefer Blondes, 1953).

N’oublions pas que durant des siècles, ce sont les hommes qui se préoccupaient de leur reproduction, les femmes n’étant que des outils pour y parvenir. C’est un phénomène qui est de plus en plus submergé par le « désir d’enfant » féminin, qui n’est pas nouveau non plus : les femmes n’étaient légitimes, aux yeux des autres et des leurs que si elles procréaient. L’effacement progressif de l’injonction à dupliquer biologiquement la société permet à beaucoup de femmes de s’affranchir de la maternité, mais, chez d’autres, encore majoritaires, elle devient une attente subjective d’enfanter (la grossesse pouvant être détachée de l’envie d’élever un enfant) considérée comme un paramètre majeur d’une vie réussie.

Par ailleurs, l’augmentation de l’espérance de vie des femmes, qui avaient été longtemps décimées par la mortalité en couches ou les maladies infectieuses touche aussi leur période de fertilité, confortée ou allongée par des traitements multiples. Autrement dit, il existe de bonnes raisons de penser que la recherche d’une partenaire saine permettant de donner une descendance n’est plus un critère de formation des partenariats sexualisés. Pourtant, quelque chose de cette époque n’a pas disparu : l’avantage néoténique. L’assimilation, longtemps presque automatique, des femmes à des enfants (au Japon, la plupart des prénoms féminins sont des diminutifs) procède à la fois de l’infantilisation comme mode de domination et de valorisation de la jeunesse. Les enquêtes contemporaines le confirment : la différence d’âge se maintient dans les couples dont le contrat fondateur peut être lu comme un échange entre de la jeunesse (féminine) contre de la position sociale (masculine). La rente néoténique opère comme une trace culturelle lourde de la recherche d’un partenaire capable de donner une progéniture. Aujourd’hui encore la jeunesse ou l’apparence de la jeunesse constitue un atout de séduction bien plus marqué pour les femmes que pour les hommes face à qui la peur de s’approcher d’un vieillard, de sa dégénérescence et de sa mort est contrebalancée par la nécessité de laisser le temps au partenaire de se construire une place suffisamment favorable dans la société pour que les avantages qui en résultent puissent être distribués à proximité. Or, dans les sociétés où la grande majorité des individus possède, en proportion variable, des cheveux « blonds », « châtains », « bruns » ou « roux », les blonds ne sont pas forcément rares : les roux ou le fait de friser naturellement – sont aussi souvent statistiquement rares. La « théorie » économico-évolutionniste consistant à dire que les blondes auraient « objectivement » plus de valeur parce qu’elles sont moins nombreuses ne fonctionne donc pas. Ce qui caractérise la blondeur, c’est son apparence juvénile : dans le type de pilosité où la couleur change après l’enfance, c’est toujours pour devenir plus foncée. L’attrait spécifique pour les blondes n’est donc qu’un aspect de la rente néoténique. Comme il s’agit d’une rente, la tentation de s’y concentrer et d’éviter de perdre de l’énergie à produire quelque chose est rationnelle.

C’est particulièrement vrai pour les « fausses blondes » qui, oxymore fascinant, produisent leur rente en se teignant les cheveux. Cela semble valoir la peine puisque, selon une étude (Johnston, 2010), les blondes états-uniennes gagnent 7% de plus que les autres femmes et épousent des hommes qui gagnent 6% de plus que les autres maris. On peut alors penser qu’elles ont fait ce choix au détriment d’un autre, moins rentable, ce qui laisse penser à la fois qu’elles ont des limites marquées dans d’autres domaines permettant de réussir sa vie, mais, d’un autre côté, qu’elles ont construit une intelligence pragmatique de ces limites. Les « vraies blondes » quant à elles, peuvent bien sûr faire le choix de ne pas chercher à profiter de la rente, voire à la rejeter (par exemple en se teignant en brun) mais on peut penser que ce ne sera pas le cas de toutes. Le soupçon peut donc persister. L’expression « dumb blonde » (« blonde idiote »), construite comme un demi-pléonasme que Paris Hilton, qui a pendant plusieurs années joué un rôle dans lequel son apparence capillaire occupait une place centrale, l’a indirectement accréditée en déclarant en 2020 : « I am not a stupid blonde. I’m just very good at pretending to be one. » Les plaisanteries sur les blondes, qui, en France, ont un temps pris la place qu’occupaient précédemment les « blagues belges » marquent certes, par leur second degré, les limites du modèle, mais pas totalement car, quand elles sont réussies, elles ne se contentent pas de décrire une bêtise brute, mais brossent des personnages ayant une certaine cohérence, faite de la naïveté tranquille des gens qui sont sûrs, d’une manière ou d’une autre, d’arriver à leur fin sans avoir besoin de faire trop d’efforts. Il s’agit donc bien de la blonde sociale, sinon comme réalité effective, du moins comme virtualité où la séduction par le poil contribue à maintenir de vieux mécanismes. En tout cas, l’attribution aux blondes d’une moindre intelligence n’a pas disparu (Maning, 2010).

Si le poil est actif dans l’emprise que toutes les espèces des communautés de genre, de caste ou de classe, ethnique ou nationale, exercent sur les individus, il l’est aussi dans les processus contradictoires d’affranchissement de cette emprise.

L’humanité du poil : un commencement

L’attention aux cheveux est tellement différenciée qu’on en viendrait à penser que c’est un fait de nature, indépendant des intentions des uns et des autres. De fait, il est rare de voir des femmes aux cheveux aussi courts que la plupart des hommes et, plus rare encore, de les voir arborer le même type de coiffure peu sophistiquée que de nombreux hommes adoptent. Si elles le font, elles basculent au mieux dans la catégorie des « garçons manqués » ou des « androgynes », au pire des « hommasses », le choix de cheveux très courts pouvant aussi parfois être le signe d’une orientation lesbienne, tandis que les hommes aux cheveux longs seraient « efféminés ». Les brouillages réussis de l’appartenance sexuelle grâce au traitement du poil, comme chez la drag queen Conchita Wurst, restent minoritaires. La liberté capillaire demeure donc en fait, même aujourd’hui où tout semble possible, très auto-encadrée. Ces restrictions font clairement partie du reliquat du communautarisme de genre, dont le crépuscule est prévisible mais encore masqué par les contradictions internes des groupes sociaux concernés.

Le soin féminin du cheveu se trouve marqué des mêmes ambiguïtés que le soutien-gorge, les chaussures ou le sac à main : technicité, séduction, exhibition, qui sont devenus des caractères sexuels pas vraiment secondaires.

S’agit-il d’une « intériorisation de la domination » ? Au départ, probablement, mais si c’était le cas aujourd’hui, les différenciations inégalitaires traditionnelles résisteraient toutes en même temps. Or, par exemple, le pantalon l’a massivement et très rapidement emporté sur la jupe à la fin du 20e siècle en dépit des critiques machistes. On constate aussi que l’émergence de la « culture gay » qui, de proche en proche, a contribué à modifier l’attention que les hommes apportent à leur pilosité n’a pas, et de très loin, aligné les coupes des hommes sur celles des femmes, mais pas non plus l’inverse. Les hommes sont moins négligents de leur corps, un peu moins sales et un peu plus soucieux d’élégance, mais les femmes n’envient toujours pas leurs coiffures. Cela signifie que, plus à même de faire des choix, une grande partie des femmes a décidé de conserver, avec le maintien du rôle des cheveux dans la présentation de soi, une pratique qui leur paraît compatible avec leur liberté. Cette ressource de sexuation semble encore, pour le moment, bien établie, à la différence de beaucoup d’autres, qui s’effritent.

Cependant, le monde du poil est entré dans une turbulence complexe, combinant ce qui reste de fixité communautaire, la variabilité des modes, et le mouvement de l’histoire.

On a souvent invoqué l’influence de la pornographie pour expliquer la popularité croissante de l’épilation du pubis féminin en Occident. Ce n’est pas exclu, mais il ne s’agit probablement pas d’un simple effet mécanique. D’abord, d’autres influences, comme celle de la culture islamique, reçue comme un nouvel orientalisme de la sensualité, jouent sans doute leur rôle. Il faut aussi mentionner l’argument aéro- ou hydrodynamique des cyclistes et des nageurs, qui a aussi acquis une valeur esthétique. Et, tout simplement, le fait d’agir autrement que la génération d’avant ou la « tribu » d’à côté avantage la nouveauté.

La diversité de ces inspirations devient à son tour une force (si tu m’opposes tel argument, j’en trouve un autre, appartenant à un tout autre registre) pour donner à chacun le droit d’intervenir librement sur ses poils. Pourquoi vaudrait-il mieux avoir des poils aux aisselles que de ne pas en avoir ? Réponse : pour rien de déterminant. Ce qui est nouveau, c’est que la question se pose et que chacun est en droit d’y répondre à sa façon. Le « naturel », l’« hygiène », la présentation, notamment sexualisée, de soi, les critères esthétiques changeant au gré des modes, des individus et des sociétés, une éthique du corps en pleine construction, tout cela peut désormais se combiner sans limitation claire. On peut se « coiffer » le sexe de différentes manières comme on coiffe ses cheveux et, d’ailleurs, la catégorie hairy est bien présente dans le monde du porno. Le benchmarking est ouvert (il y a là aussi des variants brésiliens) car ce n’est plus une appartenance qui se joue, mais une disposition, peut-être éphémère, de la part d’un moi dont l’impermanence revendiquée tend à devenir centrale dans les processus d’identification.  Nous choisissons sur catalogue des items dont aucun n’est et ne sera plus jamais suffisant pour nous définir.

L’humanisation du poil est un fil conducteur utile pour sortir de l’idée d’une dualité humaine entre sauvagerie et civilisation, car, on en est davantage conscient désormais, c’est toujours notre humanité qui décide de notre pilosité. Cette démarche permet de sortir des idéologies de la « part-d’animalité-qui-est-en-nous », qui, encore aujourd’hui, entrave, par exemple, la construction d’une culture sexuelle assumée.

C’est bien pour cette raison que le choix des mannequins fait événement : au-delà du baratin sur la remise en question des normes de beauté habituelles au nom d’autres normes ni plus ni moins légitimes, ce qui compte, c’est que tout, ou en tout cas beaucoup, est possible, y compris l’oxymore du lisse qui s’actualise dans le rugueux. Les messages préétablis sont surclassés par la liberté du langage.

Dans un mouvement tout sauf linéaire, on passe de la τάξις [taxis] comme ordonnancement à respecter, poste assigné, place où il faut se tenir, au καιρός [kairos], qui évoque l’action pertinente parce que temporellement juste. La maîtrise du kairos peut favoriser une bifurcation stratégique majeure mais aussi faire advenir la légèreté d’un geste bien venu et sans lendemain. En grec moderne, καιρός, c’est la météo. Le poil passe discrètement de la structure à l’événement et de l’injonction au choix. À l’humanité et aux humains de saisir cette occasion, par les cheveux, bien sûr.

Résumé

Faciles à aménager et fortement mobilisés dans la présentation sociale de soi, les poils et les cheveux des humains ont leur langage propre, avec synonymes, homonymes et oxymore. Ils ont longtemps constitué des marqueurs redoutables d’appartenance communautaire. Ils deviennent peu à peu des ressources pour la liberté individuelle des corps.

Bibliographie

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Notes

[1] Ainsi, il y a des choses qui nous hérissent le poil ou qui nous donnent des cheveux blancs. Quand il n’y a pas un poil qui bouge, c’est, partout, que tout est calme. En allemand, en outre, on laisse des poils et non des plumes dans une opération difficile. En anglais, on dit « Keep out of my hair ! » plutôt que « Ne reste pas dans mes jambes. » Et en espagnol, on demande « ¿Me estás tomando el pelo? » pour dire « Tu me fais marcher ? » Les francophones coupent les cheveux en quatre quand les anglophones se contentent du hair-splitting. Parmi les langues, chercher la petite bête passe souvent par le poil. Mais dans l’ensemble, les similitudes sont frappantes : être de mauvais poil promet, à n’en pas douter, un bad hair day.

[2] L’idée est courante dans les écoles de pensée structuralistes – c’est l’hypothèse de Sapir-Whorff – que la variabilité dans les systèmes de sens des langues se traduirait par une différenciation comparable dans le contenu des messages que ces langues permettent de produire. Il y a sans doute là une vision simplifiée de la relation entre langue et société, c’est-à-dire entre langue et histoire. La langue et le monde extralinguistique évoluent en entretenant des relations puissamment interactives. Dans des systèmes sociaux comparables, la démonstration n’a jamais été faite que le découpage différent des catégories linguistiques élémentaires engendrait, au bout du compte, des univers sémantiques significativement différents.

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