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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

La (dé)territorialisation et les changements d’échelle du patrimoine.

La co-construction sociale du temps et de l’espace dans la nouvelle étape de mondialisation.

Les transformations récentes de la patrimonialisation, en particulier sa spectaculaire diffusion voire généralisation dans le champ social (Choay 1992, Jeudy 2001, Heinich 2009), sont traditionnellement rapportées à une nouvelle construction sociale du temps, plus précisément à un nouveau régime d’historicité (Hartog 2003). Parmi ces mutations profondes, l’extension spatiale de la notion de patrimoine n’est souvent citée qu’incidemment, conformément à un implicite partage des tâches disciplinaires classant le patrimoine, entendu comme l’ensemble des biens jugés dignes d’être transmis à la postérité, parmi les objets relevant de l’histoire. Cependant, ces mutations peuvent également et indissociablement être interprétées comme les symptômes d’une nouvelle construction sociale de l’espace, inhérente à la nouvelle étape de mondialisation qui se manifeste depuis les années 1980-1990, qui est liée à la révolution des NTIC, la globalisation de l’économie et la métropolisation (Sassen 1991) et qui se caractérise par le triptyque de la déterritorialisation, de la reterritorialisation et du changement d’échelle. L’essor des réseaux et la nouvelle division internationale du travail entraînent en effet dialectiquement des dynamiques d’ancrage territorial [1], tandis que le primat de l’échelle nationale se trouve relayé par le couple du local (et/ou du métropolitain) et du global.

Cet article se propose d’explorer cette question selon une triple perspective épistémologique. Tout d’abord, il s’agit d’approfondir une approche géographique du patrimoine, en essor depuis les années 2000 (Veschambre 2007), et, plus largement, d’interpréter différemment les reconfigurations contemporaines de la patrimonialisation. Il s’agit également de plaider en faveur d’une réflexion sur la nouvelle construction sociale de l’espace inhérente à la nouvelle étape de mondialisation, que l’on pourrait généraliser en termes de régime de géographicité. Enfin, conformément à un positionnement géohistorique (Grataloup 1996, 2003, Harvey 2010), l’objectif consiste à penser ensemble la dimension temporelle et la dimension spatiale (Lévy 1994) des transformations sociales actuelles, le patrimoine représentant pour ce projet un observatoire privilégié.

Un nouveau régime spatial du patrimoine, entre territorialisation et déterritorialisation.

La « territorialisation » du patrimoine représente une évolution récente souvent mentionnée, mais plus rarement étudiée. Son investigation se développe toutefois en géographie sociale (Di Méo 1994, Veschambre 2008, Melé 2009b, 2011, Gigot 2012a, 2012b), en histoire urbaine (Choay 1992, Backouche 2013), en sociologie/ethnologie (Rautenberg et al. 2000). Le rapprochement de ces travaux et des études, en général disjointes, qui pointent différents aspects d’une déterritorialisation du patrimoine (terme peu employé, contrairement à son antonyme), permet d’étayer l’hypothèse d’un nouveau régime spatial du patrimoine, à replacer dans le contexte, généralement traité dans un autre champ scientifique, de la nouvelle étape de mondialisation.

La patrimonialisation, une opération temporelle mais aussi spatiale.

Soulignons tout d’abord que si la patrimonialisation [2], ensemble des processus de collecte et de valorisation par lequel un collectif social décide de sortir des objets — au sens le plus large du terme — du commerce ordinaire des choses pour leur accorder un statut d’objets emblématiques de son identité dans le temps (Micoud 2005), entretient un rapport structurel au temps, elle représente également une opération spatiale. Extraction temporelle (l’objet patrimonialisé est extrait du passé pour être transmis aux générations futures) et parfois juridique (si l’on considère le patrimoine institutionnel), elle constitue aussi une extraction spatiale du cours « normal » de la vie des objets. Les objets patrimonialisés sont soumis soit à une déterritorialisation-reterritorialisation muséale, le musée constituant une hétérotopie (Foucault 2009), soit, en cas de conservation in situ, à des procédures de normalisation de l’espace, la transmission du patrimoine passant par des servitudes urbanistiques. On trouve cette dialectique dès les débuts révolutionnaires de la patrimonialisation (Poulot 1997), qui s’accompagnent en France d’un débat sur le lieu d’exposition pertinent du patrimoine : le musée universel ou la conservation sur place, défendue notamment par Quatremère de Quincy [3].

Les concepts de patrimoine et de territoire, deux ciments identitaires, entretiennent en outre des parentés structurelles (Di Méo 1995), justifiant l’émergence d’une géographie du patrimoine analysant les interférences entre processus de patrimonialisation et de territorialisation. Cependant, la dimension spatiale de la patrimonialisation se trouve renouvelée et approfondie par la récente « territorialisation » du patrimoine, qui renvoie à un processus en deux grandes étapes. Le concept de « territoire » y a au début un sens faible, quasi synonyme d’« espace », avant de prendre le sens de « maille de gestion publique ». Aujourd’hui, il a même pris le sens fort de « construit identitaire ». Cette territorialisation entretient également des relations dialectiques avec un processus de déterritorialisation du patrimoine, au sens d’une mise en réseau.

Les débuts de la territorialisation du patrimoine liés aux interférences entre patrimonialisation et urbanisation.

La « territorialisation du patrimoine » signifie d’abord le passage de la patrimonialisation d’objets ou de bâtiments à la patrimonialisation de territoires entiers. Ses conditions de possibilité remontent à l’invention du patrimoine urbain et de la notion d’ensemble historique par l’urbanisme culturaliste du 19e et du début du 20e siècle (Choay 1992, van Damme 2012). Sa figure mémoriale, incarnée par Ruskin, plaide pour la préservation de la ville pré-industrielle ; sa figure historique défend, sous l’égide de Sitte, un urbanisme contemporain s’inspirant de l’urbanisme pré-industriel ; sa figure historiale, de synthèse, milite avec Giovannoni en faveur de l’intégration des quartiers pré-industriels dans la ville et la vie moderne, notamment via le plan régulateur et le diridamento [4] (Choay 1992). Cette invention se trouve sanctionnée sur la scène internationale par la Conférence d’Athènes sur la conservation des monuments historiques de 1931 (Gravari-Barbas 2002).

Cette évolution est couramment présentée comme l’une des conséquences des extensions de la notion de « patrimoine ». L’extension spatiale de cette notion est en effet indissociable de son extension typologique et conceptuelle, marquée par une déhiérarchisation du patrimoine et par le passage de la logique de l’unicité à celle de la typicité (Heinich 2009) : Ruskin et Giovannoni figurent parmi les premiers à diffuser l’idée d’une égale dignité entre l’architecture monumentale et l’architecture vernaculaire.

Sur la base théorique de l’invention du patrimoine urbain, la territorialisation du patrimoine s’institutionnalise avec la création, dans la première moitié du 20e siècle, de périmètres d’action publique patrimoniaux. L’évolution des représentations débouche sur une territorialisation des politiques publiques. Une première étape découle de la volonté de réguler la transition urbaine. Accorder une valeur patrimoniale à la ville pré-industrielle permet de normer ou de zoner l’urbanité industrielle. Deux exemples emblématiques de mobilisations patrimoniales pionnières l’illustrent : la Commission du Vieux Paris est créée dès 1897 pour conseiller la municipalité sur la préservation du patrimoine et son insertion dans les projets urbanistiques. Une mobilisation d’associations permet au début du 20e siècle d’éviter la construction du pont de la Monnaie au droit de l’île de la Cité et de protéger cette dernière comme site (Fiori 2012) ; outre-Atlantique, la municipalité de Charleston crée en 1931, à l’instigation d’une mobilisation patrimoniale précoce inscrite dans un mouvement de renaissance culturelle locale, un Old and Historic District protégeant un ensemble de maisons antérieures au milieu du 19e siècle menacées par la prospection pétrolière (Weyeneth 2004). À Paris comme à Charleston, l’inscription de la préservation de la ville ancienne à l’horizon du projet urbain (action envisagée dans sa dimension temporelle) permet de construire la grandeur métropolitaine (van Damme 2012) et de normer la (re-)production de l’espace urbain (action envisagée dans sa dimension spatiale).

La volonté de protéger l’urbanité pré-industrielle peut également conduire à la reconstruire, comme l’illustre le cas de la Grande Place de Bruxelles, sous l’égide de Charles Buls. Bourgmestre de Bruxelles, de 1881 à 1899, Buls rompt avec la politique de son prédécesseur Anspach, promoteur d’un bouleversement du centre de la ville de type haussmannisation : il fait restaurer la Grand-Place et remplacer par une reconstruction « historique » la Maison du Roi, édifice du 16e siècle en ruine (Smets 1995).

Après la Seconde Guerre mondiale, la territorialisation du patrimoine se diffuse pour réguler la modernisation fonctionnaliste, caractérisée par les destructions/reconstructions, l’extension urbaine, le zonage, l’automobilisation. Les étapes de cette territorialisation institutionnelle sont bien connues en France. La loi du 25 février 1943 permet de protéger véritablement les abords des monuments historiques, définis par un double critère géométrique (le rayon de 500 mètres) et paysager (le principe de covisibilité) et soumis au contrôle de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). Dans la pratique, la protection des abords, conçus sur un mode esthétique, puis architectural, puis urbanistique et enfin patrimonial, sert d’abord à réguler la reconstruction, avant de réguler la rénovation urbaine (Backouche 2013). De même, la loi Malraux, créant en France les secteurs sauvegardés en 1962, propose une alternative aux rénovations de centres-villes qui s’accompagnaient alors de destructions massives. La substitution du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) au document d’urbanisme indique clairement un infléchissement de la fabrique urbaine. Enfin, la troisième grande étape correspond à la création des Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain (ZPPAU) en 1983, et Paysager (ZPPAUP) depuis 1993, servitude annexée au document d’urbanisme local. L’instrument vise également à réguler la fabrique urbaine — même si des ZPPAUP sont également créées en milieu rural — mais dans un cadre décentralisé, les communes ayant l’initiative de leur création, en rupture avec la logique centralisatrice du secteur sauvegardé. L’évolution vers la territorialisation du patrimoine se manifeste plus largement à l’international, stimulée par l’’UNESCO, qui adopte en 1976 la Recommandation de Nairobi concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine.

Au total, durant la transition urbaine puis les Trente Glorieuses, la territorialisation du patrimoine vise à préserver l’urbanité pré-industrielle. Conformément à une logique de zonage spatio-temporel, compromis entre l’urbanisme fonctionnaliste et l’urbanisme culturaliste, elle se concentre d’abord dans les centres dits historiques.

Le double changement d’échelle de la territorialisation du patrimoine.

Au-delà de cette évolution bien connue, nous sommes entrés récemment dans une seconde étape de territorialisation du patrimoine. Son accélération et son élargissement peuvent être interprétés comme un double changement d’échelle (les territoires patrimonialisés sont de plus en plus vastes et de plus en plus en prise avec la mondialisation) et finalement comme un changement de nature (la patrimonialisation est produite par et produit de la glocalisation [5]).

Cette évolution s’inscrit dans deux tendances de fond de nos sociétés : la territorialisation des politiques publiques (Melé et Larrue 2008), territoire ayant ici le sens de « périmètre d’action publique », mais aussi plus fondamentalement le passage du territoire national à des processus de territorialisations multiples, territoire prenant alors le sens fort d’« espace construit et approprié, voire identitaire »).

Premier changement d’échelle : la patrimonialisation de territoires de plus en plus vastes.

Tout d’abord, les territoires institutionnellement patrimonialisés — en France, les « espaces protégés » au sens défini par le ministère de la Culture et de la Communication — se multiplient et s’agrandissent. Dans notre pays, les demandes de création ou d’extension du périmètre d’un secteur sauvegardé ou d’une ZPPAUP, en cours de transformation en AVAP [6], ne cessent d’augmenter. Par exemple, Metz, qui s’était dotée en 1975 d’un secteur sauvegardé de dimension modeste (22,5 hectares), a intégré la ville impériale et possède désormais l’un des plus grands secteurs sauvegardés du pays (162,9 hectares), destiné, au même titre que le Centre Pompidou-Metz, à stimuler la valorisation touristique. De même, le secteur sauvegardé de Tours est passé en 2007 de 90 à 150 hectares, le volontarisme du maire s’expliquant notamment, dans le cadre de bonnes relations entre la municipalité et l’ABF, par la quête d’attractivité touristique (Gigot 2012b). Les biens figurant sur la liste du Patrimoine mondial illustrent également cette dynamique. Ainsi, le Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais inscrit en juillet 2012 comprend 120 000 hectares et regroupe 109 biens. La patrimonialisation de territoires se déploie ici à une échelle micro-régionale et ne se comprend que dans le contexte post-industriel de diffusion d’une stratégie de développement local fondée sur le triptyque culture, patrimoine, tourisme (Fagnoni 2013).

De nouveaux outils législatifs favorisent en outre cette territorialisation du patrimoine et conduisent à une intégration croissante entre urbanisme et patrimoine. En particulier, en France, la loi Solidarité et Renouvellement urbain de l’an 2000 a introduit avec les PLU (Plans locaux d’urbanisme, en remplacement des Plans d’Occupation des Sols) la possibilité d’inclure dans les documents d’urbanisme locaux des protections patrimoniales, au titre de l’article L.123-1-5 7°. C’est ainsi que la capitale a élaboré entre 2001 et 2007 les Protections Ville de Paris : sur 8000 propositions émanant d’un processus participatif, plus de 4500 protections ont été retenues (Poupeau 2009). Des villes moins connues pour leur patrimoine, comme Saint-Denis ou même Pantin, en Seine-Saint-Denis, se dotent également de cet outil.

Enfin, une mise en patrimoine informelle de nouveaux territoires se développe. Ainsi Plaine Commune, intercommunalité de banlieue nord de Paris créée à partir de 2000 autour de Saint-Denis et regroupant aujourd’hui neuf communes, mène-t-elle une politique patrimoniale active. La démarche pour faire protéger ou labelliser des bâtiments se double d’une référence large aux patrimoines « potentiels » considérés dans le schéma de cohérence territoriale (SCOT, approuvé en 2007, modifié en 2009) comme appui du projet urbain. Un programme volontariste consistant à « mettre en valeur les ensembles urbains à forte valeur patrimoniale » — les anciens noyaux villageois, le centre-ville de Saint-Denis, les quartiers de faubourgs, notamment Villette Quatre Chemins au sud d’Aubervilliers, les cités-jardins et certains ensembles pavillonnaires, les ensembles remarquables de logements sociaux modernes — est affiché. Le PLU de Saint-Denis en cours d’élaboration [7] protège quant à lui, sur la base du diagnostic patrimonial réalisé par le Service Patrimoine du Conseil Général, près de 300 bâtiments [8].

Second changement d’échelle : la patrimonialisation de territoires indissociable de leur mondialisation.

Cette patrimonialisation, institutionnelle ou non, de territoires de plus en plus vastes répond à la nouvelle étape de mondialisation, qu’il s’agisse de la réguler ou de s’y insérer. En effet, cette seconde étape de territorialisation du patrimoine, réponse à la rupture avec l’urbanité industrielle, vise à réguler le passage à l’urbanité post- ou hyper-industrielle (Veltz 2008). En réaction à la métropolisation, la patrimonialisation s’étend tant du point de vue chronologique que géographique : l’urbanité industrielle, et avec elle des bâtiments et des quartiers périphériques produits au 19e ou dans la première moitié du 20e siècle, bascule dans le champ patrimonial. Après avoir régulé le passage à la ville industrielle, la patrimonialisation cherche aujourd’hui à réguler l’intense recyclage urbain qui découle de la nouvelle division internationale du travail. Les friches industrielles, mais aussi les formes urbaines de l’ère industrielle, en particulier différentes générations d’habitat ouvrier, forment ainsi de nouveaux territoires du patrimoine, comme Plaine Commune, touchée de plein fouet depuis les années 1970 par la désindustrialisation, représente un exemple emblématique. La reconversion progressive du territoire vers le tertiaire supérieur s’accompagne d’une active politique de valorisation patrimoniale et, depuis 1993, touristique, dynamisée par « l’effet Stade de France » lié à la Coupe du monde de football de 1998 et aujourd’hui institutionnalisée via le schéma touristique communautaire [9]. Le patrimoine industriel, inventorié depuis la première moitié des années 1990, est intégré au réemploi des friches, comme l’a illustré la Cité du cinéma, projet de Luc Besson inauguré fin 2012, et visité à l’instigation du Comité départemental du Tourisme du 93, même si des destructions, totales ou partielles [10], se poursuivent.

La patrimonialisation contemporaine peut également servir à réguler la rénovation urbaine souvent destructrice lancée en 2003 sous l’égide de l’ANRU (Agence nationale de Rénovation urbaine). Ainsi, des conflits patrimoniaux se sont noués autour de l’avenir des grands ensembles. Des pétitions ont interpellé le ministère à propos de lieux emblématiques (les Courtillières, les bâtiments Renaudie à Villetaneuse, Étoile à Bobigny) médiatisés [11]. Leur valeur ayant été reconnue, l’ANRU a connu des retards et des échecs (Veschambre 2010). Le label « Patrimoine XXe siècle », institué en 2010 par le ministère de la Culture, a notamment permis d’identifier (mais pas de protéger légalement) certains grands ensembles. À Saint-Denis, quatre cités (Paul Langevin, Colonel Fabien, Auguste Delaune et Guynemer) dues à André Lurçat (1894-1970), architecte qui a participé, aux côtés de Le Corbusier, à la fondation des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) en 1928 avant de devenir, après la Seconde Guerre mondiale, architecte et urbaniste de Saint-Denis, ont par exemple été labellisées.

La patrimonialisation de territoires de plus en plus nombreux et de plus en plus vastes répond enfin à une logique de labellisation territoriale, visant à attirer les touristes ou à améliorer l’image d’un quartier ou d’une ville. Ainsi, Paris a fait inscrire en 1991 la partie noble des Berges de la Seine, qui concentre des monuments (Notre Dame, Sainte-Chapelle, etc.) et des musées (Louvre, etc.) anciennement patrimonialisés et qui correspond au Central Tourist District (Duhamel et Knafou 2007), sur la liste du Patrimoine mondial, afin d’attirer la nouvelle clientèle touristique, notamment en provenance d’Europe de l’Est et d’Asie. Quant à Plaine Commune, elle a obtenu en 2014 le label « Ville et Pays d’art et d’histoire », ce qui représente une façon de lutter contre l’évitement des territoires marqués par la révolution industrielle. La patrimonialisation interfère de plus en plus avec le marketing, le branding (distinction par la marque) et le ranking (logique de classement) métropolitains. Face à la compétition mondialisée des territoires, le recours aux labels, patrimoniaux parmi d’autres, se multiplie, érigeant le patrimoine en avantage différenciatif (Coissart et Pecqueur 2007) et en ressource territoriale (Fagnoni 2013).

Changement de nature : la construction de territoires par le patrimoine.

Avec ce double changement d’échelle, la multiplication et l’agrandissement des territoires patrimonialisés renvoient fondamentalement à un changement de nature de la patrimonialisation, aujourd’hui investie de la mission de « faire territoire » (Auduc 2012), mobilisée au service de la construction de territoires pluriels, non seulement dans sa dimension idéelle (construction d’ancrages territoriaux), mais aussi dans sa dimension matérielle (réorganisation d’espaces appropriés).

Sur le plan idéel, la patrimonialisation, historiquement investie d’une mise en récit nationale voire nationaliste, se trouve aujourd’hui confrontée à l’invention de mises en récit post-nationales (même si les mises en récit nationales sont loin d’avoir totalement disparu) : le territoire, la communauté imaginée de référence ne sont plus nécessairement d’échelle nationale, mais peut être européenne, régionale, locale ou transnationale. Ainsi, le patrimoine est mis de façon volontariste au service de la construction d’une identité européenne, comme l’illustrent depuis 1998 les itinéraires culturels du Conseil de l’Europe, comme le chemin de Saint-Jacques de Compostelle ou, depuis 2007, le label du patrimoine européen. Le patrimoine se trouve mobilisé au service de la construction intercommunale, comme l’illustre le passage de la candidature VPAH de l’échelle initiale de Saint-Denis à l’échelle de Plaine Commune. Sur le plan matériel, la patrimonialisation, mobilisée pour faire métropole, se voit attribuer de nouvelles fonctions spatiales. Elle est utilisée pour réaménager les espaces publics, suivant un référentiel mondialisé (Fleury 2009), ou pour créer des centralités.

La patrimonialisation se trouve sur les deux plans mobilisée pour re-faire territoire, pour construire notamment des territoires post-industriels, ou recréant de l’ancrage territorial compromis par la globalisation et/ou en assurant la réinsertion dans la mondialisation, le plus souvent via le tourisme. L’exemple de Plaine Commune se révèle à nouveau typique. Son schéma de cohérence territorial cherche à promouvoir, par le patrimoine, l’identité de banlieue populaire. Son thème « connaître le passé pour valoriser le futur » vise à « développer des facteurs de réappropriation du territoire » (SCOT de Plaine Commune) face à la crise des banlieues post-industrielles. L’essor de la muséalisation et de la valorisation patrimoniale de l’espace urbain propose une reconstruction du temps social (le lien avec le champ d’expérience compromis par la désindustrialisation et l’horizon d’attente étant bouché par la crise) indissociable d’un effort de reconstruction du territoire, victime de discontinuités et de ségrégations. Face au délitement de l’ancienne conscience de classe se développe le récit patrimonial d’un territoire de banlieue en mutation.

Figure 1 : La muséalisation de l’espace urbain de Saint-Denis : réarticulation du champ d’expérience industriel et de l’horizon d’attente post-industriel et revalorisation des espaces publics de banlieue. Photographie : Géraldine Djament-Tran.

Figure 1 : La muséalisation de l’espace urbain de Saint-Denis : réarticulation du champ d’expérience industriel et de l’horizon d’attente post-industriel et revalorisation des espaces publics de banlieue. Photographie : Géraldine Djament-Tran.

La tentative de refaire territoire par le patrimoine se manifeste notamment à la cité-jardin de Stains, site inscrit bénéficiant d’un programme de valorisation touristique intercommunal, inclus dans le schéma touristique. La mise en place d’une signalétique historique, de parcours de visites, d’animations culturelles et d’une boutique « Mémoires de cité-jardin » sert le développement local et l’insertion sociale dans un quartier populaire.

Figure 2 : Refaire territoire par le patrimoine : l’exemple de la cité-jardin de Stains. Photographie : Géraldine Djament-Tran.

Figure 2 : Refaire territoire par le patrimoine : l’exemple de la cité-jardin de Stains. Photographie : Géraldine Djament-Tran.

La territorialisation du patrimoine, d’abord née pour réguler la modernisation urbaine, est devenue dans la nouvelle étape de mondialisation une tentative de régulation de la métropolisation — entreprise dont la difficulté se traduit par de nombreux conflits patrimoniaux (Melé 2005) — et même par une tentative volontariste de territorialisation par le patrimoine. Si la capacité du patrimoine à faire territoire présente de nombreuses limites, et une forte sélectivité sociale et spatiale, elle révèle une mutation profonde de la notion.

La déterritorialisation du patrimoine.

Si la territorialisation du patrimoine représente une tendance bien identifiée, le mouvement parallèle de déterritorialisation du patrimoine se révèle moins fréquemment analysé, du moins en ces termes, et suscite de nombreuses polémiques (tant les recompositions du patrimoine soulèvent des questions politiques). Alors que la territorialisation et la déterritorialisation du patrimoine sont traditionnellement analysées de façon disjointe, ces deux phénomènes forment un processus dialectique, au sein et au service de la nouvelle étape de mondialisation. En effet, la « fin des territoires » (Badie 1995), au sens de territoire national, se traduit à la fois par la constitution de réseaux patrimoniaux et par la constitution de nouveaux territoires pluriels, dont la construction identitaire mobilise le patrimoine.

Ce que nous proposons de regrouper sous le concept de déterritorialisation du patrimoine renvoie au moins à six processus contemporains en interaction :

– L’accélération de la circulation internationale de biens patrimoniaux

Dans la nouvelle étape de mondialisation, deux grands facteurs concourent à déterritorialiser le patrimoine, « territoire » étant entendu ici comme le contraire de « réseau », conformément à l’opposition entre métriques proposée par Jacques Lévy : la globalisation du marché de l’art (Moulin 2010) et la multiplication des expositions internationales. Le passage « du musée-conservateur au musée-entrepreneur » (Vivant 2008) s’accompagne d’une circulation croissante des objets patrimonialisés. L’ouverture d’antennes de musées ne possédant pas de collection propre, comme le Louvre Lens, ou les expériences de musées itinérants, comme le Centre Pompidou mobile de l’automne 2011 à l’automne 2013, contribuent à cette déterritorialisation.

– La mise en réseau des sites patrimonialisés

Si le patrimoine fait aujourd’hui territoire, il forme également de plus en plus de réseaux, à différentes échelles. Des réseaux régionaux (par exemple, le réseau des cités-jardins d’Île-de-France constitué à partir de 2009 à l’initiative de Plaine Commune et Stains), nationaux (par exemple, le label « Villes et Pays d’art et d’histoire en France »), voire trans-nationaux (inscriptions transfrontalières au Patrimoine mondial par exemple) se multiplient. La création, en 2010, du nouveau label « Maison des illustres » participe du « réseau d’excellence des établissements, sites et démarches patrimoniales » du Ministère de la Culture. Cependant, l’heritagescape (Di Giovine 2009) regroupe l’ensemble des sites labellisés « Patrimoine mondial ». Cette forme de déterritorialisation éloigne la patrimonialisation de la protection traditionnelle pour la rapprocher de la labellisation territoriale.

– L’essor d’un patrimoine des diasporas

Alors que le patrimoine était historiquement associé à la construction du territoire national, émergent dans la nouvelle étape de mondialisation des patrimoines réticulaires, associés à des communautés diasporiques (Rautenberg 2007), dans laquelle la référence mythifiée au territoire d’origine se double d’un fonctionnement transnational en réseau. Ce patrimoine diasporique est « plus typique qu’en sa terre d’origine » (Wobst 2010, p. 106).

– La virtualisation du patrimoine

Le passage du patrimoine du territoire au réseau se trouve accéléré par les NTIC. La numérisation du patrimoine favorise les communautés imaginées réticulaires, diasporiques (cf. infra) ou communautés éphémères des réseaux sociaux. L’UNESCO a, par exemple, signé avec la multinationale Google un accord qui permet aux internautes de visiter 19 sites du patrimoine mondial, par exemple le Palais de Versailles ou le centre historique de Prague, grâce à l’interface Street View, et a également conclu depuis 2009 un partenariat avec TripAdvisor. Cette mise en réseau interagit avec l’heritagescape. Le musée virtuel (ensemble de collections numérisées) se développe (Deloche 2001), tandis que les musées « réels » se standardisent (cf. infra).

– La fabrique touristique du patrimoine

Plus fondamentalement, la patrimonialisation tend à sortir du paradigme national-patrimonial (Bobbio 1992) pour être de plus en plus régie par des logiques touristiques (Gravari-Barbas 2012). L’archipel touristique mondial constitue aujourd’hui un horizon d’attente majeur pour la patrimonialisation. Ainsi, la compétition se fait de plus en plus vive pour bénéficier du label « Patrimoine mondial », compte tenu de l’augmentation des flux touristiques escomptée, estimée de l’ordre de 20 % en France (Gravari-Barbas et Jacquot 2010). Le système touristique produit en outre de plus en plus le patrimoine, non seulement sur le plan idéel (le tourisme ayant toujours contribué à la reconnaissance de biens comme patrimoniaux) mais aussi de plus en plus sur le plan matériel (le tourisme conduisant à la (re)construction de bâtiments patrimoniaux, comme la Sagrada Familia, le château de Berlin, le château de Guédelon ou les projets de remontage de la flèche de Saint-Denis ou de reconstruction du château de Saint-Cloud). Cette fabrique de plus en plus touristique du patrimoine (Gravari-Barbas 2013) conduit à une inversion : ce n’est plus tant le territoire qui produit « son » patrimoine, ensuite consommé par les flux touristiques, que la circulation touristique elle-même, forme de déterritorialisation-reterritorialisation temporaire, qui produit du patrimoine et du territoire.

– La standardisation du patrimoine

La fabrique touristique glocale du patrimoine produit non plus un patrimoine expression de son territoire, mais une circulation internationale de modèles patrimoniaux conformes aux standards de la globalisation. « Déterritorialisation » signifie ici « perte de l’ancrage, de la spécificité territorial(e) ». De véritables figures patrimoniales de la globalisation peuvent ainsi être identifiées. Ce concept paradoxal — tant la globalisation est classiquement opposée au patrimoine, notamment dans ses formes paysagères verticalisées (Appert 2008) — rapproche deux références traditionnellement pensées par des champs scientifiques et même disciplinaires différents : les figures paysagères de la nation proposées par l’historien François Walter (2004) et les figures de l’aménagement urbain dans la nouvelle étape de mondialisation (Ghorra-Gobin 2012, p. 266-272), ou « motifs spatiaux du Monde » (Lussault 2013) analysés par les géographes.

Il cristallise deux hypothèses. Des figures paysagères de la globalisation succèdent depuis les années 1980-1990 aux figures paysagères de la nation identifiées pour la période 1830-1950. Ces figures paysagères de la globalisation, « forme(s) architecturale(s) symbolisant l’ancrage d’une ville dans les réseaux globaux » (Ghorra-Gobin 2012, p. 267), ne se limitent pas aux formes contemporaines les plus emblématiques [12], comme les gratte-ciels, mais incluent des formes culturelles et patrimoniales récurrentes [13], régies par une tension entre différenciation et standardisation caractéristique de la nouvelle étape de la mondialisation. La dialectique territorialisation du patrimoine/déterritorialisation-standardisation renvoie à la contradiction de l’entrepreneurialisme urbain, qui à la fois construit des rentes de monopole à partir du capital symbolique collectif unique des villes et tend à marchandiser et homogénéiser leurs produits culturels (Harvey 2008).

Parmi ces figures patrimoniales de la globalisation, signalons sans prétention à l’exhaustivité les territoires bénéficiant d’un label supranational (en particulier les sites inscrits sur les listes de l’UNESCO), les centres historiques muséalisés et muséifiés, les musées entrés dans « l’ère de la gestion » (Tobelem 2005), de l’architecture iconique (Gravari-Barbas et Tsiomis 2011), des stratégies transnationales, à l’image du Louvre depuis les années 1990 et surtout 2000. On peut y ajouter les aménagements (Chaudoir 2013) et les espaces publics recourant à un référentiel patrimonial, comme les rues globales aménagées en référence aux standards historiques européens dans le centre de Berlin (Fleury 2007), le waterfront « reconquis » et patrimonialisé, à l’image des Berges de la Seine dont la partie noble figure sur la liste de l’UNESCO et qui a récemment fait l’objet d’un projet de « reconquête » par la municipalité parisienne (Djament-Tran 2012), ou la friche industrielle patrimonialisée et reconvertie par la « créativité », comme la Plaine Saint-Denis, où les friches industrielles sont en partie réemployées par les industries « créatives ».

Différentes formes de déterritorialisation du patrimoine se combinent ainsi dans la nouvelle étape de mondialisation. On notera qu’en réaction à cette déterritorialisation se développe une revendication éthique de re-territorialisation, dans le cadre de la nouvelle vague de restitutions d’objets patrimoniaux précédemment déterritorialisés par la colonisation ou les guerres (Furet 1997, Hershkovitch et Rykner 2011).

Patrimoine et nouveaux régimes.

Ces transformations profondes de la patrimonialisation peuvent être interprétées en termes de régimes. L’hypothèse d’un nouveau régime de patrimonialité, proposée à partir du patrimoine immatériel (Turgeon 2010, Davallon 2012) ou de façon générale (Gravari-Barbas 2012) peut être avancée et connectée aux travaux consacrés à d’autres régimes.

Un changement de régime de patrimonialisation/de patrimonialité.

Sur le modèle du régime d’historicité, le concept de « régime » renvoyant à une méta-histoire articulant des concepts relationnels (passé, présent et futur ou, mieux, champ d’expérience et horizon d’attente dans le cas du régime d’historicité), la notion de « régime » de patrimonialité (Peroni 2001) — et/ou de patrimonialisation, la première dénomination insistant sur le type de patrimoine, la seconde sur le moteur et la logique de mise en patrimoine — a pu être proposée (Gravari-Barbas 2012). Comme pour le régime d’historicité, le régime de patrimonialité peut être employé soit dans un sens synchronique (plusieurs régimes coexistant à une même époque), soit dans un sens diachronique (plusieurs régimes se succèdent dans le temps). La coexistence des deux emplois semble mériter d’être conservée, afin d’éviter la tentation linéaire et évolutionniste inhérente au deuxième sens.

Dans un sens synchronique, plusieurs « machines à produire le patrimoine » (Parent cité par Gravari-Barbas 2010), et donc plusieurs régimes de patrimonialisation, coexistent : la construction nationale, l’industrialisation et la mondialisation (Gravari-Barbas 2010, 2012). La première partie de cet article a insisté sur les interférences entre les processus de patrimonialisation et d’urbanisation, proposant une histoire du patrimoine différente et complémentaire de l’histoire dominante centrée sur les interférences entre les processus de patrimonialisation et de construction nationale. La patrimonialisation peut alors être lue comme régulation des changements d’échelle de l’urbain (d’abord du passage de la ville à l’urbain, puis de la métropolisation) et plus largement du recyclage urbain, c’est-à-dire de la fabrique urbaine (Galinié 2000). On peut étayer cette interprétation sur l’observation des facteurs suivants :

– un changement d’échelle : au couple historique patrie-patrimoine (Lamy 1993) tend à succéder une logique de patrimondialisation (Gravari-Barbas 2012). Cette évolution s’inscrit dans le rescaling (Brenner 2004) typique de la nouvelle étape de mondialisation, qui affaiblit l’échelle étatique au profit des échelles mondiale et métropolitaine ;

– un changement de son système d’acteurs : historiquement produite d’abord par des acteurs institutionnels nationaux, la patrimonialisation est aujourd’hui produite par des acteurs multiples — publics, privés, associatifs — intervenant à différentes échelles, supra-nationales (UE, Conseil de l’Europe) voire mondiales (notamment l’UNESCO, l’Union européenne, mais aussi les entreprises touristiques globalisées, comme le Club Méditerranée fondé en 1950 qui aujourd’hui possède 80 villages dans le monde, dont la puissance de prescription patrimoniale augmente), mais aussi infra-nationales (régions, qui en France ont bénéficié de la décentralisation de l’inventaire depuis 2007, au titre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, intercommunalités et communes, avec le PLU patrimonial) ;

– un changement de mise en récit : historiquement porteur d’un grand récit national, le patrimoine tendanciellement post-national contribue aujourd’hui à la production de communautés imaginées multiples. Le rescaling du patrimoine se double ainsi d’un rescaling par le patrimoine ;

– un changement de rapport au territoire : d’une relation indirecte de la patrimonialisation à la construction territoriale, notre société semble être passée à une relation directe. Classiquement, la patrimonialisation nourrit en effet indirectement la territorialisation en participant à l’identification d’une communauté imaginée à un territoire national, via la construction d’une histoire imaginée commune. Dans la nouvelle étape de mondialisation, la patrimonialisation est censée nourrir directement des processus de territorialisation multiformes — compte tenu du passage du territoire (national) aux territoires pluriels, en interaction constante avec le global. En outre, d’un statut d’extraterritorialité (incarné par l’hétérotopie muséale), le patrimoine semble être passé à un statut de cospatialité (les villes constituent à la fois un lieu de vie et un patrimoine) ;

– un changement de conception du temps : d’une conception de la conservation guidée par l’idéal régulateur du patrimoine « hors temps » (de la transmission au futur d’une « capsule de passé »), nous tendons à passer à une logique de conservation intégrée [14], prônée en lien avec la notion de « paysage urbain historique » par l’UNESCO, confrontée à la difficile régulation de l’architecture de la métropolisation, notamment verticalisée, dans les villes historiques. On notera ici que le changement temporel découle du changement d’échelle spatiale : il est impossible de protéger un territoire entier comme l’on peut protéger un objet, selon le modèle de « mise sous cloche » — même si des tendances à la « muséification » de quartiers patrimonialisés et touristifiés ont pu être constatées. Le paradoxe inhérent à la notion de conservation intégrée, qui brouille radicalement les frontières de l’espace patrimonial et de l’espace « normal », nous conduit à l’idée d’…

– …un changement de nature : le patrimoine tend à se « diluer », se fondre dans le développement durable (Micoud 2004), l’urbanisme durable. En témoigne, en France, la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 qui organise le remplacement d’ici le 14 juillet 2015 des Zones de Protection du Patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) par des Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP), précédées d’un diagnostic intégré à la fois architectural, patrimonial et environnemental ;

– un changement de fonction : le patrimoine assume non seulement des fonctions politiques et idéologiques classiques (la projection de l’horizon d’attente sur le champ d’expérience servant la construction de communautés imaginées), mais aussi de plus en plus de nouvelles fonctions spatiales dans la nouvelle étape de mondialisation : (re)création de territoires, valorisation des espaces publics, création de centralités, catalyseur de métropolisation et de gentrification… La réarticulation du champ d’expérience et de l’horizon d’attente de la patrimonialisation contemporaine se trouve mise au service d’un réajustement du local au global, d’une production d’espace glocal. Les conflits patrimoniaux contemporains, qui portent conjointement sur l’écriture de l’histoire et sur l’appropriation de l’espace, représentent à ce titre des débats sur la mondialisation. En témoignent les conflits autour de la verticalisation des villes (Appert 2008) ou du patrimoine industriel et ouvrier ;

– un changement de place dans le champ social : de secteur d’intervention publique, le patrimoine tend à devenir une transversalité sociale.

L’interprétation en termes de régimes présente un double intérêt. Tout d’abord, elle propose une alternative à l’interprétation classique des mutations patrimoniales en termes d’extensions de la notion et d’emballement de la machinerie (Jeudy 2001), au profit d’une approche discontinuiste et méta. De plus, cette notion est construite pour favoriser la réflexion sur la connexion avec les régimes d’historicité et de géographicité.

Régime de patrimonialité, régime d’historicité, régime de géographicité : des pistes de recherche à approfondir.

Ce changement de régime de patrimonialité forme en effet système avec le changement de régime d’historicité (Hartog 2003), mais aussi avec le changement de régime de géographicité pressenti par les analystes de la nouvelle étape de mondialisation.

Le patrimoine, par son inflation, son extension chronologique et ses interférences croissantes avec la notion de durabilité (Garat et al. 2005, Driss 2013), constitue un indicateur et un observatoire classique d’une nouvelle construction sociale du temps. La question du patrimoine post-national et des communautés patrimoniales plurielles illustre la crise des grands récits typique du présentisme. L’accélération du temps social (Rosa 2010) se manifeste dans l’accélération spectaculaire de la patrimonialisation depuis les années 1970-80, tandis que la tendance à l’événementialité (Chaudoir 2007) se traduit dans les grandes expositions ou l’aménagement événementiel de musées, et accompagne la déterritorialisation du patrimoine.

De façon plus originale, la patrimonialisation peut être considérée comme un observatoire d’une nouvelle construction sociale de l’espace. Le régime du patrimoine mondialisé et mondialisateur forme système avec l’ère de l’urbain mondialisé et mondialisateur (Lussault 2007), ou l’ère de l’entrepreneurialisme urbain (Harvey 2008), que l’on pourrait qualifier de nouveau régime d’urbanité. Il en constitue à la fois une conséquence, une partie prenante et un possible régulateur. La territorialisation du patrimoine s’inscrit également dans le cadre d’un régime de territorialité réflexif : « la mutation des relations des populations à l’espace » est caractérisée par « la diffusion du patrimoine et de l’environnement comme valeurs et cadres d’action » et la multiplication des conflits patrimoniaux et environnementaux, tandis que l’action patrimoniale se trouve analysée comme la mise en œuvre d’une réflexivité institutionnelle (Melé 2009a).

L’analyse des mutations spatiales de la patrimonialisation gagne en outre à être resituée dans le contexte des travaux consacrés à la dimension spatiale de la nouvelle étape de mondialisation. Les logiques de territorialisation, de déterritorialisation, de rescaling (Brenner 2004), de glocalisation (Robertson 1995) et de mise en réseau du patrimoine que nous avons identifiées et qui reconfigurent en profondeur la notion même de « patrimoine » sont emblématiques d’une nouvelle construction sociale de l’espace, bien connue dans le champ de la géographie économique. Le changement le plus emblématique de la nouvelle étape de mondialisation, le nouveau rapport à la distance induit par la nouvelle étape de contraction de l’espace-temps, transforme également le patrimoine. La révolution des transports diffuse le tourisme, contribuant à une fabrique de plus en plus touristique du patrimoine, tandis que les nouvelles technologies de l’information et de la communication conduisent à une virtualisation du patrimoine. Ces évolutions nourrissent deux grands débats théoriques apparemment disjoints : les débats sur un possible changement de régime d’authenticité (Morisset 2009), mais aussi les débats sur la fin (Badie 1995) ou sur le renouveau des territoires. Le nouveau régime de patrimonialité nous semble former système avec une nouvelle fabrique territoriale glocalisée, dans laquelle la territorialisation et la déterritorialisation, loin de s’opposer, constituent les deux versants d’une même reconfiguration scalaire.

L’examen des changements de la patrimonialisation contemporaine plaide ainsi en faveur d’un approfondissement de la notion de régime de géographicité, calquée sur la notion de « régime d’historicité ». Explorée en particulier par Jean-Marc Besse, elle renvoie à l’étude des « diverses manières selon lesquelles les valeurs de séparation, d’orientation, d’inclusion et de dimension spatiales ont été vécues, pratiquées, représentées, dites, voire théorisées au sein de sociétés différentes » (Besse 2009, p. 296). L’hypothèse d’un nouveau régime de géographicité peut être alimentée par une relecture systématique des travaux consacrés à la nouvelle étape de mondialisation, permettant ainsi d’articuler régime d’historicité et régime de géographicité. En effet, la construction patrimoniale du temps sert aujourd’hui de plus en plus la construction de l’espace dans la mondialisation. Cette co-construction du temps et de l’espace conduit à rapprocher les analyses de la mondialisation des analyses du « présentisme », « qui pourrait donc être considéré comme (s)a dimension temporelle » (Garcia 2009, p. 201). Les notions de régime de patrimonialité, définie comme mode d’articulation de l’historicité et de la localité (Peroni 2001 cité par Tornatore 2007, p. 272), et de régime d’authenticité (Morisset 2009), élaborée à partir du champ patrimonial mais qui l’excède de beaucoup par sa portée générale, dans la mesure où elle propose de penser ensemble le rapport au temps, à l’espace et aux autres, peuvent constituer des outils très heuristiques au service de cette piste de recherche.

Au total, la patrimonialisation, opérateur d’historicité, est devenue un opérateur et un régulateur territorial à part entière. L’articulation entre champ d’expérience et horizon d’attente qu’elle propose sert aujourd’hui à produire du territoire glocal. On peut avancer l’hypothèse, à creuser, selon laquelle les évolutions spatiales de la patrimonialisation (territorialisation, déterritorialisation, changements d’échelle), qui prennent sens dans le cadre des interférences croissantes entre politiques culturelles et politiques urbaines (Saez 2012) et de la tendance à aménager la ville par la culture et le tourisme (Gravari-Barbas 2013), sont révélatrices d’un nouveau régime de géohistoricité. L’objet patrimonial invite à penser ensemble la reconfiguration de la construction sociale du temps et de l’espace dans la nouvelle étape de mondialisation.

On ajoutera, à rebours des thèses de fin de l’histoire (Fukuyama 1992) ou de l’idée d’un espace-temps comme cadre neutre, que cette reconfiguration spatio-temporelle, conflictuelle et fortement sélective, présente des enjeux éminemment politiques et socio-économiques : la patrimondialisation, fréquent vecteur de gentrification (Semmoud 2005, Rautenberg 2012), profite le plus souvent aux supposées « classes créatives » (Florida 2002), tandis que, dans les territoires désindustrialisés, les processus de patrimonialisation peuvent jouer un rôle de compensation symbolique pour les laissés pour compte de la globalisation.

On peut d’ailleurs interpréter l’évolution du binôme patrie-patrimoine à la « patrimondialisation » comme indicateur d’un tendanciel passage — complexe et éminemment conflictuel — des appareils idéologiques d’État (Althusser 1976 ; concept appliqué au patrimoine par Guillaume 1980, repris par Tornatore 2007) à des réseaux idéologiques de la globalisation.

Résumé

Cet article analyse un changement contemporain de régime spatial du patrimoine, caractérisé par un double processus de territorialisation et de déterritorialisation. Il montre que la territorialisation du patrimoine a changé d’échelle et de fonction sociale — de la patrimonialisation de surfaces et non plus seulement de bâtiments, elle en est venue à désigner la multiplication de périmètres d’action publique patrimoniaux et même la contribution du patrimoine aux processus de territorialisation —, qu’elle forme système avec une mise en réseau et une standardisation du patrimoine, et qu’elle interfère de plus en plus avec la mondialisation. Ces mutations sont interprétées comme un changement de régime de patrimonialité, observatoire non seulement du nouveau régime d’historicité, mais aussi d’un nouveau régime de géographicité. Ces pistes de recherche plaident in fine en faveur d’une analyse géohistorique de la co-construction sociale du temps et de l’espace dans la nouvelle étape de mondialisation.

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Notes

[1] De l’économie, via par exemple les appellations d’origine ou les clusters, et des groupes sociaux, qui redécouvrent une identité territoriale en réaction à la mondialisation.

[2] Concept préférable à celui de patrimoine, pour son orientation constructiviste et processuelle comme l’ont montré les travaux d’André Micoud et de Michel Rautenberg (voir notamment Micoud 2005 et Rautenberg 2003).

[3] Antiquaire introducteur de Winckelmann en France, Quatremère de Quincy (1755-1849) plaide dans ses célèbres Lettres à Miranda (1796) contre le déplacement d’œuvres d’art ramenées d’Italie à la suite de la campagne de Bonaparte et pour leur conservation in situ.

[4] « Éclaircissage » : pratique alternative aux grandes percées destructrices des tissus anciens, consistant à adapter le tissu ancien à la circulation contemporaine.

[5] La « glocalisation » désigne l’action locale du global (Robertson 1995).

[6] Les différents espaces protégés devraient être remplacés par les « Cités historiques » prévues dans le projet de loi sur le patrimoine de 2015.

[7] Le projet a été approuvé en novembre 2014 par le Conseil municipal. Le PLU définitif sera adopté d’ici la fin de l’année 2015.

[8] Observation participante à la journée de présentation du PLU « Mon quartier c’est la Plaine » du 7 mars 2015.

[9] Adjoint au schéma de cohérence territorial, le schéma touristique vise à planifier la politique touristique au niveau intercommunal. Celui de Plaine Commune est aujourd’hui entré dans sa deuxième génération.

[10] À la Cité du cinéma par exemple, cas qualifié d’ambivalent sur le plan patrimonial par l’ABF de Seine Saint Denis, les anciens silos à charbons ont été détruits.

[11] Entretien avec l’ABF de Seine Saint Denis, Bruno Mengoli.

[12] Cynthia Ghorra-Gobin liste en particulier « le centre commercial, le palais des congrès, le parc d’activités, le parc à thèmes, le lotissement fermé (gated community) » (2012, p. 267).

[13] Michel Lussault pointe « les grands hôtels, les aéroports, les gares, les musées, les centres commerciaux, les centres de congrès, les grands espaces de loisirs » (2013, p. 56 ; nous soulignons).

[14] Ces considérations sont nourries de l’Atelier de Recherche Prospective de l’ANR Patermundi (Gravari-Barbas 2014), en particulier de l’intervention de Massimo Preite.

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