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Serendipity.

Les mobilités du temps libre.

De nouveaux enjeux de différenciations sociales et spatiales ?
Illustration : dodohugues, « Départ en vacances », 2.10.2006, Flickr (tous droits réservés).

Illustration : dodohugues, « Départ en vacances », 2.10.2006, Flickr (tous droits réservés).

Les relations entre les évolutions de la mobilité spatiale [1] et les processus de différenciation seront analysées ici en référence à des questionnements concernant le développement local. Il apparaît en effet particulièrement intéressant de croiser les enjeux de la mobilité avec ceux du développement territorial car les économies locales semblent aujourd’hui plus qu’avant affectées par l’évolution des pratiques spatiales. En partant de cette analyse nous tenterons de montrer comment les mobilités du temps libre peuvent être aujourd’hui porteuses d’enjeux de différenciations sociales et spatiales.

Les mobilités du temps libre : un renouvellement des approches du développement local et de la mobilité spatiale.

Les approches contemporaines du développement local : de la localisation des entreprises à la localisation des individus.

Les problématiques du développement local s’intéressent traditionnellement davantage à la mobilité des entreprises et à leurs critères de localisation qu’à la mobilité des individus. Ainsi la majorité des analyses actuelles du développement local cherchent à comprendre, dans un nouveau contexte de mondialisation des échanges et de transformation des modes de production, quels sont désormais les déterminants de la localisation des entreprises et leurs effets spatiaux (Veltz, 1996). Les principales explications théoriques apportées mettent en évidence le rôle joué par les arbitrages entre rendements d’échelle croissants et coûts de transport, les externalités positives associées à la concentration géographique et les effets de la concurrence territoriale, autant d’éléments qui expliquent aujourd’hui le processus de concentration spatiale des activités notamment au sein des aires métropolitaines (Gérard-Varet et Mougeot, 2000). Cependant d’autres travaux soulignent que le développement local ne repose pas uniquement sur des logiques productives mais également sur des logiques de consommation et que parallèlement à la localisation des entreprises, la localisation des individus peut également avoir des incidences en matière de développement local. En effet on constate qu’avec l’accroissement des mobilités et l’évolution des modes de localisation des individus, les liens entre les espaces où les revenus sont générés et les espaces où ils sont dépensés se distendent (Claval, 2003). Si la localisation spatiale des ménages a pendant longtemps été associée à un lieu unique, aujourd’hui l’éclatement spatial des espaces de vie témoigne au contraire d’une multiplication des lieux de vie à travers la dissociation croissante des lieux de travail, de résidence, de chalandise, de loisirs ou de tourisme (Knafou, 2000). Or ce phénomène s’apparente sur le plan économique à un processus de dissociation des lieux de production et de consommation dans la vie des ménages (Davezies, 2004), processus qui s’observe aussi bien à l’échelle du bassin de vie à travers l’éloignement des lieux de travail, de résidence et de loisirs qu’à une échelle plus vaste à travers la séparation entre le lieu de vie habituel et les lieux dédiés aux vacances, au tourisme. Ce divorce entre zones productives et zones de consommation a une incidence sur le développement local car les revenus produits sur un territoire n’y sont plus forcément consommés, ce qui entraîne des transferts de richesse au profit d’espaces qui semblent particulièrement attractifs sur le plan résidentiel (Davezies, 2003). La question du développement local ne semble donc pas déterminée uniquement par l’attractivité des territoires vis-à-vis des entreprises, mais également par leur attractivité vis-à-vis des populations qui consomment localement. À travers l’évolution des modes de localisation et l’accroissement des mobilités spatiales on peut ainsi penser qu’à côté de l’optimisation des performances productives, qui reste bien évidemment essentielle, les processus liés à la consommation peuvent également jouer un rôle important pour les économies locales.

L’augmentation et l’évolution des mobilités liées aux loisirs et au tourisme semblent jouer un rôle particulièrement important dans ce processus car elles contribuent aujourd’hui à complexifier la localisation spatiale des individus et à accentuer la dissociation des lieux de production et de consommation dans la vie des ménages. En particulier, on constate qu’avec le développement des mobilités touristiques la localisation des individus ne se réduit plus seulement au lieu de vie habituel, défini autour du lieu de résidence et de travail, mais s’étend également aux lieux d’excursions, de séjours, de vacances qui concernent de plus en plus souvent des espaces lointains. Ceci amène à repenser les modes d’occupation de l’espace car les individus ne sont plus en permanence sur leur lieu de résidence principale, ce qui introduit un décalage entre la vision traditionnelle de la population résidente et la réalité de la population présente (Terrier et al., 2005). Ainsi avec le développement des voyages les Français vivent en moyenne trente-cinq jours par an en dehors de leur domicile, mais on dépasse déjà les soixante et un jours d’absence pour les Parisiens qui, il est vrai, disposent souvent de meilleures infrastructures et de revenus plus élevés (Gouider 1998, Orfeuil et Soleyret, 2002). Or ces mobilités touristiques s’apparentent à un déplacement de consommation du lieu de résidence vers le lieu de séjour, ce qui amène à penser que la présence temporaire d’excursionnistes, de touristes, de résidents secondaires pourrait constituer un paramètre important en matière de développement local. Et ce d’autant plus que ces mobilités temporaires peuvent parfois se révéler prescriptives de mobilités définitives, à travers notamment les migrations de retraite (Cribier et Kych 1995, Duhamel 1997). L’accroissement des mobilités liées aux loisirs et au tourisme montre ainsi qu’à côté de la population qui réside et travaille, la présence de populations qui viennent consommer sur le territoire durant leur temps libre pourrait avoir une incidence en matière de développement local. Mais que sait-on plus précisément sur l’évolution de ces mobilités et sur la localisation spatiale des individus dans le cadre de leur temps libre ? Un premier constat montre qu’il existe en fait très peu d’éléments de connaissance sur ce sujet, la mobilité spatiale ayant été surtout étudiée dans son rapport au travail et au quotidien à travers le prisme des déplacements domicile-travail. C’est pourtant sur ce segment des loisirs et du tourisme que semblent se dessiner des évolutions marquantes de la mobilité spatiale avec l’accroissement de ces déplacements et l’émergence de nouvelles pratiques spatiales qui entraînent des changements importants dans la localisation des individus.

L’évolution des pratiques spatiales effectuées dans le cadre du temps libre.

Concernant les mobilités liées au temps libre une distinction est habituellement établie entre d’une part les mobilités de loisirs qui se définissent à la fois par leur inscription dans le temps quotidien et dans l’espace local et d’autre part les mobilités touristiques qui concernent le hors quotidien et s’effectuent en dehors de l’environnement habituel [2]. Ces mobilités ont connu un accroissement considérable depuis un demi-siècle et pèsent aujourd’hui d’un poids croissant dans la mobilité globale des ménages. Elles représentaient ainsi environ 30% des motifs de déplacements sur le marché de la mobilité locale [3] en 1994 et plus de 70% des motifs sur celui de la mobilité à longue distance (Orfeuil et Soleyret, 2002). Mais au-delà de cette croissance, les mobilités liées aux loisirs et au tourisme semblent connaître d’importantes évolutions qui contribuent à modifier la localisation spatiale des individus. Les travaux de F. Potier sur les mobilités de loisirs mettent ainsi en évidence une évolution de leur spatialisation à travers l’extension des aires de loisirs, entraînant une dissociation croissante avec les lieux de travail et de résidence. Cependant si les individus vont de plus en plus loin pour pratiquer leurs activités de loisirs, celles-ci se déroulent essentiellement à l’intérieur de la zone de résidence (Potier, 2002). En fait c’est surtout sur le segment des mobilités touristiques que les évolutions concernant la localisation des individus dans l’espace semblent les plus prononcées : les déplacements hors de l’environnement habituel connaissent une croissance importante et semblent témoigner de l’émergence de nouvelles pratiques spatiales. Avec l’augmentation du temps libre, les progrès des transports et l’amélioration des niveaux de vie les déplacements touristiques ont connu un essor considérable, le taux de départ en vacances passant ainsi de 15% en 1950 à plus de 65% actuellement (Cazes et Potier, 2002). Ces déplacements hors du lieu de vie habituel ne sont plus réservés uniquement aux vacances puisqu’ils s’effectuent également dans le cadre de courts séjours [4], qui ont connu un développement important au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix (Cazes et Potier, 2002). Aujourd’hui avec plus de 175 millions de séjours touristiques réalisés chaque année les déplacements touristiques occupent une place essentielle dans la mobilité des Français (Direction du Tourisme, 2004).

Mais au-delà de cette importance quantitative les mobilités touristiques semblent connaître aujourd’hui d’importantes évolutions qualitatives, témoignant ainsi de l’émergence de nouvelles formes de mobilité. Celles-ci contribuent à modifier les modes d’occupation de l’espace et à remettre en cause les approches classiques de la mobilité spatiale. En effet les pratiques spatiales effectuées hors de l’environnement habituel dans le cadre du temps libre semblent aujourd’hui difficilement réductibles à la seule catégorie du tourisme, qui désigne au sens strict des déplacements impliquant de passer au moins une nuitée en dehors de l’environnement habituel. On voit en effet se développer des formes de mobilité qui ne s’inscrivent pas dans les définitions usuelles du tourisme, comme les déplacements d’une journée vers des destinations lointaines ou les pratiques de double résidence qui consistent à partager son temps entre une résidence principale et une résidence secondaire. Les déplacements à la journée s’effectuent ainsi toujours hors du lieu de vie habituel mais font par contre désormais référence au quotidien : ils se situent donc entre les mobilités de loisirs et les mobilités touristiques. Les pratiques de double résidence pour leur part sont à mi-chemin entre les mobilités touristiques et les mobilités résidentielles voire les migrations interrégionales [5]. Les déplacements à la journée, appelés aussi excursionnisme [6], ont connu en effet une forte croissance ces dernières années et ont tendance aujourd’hui à se substituer à des déplacements incluant plusieurs nuitées sur place grâce au développement des modes de transport rapides et meilleur marché (tgv Méditerranée, compagnies aériennes low-cost) (Cazes et Potier, 2002). La diminution des courts séjours observée ces dernières années s’expliquerait ainsi par le fait que certains déplacements lointains peuvent désormais se faire par un aller–retour dans la journée (Bernadet, 2003). On voit bien ici la difficulté à saisir à travers les outils statistiques classiques ces nouvelles pratiques spatiales qui ne s’inscrivent pas dans les catégorisations habituelles de la mobilité touristique. Ces évolutions amènent également à repenser la localisation spatiale des individus : en effet ces voyages éclairs à la journée bouleversent les représentations habituelles des modes d’occupation de l’espace à tel point qu’il faudrait presque parler de coprésence des individus sur les territoires.

Parallèlement le développement de pratiques spatiales anciennes comme la double résidence semble également participer à l’évolution des modes de localisation des individus dans l’espace. Les facilités de transport, la disponibilité en temps et la diffusion des technologies de l’information et de la communication ouvrent en effet de nouvelles possibilités et permettent parfois à certains ménages de vivre en alternance sur deux territoires, soit en effectuant des allers-retours fréquents entre la résidence principale et la résidence secondaire au cours de la semaine, soit en passant six mois de l’année dans l’une et six mois dans l’autre. Les pratiques de double résidence correspondent ainsi à de nouvelles formes de mobilité spatiale qui transcendent le cadre des mobilités touristiques. Si la résidence secondaire a longtemps été considérée comme un mode d’hébergement touristique parmi d’autres, aujourd’hui elle apparaît davantage comme un second lieu de vie à côté de la résidence principale (Bonnin et Villanova 1999, Dubost, 1998). Il devient ainsi difficile de parler de déplacements touristiques à propos des mobilités à destination de résidences secondaires puisque celles-ci peuvent dans certains cas être constitutives du cadre de vie habituel. Mais cette question de l’inadaptation des catégorisations habituelles à saisir les évolutions des pratiques spatiales ne se limite pas aux seules mobilités touristiques. Elle correspond en effet à une réflexion plus générale qui conduit à remettre en cause les approches traditionnelles de la mobilité spatiale qui apparaissent aujourd’hui trop cloisonnées (Kaufmann, 2004).

L’analyse de ces nouvelles pratiques spatiales, effectuées hors de l’environnement habituel dans le cadre du temps libre, apparaît ainsi essentielle pour comprendre les évolutions qui touchent à la fois le champ du développement local et celui de la mobilité spatiale. Mais quelles sont aujourd’hui les populations plus spécifiquement concernées par l’accroissement et la transformation de ces mobilités ? Peut-on à travers l’émergence de ces nouvelles pratiques spatiales parler de l’avènement d’une « civilisation du loisir » (Dumazedier, 1962) ? Ou doit-on y voir au contraire un nouveau vecteur de différenciation sociale, les mobilités du temps libre constituant alors une nouvelle forme de capital social ? D’autre part, comment les espaces sont-ils aujourd’hui différemment investis par ces déplacements et quels sont les enjeux territoriaux associés au développement de ces pratiques spatiales ? Les mobilités du temps libre constituent-elles aujourd’hui un nouveau facteur de différenciation territoriale, entraînant ainsi un renforcement des disparités spatiales ?

Pour apporter une première réponse à ces questions, nous proposons d’identifier tout d’abord les populations concernées par ces différentes pratiques spatiales (déplacements à la journée, déplacements touristiques, séjours en résidence secondaire) et d’étudier ensuite leur répartition spatiale. Ces éléments pourraient ainsi permettre d’envisager les enjeux de différenciation sociale et spatiale qui peuvent être liés à ces nouvelles formes de mobilité.

L’étude de ces mobilités spatiales n’est pas aisée car étant donné qu’il s’agit de pratiques émergentes il n’existe pas encore d’outils statistiques adéquats pour les appréhender. Les analyses sont donc tributaires des données existantes. Ainsi les déplacements à la journée ne pourront pas être examinés ici car les enquêtes mises en place depuis 2002 par le Ministère du Tourisme ne permettent pas encore de disposer de données exploitables (Bernardet, 2003). Nous nous appuierons donc essentiellement sur l’enquête réalisée par la Direction du Tourisme [7] sur les pratiques touristiques des Français en distinguant les déplacements liés à la possession d’une résidence secondaire des autres déplacements touristiques. En effet cette distinction n’est généralement pas effectuée dans les exploitations habituelles réalisées par la Direction du Tourisme car elle ne rentre pas dans ses priorités. Or il s’agit d’une source d’information précieuse car c’est l’une des seules qui permette de connaître les mobilités générées par la possession d’une résidence secondaire, celle-ci étant d’habitude étudiée dans les autres enquêtes statistiques comme une catégorie de logement. Bien que cette approche s’intéresse essentiellement aux mobilités qui s’inscrivent dans une temporalité de courte durée, ces analyses sur les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire seront mises en perspective avec des travaux récents portant sur les migrations de retraite (Gonnard, en cours) [8]. Il paraît en effet intéressant de développer une approche transversale des mobilités qui s’inscrivent dans le temps libre car il semble exister de fortes interdépendances entre ces trois formes de mobilité, en particulier concernant les logiques de localisation. De plus les migrations de retraite semblent porteuses des mêmes enjeux territoriaux car elles traduisent également un processus de dissociation des lieux de production et de consommation dans la vie des ménages mais à l’échelle du cycle de vie. Ainsi la localisation des retraités qui décident de quitter les lieux où ils ont vécu et travaillé pendant des années peut aussi constituer un enjeu important pour le développement local car ces populations inactives participent par leur consommation à la création de la richesse locale. Pour des facilités de lecture, ces trois formes de mobilité (déplacements touristiques, déplacements vers la résidence secondaire et migrations de retraite) seront désignées ici par le terme de mobilités du temps libre [9].

Les mobilités du temps libre : un vecteur de démocratisation ou de différenciation ?

Le vote de la loi sur la réduction du temps de travail en France, à la fin des années quatre-vingt-dix, a contribué à replacer au centre des débats la question des temps sociaux, et en particulier la place du temps libre dans la société contemporaine. La diminution de la durée légale du travail à trente-cinq heures, qui s’inscrit dans un long mouvement de diminution du temps de travail entamé depuis la fin du 19e siècle, a ainsi été parfois interprétée comme le signe de l’émergence d’une société fondée sur le temps libre (Sue 1994, Viard, 2002a). Selon ces analyses le temps libre serait devenu désormais le nouveau temps dominant, se substituant au temps de travail, à partir duquel s’organiseraient les autres temps sociaux et seraient produites les valeurs centrales de la société. Ces réflexions se sont progressivement étendues au champ de la mobilité spatiale, Jean Viard écrivant ainsi : « […] les progrès technologiques ont réduit la place du travail dans le temps de la vie d’un humain, ne tenant plus qu’une place seconde dans ses déplacements […] ». L’essor considérable des vacances, des séjours touristiques constituerait ainsi l’une des manifestations de cette évolution et témoignerait de l’émergence d’une société où la mobilité serait désormais structurée autour du temps libre et profiterait à tous. Jean Viard parle ainsi :« […] d’une culture de la mobilité estivale et quotidienne démocratisée […] ; une société […] où 10 à 20% des gens possèdent un deuxième lieu résidentiel […] » et où « […] chaque fin de semaine, 20% des Parisiens quittent leur ville, plus de 50% dans les cités les plus petites […] » (Viard, 2002b).

L’étude des déplacements touristiques, des séjours en résidence secondaire et des migrations de retraite conduit cependant à relativiser ces analyses. S’il est vrai que le temps libre constitue aujourd’hui un élément structurant des modes de vie des individus, ce qui justifie notamment l’intérêt que l’on puisse porter à son incidence sur les pratique spatiales et à leurs conséquences pour les territoires, il apparaît cependant excessif de parler d’émergence d’une société du temps libre. Ainsi il semble important de souligner que le temps libre doit être davantage pensé en articulation avec le temps de travail qu’en opposition avec celui-ci et de mettre en évidence le fait que toutes les catégories sociales ne sont pas égales devant ces évolutions.

L’accès aux mobilités du temps libre.

Avant d’étudier de manière plus détaillée les caractéristiques des populations qui sont concernées par ces pratiques spatiales, il paraît nécessaire d’estimer tout d’abord l’accessibilité à ces mobilités du temps libre en étudiant le profil des partants et des non-partants. À ce titre les séjours en résidence secondaire seront regroupés dans un premier temps avec les déplacements touristiques pour avoir une vision globale de l’évolution des taux de départ en voyage. Peut-on aujourd’hui parler d’une démocratisation achevée de l’accès aux vacances et au tourisme ou existe-t-il toujours des différenciations sociales importantes ? Quels sont les facteurs qui entrent en jeu ?

D’après les statistiques de la Direction du Tourisme, aujourd’hui plus de 70% des Français effectuent au moins un voyage pour motif personnel dans l’année et plus de 65% partent en vacances (Direction du Tourisme, 2004). Ces éléments témoignent d’une diffusion et d’une démocratisation importante des pratiques puisqu’en 1950 seule 15% de la population française était concernée par les départs en vacances. Ceux-ci ont fortement augmenté durant plusieurs décennies, les taux de départ connaissant une croissance continue des années cinquante au début des années quatre-vingt-dix : 40% de Français partaient en vacances en 1960, 50% en 1974 et 60% en 1992 (Cazes et Potier, 2002). Mais cette démocratisation des vacances semble s’être opérée principalement entre le début des années cinquante et le début des années quatre-vingt car dès 1984 la progression des taux de départ se ralentit fortement (Cazes et Potier, 2002). Ceux-ci semblent stagner depuis le début des années quatre-vingt-dix autour de 62% et ce sont ainsi chaque année près de quatre Français sur dix qui ne partent pas en vacances (Rouquette, 2000). Des évolutions identiques semblent affecter aujourd’hui les taux de départ en voyage : ceux-ci étaient en hausse jusqu’en 1994 mais connaissent depuis une baisse, passant ainsi de 77% en 1996 à 72% en 2001. Cette diminution des taux de départ semble s’expliquer de manière générale par une évolution du tourisme français qui, après avoir connu depuis l’après-guerre des années de forte croissance, entre depuis le milieu des années quatre-vingt-dix dans une phase de maturité (Direction du Tourisme, 2002). Ainsi après des décennies de croissance régulière, la proportion de ceux qui partent en voyage et en vacances semble stagner depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cependant il faut tenir compte du fait que si le non-départ est souvent lié à une contrainte, il peut relever dans certains cas d’un choix : certains ménages peuvent désirer rester chez eux pour les vacances, en particulier s’ils habitent dans des régions touristiques (Ont, 2001). De plus les Français qui ne partent pas une année à cause de contraintes financières, familiales ou de santé ne constituent pas pour autant des non-partants absolus. Ainsi si 25,9% des Français ne sont pas partis en voyage en 1998, ce pourcentage passe à 16,7% si on prend en considération une période de deux années consécutives (Boudet et Le Scouarnec, 2002).

D’après une étude réalisée par la Direction du Tourisme en 1999, l’opposition entre partants et non-partants repose sur différents éléments, les plus discriminants étant la catégorie socioprofessionnelle, le revenu, la catégorie d’agglomération de résidence et l’âge (Boudet et Le Scouarnec, 2002). D’après ces analyses on constate que les taux de départ en voyage restent marqués par de fortes différenciations sociales : le taux de non-départ le plus élevé concerne les ouvriers (36,3% en 1999) et le plus bas celui des cadres supérieurs et professions libérales (9,8% en 1999). De même le revenu exerce toujours une influence déterminante puisque environ 39% des non-partants appartiennent à des foyers dont les revenus sont inférieurs à 1200 Eur et plus de la moitié à 1500 Eur. Ces éléments se retrouvent en filigrane dans les inégalités de taux de départ liées à l’origine géographique : ainsi ce sont les régions du Nord et de l’Est, les plus sinistrées économiquement, qui enregistrent la proportion la plus élevée de non-partants, à l’opposé c’est la région parisienne qui possède le taux de non-départ le plus faible. Celle-ci concentre en effet tous les facteurs propices à la mobilité : sur-représentation des cadres et professions intellectuelles supérieures, concentration des ménages disposant des revenus les plus élevés, concentration de l’emploi, qualité des dessertes en transport… La catégorie d’agglomération exerce également une influence sur le taux de départ en voyage puisque ce sont les habitants des communes rurales et des communes de moins de 20 000 habitants qui sont les plus concernés par le phénomène de non-départ. Enfin l’âge constitue aussi un élément déterminant : ainsi les non-partants correspondent aux tranches d’âge les plus extrêmes, c’est-à-dire les 15-24 ans et les 65 ans et plus. La diminution du taux de départ des jeunes constitue un phénomène marquant de ces dernières années puisque ce sont les tranches d’âge les plus jeunes qui ont été principalement concernées par la baisse des taux de départ depuis 1995-1996 (Ont, 2001). Or cette évolution peut se révéler préoccupante car elle peut avoir des conséquences dans l’avenir, les pratiques de départ reposant en partie sur un apprentissage durant la jeunesse.

Ainsi il paraît difficile dans ces conditions de parler d’une démocratisation achevée des mobilités de vacances et de tourisme. Après des décennies de croissance régulière qui ont permis une large diffusion de ces pratiques dans l’ensemble de la population française, aujourd’hui la proportion de ceux qui partent en voyage et en vacances semble désormais stagner. Elle semble liée en partie à la difficulté à enrayer les différenciations sociales qui marquent encore les inégalités de taux de départ. En effet entre partants et non-partants, l’âge, la catégorie sociale et le niveau de revenu constituent des facteurs de fortes différenciations : les agriculteurs, les ouvriers et les tranches d’âge extrêmes (15-24 ans et plus de 65 ans) partent significativement moins en voyage que le reste de la population. Mais ces variables n’influencent pas que le taux de départ, elles agissent aussi sur le type de pratique adopté comme les déplacements touristiques ou les séjours en résidence secondaire qui vont être étudiés maintenant de manière plus spécifique. Ces éléments seront ensuite mis en perspective avec l’analyse des migrations de retraite pour voir s’il existe éventuellement des facteurs communs de différenciation.

Les touristes, les résidents secondaires, les migrants retraités : un profil spécifique ?

Les données de l’enquête Suivi de la Demande Touristique Française permettent de connaître à la fois les caractéristiques socio-démographiques des individus qui ont effectué un ou plusieurs séjours touristiques au cours de l’année et le mode d’hébergement qu’ils ont choisi. À partir de ces éléments il est possible d’essayer d’établir un profil des populations qui optent soit pour les déplacements touristiques soit pour les séjours en résidence secondaire et de mettre en évidence d’éventuelles différenciations sociales, par rapport à l’ensemble de la population française mais aussi entre ces deux catégories de population [10]. À titre d’information, 63,7% de la population enquêtée a effectué au moins et exclusivement un déplacement touristique au cours de l’année 2000 et 8,4% un séjour en résidence secondaire.

La comparaison de ces profils montre tout d’abord que les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire reflètent des différenciations sociales significatives. On observe en effet au sein des populations qui adoptent ces pratiques spatiales une sur-représentation des cadres et une sous-représentation des ouvriers. En particulier la proportion de cadres représente le double de celle des ouvriers au sein de la population des résidents secondaires alors que c’est la situation inverse qui prévaut dans la structure de la population française. De plus les touristes et les résidents secondaires sont généralement mieux dotés que la moyenne : si la catégorie des personnes qui disposent de revenus mensuels supérieurs à 3000 Eur représente 18% de la population française, elle est de 20% chez les touristes et atteint presque 41% chez les résidents secondaires. À l’opposé les catégories qui disposent de revenus inférieurs à 1500 Eur sont sous-représentées, en particulier chez les résidents secondaires où ils constituent à peine 8% de cette population. Si ces différenciations sociales sont communes aux déplacements touristiques et aux séjours en résidence secondaire, elles semblent toutefois beaucoup plus marquées pour cette dernière forme de mobilité.

Mais il existe également des différenciations sociales entre la population des touristes et celle des résidents secondaires. Ainsi la première semble beaucoup plus ouverte aux professions intermédiaires et aux employés puisque ces catégories socioprofessionnelles y sont sur-représentées, alors qu’elles sont sous-représentées chez les résidents secondaires. À titre d’exemple les employés, qui constituent près de 17% de la population française, représentent 19% des touristes mais seulement 11% des résidents secondaires. On observe la même logique concernant les revenus intermédiaires : les catégories de population disposant de revenus mensuels compris entre 1500 et 3000 Eur sont sur-représentées chez les touristes et sous-représentées chez les résidents secondaires. Ces éléments mettent en évidence le fait que les déplacements touristiques apparaissent plus accessibles aux populations intermédiaires que les séjours en résidence secondaire qui restent l’apanage des catégories les plus favorisées de la population française. Enfin la population des touristes et des résidents secondaires se différencie également par son attractivité vis-à-vis des retraités : ceux-ci sont sous-représentés chez les touristes et à l’opposé largement sur-représentés chez les résidents secondaires, constituant près de 40% de cette population. La sous-représentation des retraités au sein de la population des touristes s’explique en partie par le fait que les inactifs ont de manière générale tendance à moins se déplacer, ceci conduit notamment à relativiser la vision d’une population de seniors hypermobiles de par leurs déplacements touristiques. La sur-représentation des retraités au sein des résidents secondaires montre le rôle déterminant que joue cette catégorie de la population dans les séjours en résidence secondaire, ceci peut s’expliquer notamment par la substitution progressive de la pratique de la double résidence à la migration de retraite.

En dehors de la catégorie socioprofessionnelle et du revenu, d’autres éléments permettent de caractériser la population des touristes et des résidents secondaires, soulignant ainsi d’autres phénomènes de différenciations sociales. Ainsi les déplacements touristiques semblent être l’apanage des 25-44 ans alors que la résidence secondaire attire massivement les plus de 65 ans. Ceux-ci représentent près de 30% de la population des résidents secondaires alors qu’ils ne sont que 16% dans l’ensemble de la population française. Par contre que ce soit pour les déplacements touristiques ou les séjours en résidence secondaire on constate une sous-représentation des jeunes de 15-24 ans, phénomène qui semble confirmer les difficultés qu’ont ces catégories de population à partir. L’origine géographique constitue également un facteur de différenciation : les ruraux, les habitants des agglomérations de moins de 100 000 habitants, du Nord et du Bassin parisien Est sont sous-représentés au sein de la population des touristes et des résidents secondaires, ce qui confirme les constats effectués sur les non-partants. Mais ces phénomènes sont davantage prononcés au sein de la population des résidents secondaires, celle-ci se différencie de la population des touristes par la place essentielle qu’occupent les habitants de la région parisienne qui représentent plus de tiers des résidents secondaires. Bien entendu si la sur-représentation des Franciliens au sein de la population des résidents secondaires s’explique par le caractère très urbanisé de la région et la qualité des dessertes de transport, elle reflète également le fait que ses habitants disposent généralement de revenus plus élevés et appartiennent aux catégories socio-professionnelles les plus aisées. D’autres éléments de différenciation, liés au logement, peuvent être mentionnés comme le statut d’occupation ou le type d’habitat. Ainsi on constate qu’au sein des populations concernées par les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire il y a une légère sur-représentation des personnes vivant en appartement, en particulier chez les résidents secondaires et une sous-représentation des personnes vivant en maison individuelle, là aussi surtout chez les résidents secondaires. Si bien évidemment d’autres facteurs sont à prendre en compte, on peut penser que les résidents secondaires choisissent un appartement comme résidence principale car ils disposent d’une maison individuelle comme résidence secondaire. On voit ici la complémentarité qui peut exister entre le lieu de résidence principale et le lieu de résidence secondaire, introduisant ainsi une conception plus large de ce qu’est le cadre résidentiel des individus disposant d’un second lieu de vie. Enfin c’est principalement chez les résidents secondaires que les propriétaires de leur résidence principale semblent surtout sur-représentés et les locataires sous-représentés, ces éléments s’expliquant notamment par le revenu et l’âge élevés des résidents secondaires. Il semble ainsi que l’image des résidents secondaires locataires de leur résidence principale et propriétaires de leur résidence secondaire soit à relativiser, les résidents secondaires étant d’après ces éléments très majoritairement propriétaires de leur résidence principale.

D’après les analyses de Sophie Gonnard l’ensemble de ces facteurs de différenciation jouent également dans le cas des migrations de retraite. Il faut cependant noter que celles-ci ne concernent qu’une faible part des retraités, puisqu’en 1999 ils étaient seulement 5% à avoir changé de région par rapport à 1990. Comme dans le cas des déplacements touristiques et des séjours en résidence secondaire, la catégorie socioprofessionnelle joue un rôle très important : dans la majorité des cas ce sont les anciens cadres et les anciennes professions intermédiaires qui migrent le plus, à l’opposé ce sont les anciens ouvriers qui sont les plus sédentaires. L’origine géographique joue également un rôle important : comme pour les séjours en résidence secondaire ce sont avant tout les Parisiens qui migrent au moment de la retraite, leur taux de mobilité s’élève ainsi à 15,9% contre 3,4% pour les retraités résidant en province. L’âge intervient également mais cette fois de manière spécifique à cette catégorie de population. Ainsi ce sont les jeunes retraités qui migrent : entre 1990 et 1999, 56,7% des retraités ayant migré avaient entre 60 et 69 ans en 1999 alors que cette classe d’âge représente 44% de la population des 60 ans et plus.

Cette analyse du profil des populations concernées par les mobilités du temps libre contribue à remettre en cause l’idée selon laquelle l’émergence du temps libre se traduirait sur le plan de la mobilité spatiale par un accès généralisé de la population à ce type de pratiques. On constate en effet que malgré la diffusion des départs en voyage au sein de la population française, certains n’ont toujours pas la possibilité de partir et la proportion de ces non-partants ne semble pas diminuer au fil des années. La catégorie socioprofessionnelle, le revenu, l’âge et la catégorie d’agglomération de résidence sont autant de facteurs qui expliquent les différenciations sociales dans les taux de départ. Parallèlement l’analyse du profil des populations qui sont concernées par les mobilités du temps libre souligne le fait qu’il s’agit surtout des catégories favorisées de la population. Mais si les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite sont loin d’être l’apanage de l’ensemble de la population française, elles semblent néanmoins jouer un rôle déterminant sur le plan spatial. Ainsi les déplacements touristiques réalisés en 2000 par 63,7% de la population française ont généré près de 760,4 millions de nuitées touristiques, pour leur part les séjours en résidence secondaire qui ne concernaient que 8% de la population française en ont généré plus de 143,8 millions, la résidence secondaire représentant ainsi le deuxième mode d’hébergement touristique après les séjours chez la famille et les amis. D’après les travaux de Sophie Gonnard les migrations de retraite seraient également à l’origine d’une redistribution géographique importante des retraités entre les régions françaises. Or la présence de ces populations constitue un atout essentiel pour les territoires car les touristes, les résidents secondaires et les retraités qui ont migré disposent de revenus élevés, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur le développement local. C’est la raison pour laquelle nous allons maintenant étudier plus précisément la répartition spatiale de ces différentes catégories de population.

Tableau 1 : Comparaison des profils des touristes et des résidents secondaires par rapport à l’ensemble de la population française âgée de 15 ans et plus (catégories les plus significatives, en % de la population ciblée). Source : calcul de l’auteur, d’après Sdt 2000, Direction du Tourisme/Sofrès. Note : la population des touristes regroupe l’ensemble des individus qui ont réalisé exclusivement un séjour dans un autre mode d’hébergement que la résidence secondaire. Par conséquent les individus qui ont effectué un séjour en résidence secondaire et un séjour dans un autre mode d’hébergement touristique ne figurent pas dans la population des touristes.

Tableau 1 : Comparaison des profils des touristes et des résidents secondaires par rapport à l’ensemble de la population française âgée de 15 ans et plus (catégories les plus significatives, en % de la population ciblée). Source : calcul de l’auteur, d’après Sdt 2000, Direction du Tourisme/Sofrès. Note : la population des touristes regroupe l’ensemble des individus qui ont réalisé exclusivement un séjour dans un autre mode d’hébergement que la résidence secondaire. Par conséquent les individus qui ont effectué un séjour en résidence secondaire et un séjour dans un autre mode d’hébergement touristique ne figurent pas dans la population des touristes.

Les mobilités du temps libre : un nouveau facteur de différenciation spatiale ?

Comparaison de la géographie des déplacements touristiques, des séjours en résidence secondaire et des migrations de retraite.

La différenciation spatiale générée par les mobilités du temps libre peut s’analyser tout d’abord à travers l’étude de la géographie des déplacements touristiques, des séjours en résidence secondaire et des migrations de retraite. Ces éléments devraient permettre de voir en effet comment les espaces sont aujourd’hui différemment investis par les mobilités du temps libre. Quelles sont les principales régions de destination des déplacements touristiques, des séjours en résidence secondaire et des migrations de retraite ? Quelles sont également les principales régions émettrices ? Enfin, si l’on tient compte à la fois des flux reçus et émis, quelles sont les régions les plus attractives à l’égard des mobilités du temps libre ? La répartition des mobilités du temps libre dans l’espace n’étant pas homogène, on peut penser que l’intensité de cette double fonction d’émission et de réception n’est pas la même d’un espace à l’autre. Les mobilités du temps libre peuvent constituer ainsi un facteur de différenciation spatiale, certains espaces se caractérisant par exemple davantage par leur fonction réceptrice, d’autres par leur fonction émettrice.

La géographie des déplacements touristiques et des séjours en résidence secondaire sera analysée ici à partir des données du Sdt et sera ensuite mise en perspective avec la géographie des migrations de retraite identifiée par Sophie Gonnard. Afin d’avoir une vision globale, l’analyse se fera essentiellement au niveau des régions de France métropolitaine.

Si l’on considère dans un premier temps chaque région comme région réceptrice on constate que les mobilités du temps libre profitent essentiellement à un nombre restreint de régions [11]. Ainsi les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite bénéficient principalement aux régions du Sud et de l’Ouest mais il existe cependant certaines nuances selon le type de mobilité étudié. Ainsi si la Corse et le Languedoc-Roussillon semblent plébiscités dans les trois cas de figure, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur semble pour sa part attirer davantage les touristes que les résidents secondaires ou les migrants retraités. On peut penser à cet égard qu’il existe ici un phénomène d’évitement, les retraités et les résidents secondaires préférant s’installer dans des espaces plus à l’écart des flux touristiques. À l’Ouest, les déplacements touristiques se font principalement à destination du sud de la façade atlantique (régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Bretagne), alors que les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite s’orientent plus spécifiquement vers les régions Poitou-Charentes, Bretagne ou Basse-Normandie. À côté de cette attractivité dominante du Sud et de l’Ouest certaines régions situées à proximité de l’Ile-de-France semblent plébiscitées par les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite comme la région Centre ou la Bourgogne. Ces régions semblent en effet constituer des destinations privilégiées pour les résidents secondaires et les retraités d’origine francilienne. À l’inverse les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite profitent très peu aux régions du Nord et de l’Est de la France, et tout particulièrement à l’Ile-de-France.

Si l’on envisage à présent chaque région comme région émettrice, on constate d’emblée le rôle essentiel joué par l’Ile-de-France dans l’émission des mobilités du temps libre [12]. La région francilienne génère en effet plus du quart des déplacements touristiques et près de la moitié des séjours en résidence secondaire et des migrations de retraite. Ainsi quel que soit le type de mobilité étudié, l’Ile-de-France arrive en tête du classement des régions émettrices et se différencie donc nettement des autres régions françaises. Une opposition claire entre l’Ile-de-France et la province semble ainsi se dessiner : alors que la région francilienne voit ses habitants partir en masse à l’occasion de leurs déplacements touristiques, de leurs séjours en résidence secondaire ou de leurs migrations de retraite, les autres régions semblent avoir plus de facilités à retenir leurs habitants. Concernant les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, on constate par exemple que les provinciaux restent beaucoup plus souvent dans leur région de résidence que les Franciliens, ceux-ci disposant il est vrai de revenus souvent plus élevés et de très bonnes dessertes en transport. L’importance des déplacements effectués à l’intérieur de la région de résidence apparaît donc bien comme une spécificité de la province par rapport à l’Ile-de-France, en particulier pour les régions du Sud et de l’Ouest (Potier, 2002). L’appartenance à ces régions semble avoir également une influence sur le choix des destinations : si les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire des Franciliens bénéficient à l’ensemble des régions françaises, ceux des provinciaux semblent au contraire se focaliser sur une ou deux régions particulières. Ainsi dans presque toutes les régions de province, la part des nuitées réalisées par les Franciliens s’avère la plus élevée, suivie généralement par celle des habitants de la région. D’après les travaux de Sophie Gonnard, cette opposition Ile-de-France/province se retrouve également dans le cas des migrations de retraite. L’Ile-de-France voit ainsi partir un grand nombre de ses retraités puisque ce sont près de 16% des retraités qui ont quitté l’Ile-de-France entre 1990 et 1999. À l’inverse les autres régions françaises retiennent bien leurs retraités : seuls 3,4% d’entre eux ont quitté ces régions entre 1990 et 1999.

Afin d’évaluer l’attractivité globale des régions à l’égard des mobilités du temps libre, il apparaît indispensable de prendre en compte à la fois les flux émis et reçus en calculant des soldes régionaux pour chaque type de mobilité étudié. Ceci permet d’identifier les principales régions bénéficiaires de ces mobilités et de mettre ainsi en évidence les différenciations spatiales générées par les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite. Quel que soit le type de mobilité étudié, on constate une césure nette entre les régions qui disposent d’un solde positif et celles qui disposent d’un solde négatif [13]. Celles-ci correspondent globalement aux régions du Nord et de l’Est (Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Picardie, Ile-de-France, Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Franche-Comté). Le climat et l’environnement fortement industrialisé et urbanisé de ces régions expliquent en partie leur rapport déficitaire avec les autres destinations françaises. Au sein de cet ensemble, l’Ile-de-France représente un cas particulier par l’ampleur de son déficit. Comme nous l’avons vu précédemment non seulement les habitants de l’Ile-de-France quittent massivement la région à l’occasion de leurs déplacements touristiques, de leurs séjours en résidence secondaire ou de leurs migrations de retraite mais en plus la région francilienne apparaît peu attractive à l’égard de ces formes de mobilité. À l’opposé les régions qui, au sein des régions disposant d’un solde positif, ont le rapport le plus avantageux avec les autres régions françaises correspondent à celles du Sud et de l’Ouest. Ces régions dotées de fortes aménités naturelles attirent aussi bien leurs propres habitants que les habitants des autres régions françaises. Les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite bénéficient essentiellement à la Corse et au Languedoc-Roussillon, les déplacements touristiques s’orientent pour leur part également vers la région Paca. Sur la façade atlantique la Bretagne, la région Poitou-Charentes mais aussi la Basse-Normandie pour les séjours en résidence secondaire et l’Aquitaine pour les déplacements touristiques sont fortement plébiscitées.

Ces éléments contribuent à mettre en évidence le fait que les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite partagent une géographie commune, en particulier pour ces deux formes de mobilités. On constate ainsi que la présence temporaire des individus sur les territoires durant leur temps libre peut constituer un indice de l’attractivité des territoires vis-à-vis des populations, les territoires du tourisme et de la résidence secondaire correspondant à ceux de la retraite. Mais surtout l’analyse de la géographie des mobilités du temps libre met en évidence d’importantes différenciations spatiales : on constate en effet l’inégale attractivité des espaces vis-à-vis de ces mobilités, ce qui peut être révélateur de nouveaux enjeux territoriaux.

Les enjeux territoriaux associés aux mobilités du temps libre.

Comme nous l’avons vu précédemment, les mobilités du temps libre pourraient avoir aujourd’hui des conséquences en matière de développement local car elles contribuent à accentuer le processus de dissociation des lieux de production et de consommation dans la vie des ménages. En effet à travers les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, une part du revenu des ménages n’est plus dépensée sur le lieu de vie habituel, lié au domicile et au travail, mais sur le lieu de séjour. De même à l’échelle du cycle de vie, les pensions de retraite ne bénéficient plus toujours aux territoires de l’activité professionnelle car les retraités peuvent décident de quitter les lieux où ils ont vécu et travaillé jusqu’à présent. Ainsi les mobilités du temps libre ne s’apparentent pas seulement à un changement de localisation des individus dans l’espace, elles génèrent également des flux de dépenses entre les régions françaises à travers les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire et des transferts de revenu à travers les migrations de retraite. Or les espaces étant différemment investis par ces mobilités du temps libre, on peut penser que la présence ou l’absence de touristes et de résidents secondaire et le départ ou l’arrivée de retraités peuvent être porteurs d’enjeux de différenciation spatiale. Afin d’esquisser les enjeux économiques que peuvent représenter ces flux de dépenses et ces transferts de revenu entre les régions françaises, il semble intéressant, dans le cadre d’une première approche, de disposer d’une estimation du montant de ces flux de dépenses et de ces transferts de revenus occasionnés par les mobilités du temps libre et d’analyser leur géographie.

Concernant les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, nous présenterons les résultats d’une première estimation effectuée pour la Direction du tourisme (Lejoux, 2002) [14]. Afin de présenter de manière synthétique les principaux éléments, les flux de dépenses générés par les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire entre les régions françaises seront regroupés ensemble. Ces éléments seront mis en perspective avec la géographie des transferts de revenu occasionnés par les migrations de retraite réalisée par Sophie Gonnard. Pour chaque région, l’évaluation de l’apport net des flux de dépenses et des transferts de revenu sera effectuée à partir du calcul des soldes régionaux.

À l’échelle nationale, l’analyse de la géographie des flux de dépenses met en évidence le rôle redistributif des déplacements touristiques et des séjours en résidence secondaire pour les régions françaises. En effet les régions qui disposent d’un solde positif correspondent généralement aux régions considérées comme « pauvres » au regard des indicateurs du développement local [15] et celles qui ont un solde négatif aux régions « riches ». En effet le Languedoc-Roussillon, la Corse et la Bretagne qui ne sont pas favorisées sur le plan du Pib et du revenu par habitant bénéficient ainsi des soldes les plus importants [16]. À l’opposé, l’Ile-de-France, l’Alsace et la Champagne-Ardenne qui figurent en tête du classement pour ces indicateurs ont un solde déficitaire. Les flux de dépenses générés par les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire s’apparentent ainsi à un mécanisme de redistribution spatiale. Ces flux de dépenses correspondent en fait à des transferts entre régions émettrices « riches » et régions réceptrices « pauvres », et plus précisément à un transfert de richesse de l’Ile-de-France vers la province. En effet la région francilienne, qui dispose de loin du Pib et du revenu par habitant les plus élevés, est la principale région émettrice : elle distribue ainsi à travers les déplacements touristiques extérieurs des Franciliens plus de 8 milliards d’euros à la province. Les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, par les flux interrégionaux de dépenses qu’elles génèrent, semblent donc particulièrement favorables à l’aménagement du territoire. Cette redistribution de l’Ile-de-France vers la province se retrouve également dans le cas des migrations de retraite. Celles-ci ont entraîné entre 1990 et 1999 un transfert de revenu entre les régions françaises d’un montant d’au moins 9 milliards d’euros, soit environ un milliard d’euros par an. La région francilienne a joué un rôle central dans cette redistribution puisque près de la moitié de ces transferts de revenu proviennent de l’Ile-de-France. À l’opposé les régions qui ont le plus bénéficié de ces transferts de revenu sont, comme pour les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, les régions Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Bretagne.

Ainsi si les mobilités du temps libre se répartissent inégalement entre les régions françaises elles semblent pour autant plutôt amicales avec l’aménagement du territoire puisqu’elles semblent s’apparenter à des transferts de richesse des régions « riches » vers les régions « pauvres ». Les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite, par les flux de dépenses et les transferts de revenu générés entre les régions françaises, semblent donc constituer davantage un vecteur de solidarité économique entre les espaces qu’un facteur de différenciation spatiale. En ce sens elles semblent aller à l’encontre des tendances actuelles du développement local, marqué par une concentration croissante des activités productives qui semble bénéficier essentiellement aux espaces les plus développés.

Cependant certaines régions restent à l’écart de cette dynamique vertueuse. Ainsi le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et la Lorraine semblent pénalisées par les dépenses effectuées par leurs habitants à l’extérieur à l’occasion de leurs déplacements touristiques ou de leurs séjours en résidence secondaire. Ces régions, qui connaissent des difficultés économiques, se trouvent non seulement à l’écart du phénomène de redistribution spatiale mais en plus transfèrent à travers les flux de dépenses occasionnés par les déplacements de leurs habitants une partie de leurs ressources aux autres régions. Ainsi le Nord-Pas-de-Calais, qui dispose d’un des plus faibles Pib par habitant, verse au final près de 900 millions d’euros aux autres régions françaises à travers les dépenses effectuées par ses habitants à l’extérieur. Pour ces régions, la faiblesse des performances productives est redoublée par un déficit en terme d’attractivité touristique. De même les migrations de retraite pénalisent lourdement le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine : celles-ci perdent respectivement l’équivalent de 145 et 63 millions d’euros.

L’analyse des flux de dépenses générés par les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire et des transferts de revenu occasionnés par les migrations de retraite met ainsi en évidence les enjeux que peuvent représenter ces pratiques spatiales pour les territoires. Si la présence de touristes, de résidents secondaires, de migrants retraités constitue un apport de ressources supplémentaire, leur absence peut également signifier une perte de richesse, qui peut être préjudiciable pour certains espaces. Ainsi les mobilités du temps libre contribuent à mettre en évidence le fait que le développement local ne repose pas uniquement sur des logiques productives, mais aussi sur des logiques de consommation et celles-ci semblent bénéficier principalement aux régions les plus attractives en terme de cadre de vie et qui sont souvent plus désavantagées sur le plan des activités productives.

En conclusion si les mobilités du temps libre se révèlent être aujourd’hui un vecteur de différenciation sociale, l’idée d’un accès généralisé de la population à ces pratiques étant largement démentie dans les faits, elles semblent par contre constituer un facteur d’atténuation des différenciations sur le plan spatial. En effet les déplacements touristiques, les séjours en résidence secondaire et les migrations de retraite apparaissent davantage comme un vecteur de solidarité entre espaces.

Abstract

Les relations entre les évolutions de la mobilité spatiale[1] et les processus de différenciation seront analysées ici en référence à des questionnements concernant le développement local. Il apparaît en effet particulièrement intéressant de croiser les enjeux de la mobilité avec ceux du développement territorial car les économies locales semblent aujourd’hui plus qu’avant affectées par l’évolution ...

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Notes

[1] Le terme de mobilité spatiale désignera dans le texte essentiellement les déplacements effectués à l’intérieur ou à l’extérieur du bassin de vie impliquant un retour au domicile à court terme, par opposition à la mobilité résidentielle et aux migrations. Celles-ci seront cependant évoquées à travers quelques références à des travaux récents portant sur les migrations de retraite.

[2] Selon la définition officielle de l’Organisation Mondiale du Tourisme un déplacement touristique correspond à un déplacement effectué hors de l’environnement habituel, d’une durée au moins égale à une nuitée mais qui ne doit pas dépasser une période consécutive d’une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité (Nations Unies et Omt, 1994).

[3] La mobilité locale concerne l’ensemble des déplacements effectués à moins de 100 kilomètres du domicile (ou à moins de 80 kilomètres à vol d’oiseau), la mobilité à longue distance désigne pour sa part les déplacements réalisés à plus de 100 kilomètres du domicile (Orfeuil et Soleyret, 2002).

[4] Les courts séjours correspondent à des déplacements d’une à trois nuitées et les vacances à des séjours de quatre nuitées et plus (Direction du Tourisme, 2004).

[5] Il serait intéressant de mettre en perspective ces évolutions avec les questionnements des chercheurs travaillant sur la mobilité résidentielle. Ceux-ci montrent en effet comment les pratiques de bi-résidence et plus généralement la multilocalité remettent en question aujourd’hui une approche de la mobilité résidentielle fondée uniquement sur le concept de résidence principale (Bonvalet et Brun, 2002).

[6] Selon la définition officielle de l’Omt. l’excursionnisme correspond à un déplacement effectué dans la journée hors de l’environnement habituel, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité (Nations Unies et Omt, 1994).

[7] L’enquête Sdt (Suivi de la Demande Touristique française), organisée conjointement par la Direction du Tourisme et la Sofrès depuis 1990 permet de connaître l’ensemble des déplacements touristiques effectués par les Français âgés de 15 ans et plus au cours d’une année à partir de l’interrogation d’un panel de 20 000 individus (depuis avril 1999). Nous nous intéresserons ici uniquement aux séjours effectués pour motif personnel.

[8] Sophie Gonnard a travaillé à partir des données du recensement de la population (Rp au 1/20e) et s’est intéressée aux personnes qui étaient retraitées en 1999 et qui avaient changé de région par rapport à 1990 (seules sont prises en compte les personnes vivant en résidence principale), et ce à l’échelle de la France métropolitaine. Ces travaux sont particulièrement intéressants car ils actualisent les analyses de F. Cribier et d’A. Kych sur le sujet et surtout ils mettent en évidence le rôle que peuvent jouer aujourd’hui ces migrations de retraite sur les dynamiques spatiales.

[9] Le terme « mobilité » paraît plus approprié que celui de « migration » car ces déplacements semblent davantage relever d’une logique de continuité que de rupture. En effet les mobilités touristiques restent des phénomènes temporaires, de même la possession d’une résidence secondaire génère des allers-retours entre la résidence principale et la résidence secondaire. Les migrations de retraite n’impliquent plus systématiquement une rupture définitive avec le lieu de vie antérieur, l’amélioration des moyens de communication permettant de rester en contact avec ses anciennes attaches malgré la distance. D’ailleurs, les migrations saisonnières (longs séjours en résidence secondaire ou multiplication des séjours touristiques) semblent aujourd’hui s’y substituer. Le terme de « temps libre » paraît plus adéquat que celui de loisirs, trop restreint pour traduire la diversité des formes de mobilité que l’on étudie. De même le terme « hors-travail » ne semble pas adapté car il apparaît trop général.

[10] Les populations qui effectuent les séjours en résidence secondaire correspondent ici à l’ensemble des individus qui ont effectué au moins un séjour en résidence secondaire dans l’année. Il aurait été intéressant d’essayer d’isoler plus particulièrement les individus qui vivent en alternance entre une résidence principale et une résidence secondaire soit à l’échelle de l’année soit à l’échelle de la semaine mais la taille de l’échantillon étant déjà limitée ces informations n’auraient pu être considérées comme significatives. De plus notre intérêt pour ce type de déplacement n’est pas lié à la pratique en tant que telle mais au fait que la résidence secondaire représente une double localisation sur des espaces différents et qu’elle ait un impact spécifique sur ceux-ci à travers les consommations particulières générées par son usage. La population des touristes regroupe pour sa part l’ensemble des individus qui ont effectué exclusivement au moins un séjour touristique dans un mode d’hébergement autre que la résidence secondaire. Là aussi on aurait ou essayer d’identifier des profils de population plus spécifiques en fonction du mode d’hébergement, de la durée des séjours, de la destination touristique… Mais l’objectif ici consiste d’abord à esquisser une première approche globale, ces éléments pouvant être approfondis par la suite.

[11] Concernant les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, le classement des régions réceptrices est effectué à partir du volume de nuitées reçues rapporté à la population régionale afin de pouvoir comparer les régions entre elles indépendamment de leur taille. Concernant les migrations de retraite, le classement des régions de destination est établi à partir de la part en 1999 des retraités qui n’étaient pas présents dans la région en 1990.

[12] Concernant les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, le classement des régions émettrices est effectué à partir du volume de nuitées émises rapporté à la population régionale afin de pouvoir comparer les régions entre elles indépendamment de leur taille. Concernant les migrations de retraite, le classement des régions émettrices est établi en rapportant le nombre de retraités qui on quitté la région entre 1990 et 1999 au nombre de retraités qui résident dans la région en 1999.

[13] Concernant les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire, le classement des régions est effectué en rapportant le solde de nuitées à la population régionale. Pour les migrations de retraite, il est établi en rapportant le solde migratoire des retraités entre 1990 et 1999 de la région au nombre de retraités résidant dans cette région en 1999.

[14] Les flux de dépenses occasionnés par les déplacements touristiques et les séjours en résidence secondaire des Français en France métropolitaine ont été estimés à partir des données du Sdt et de son volet « Dépenses » pour l’année 2000. Les transferts de revenus générés par les migrations de retraite ont pour leur part, été estimés par Sophie Gonnard à partir du Rgp 1999 et des données de la Drees sur les pensions de retraite en 2001.

[15] Le produit intérieur brut régional (Pib) et le revenu disponible brut régional (Rdb) par habitant figurent parmi les indicateurs traditionnels du développement local.

[16] Le fait de mettre directement en relation ces montants de dépenses touristiques avec ces indicateurs offre évidemment une image simplifiée de la réalité mais celle-ci n’en demeure pas moins instructive. Ce rapprochement permet ainsi d’avoir une première idée du poids que représentent ces dépenses pour les régions françaises. Bien entendu ces éléments mériteraient d’être approfondis en travaillant à des échelles plus fines.

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