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Sérendipité.

Un nouvel indice de Gini…

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Les anthropologues en font grand cas, donc les géographes s’y intéressent : les panneaux publicitaires apparaissent de plus en plus comme des révélateurs de la sociologie fine des populations. Du moins depuis que nous sommes intégralement immergés dans la société de consommation.

Devenant objet d’étude, ce panneau perd son pouvoir commercial et prend tout son sens géosocial. Il devient même emblématique quand on sait que la photo a été prise à Abidjan, dans le quartier huppé de Cocody, à proximité du Latrille, ce long boulevard qui porte encore le nom d’un administrateur colonial français et qui supporte la circulation anarchique de la capitale ivoirienne sur plusieurs kilomètres entre la lagune Ebrié et le quartier des Deux-Plateaux.

Tout est dit sur six mètres carrés : l’aguicheuse baigneuse est ivoirienne, elle est censée appartenir à la haute bourgeoisie (csp+), et elle dispose de revenus élevés lui permettant de profiter d’une superbe villa équipée d’une piscine. Il y a donc des Ivoiriens riches, voire très riches, et ils sont suffisamment nombreux pour qu’un marché du luxe se soit implanté, et non pas dans la discrétion pour happy few mais avec pignon sur rue. Cette version jet set d’une Afrique en mutation est ― seconde observation ― la preuve que certains transferts de modèles opèrent mieux que ceux visant l’implantation de la démocratie.

Et ces gens aisés font appel à des personnels de service, que les blancs autrefois appelaient des boys, mot à forte connotation colonialiste. Le colon a changé de couleur, mais la terminologie aussi : le boy est désormais une « personne ». Du moins sur l’affiche, pour les besoins de l’ambiguïté publicitaire. Car, comme on change plus facilement le nom du concept que ce qu’il recouvre, les inégalités sociales sont restées aussi marquées sinon davantage qu’il y a cinquante ans.

À vrai dire, il n’est pas certain que cette lecture au second degré soit pertinente pour tous, ce qui est normal, l’affiche s’adressant aux potentiels possesseurs de piscine. Lorsque je faisais la photo, un lycéen en uniforme kaki s’est approché pour me dire qu’il connaissait la fille de l’image et qu’il pouvait me la présenter. Il était lui aussi apparemment victime du préjugé selon lequel les vieux blancs cherchent chroniquement des jeunes filles noires à consommer tout de suite. Je lui ai répondu que j’étais davantage intéressé par l’homme qui nettoie si bien la piscine. Il ne le connaissait pas, et n’a pas compris le sens de ma recherche.

Or, cette personne qui nettoie si bien la piscine, on peut la trouver très facilement au fin fond d’un quartier précaire de la périphérie urbaine. Elle entasse sa famille dans un cabane en tôle à peine plus grande que le panneau publicitaire, elle ne dispose pas de l’électricité et, comble de l’ironie, n’a pas non plus accès à l’eau potable sinon à la borne-fontaine collective située à cinq ou six cent mètres de son logis. Comme des dizaines (des centaines ?) de milliers d’autres, cette personne ne fait plus qu’un repas par jour depuis que la crise alimentaire a frappé la Côte d’Ivoire.

Le publicitaire était-il conscient, en créant cette affiche, qu’il mettait sous les yeux de ceux qui se battent pour l’indispensable une représentation de l’inutile et du superflu dont seuls les boys de riches ont une image concrète ? Ou bien a-t-il voulu donner une illustration pédagogique de l’indice de Gini dans sa version ivoirienne contemporaine ?

Résumé

« L’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique de mesure d’inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie…). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d’égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie… seraient égaux. À l’autre extrême, il est égal ...

Bibliographie

Notes

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Sérendipité.

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