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Exposition Beckmann : explications ou écrans ?

Image1L’exposition consacrée par le Centre Pompidou au peintre expressionniste allemand Max Beckmann a fermé ses portes le 6 janvier. Il est probable que la plupart des visiteurs auront trouvé leur compte dans cette oeuvre foisonnante, très élaborée, souvent intrigante, et jusqu’ici assez peu connue de ce côté du Rhin. Pourquoi fallait-il cependant gâcher une petite part de notre plaisir par des cartels explicatifs qui en fait éloignaient de l’œuvre ? Ils constituaient de véritables exemples de ce que l’histoire de l’art ne devrait jamais être. Dans un style outrageusement pédant, ils tombaient d’abord dans le défaut de la surinterprétation : le décorticage psychanalitico-sociologisant des divers éléments (souvent parfaitement arbitraire) laissait à l’écart la composition d’ensemble et la dimension proprement esthétique.

Surtout, la prétention récurrente d’historiciser et de politiser Beckmann se révélait à l’évidence abusive. Les drames de la première moitié du 20e siècle européen semblent avoir glissé sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard. Certes la Première guerre mondiale est l’occasion d’une série de dessins poignants de corps désarticulés, mais ils reflètent directement son expérience d’infirmier. La crise allemande de l’immédiat après-guerre amène encore une poignée d’oeuvres grinçantes, à la Grosz. Puis plus rien de bien net, jusqu’à la mort en 1950… Une scène de plage vaguement inquiétante (comme la plupart des œuvres !), sous prétexte qu’elle fut peinte en Italie en 1925, est disséquée comme une révolte contre le fascisme — régime qui n’a pourtant horrifié que bien peu d’Européens, et qui n’a pas rebuté Beckmann (avant comme après 1925) plus que Gorki quand il s’agissait de villégiature agréable. Ce qui est plutôt frappant, c’est le silence assourdissant de l’oeuvre sur le nazisme comme sur la Seconde guerre mondiale, pourtant passée aux Pays-Bas bombardés et durement occupés. Certes Beckmann fit partie de la charrette des « peintres dégénérés » et il dut s’exiler — il gênait sans doute plus qu’il ne se sentit gêné. L’exposition le présente comme antinazi : alors pourquoi cette publication, sous son nom, d’un album à Francfort en 1942 ? Hitler était-il devenu à ce point libéral ? On nous ressert à pleins seaux l’antienne de la « prescience » de l’artiste quant aux drames à venir : outre qu’elle est particulièrement peu évidente chez Beckmann, il faudrait une fois pour toutes tordre le cou à cette conception mystique. Pourquoi l’artiste, dont l’existence est souvent singulièrement coupée des contingences politiques et sociales, aurait-il sur elles des compétences particulières ?

L’oeuvre même se trouvait lourdement historicisée : découpage étroitement chronologique des salles, insistance sur les prétendues inflexions dans son oeuvre. Pourtant, ce qui frappait, c’était plutôt la constance des thèmes, des motifs, des techniques, des couleurs, des années vingt à la toute fin. Beaucoup de répétitions, d’ailleurs souvent passionnantes — on songe inévitablement à Chagall, qui en usa et en abusa plus encore. Faire de l’artiste un inventeur de tous les instants, un novateur par principe, est assurément bien dans l’air du temps. Mais ce schématisme rend mal compte de la grande oeuvre de Beckmann. Experts, ayez l’humilité de regarder autre chose que vos petits préjugés !

Illustration : Max Beckmann, Der Eiserne Steg, (La passerelle de fer), 1922.

Un site, qui recense toutes les oeuvres online des peintres (dont Max Beckman).

Accès direct à la page sur Beckmann sur le site du Centre Georges Pompidou.

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L’exposition consacrée par le Centre Pompidou au peintre expressionniste allemand Max Beckmann a fermé ses portes le 6 janvier. Il est probable que la plupart des visiteurs auront trouvé leur compte dans cette oeuvre foisonnante, très élaborée, souvent intrigante, et jusqu’ici assez peu connue de ce côté du Rhin. Pourquoi fallait-il cependant gâcher une petite ...

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