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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

La recherche pluri, inter- et transdisciplinaire en pratique.

Illustration : Amaryllis M, « Convergence », 10.09.2010, Flickr (licence Creative Commons).

L’injonction contemporaine à l’interdisciplinarité se révèle paradoxale. Elle s’accompagne, dans la pratique, de nombreuses difficultés théoriques et pratiques, comme l’ont montré, par exemple, Nicole Mathieu et Anne-Françoise Schmid à partir de la question de la modélisation (Mathieu et Schmid 2014). Ce constat liminaire a conduit à l’organisation d’une journée d’études sur les « Pratiques du pluridisciplinaire », le 12 juin 2015, à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, avec le soutien du laboratoire Sophiapol. L’objectif était de mettre en lumière les enjeux et les difficultés rencontrées par les jeunes chercheurs, lors de la mise en œuvre de leur recherche à la croisée de plusieurs disciplines. En effet, ceux-ci sont particulièrement soumis à un contexte académique qui semble toujours plus favorable aux formes de recherche et d’écriture pluri-, inter- ou trans-disciplinaire, en particulier en sciences humaines et sociales, alors même que la mise en œuvre méthodologique et pratique, ainsi que la reconnaissance académique de cette injonction, ne vont pas toujours de soi.

Cette tendance actuelle est illustrée par le nombre croissant de manifestations scientifiques sur ce thème, comme par exemple en 2014 avec le colloque intitulé « De l’interdisciplinarité à la transdisciplinarité ? Nouveaux enjeux, nouveaux objets de la recherche en littérature et sciences humaines » (Laboratoire IMAGER) [1], à l’Université Paris-Est ; ou, en 2015, le colloque « Disciplines sans frontières » qui a eu lieu à l’Université de Versailles Saint-Quentin [2]. De même, de nombreuses publications scientifiques récentes témoignent d’un véritable intérêt pour la redéfinition des frontières disciplinaires [3]. Enfin, les chercheurs, jeunes ou moins jeunes, rencontrent régulièrement des injonctions à initier des travaux pluri-, inter- ou trans-disciplinairea (en particulier pour l’obtention de contrats de recherche publics ou privés, pour les doctorants comme pour les chercheurs confirmés) et à développer des enseignements interdisciplinaires à l’université (Rege Colet 2002) (Vinck 2000) (Renisio et Zamith 2015). L’interdisciplinarité serait même devenue un vecteur important de consolidation des institutions disciplinaires (Louvel 2015, p. 77).

L’interdisciplinarité est communément considérée comme un processus d’intégration des disciplines et d’évolution paradigmatique (Apter 2010, p. 8) [4]. À ce terme, qui est certainement le plus couramment utilisé pour qualifier les processus de rencontre entre disciplines, ainsi qu’au terme de transdisciplinarité, qui souligne la dimension transversale de certains objets, méthodes ou concepts, nous préférons dans ce dossier le terme de pluridisciplinarité. Ce dernier, plus large, nous semble le mieux à même d’envisager les formes plurielles de croisements disciplinaires, c’est-à-dire à la fois les formes d’incorporations ou d’hybridation, les mouvements des frontières disciplinaires, mais aussi les conséquences créatrices et destructrices du dialogue entre disciplines. Ce faisant, nous souhaitons nous inscrire dans une démarche conversionniste (Lemieux 2012, p. 201), qui implique que les disciplines ne sont pas indifférentes les unes aux autres [5]. Dans cette perspective, chaque discipline développe ses questionnements et ses ambitions, dans une relation aux autres disciplines. Les différences, voire l’antagonisme entre les disciplines, lorsqu’il prend la forme d’une confrontation intellectuelle et non d’une ignorance réciproque, a su produire des œuvres majeures (Calafat, Lavergne et Monnet 2013, p. 11-12).

La pluridisciplinarité se réalise dans la production d’objets de recherche, de méthodes (Morin 1994), de cadres linguistiques et épistémologiques. Ainsi, une interdisciplinarité élargie (Jollivet et Legay 2005) requiert tout d’abord la construction d’objets mixtes, de macro-objets, capables d’associer les propriétés étudiées par différentes disciplines. Par exemple, ériger le « mode d’habiter » comme objet d’étude implique d’associer à la fois des dimensions naturalistes ou matérielles et des dimensions sociales, qui ne peuvent être dissociées dans une recherche sur l’habitabilité durable en milieu urbain (Mathieu 2006, p. 380). La ville et l’urbain constituent, en ce sens, un thème privilégié pour l’élaboration d’objets qui n’appartiennent plus exclusivement aux seuls géographes, aménageurs ou urbanistes (Dumont 2004), mais qui, d’une part, s’élargissent en intégrant les cadres conceptuels et méthodologiques d’autres disciplines et, d’autre part, sont appropriés et remodelés par ces mêmes disciplines, sciences humaines et sociales ou sciences de la nature. L’ampleur des travaux articulant la ville et l’environnement le démontre, illustrée notamment par des actions de recherche, comme celle du programme interdisciplinaire de recherche sur la ville (PIRVE) du CNRS [6].

Au-delà des objets de recherche, ce sont aussi les méthodes et les pratiques scientifiques qui sont mises en question par les démarches de recherche pluridisciplinaire, comme le montre, par exemple, l’ouvrage coordonné par Nicole Mathieu et Anne-Françoise Schmid, Modélisation et interdisciplinarité. Six disciplines en quête d’épistémologie (2014).  En effet, la confrontation entre des données de nature et de temporalité fondamentalement différentes demande de repenser l’usage et l’articulation des méthodologies de recherche, comme dans le cas de la combinaison entre approche historique et approche ethnographique (Arborio et al. 2008) ou, de manière plus classique, l’articulation entre méthodes qualitatives, quantitatives et historiques en sciences sociales (Weber 1995) (Lemercier et Zalc 2008) (Beaud et Weber 2010) (Venturini, Cardon et Cointet 2014). Par ailleurs, dans la pratique, la rencontre de différentes disciplines peut nécessiter la création de méthodes et d’outils visant à soutenir le travail interdisciplinaire. Ainsi, une équipe de chercheurs de différentes disciplines, travaillant sur les Inégalités Sociales de Santé (ISS), a tenté d’élaborer, après un repérage de certains de ces « mots-pièges », un glossaire visant à expliciter les différentes acceptions auxquelles un même terme peut renvoyer, suivant les disciplines. En effet, « la multiplicité des déterminants de la santé et des trajectoires qui conduisent aux ISS rend indispensable de réfléchir ensemble, au-delà des frontières disciplinaires, dès lors qu’il s’agit de comprendre la façon dont elles se construisent et d’envisager comment agir pour les réduire » (Villeval et al. 2014, p. 160) [7]. Leur objectif n’était pas d’obtenir un consensus ou une définition commune, ni de prescrire ou proscrire certains termes, mais d’outiller les chercheurs pour favoriser le dialogue interdisciplinaire au sein des programmes de recherche menés par l’IFERISS (Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société) [8].

Finalement, la pluridisciplinarité requiert une rencontre entre des cadres épistémologiques. Pour la plupart des chercheurs, c’est là qu’elle se joue véritablement, dans la mesure où elle n’est plus, dès lors, une simple démarche d’emprunt d’idées à différents cadres d’analyse, chacun se référant à une discipline spécifique. La pluridisciplinarité intervient lorsque « ce qui a commencé comme la recherche de solution à un problème précis se prolonge par une exploration théorique d’où émergeront de nouvelles combinaisons qui vont modifier le corpus théorique et conceptuel de la discipline concernée » (Apter 2010, p. 9-10). S’appuyant sur Thomas Kuhn, Apter suggère ainsi que le « vrai » travail interdisciplinaire ne se réduit pas à l’emprunt ponctuel d’idées, mais implique l’élaboration et la transformation de systèmes scientifiques relativement autonomes.

Si les emprunts interdisciplinaires se banalisent dans toutes les disciplines (Louvel 2015) (Boelaert et al. 2015), les modalités et les conséquences de leurs emplois ne sont pas résolues. En effet, au-delà de l’enthousiasme (naïf ?) soulevé par les possibilités d’enrichissement et d’approfondissement des connaissances permis par le croisement disciplinaire, l’expérience du chercheur montre que celui-ci peut se révéler obscur, compliqué, producteur de biais et source d’inconfort, pour l’analyse comme pour le positionnement dans le champ académique, auprès des pairs. Les difficultés suscitées par le dialogue interdisciplinaire sont de plusieurs ordres. En premier lieu, l’utilisation superficielle de théories empruntées à d’autres disciplines peut entraîner des erreurs de méthode et des explications approximatives, comme l’expliquent Nicole Martin, Julie Noak et Barthélémy Durrive dans ce dossier. Par ailleurs, la pratique est toujours fondée sur des incompréhensions partielles et implique une part de « traîtrise », dans la mesure où tout transfert de concept, de problème ou de méthode s’accompagne toujours d’une transformation partielle ou plus significative de ceux-ci (Villeval et al. 2014). En outre, les modalités de transfert et le contexte de réception sont déterminants sur le rôle que peuvent jouer les échanges interdisciplinaires, pour les disciplines concernées (Lepetit 1990, p. 334). Car, pour être prise au sérieux et pour ajouter à l’intelligibilité du réel et de la société, la pratique de la recherche pluridisciplinaire doit être en mesure d’accueillir de nouvelles approches, de les maîtriser et d’en contrôler leur transformation. Il faut aussi être en mesure de se mettre d’accord sur un objet commun [9]. Enfin, les difficultés ne sont pas seulement d’ordre épistémologique et méthodologique, elles relèvent aussi d’une dimension proprement académique : dans un système universitaire français structuré par des appartenances disciplinaires souvent strictes (sections du CNU, répercutées par les profils de poste de MCF et de PR, etc.), comment concrètement parvenir à être pluri- et/ou interdisciplinaire (Renisio et Zamith 2015) ?

En cela, si les avantages des hybridations disciplinaires semblent évidents, leurs inconvénients et les risques encourus par les travaux de recherche sont nombreux. Comment, en pratique, les chercheurs naviguent-ils dans ce désordre propice à la création, à la découverte, mais susceptible de rencontrer de nombreux écueils ? Des lectures aux expériences personnelles, tout montre que les chercheurs en sciences humaines et sociales s’essaient régulièrement à des combinaisons, des associations d’outils et de protocoles de recherche issus de démarches épistémologiques différentes, qui paraissent souvent relever du « bricolage ». Or, comme le soulignent Lemercier et Ollivier, cette pratique relève moins d’un amateurisme que d’une aptitude à se tirer de difficultés complexes et peut se révéler source d’innovations (Lemercier et Ollivier 2011). Sans remettre en cause cette capacité d’innovation, nous nous interrogeons précisément sur sa mise en œuvre : au-delà d’une simple « juxtaposition » de méthodes, la pratique de la pluridisciplinarité peut-elle conduire à l’élaboration d’une pluri-méthodologie, entendue comme une approche empirique combinant de manière cohérente et spécifique des questionnements et des outils issus d’épistémologies différentes ?

Dans cette traverse, nous souhaitons donc prolonger le travail initié lors de la journée d’étude « Pratiques du pluridisciplinaire » de juin 2015, en donnant la parole en particulier aux jeunes chercheurs. Ce dossier n’a pas pour objectif de questionner la nature des frontières épistémologiques, ni de discuter des possibilités de rapprochement et d’échange entre les disciplines, mais plutôt de comprendre, à partir de l’expérience de recherche, comment se met en place le travail pluridisciplinaire et ce qu’il provoque, pour le chercheur, en matière de positionnement académique, de temporalité de la recherche, de biais et d’innovations méthodologiques et heuristiques, ou d’effets de hiérarchie indépassables entre les disciplines. Les jeunes chercheurs sont sans doute, plus que les autres, aux prises avec les enthousiasmes et les désillusions d’une expérimentation pluridisciplinaire. Ils se trouvent, en effet, dans ce moment liminaire de leur trajectoire de recherche, qui est celle d’une interrogation profonde sur leur propre démarche réflexive, l’opérationnalité et la validité épistémologique de leurs choix méthodologiques et théoriques, ainsi que sur leur posture académique. Leur expérience est, en ce sens, précieuse.

On pourrait présenter les contributions qui constituent cette traverse de plusieurs manières. Bien entendu, on pourrait les situer les unes par rapport aux autres, à partir de leurs positionnements épistémologiques vis-à-vis de la pluri et de l’inter-disciplinarité. L’article de Nicole Mathieu, qui ouvre ce numéro, effectue ce travail, à partir d’une vision personnelle et rétrospective de la question, au regard de l’engagement qui fut et reste le sien en faveur de la recherche interdisciplinaire. Mais on peut aussi présenter les contributions du point de vue de la pratique du pluridisciplinaire. Tous les articles – sauf un, nous y reviendrons – sont bâtis autour d’un retour réflexif du chercheur sur son itinéraire de recherche individuel. Dans un premier temps, Suzie Telep, Daphné Leroux et Karine Ginisty explorent, dans leurs expériences de recherche doctorale, l’articulation entre un objet de recherche et une intuition épistémologique initiale qui les a conduites à effectuer des choix épistémologiques pluridisciplinaires. Dans un même mouvement, elles montrent comment l’élaboration progressive de cette pente pluridisciplinaire est venue à son tour modeler leurs questionnements. Suzie Telep étudie les discours de migrants d’origine camerounaise portant sur la pratique du whitisage, un néologisme qui signifie « parler comme un blanc ». Partant du postulat que le langage est un objet social, elle montre, d’une part, comment la description des formes linguistiques doit être corrélée avec une démarche sociologique de compréhension des « pratiques langagières et du sens que les acteurs leur donnent » [10] et, d’autre part, comment la sociolinguistique et l’anthropologie du langage peuvent participer à la recherche sur les phénomènes sociaux. Daphné Leroux présente le cheminement qui lui a permis d’élaborer une démarche de recherche originale, qui allie étude ethnographique du rituel du mariage catholique en France et questionnements philosophiques au sujet des logiques des pratiques individuelles. Elle montre comment la construction progressive d’une cohérence, dans sa réflexion interdisciplinaire, l’a conduite à des déplacements successifs, ce qui lui permet d’aborder à nouveaux frais la question du rapport entre pratiques concrètes et subjectivité. À partir d’une étude sur les liens entre inégalités sociales et expériences de la justice et de l’injustice sociales, dans la ville de Maputo au Mozambique, Karine Ginisty souligne, quant à elle, le rôle de l’interaction avec le terrain de recherche. Celui-ci l’a amenée à suivre un itinéraire méthodologique qui a eu de nombreuses répercussions théoriques. Son expérience montre les bénéfices d’avoir dû articuler la dimension matérielle de l’espace, pour laquelle la géographie fournir des outils pertinents, avec les théories et les méthodes de la philosophie politique, de l’ethnographie et de la sociologie politique.

La traverse se poursuit par trois contributions proposant une réflexion plus élargie. L’article d’Axel Barenboim prolonge la réflexion en matière d’expérience individuelle de travail pluridisciplinaire, en travaillant davantage la possibilité de la création disciplinaire et en montrant ses conséquences concrètes pour le positionnement académique du chercheur. Axel Barenboim reprend ainsi la démarche qui l’a amené à étudier le Congrès de Londres de 1881 – moment capital dans l’histoire et l’historiographie du mouvement anarchiste – à l’aide d’un cadre épistémologique spécifique et pluridisciplinaire : celui des études globales. Il défend l’intérêt de ce choix, tout en reconnaissant que celui-ci ne peut être valide qu’à certaines conditions, notamment pratiques, en matière de nature du questionnement. Ce faisant, il montre qu’une pluridisciplinarité en pratique peut conduire à des formes de création disciplinaire. Puis, à partir d’une expérience de recherche articulant pratique de la monographie et pratique de la philosophie, Théophile Lavault propose un article ouvertement épistémologique, dans lequel il expose une définition stimulante de la pratique inter- ou pluri-disciplinaire. Celle-ci relève, pour lui, de « déplacements », qui signalent une véritable « intention pluridisciplinaire », présente dès la problématisation, d’appréhension de l’objet de recherche et des questionnements qui le guident. Ces déplacements s’effectueraient selon une méthodologie de l’« empathie ». Il affronte également plusieurs questions importantes, comme celle des représentations disciplinaires et des hiérarchies explicites ou implicites, qui jouent un rôle dans la pratique concrète de la recherche pluridisciplinaire. S’ajoute à ces textes une contribution un peu différente des autres. Barthélémy Durrive et Julie Noak présentent, en effet, un retour réflexif et comparatif entre deux projets de recherche interdisciplinaires collectifs, menés dans le cadre de laboratoires juniors. Leur objectif est d’identifier les pratiques réussies, tout en prenant la mesure de ce qui n’a pas fonctionné. Ils montrent l’inexistence d’« objets-frontières » et l’incommensurabilité entre les approches disciplinaires. Ce faisant, ils soulignent, par contraste, l’intérêt des prismes disciplinaires pour les recherches pluridisciplinaires et la « portée cognitive » de l’expérience immédiate de dialogue entre des regards disciplinaires profondément différents. Ils abordent la démarche d’élaboration concrète d’un ouvrage collectif et montrent, là aussi, comment se bâtit un travail collectif pluridisciplinaire. La recherche pluridisciplinaire est-elle possible, en pratique ? En effet, peu de postes sont aujourd’hui mis au concours sur ces thématiques pluri-, inter- ou transdisciplinaires, les procédures de qualification et de recrutement demeurant encore très disciplinaires. Quelques exceptions peuvent être relevées du côté des « humanités numériques », mais elles ne constituent pas, pour le moment, une vague de fond.

Tels sont ainsi les enjeux de la réflexion collective amorcée ensemble en juin 2015. La présente traverse en constitue la trace, mais elle invite aussi tous les chercheurs confrontés à ces questionnements à la prolonger par leur propre contribution.

Résumé

L’injonction contemporaine à l’interdisciplinarité se révèle paradoxale. Elle s’accompagne, dans la pratique, de nombreuses difficultés théoriques et pratiques, comme l’ont montré, par exemple, Nicole Mathieu et Anne-Françoise Schmid à partir de la question de la modélisation (Mathieu et Schmid 2014). Ce constat liminaire a conduit à l’organisation d’une journée d’études sur les « Pratiques du pluridisciplinaire », le 12 juin 2015, à l'Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, avec le soutien du laboratoire Sophiapol. L’objectif était de mettre en lumière les enjeux et les difficultés rencontrées par les jeunes chercheurs, lors de la mise en œuvre de leur recherche à la croisée de plusieurs disciplines. En effet, ceux-ci sont particulièrement soumis à un contexte académique qui semble toujours plus favorable aux formes de recherche et d’écriture pluri-, inter- ou trans-disciplinaire, en particulier en sciences humaines et sociales, alors même que la mise en œuvre méthodologique et pratique, ainsi que la reconnaissance académique de cette injonction, ne vont pas toujours de soi.

Bibliographie

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Notes

[1] Ce colloque a lieu en novembre 2014 à Paris-Est Créteil, à l’initiative du laboratoire IMAGER, il était coordonné par Sylvie Le Moël et Guillaume Marche.

[2] Ce colloque a été organisé par les étudiants en deuxième année de master en Sciences, Art, Culture, Innovation et Multimédia (SACIM) de l’Université Versailles Saint-Quentin, les 15 et 16 avril 2015.

[3] Voir par exemple : Gingras et Heilbron 2016 ; Louvel 2015 ; Boelaert et al. 2015 ; Lévy 2007 ; Matthieu et Schmid 2014. Nota bene : même si les références mentionnées dans ce texte demeurent globalement centrées sur l’espace de la recherche français ou francophone, nous avons pour autant bien conscience que ce processus touche l’ensemble des sciences humaines et sociales, de manière internationale, voire mondiale. Les enjeux liés à la langue rejoignent d’ailleurs ceux rencontrés en inter-, pluri- ou transdisciplinarité – ils ne sont qu’une autre forme de circulation ou de mobilité des mots et des concepts.

[4]  Ce choix de définition appelle une précision de notre part. De nombreuses définitions des termes inter-, trans- et pluri- disciplinaires, parfois contradictoires, ont été établies dans la littérature. Comme les débats à ce propos ne sont pas l’objet de notre introduction, nous nous permettons de renvoyer aux travaux de Weingart et Stehr (2000), Calafat, Lavergne et Monnet (2013), Gingras et Heilbron (2016).

[5] À propos du positionnement du sociologue par rapport à la philosophie, Cyril Lemieux (2012) a établi trois catégories, reprises et élargies à l’ensemble des sciences humaines et sociales par Guillaume Calafat, Cécile Lavergne et Eric Monnet (2013) : la posture démarcationniste, qui fait de la frontière entre philosophie et sciences sociales une barrière incommensurable interdisant tout dialogue ; la posture intégrationniste, qui constitue la posture opposée et qui estime que la frontière peut non seulement être allègrement franchie, mais qu’il convient même de l’abolir en se retrouvant autour d’objets communs et de discours unifiés ; la démarche conversionniste, qui considère que les disciplines se construisent et évoluent dans les relations qu’elles nouent entre elles.

[6] Ce programme a existé entre 2006 et 2012.

[7] « Les mots, parce qu’ils recouvrent des enjeux épistémologiques et disciplinaires implicites, ont une importance cruciale dans ces expériences. L’un des nœuds des difficultés rencontrées au cours de ces recherches est en effet lié à certains termes pouvant paraître consensuels, mais dont la compréhension et l’utilisation par les chercheurs de différentes disciplines varient fortement. Ces termes, sources d’incompréhensions voire de conflits liés à la cristallisation de positionnements divergents ou à des interprétations diverses, ont ainsi été qualifiés de « mots-pièges ». Les terminologies sont en effet parfois propres et spécifiques à certains courants de recherche, tandis que les acceptions de certains termes se révèlent différentes voire inverses, d’une discipline à l’autre. Les incompréhensions peuvent également être liées à des utilisations différentes selon les cultures et les langues et selon leur traduction. » (Villeval et al. 2014, p. 160).

[8] L’IFERISS est une structure fédérative de recherche interuniversitaire, rassemblant des équipes de recherches de disciplines diverses (épidémiologie, sociologie, psychologie, sciences politiques, droit).

[9] « Les avantages de ces hybridations théoriques sont évidents. Leurs inconvénients ne commencent à apparaître que lorsque ces hybridations atteignent les limites de leur potentiel d’explication, surtout si, au nom de la professionnalisation, elles reproduisent les défauts des disciplines mères. Ayant créé les règles et les limites qui définissent, restreignent et gèrent le champ d’investigation, elles peuvent tout aussi bien, en vertu de ce même principe d’autorité, tarir la source de ces poussées d’intuition, d’imagination et de créativité qui constituent pour Kuhn comme pour Dogan la véritable « intelligence » de la recherche scientifique. » (Apter 2010, p. 9)

[10] Le texte de Telep peut être consulté ici.

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