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Klaus Mann et les hiéroglyphes sur les murs.

Image1La récente campagne publicitaire de la Librairie Générale Française a rappelé, entre autres, la publication en 2 tomes au Livre de Poche du Journal de Klaus Mann (1906-1949). L’occasion de relire son Journal et Le tournant, son autobiographie et son chef d’oeuvre.

« Au milieu de la décomposition générale, votre propre agitation devenait une farce macabre. On papotait, on plaisantait, on donnait des avertissements, on prêchait — et il n’y avait pas de réponse. Ou peut-être, tout de même, y en avait-il une ? Derrière la façade toujours intacte de notre existence qui tournait à vide de façon inquiétante, le signe menaçant apparaissait. Un hiéroglyphe couleur de sang sur l’horizon enténébré : MANÉ, MANÉ, THÉCEL, PHARÈS… Qui comprend l’avertissement du dieu caché ? La chronique des malheurs à venir est déjà inscrite, écrite sur le mur à l’encre rouge sang. Qu’il voie, celui qui a des yeux ! N’avez-vous donc pas d’yeux, monsieur Severing ? Etes-vous aveugle, monsieur Braun ? Aucun de vous ne sait-il lire ? Le héros de Tannenberg, le grand homme de la république allemande (mais oui, nous aussi, nous avions applaudi à sa réélection !), se vantait publiquement de son analphabétisme. “Pas touché un livre depuis que j’étais dans les Cadets” grognait le vieux guerrier. Comment aurait-il la moindre intelligence du sens caché, magique, de certains hiéroglyphes sanglants, de certains motifs de tapisserie ? Personne ne comprend les signes avant-coureurs de l’Apocalypse ; le continent s’amuse de sa propre tragédie, on meurt, à la lettre, de rire. Magnats de l’industrie lourde, cardinaux, banquiers, officiers de l’État-Major, ministres des Affaires Étrangères, philosophes d’obédience conservatrice et idéaliste, ou marxiste et matérialiste, tous prennent la stridente provocation du Horst-Wessel Lied pour une blague, l’inscription sur le mur pour une plaisanterie. MANÉ, MANÉ… ? Quel humour ! THÉCEL…? Comme c’est rigolo ! PHARÈS… ? How funny !

Souriant béatement, ricanant, hurlant de rire, ils chancellent jusque dans l’abîme. Le 30 janvier 1933, je quittai Berlin tôt dans la matinée, comme poussé par un sombre pressentiment. Les rues étaient encore presque désertes lorsque je me rendis à la gare, à l’Anhalter Bahnhof. Mal éveillé, de mauvaise humeur, c’est à peine si j’eus un regard pour la ville engourdie dans le petit matin ? C’aurait été mon dernier regard sur Berlin, mes adieux. Je quittai Berlin sans lui avoir dit adieu. Mon but était Munich mais je dus interrompre mon voyage à Leipzig. Erich Ebermayer m’y attendait, avec lequel je préparais alors une adaptation scénique du roman de Saint-Exupéry, Vol de nuit (travail qui, pour autant que je le sache, fut plus tard terminé sans moi). Erich était pâle et semblait inquiet, lorsqu’il m’accueillit à la gare. “Qu’y a-t-il ?” lui demandai-je. Il eut l’air surpris. “Tu ne sais pas ? Le vieux monsieur l’a nommé, il y a une heure. — Le vieux monsieur…? Qui…? — Hitler. Il est chancelier ”. »

Et voici ce que signifie l’inscription tracée sur le mur, et tracée avec du sang – MANÉ, MANÉ, THÉCEL, PHARÈS : Comptés sont les jours de ton règne. Tu as été pesé sur la balance et trouvé trop léger. Ton empire sera partagé et donné aux Mèdes et aux Perses. Les Perses ! Les Perses arrivent…

La page d’accueil des éditions du Seuil.

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La récente campagne publicitaire de la Librairie Générale Française a rappelé, entre autres, la publication en 2 tomes au Livre de Poche du Journal de Klaus Mann (1906-1949). L’occasion de relire son Journal et Le tournant, son autobiographie et son chef d’oeuvre.« Au milieu de la décomposition générale, votre propre agitation devenait une farce macabre. ...

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