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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

Politiques publiques, entre action et autorité.

Gilles Massardier, Politiques et actions publiques, 2008.

Image1Après celle de 2003, cette deuxième édition vient confirmer que « l’objectif pédagogique » (p. 1) de l’ouvrage de Gilles Massardier a été atteint. La critique souvent adressée à ce type d’exercice de mise au point d’une discipline particulière est qu’il hésite entre la simplification excessive et le caractère encyclopédique. Il y aurait trop peu ou bien beaucoup trop. Les autres manuels français dans le champ de l’analyse des politiques publiques sont d’abord des exercices de synthèse [1]. Le présent ouvrage vise à enrichir et à donner de la chair à ces derniers. Il peut être considéré comme l’équivalent français de l’ouvrage de Wayne Parsons [2].

« L’exposition hybride » (p. 2) où l’auteur rend compte des « évolutions et des acquis de la discipline » (p. 2) avec le recours à de nombreuses études de cas issues de recherches récentes. La chair n’empêche pas de voir l’os. Tout au contraire, la démarche adoptée rend perceptible l’intérêt de l’analyse des politiques publiques pour les sciences sociales.

L’idée qui sert de fil conducteur à l’ouvrage est la suivante : placer l’analyse des politiques publiques entre action et autorité. Le champ de l’analyse des politiques publiques permet de replacer certains débats récurrents en sciences sociales : structure versus action, rationalité versus rationalités multiples, explication versus compréhension. Dans l’analyse des politiques publiques, certaines perspectives insistent ainsi sur « la main d’une régulation globale grâce à des autorités » (p. 8) dans une optique que l’auteur qualifie de « modèle synoptique ». Si l’on se place du côté de l’action, on observe plus en détail l’intervention des acteurs dans la mise en place des politiques publiques à partir d’un « modèle des ajustements mutuels ». Ces deux « pôles » ne sont pas « forcément antinomiques » (p. 8) et ils ne montrent pas une « linéarité dans l’histoire » (p. 18) de la discipline, qui consisterait à aller des approches « plus stato-centrées rationnelles et instrumentales » aux « plus polycentriques incrémentales » (p. 18). Ce sont plutôt des perspectives qui se juxtaposent et qui, conjointement, offrent une vision plus globale de l’ensemble.

Dans cette perspective, la première partie de l’ouvrage analyse les différentes logiques ou rationalités à partir desquelles les politiques publiques ont été abordées. Dans les deux premiers chapitres, l’auteur rend compte de la rationalité de la puissance publique souveraine (Chapitre 1), en mettant en question les approches séquentielles les plus classiques de l’analyse des politiques publiques (agenda, décision, implémentation, évaluation), et de la rationalité économique des politiques publiques (Chapitre 2). Ces deux façons d’aborder les politiques publiques, qui englobent plutôt des disciplines telles que le droit public, la science managériale ou l’économie publique, insistent sur les objectifs formels et instrumentaux de l’action publique. À cet égard, l’incorporation d’une approche en termes de rationalité « à la fois limitée, incrémentale et polycentrique » (p. 17) s’avère nécessaire. Dans ce modèle des « ajustements mutuels » (Chapitre 3), élaboré à partir des travaux en sociologie et en science politique, les rationalités des acteurs et leurs stratégies demeurent limitées et « souvent contradictoires » (p. 67), comme le montre le modèle du système d’action concret de la sociologie des organisations. À partir de ce type d’approche, on peut identifier une « démographie galopante des acteurs » (p. 76) qui met en question la propre définition des problèmes publics. Celle-ci dépendra des différentes « finalités vécues » des acteurs. À cet égard, l’auteur met en lumière le caractère processuel des politiques publiques. Pour le dire en termes sociologiques, nous sommes passés des approches explicatives (type Durkheim) des politiques publiques à des approches plutôt compréhensives (type Weber) de l’action publique, de sorte que le modèle des « ajustement mutuels est mis en avant au détriment du modèle synoptique » (p. 64). Du droit ou de l’économie publique à la sociologie de l’action collective.

Cette première partie de l’ouvrage permet d’identifier le nœud central de l’analyse des politiques publiques : la mise en lumière des différentes rationalités intervenant dans le champ des politiques publiques. À cet égard, Max Weber constitue, à notre avis, le principal interlocuteur dans cette démarche dialogique. Tout en restant proche de l’acception stato-centrée/rationnelle des politiques publiques, le sociologue allemand développe deux outils analytiques permettant de dépasser ce type de modèle : l’approche en termes d’action et la réflexion sur la multiplicité des rationalités. Gilles Massardier cherche à appliquer ces deux préceptes dans le champ de l’analyse des politiques publiques.

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, l’auteur commence par présenter des constats empiriques sur la transformation des politiques publiques qui justifient la nécessité d’une approche en termes d’action publique et de rationalités multiples. À partir de différentes études de cas, on constate l’émergence de deux phénomènes qui bouleversent l’action publique : l’ouverture aux publics et la territorialisation (Chapitre 4). Les travaux de Jacques Lolive [3], Veronique Catherin [4] ou Jean-Michel Fourniau [5] ouvrent des perspectives d’analyse pour intégrer le premier des deux phénomènes, lorsque la technocratie est mise à l’épreuve. La question de la territorialisation de l’action publique mobilise une diversité d’auteurs et des approches plus hétérogènes (économistes, géographes et politistes). Face à l’action publique de l’État et à la construction de l’intérêt général, on assiste à une reconfiguration territoriale à des échelles multiples et à l’émergence des intérêts territoriaux.

Cette deuxième partie de l’ouvrage est suivie par une présentation des approches théoriques de l’action publique dans la perspective du modèle des ajustements mutuels (Chapitre 5). L’auteur se penche sur l’approche en termes de réseaux d’action publique avant de passer en revue les différentes tentatives théoriques répondant à la question de la régulation politique (théorie de la gouvernance, néo-institutionnalisme, théorie de la régulation et approche en termes de référentiels). Dans les dernières pages du chapitre (pp. 162-163), l’auteur propose une synthèse des points de convergence des différentes approches : la considération des rationalités multiples, la non-neutralité des institutions et la dimension processuelle de l’action publique. Une fois présentés les outils analytiques permettant d’appréhender l’action publique dans toute sa complexité, le chapitre suivant revient sur le rôle de l’État à l’intérieur de ce cadre renouvelé (Chapitre 6). L’auteur conclut que l’État serait en train de « perdre sa fonction normative au profit d’une fonction régulatrice des ajustements mutuels entre les multiples participants à l’action publique » (p. 182).

La troisième partie de l’ouvrage est une introduction approfondie à la singularité européenne de l’analyse de politiques publiques dans le contexte de la régionalisation économique (Chapitres 7 et 8).

Politiques et actions publiques constitue une introduction aux principaux acquis et questionnements actuels dans le champ de l’analyse des politiques publiques. Gilles Massardier fait appel à un héritage intellectuel multiple et cherche à confronter les différentes approches disciplinaires. Le dialogue critique entamé avec l’économie, discipline phare des sciences sociales, nous semble très pertinent et aide à sédimenter des intérêts convergents dans le champ des sciences sociales. Cela étant, nous avons parfois regretté l’absence d’une référence plus explicite aux auteurs classiques de l’analyse des politiques publiques comme Harold D. Lasswell, Charles E. Lindblom ou John W. Kingdon. Mais la sélection bibliographique, classée par différents domaines, aide le lecteur pour approfondir ses lectures. De même, dans une perspective de recherche scientifique, l’ouvrage de Massardier donne quelques pistes pour repenser les thèses contemporaines de l’analyse de l’action publique. Nous voulons simplement en relever une qui peut susciter la réflexion dans d’autres domaines des sciences sociales. Il s’agit de replacer la question du « conflit » à l’intérieur de l’analyse de l’action publique. L’auteur signale que les approches théoriques présentées « insistent davantage sur la coopération entre les acteurs que sur leurs conflits » (p. 162). À cet égard, les conflits « sont mentionnés mais, au résultat, impensés » (p. 162). Nul doute que sur cette voie, mais certainement aussi sur d’autres, la réflexion sur les politiques et les actions publiques demeure active.

Gilles Massardier, Politiques et actions publiques, Paris, Armand Colin, 2008.

Résumé

Après celle de 2003, cette deuxième édition vient confirmer que « l’objectif pédagogique » (p. 1) de l’ouvrage de Gilles Massardier a été atteint. La critique souvent adressée à ce type d’exercice de mise au point d’une discipline particulière est qu’il hésite entre la simplification excessive et le caractère encyclopédique. Il y aurait trop peu ...

Bibliographie

Notes

[1] Pierre Muller, Les politiques publiques, Paris, Puf, 1990; Pierre Muller, Yves Surel, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1998; Jean-Pierre Gaudin, L’action publique. Sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004; Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2007.

[2] Wayne Parsons, Public Policy. An Introduction to the Theory and Practice of Policy Analysis, Edward Elgar, 1995.

[3] Jacques Lolive, Les contestations du tgv méditerranée. Projet, controverse et espace public, Paris, L’Harmattan, 1999.

[4] Véronique Catherin, La contestation des grands projets publics. Analyse micro-sociologique de la mobilisation des citoyens, Paris, L’Harmattan, 2000.

[5] Jean-Michel Fourniau « Figures de la concertation à la française », in Michel Gariepy, Michel Marie Ces réseaux qui nous gouvernent ?, Paris, L’Harmattan, 1997, ou l’ouvrage collectif de Sandrine Rui, Marianne Ollivier-Trigalo, Jean-Michel Fourniau, Évaluer, débattre, ou négocier l’utilité publique ?, Paris, Inrets, 2001.

Auteurs

Ander Audikana

Doctorant en sociologie politique à l’Université Paris-Est, au Laboratoire Ville Mobilité Transports (InretsEnpcUmlv), il prépare une thèse sur la politique de la grande vitesse ferroviaire à travers l’étude du projet de ligne à grande vitesse de la Communauté Autonome Basque.

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