Abstract | Bibliography | Notes

Serendipity.

Puissante Metropolis, impuissantes métropoles climatiques : Haeundae vs. Metropolis.

[Tv] 12 février 2010, Arte.

Image1La chaîne franco-allemande fait très fort, le 12 février prochain, en étant la première à proposer à tous ses téléspectateurs une version inédite du célèbre film de Fritz Lang, une diffusion qui sera suivie d’un documentaire sur la restauration du film. Des passages, inédits donc, pourront donc enfin être visionnés ; on ne peut qu’inviter à voir et revoir ce chef-d’œuvre, fragment d’anthologie à lui seul de la métropolisation industrielle et perle incontestée de la science-fiction.

Metropolis peut naturellement être vu sous de multiples regards, dont celui de la dissociation entre la ville haute (des dominants) et la ville basse (travailleurs exploités) et, ainsi, du regard acerbe de Lang sur cette ségrégation sociale qui travaille de l’intérieur, et dès leur origine, les grandes métropoles.

Mais on pourra aussi y voir toute la quintessence des représentations mentales de la « grande ville », d’un monde urbain en profonde transformation qui fascinera nombre d’observateurs à la même époque : une ville « livrée » aux forces de la machine, entrant dans un régime de production industrielle, écrasant l’individu par le groupe et la masse urbaine.

Ces peurs, attentes et perplexités d’alors méritent particulièrement d’être actualisées à l’heure où les remplacent, de manière contemporaine, des frayeurs exprimées sur un registre beaucoup plus « pré-traumatique » quant à la ville de demain.

Les traits de la ville de demain seraient en effet aujourd’hui ceux d’une ville toujours déjà dévastée par le péril climatique, comme cette tension semble se diffuser en ce moment au cinéma. On peut penser en particulier aux films Haeundae (2009) — film coréen sur le cas d’une côtière dévastée par un tsunami —, 2012 Terre Brûlée (2009) — mise en scène de la ville de Sydney prise dans une série d’incendies alors que la température a augmenté de 2°C —, ou encore 2012 (2009), dont les plaques tectoniques mettent en péril Los Angeles.

Le contraste est dès lors saisissant : la ville climatique 2050 portée par ces films est une ville impuissante, les yeux rivés et immobiles sur un événement plus ou moins probable, du tsunami, de l’incendie… La ville de Metropolis est une ville qui s’affirme, se maîtrise, prend en main sa destinée, même par le peuple lui-même qui l’habite, lors de sa révolte. Toutes deux dévastées par une inondation, la ville climatique est pourtant une ville anti-urbaine, puisqu’elle porte l’image d’une ville trop grande dont seul un petit nombre pourra être celui des rescapés et qui, face à la « machine climatique », ne peut rient faire. La ville de Metropolis est une ville salvatrice et libératrice de l’oppression par l’action de deux seules personnes.

À la différence de cette ville impuissante figée face la catastrophe éventuelle, la ville portée par Fritz Lang est donc aussi une ville fascinante, faite de tractations, de vies de machines et d’entreprises, de projets « post-humains » et robotiques, mais aussi de révoltes et de vie sociales, d’affects, bref, d’une épaisseur métropolitaine.

La force visionnaire de sa réalisation est d’avoir pu à la fois observer et restituer « en live » l’urbain en métamorphose, tout en le sublimant sous le registre de la science-fiction.

On ne pourra donc aussi qu’inviter à relire avant de le visionner (ou même après), le puissant texte de Françoise Choay dans l’ouvrage non moins célèbre issu de l’exposition réalisée en 1994 au Centre Pompidou à Paris : « La ville. Art et architecture en Europe, 19e-20e siècle », dirigé par Jean Dethier. Dans ce texte, celle-ci éclairait de manière très précise plusieurs opérateurs techniques à l’origine des mutations de la ville : l’irruption du béton et du fer dans l’architecture, l’invention de l’électricité, le développement du transport ferroviaire puis de l’ascenseur, tous opérateurs de développement vertical et horizontal des villes européennes à partir de la seconde moitié du 20e siècle.

Image : capture vidéo du film coréen Haeundae (2009).

Abstract

La chaîne franco-allemande fait très fort, le 12 février prochain, en étant la première à proposer à tous ses téléspectateurs une version inédite du célèbre film de Fritz Lang, une diffusion qui sera suivie d’un documentaire sur la restauration du film. Des passages, inédits donc, pourront donc enfin être visionnés ; on ne peut qu’inviter ...

Bibliography

Notes

Authors

Partnership

Serendipity.

This page as PDF