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Sérendipité.

Un climat de changement.

[Colloque] 06-07 septembre 2012, colloque international, Orléans, France.

Image1On sait que les liens historiques de la géographie française avec l’environnement sont à la fois proches et conflictuels, et en tout état de cause excessivement passionnels. Historiquement fondée sur le modèle des sciences naturelles mais prudente vis-à-vis de tout déterminisme, au service de l’État aménageur en métropole ou de la mise en valeur des colonies, puis résolument spatialiste « hors-sol » ou foncièrement physique « contre-nature », la géographie française a connu autant d’opportunités que d’hésitations à problématiser les liens entre « société » et « nature » autrement que dans une vision descriptive ou fonctionnelle. Le possibilisme a longtemps servi d’habillage théorique à ce refus de problématisation. La volonté des géographes de construire une science englobant société et nature n’a pas résisté à la force des Modernes, et c’est aujourd’hui au nom d’un humanisme mal investi qu’est porté le refus du débat.

La division entre géographie humaine et géographie physique fut en quelque sorte un constat d’échec, mais qui doit s’évaluer dans un contexte où l’ensemble des sciences est traversé par les mêmes contraintes. Dans les années 1970, quand l’environnement devint un fait de société et un enjeu politique, la géographie ne parvint pas réellement à retrouver, à travers ce nouveau champ, l’unité qui avait structuré la démarche des fondateurs. Aujourd’hui les choses semblent n’avoir bougé qu’à la marge. La discipline paraît rester en retrait lorsqu’il s’agit d’aborder le problème écologique alors même que celui-ci devient envahissant, aussi bien dans la production scientifique que dans le discours politique ou les stratégies marketing.

Face à cet état de fait, les géographes français ont généralement adopté une double posture. D’une part, la prétention d’une capacité de distanciation objectivante que ne posséderaient pas la plupart des autres disciplines. Cette vision positiviste de la science ne peut d’autant moins justifier la position actuelle de la géographie que l’on sait que la recherche, si elle possède ses propres règles d’élaboration et de validation de son activité, n’échappe pas au contexte social dans lequel elle s’élabore. Ainsi la géographie française a-t-elle historiquement été un instrument scientifique de l’aménagement, de la mise en valeur et de l’encadrement des territoires, en métropole comme dans les colonies.

La seconde posture consiste à affirmer que la géographie a déjà abordé — voire résolu — les questions environnementales. Si cette approche peut avoir une dimension heuristique, en replaçant par exemple la notion de développement durable dans son contexte historique et ses limites actuelles, elle se caractérise principalement par un manque d’engagement sur des sujets aussi cruciaux qu’ils sont polémiques (et parfois cruciaux parce qu’ils sont polémiques). La géographie peine à capitaliser un savoir propre sur l’environnement. Non pas qu’il faille « prendre partie » sur la « question environnementale » mais ne pas aborder cette problématique marginalise de plus en plus les géographes, y compris désormais quand il s’agit de dénoncer les excès d’un discours devenu envahissant.

La géographie française est aujourd’hui marginalisée, vis-à-vis des avancées de l’écologie (désormais très éloignée des paradigmes fixistes et naturalistes que continuent de dénoncer certains géographes), mais aussi marginale dans les mutations actuelles des sciences sociales confrontées aux problématiques environnementales (économie écologique, histoire environnementale, anthropologie de l’environnement, sociologie des sciences, etc.) et enfin incapable de capitaliser le savoir des penseurs qui ont contribué, en France, à fonder une réflexion sur l’environnement à la fois critique et rigoureuse (É. Reclus, B. de Jouvenel, R. Dumont, B. Charbonneau, J. Ellul, A. Gorz, E. Morin, E. Le Roy-Ladurie, pour n’en citer que quelques-uns).

Le contexte est d’autant plus préoccupant que la géographie française n’est pas seulement en voie de marginalisation dans le paysage francophone sur les questions d’environnement. Elle se marginalise également vis-à-vis d’autres courants géographiques, notamment anglais et américains, qui ont, dès les années 1980, entrepris de déconstruire le discours catastrophiste (érosion des sols, conservation de la nature, etc.) tout en pointant la dimension imbriquée des dynamiques politiques, économiques et écologiques.

L’intrusion de l’écologie dans le champ social est donc une question pleinement politique. Elle est politique au sens où l’environnement est un problème (au sens étymologique de « difficulté d’ordre spéculatif »), une problématique, et non pas un objet matériel.

Elle est politique également parce qu’elle n’est pas réductible à une question paradigmatique, interne à la science, mais touche intrinsèquement à une dimension programmatique, où l’objet de la science est partie prenante d’une attente et d’un cadre sociaux.

Elle est politique enfin parce qu’elle touche très directement à la déconstruction des grands récits qui ont fondé la science moderne, et notamment la maîtrise de la nature et la naturalisation de l’espace politique de l’État. Une épistémologie des liens entre géographie et écologie doit donc se concevoir dans un triptyque où la question politique est explicitement posée.

Il est alors urgent de reconstruire les liens qui existent entre la géographie, l’écologie et la politique. Ceux-ci sont de plus en plus visibles dans les activités et les domaines de recherche des géographes, notamment dans les travaux les plus récents et/ou dans les domaines les moins institutionnalisés du champ disciplinaire.

 

Le colloque Géographie, écologie, politique : un climat de changement entend réunir ces démarches innovantes afin de consolider un champ de recherche encore en friche dans la géographie française mais que l’on peut imaginer extrêmement prometteur et décisif pour la discipline quant à son positionnement au sein des sciences humaines et sociales.

Dans cet objectif, le colloque sera organisé en quatre sessions. La première traitera de l’histoire des liens entre écologie, géographie et politique, la deuxième traitera des comparaisons internationales entre différentes cultures géographiques, la troisième s’intéressera aux conséquences et aux implications contemporaines de ces trajectoires historiques et des différences nationales ou régionales et la quatrième sera consacrée aux perspectives de (re)fondation d’une géographie politique de l’environnement.

Illustration : Balaji B, « Nature », 05.01.2003, Flickr, (licence Creative Commons).

Résumé

On sait que les liens historiques de la géographie française avec l’environnement sont à la fois proches et conflictuels, et en tout état de cause excessivement passionnels. Historiquement fondée sur le modèle des sciences naturelles mais prudente vis-à-vis de tout déterminisme, au service de l’État aménageur en métropole ou de la mise en valeur des colonies, puis résolument spatialiste « hors-sol » ou foncièrement physique « contre-nature », la géographie française a connu autant d’opportunités que d’hésitations à problématiser les liens entre « société » et « nature » autrement que dans une vision descriptive ou fonctionnelle. Le possibilisme a longtemps servi d’habillage théorique à ce refus de problématisation. La volonté des géographes de construire une science englobant société et nature n’a pas résisté à la force des Modernes, et c’est aujourd’hui au nom d’un humanisme mal investi qu’est porté le refus du débat.

Bibliographie

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