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Serendipity.

Les facteurs du développement spatial.

Pierre Veltz, Des lieux et des liens – Le territoire à l'heure de la mondialisation, 2002.

Ce compte rendu a été publié dans la revue Pouvoirs Locaux n°56 de mars 2003. La rédaction d’EspacesTemps.net remercie Pouvoirs Locaux pour l’autorisation de publication de cet article.

Image1Pierre Veltz, directeur de l’École nationale des ponts et chaussées, présente sa dernière publication Des lieux et des liens – Le territoire français à l’heure de la mondialisation, comme l’actualisation du texte paru en 1994 : Des territoires pour apprendre et innover. Le lecteur ne sera pas désorienté par la remise en cause du modèle historique français de développement territorial pyramidal, et suivra avec une curiosité renouvelée les chemins de réconciliation des acteurs et des échelles spatiales, qui sont autant d’arguments pour une nouvelle politique d’aménagement du territoire.

Dans son précédent ouvrage, l’auteur abordait deux thématiques. La première traitait de la nécessité de redéfinir la politique d’aménagement du territoire des années soixante, basée sur l’affectation et la redistribution des ressources nationales, en faveur d’une mobilisation des potentiels locaux d’innovation, de qualité et de compétence. La seconde étudiait l’importance des cadres collectifs d’action réunissant au niveau local les firmes, les clients et les institutions, pour développer le territoire et accéder aux courants porteurs de l’économie mondialisée. Aujourd’hui, Des lieux et des liens confirme la validité de ces approches, et la précise à la lumière des recherches récentes. Veltz enrichit son propos de la confrontation des dynamiques à l’œuvre aux différents niveaux —local, national, européen et mondial—, tant près des activités et des entreprises, que des hommes, des savoirs, et des institutions. Il propose l’articulation des échelles et la mobilité comme deux éléments-clés d’une inéluctable réconciliation du global et du local.

Local : l’atout de la mondialisation ?

Dans les premiers chapitres, le lecteur trouvera les grandes évolutions économiques qui abondent dans le sens des critiques sur la pérennité des schémas économiques du développement des « trente glorieuses ». Ouverture des marchés, mutations économiques de l’industrie vers les services, croissance des emplois publics, notamment locaux, ont modifié les modèles d’organisation et la distribution spatiale des activités. Le territoire a renoué durablement avec la concentration urbaine et les inégalités territoriales. Les écarts se mesurent, d’ailleurs, à travers de nouveaux indicateurs plus qualitatifs, de précarité de l’emploi, de féminisation, de vieillissement. Les analyses spatiales du revenu et du statut professionnel et social viennent à présent compléter celles de la production et des salaires. Elles soulignent l’importance d’une nouvelle lecture du territoire qui met en évidence des différences entre espaces proches et des rapprochements « a-spatiaux » sur le concept de réseaux que l’analyse globale ne prend pas en compte, des fractures au sein d’unités territoriales (centre-périphérie) et des liens effectifs (rural-urbain) non inscrits dans la formalisation administrative.

Ensuite, Veltz vante paradoxalement les mérites de la mondialisation pour le territoire local et les atouts des circuits économiques territorialisées pour les entreprises. Les composantes majeures de la mondialisation sont, pour l’auteur, l’ouverture internationale des marchés financiers, de la production et des échanges d’information. Si elles modifient les conditions des échanges et de la concurrence, elles ont des effets importants et imprévus sur la nature des avantages comparatifs, les façons de travailler, et les alliances. Elles donnent une chance aux entreprises locales, à condition que ces dernières adaptent leur offre aux nouvelles conditions économiques mondiales et à une diversité réaffirmée des marchés et des besoins, et misent sur la qualité de leur production, sur l’innovation et la flexibilité organisationnelle. En contrepoint des difficultés qu’ont connues certaines multinationales enserrées dans la rigidité de leur système de production et la bureaucratie de leur administration, l’avantage est aux organisations souples et réactives, notamment celles qui s’organisent autour de relations inter-entreprises à géométrie variable, où priment la confiance et la qualité de service rendu. Par ailleurs, le territoire s’impose toujours à l’économie productrice. Il reçoit les équipements de façon encore fort durable, il qualifie une demande de consommation diversifiée, évolutive et exigeante, il assure un emploi flexible et de qualité, notamment dans les villes ou sur les pôles de formation. De plus, le territoire local peut favoriser la qualité relationnelle requise et être porteur de ces valeurs de confiance et de réactivité, vecteurs de compétitivité économique. Il constitue le terrain privilégié sur lequel peuvent se développer durablement un circuit relationnel fondé sur des solidarités culturelles ou professionnelles, un partage d’expériences qui accélère les processus d’apprentissage nécessaires à l’adaptation et l’innovation, une flexibilité opérationnelle de l’emploi et de l’activité qui permet de réagir aux aléas techniques, commerciaux ou environnementaux.

Vision d’ensemble.

Dans la dernière partie de son ouvrage, constatant que les entreprises veulent à la fois bénéficier des avantages durables du terroir et conserver la flexibilité de leurs facteurs de production, l’auteur s’interroge sur les orientations récentes des politiques économiques locales : développement des infrastructures de transport, aides à l’installation des entreprises, aide à la mobilité des entreprises, attachement territorial par valorisation des externalités relationnelles. Il évalue alors les possibilités offertes par la dynamique de métropolisation, qui réunit les avantages de l’accessibilité aux infrastructures et au savoir et la flexibilité des choix, le développement de district industriel spécialisé qui valorise les compétences et la coopération, ou la promotion de réseaux d’assistance aux pme pour l’apprentissage et la valorisation technologique, commercial et organisationnel, ou encore le développement par la base en attirant les revenus des salaires privés et publics, mais aussi des retraites et des transferts. Ce qui le conduit finalement à poser la question de l’échelle à laquelle ces politiques doivent être envisagées et animées : local, régional, national et aujourd’hui européen.

L’ouvrage de Pierre Veltz apparaît comme une référence, qui explicite les facteurs du développement spatial dont il est rarement donné une vision à la fois économique, sociale et institutionnelle. Les tendances récentes sont ainsi approchées dans leur interactivité sur le territoire. C’est aussi un ouvrage critique, qui bat en brèche les idées reçues sur la mondialisation et ses effets néfastes, et démonte les mécanismes du développement local. Mais le discours est résolument optimiste et stimulant. L’auteur ne revient ni sur les déviances de la concurrence ni les dérives du libéralisme. Il synthétise les vertus régulatrices d’institutions qu’il souhaite plus abouties. Il ne propose pas de recette facile et universelle pour le développement local, mais encourage les acteurs à faire appel à leurs ressources propres pour saisir les opportunités de l’économie mondialisée. Au-delà de tout autre considération, l’ultime mérite de cet ouvrage réside dans sa capacité, pour reprendre les mots de l’auteur, « à réinterroger et réélaborer des notions trop confortablement incrustées dans leur coquille ».

Abstract

Pierre Veltz, directeur de l’École nationale des ponts et chaussées, présente sa dernière publication Des lieux et des liens – Le territoire français à l’heure de la mondialisation, comme l’actualisation du texte paru en 1994 : Des territoires pour apprendre et innover. Le lecteur ne sera pas désorienté par la remise en cause du modèle ...

Bibliography

Notes

Authors

Sonia Guelton

Institut d’Urbanisme de Paris.

Partnership

Serendipity.

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