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Sérendipité.

Politiques publiques : un panorama des recompositions à l’œuvre.

Alain Faure, Anne-Cécile Douillet (dir.), L'action publique et la question territoriale, 2005.

Ce compte-rendu a été publié dans la revue Pouvoirs Locaux n°67 de décembre 2005. La rédaction d’EspacesTemps.net remercie Pouvoirs Locaux pour l’autorisation de publication de cet article.

Image1L’« école grenobloise » constituée autour du cerat (Centre de Recherche sur l’Administration, la politique et le Territoire) se distingue dans le paysage de l’analyse des politiques publiques par ses travaux sur la dimension cognitive de ces dernières. Suivant l’approche proposée par Jobert et Muller autour du concept de référentiel, une politique publique n’est pas qu’un espace dans lequel s’affrontent des acteurs mus par leurs intérêts, mais aussi le lieu où une société construit des représentations qui donnent sens à l’action collective. La mise en œuvre d’un programme public s’appuie sur un référentiel, c’est-à-dire sur une représentation du problème à traiter, de ses conséquences et des solutions envisageables pour le résoudre. Il importe donc pour l’analyste de considérer la façon dont chaque société et chaque groupe d’acteurs construisent leur rapport au monde, comment ils énoncent les valeurs et les normes de l’action publique.

Cette proposition, qui insiste sur le sens de l’action et sur la manière dont les idées se transforment en politiques publiques, a suscité d’importantes controverses scientifiques. Les débats ont porté à la fois sur l’approche retenue et sur les résultats des travaux qu’elle a suscités à la fin des années 80, qui ont souligné le caractère sectoriel des processus cognitifs à l’œuvre dans l’action publique, correspondant assez largement à la structuration de l’administration française.

L’ouvrage collectif dirigé par Alain Faure et Anne-Cécile Douillet prolonge ces débats, en intégrant une dimension qui, à défaut d’être nouvelle, occupe une place croissante dans l’action publique et dans les débats savants sur celle-ci : le territoire. Suivant l’ambition affichée par les auteurs, il s’agissait de clarifier la façon dont s’opère la dialectique entre les secteurs d’intervention publique et la question territoriale.

« Tournant territorial ».

Les douze contributions des chercheurs du cerat réunies dans le livre s’organisent en deux parties : celles dont l’analyse se concentre sur un secteur d’intervention publique particulier (l’éducation, le logement, la formation professionnelle, la sécurité, les risques, le développement rural), puis celles qui évoquent d’abord l’émergence de dynamiques dites « territoriales » (le patrimoine identitaire, les produits du terroir, l’éligibilité intercommunale, le pouvoir d’agglomération, la culture dans les villes, le développement social urbain). S’appuyant sur des enquêtes empiriques récentes menées dans des contextes territoriaux diversifiés, les articles offrent un large panorama des recompositions à l’œuvre dans les modes de construction de l’action publique, sous l’effet de la montée en puissance de logiques territoriales, ou tout du moins de la référence au territoire dans l’action publique.

Tous les auteurs se retrouvent dans l’observation d’une place croissante des enjeux territoriaux dans le passage et la transformation des idées en priorités publiques. Dans le même temps, ils soulignent la résistance des logiques d’action et des organisations sectorielles, qui ne sont que partiellement remises en cause par les dynamiques territoriales. La référence croissante au territoire correspondrait donc moins à la fin des secteurs (et des référentiels qui les structurent) qu’à une redéfinition de leurs frontières, liée à l’importance croissante prise par les autorités politiques infranationales dans l’élaboration des normes et des programmes d’action publique.

S’ils convergent autour de cette analyse, les articles révèlent la persistance de divergences d’appréciation quant à la nature et la portée de ce « tournant territorial ». Ceci tient pour partie, comme le souligne Anne-Cécile Douillet en conclusion, à la diversité des logiques réunies dans le terme de « territorialisation ». Telle qu’elle s’opère dans diverses procédures « territoriales » initiées par l’État, la territorialisation correspond essentiellement à un processus de localisation de la production de l’action publique. Elle révèle alors moins la montée en puissance des acteurs locaux dans la production du sens de l’action que l’émergence d’un nouveau mode de légitimation de l’action publique fondé sur les notions de proximité, de concertation et de partenariat. Dans une seconde acception, la territorialisation renvoie plus directement à l’idée de remise en cause des secteurs traditionnels au bénéfice d’une approche transversale des problèmes dans laquelle les acteurs et contextes locaux jouent un rôle accru. Loin d’être opposés, ces deux processus de localisation et désectorisation apparaissent liés, s’alimentant mutuellement. Il ressort néanmoins des contributions que ces processus ne se développent et ne se combinent pas à l’identique dans tous les secteurs, débouchant sur des configurations sectorielles hétérogènes.

Image2L’article que consacre Alain Faure à la place et au rôle des élites politiques des agglomérations fournit un contrepoint intéressant, en soulignant les évolutions conséquentes qui affectent simultanément l’organisation de la compétition politique et la définition du bien commun dans les territoires urbains. De nouvelles façons urbaines de « faire de la politique » et de « faire des politiques publiques » s’y feraient jour, qui témoigneraient d’une influence croissante des enjeux urbains dans la hiérarchisation sectorielle des priorités. Le pouvoir d’agglomération en construction préfigurerait ainsi les fondations d’une « démocratie différentielle » dont le centre de gravité serait au moins autant territorial que sectoriel.

Cette hypothèse forte, qui est loin de faire l’unanimité parmi les auteurs, témoigne de la vitalité des débats qui traversent l’« école grenobloise », relativement à l’action publique et à la question territoriale.

Alain Faure, Anne-Cécile Davillet (dir.), L’action publique et la question territoriale, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005. 300 pages. 25 euros.

Résumé

L’« école grenobloise » constituée autour du cerat (Centre de Recherche sur l’Administration, la politique et le Territoire) se distingue dans le paysage de l’analyse des politiques publiques par ses travaux sur la dimension cognitive de ces dernières. Suivant l’approche proposée par Jobert et Muller autour du concept de référentiel, une politique publique n’est pas ...

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Sérendipité.

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