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La nuit à la croisée des arts et des cultures : perceptions, imaginaires, représentations

Argumentaire

La nuit exerce sur l’être humain une fascination variée allant des peurs engendrées à l’exacerbation des sens pour en percevoir les contours. Les artistes n’y échappent pas et leurs démarches, œuvres et commentaires révèlent des impressions et conceptions visant à saisir ce qui est tout à la fois familier et garant d’un mystère. Quelles que soient les civilisations dont ces derniers sont issus, en Orient comme en Occident, transparaît inévitablement une vision personnelle, intime et révélatrice, qui renvoie dans un premier temps à la perception. « Quand, par exemple, le monde des objets clairs et articulés se trouve aboli, notre être perceptif amputé de son monde dessine une spatialité sans chose. C’est ce qui arrive dans la nuit », écrit Merleau-Ponty.

Avec le jour, impressions et interrogations perdurent. Issus de l’observation, les éléments repérés ont-ils un rôle, un lien entre eux ? Faut-il les considérer comme une alchimie dont les secrets sont à découvrir ? L’imagination est-elle, en ce qui concerne cette interrogation, source de connaissance, voire de vérité ? Ainsi, la lune, si ambivalente, tantôt maléfique, tantôt bienveillante, incarnée chez les Romains par la déesse Hécate aux trois visages, et qui en Extrême-Orient suscite une contemplation admirative et inspire les lettrés, ne joue-t-elle qu’un rôle symbolique lorsqu’elle est présente dans une œuvre ?

Dès qu’il est question de la nuit, la frontière entre perception et imaginaire devient ténue. On pense à ces moments d’apparitions et de métamorphoses décrits par le poète Novalis dans ses Hymnes à la nuit : « Plus divins que les étoiles scintillantes nous semblent les yeux infinis que la nuit a ouverts en nous ». L’ambivalence de la nuit apparaît comme étant d’une part libération, moment de lâcher-prise favorable à l’inspiration, et d’autre part synonyme d’ennui, de méditation ou de mort. N’est-ce pas la situation décrite par Guy Debord en 1978 lorsqu’il constate que in girum imus nocte et consumimur igni dans son film éponyme ?

Au demeurant, l’entrelacs entre perception et imaginaire se densifie dès lors que la représentation de la nuit intervient. Que penser de cette Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de W. A. Mozart, dont chacune des apparitions dans l’œuvre sont marquantes, sans appel et terminées par un rire glaçant ? Se rapproche-t-on de ce moment dès lors qu’une œuvre lui est dédiée ? Que signifie composer et jouer un nocturne ? Le renversement du temps à Minuit (comme l’écrit Mallarmé dans Igitur) opère-t-il dans les Noces de Stravinsky ou bien dans une représentation d’une nuit de sabbat, ne serait-ce qu’en songe ? Le noir est-il la couleur de la nuit, ce que contredit laNuit étoilée de Van Gogh ? « Que devient le regard quand la lumière s’absente ? Que voit-on dans l’ombre ? » (Milner). L’image disparaît-elle au profit de la matière, de l’informe, de la sensation, de l’espace sans repère ? L’esthétique de la nuit au Japon et en Corée, les réalisations du groupe Etoiles dans la Chine de la fin des années 1970 lèvent un voile tout en suggérant un foisonnement de chemins possibles. Enfin, le rêve survenant la nuit, si prégnant en Inde par exemple, relève-t-il seulement du royaume de l’inconscient ?

La nuit passionne et évolue selon nos modes de vie : la nuit urbaine électrique, les divertissements ont été poétisés par les photographies de Brassaï, le film Minuit à Parisde Woody Allen…

La persistance de la nuit en tant que source d’inspiration confine à une question lancinante posée à l’expression artistique. Afin d’apporter des éléments de réponse à ces premières interrogations, non exhaustives, ce séminaire se propose d’aborder la thématique de la nuit par l’entremise de réalisations artistiques et littéraires venues d’horizons divers, en privilégiant le partage des visions entre les arts et les cultures, qu’il soit inhérent à la communication elle-même (Ainsi la nuit de Dutilleux d’après La nuit étoilée de Van Gogh, Haiga-s de Ion Codrescu sur des Nocturnes de Chopin, poèmes chinois sur le jeu musical la nuit…) ou élaboré en duos de communications.

17 janvier,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D223   

  • Christine Vial Kayser:La nuit dans l’œuvre d’Anish Kapoor, métaphore d’un voyage inconscient inspiré du mythe de Kali
  • Céline Richard:L’écriture de la déconstruction de la nuit dictatoriale (Amérique latine)

14 février,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D116   

  • Jacline Moriceau:Le traitement de la nuit dans le cinéma japonais de l’après-guerre
  • Bérangère Chaumont:Noire, claire ou blanche : quelle est la couleur de la nuit pour le poète romantique ?

20 mars,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D040  

  • Isabelle Charrier:La contemplation de la lune (Tsuki mi 月見) dans la série de gravures sur bois « Cent aspects de la lune » (Tsuki hyakushi 月百姿) de Tsukioka Yoshitoshi 月岡芳年 (1839-1892)
  • Françoise Quillet: « Le songe d’une nuit d’été »entre Occident (Théâtre du Soleil) et Asie (Yohangza Theatre Company, Corée)

10 avril,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D116 

  • Pascale WeberLa nuit polaire : performer hors du temps
  • Philippe Malhaire :La nuit dans l’imaginaire musical d’Anthony Girard

15 mai,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D116 

  • Edith Parlier-Renault:Les scènes nocturnes dans la miniature indienne
  • Fiona Picollo:Nocturnes carnavalesques dans la gravure de Stefan Eggeler  

12 juin,

10h-13h, Maison de la Recherche de la Sorbonne, salle D116 

  • Romain ArazmLa nuit de Nicolas Poussin
  • Hyeonsuk Kim Le sens poétique de la lune et la porcelaine blanche coréenne달 항아리Dal hang-ari

Organisation

  • proposé par Patrick Otto et Marie Laureillard
  • avec la collaboration de Ly-lan Magniaux et d’Iran Farkhondeh
  • et le soutien de Véronique Alexandre Journeau

Informations pratiques

Le séminaire aura lieu le vendredi matin de 10h à 13h, environ une fois par mois, à partir de novembre 2019 à l’INHA.

Il est souhaité que les duos de communication fassent une place aux doctorants ou jeunes docteurs.

Propositions d’intervention à envoyer SVP à Marie Laureillard et Patrick Otto : mlaureillard@free.fr et otto.p@wanadoo.fr

Une publication suivra.

Bibliographie indicative

Astier Ingrid, Petit éloge de la nuit, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2014

Banu Georges, Nocturnes : Peindre la nuit, Jouer dans le noir, Paris, Biro, 2005

Choné Paulette et aliiL’Âge d’or du nocturne, Paris, Gallimard, coll. « Art et artistes », 2001

Clément Catherine, Éloge de la nuit, Paris, Albin Michel, 2009

Collectif, Musique et nuit, Paris, Cité de la Musique, 2004

Durand Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1968 (notamment le livre deuxième, sur « le régime nocturne de l’image »)

Gallais Jean-Marie (dir.), Peindre la nuit, Metz, Centre Pompidou-Metz Éditions, 2018

Haenal Yannick, La Solitude Caravage, Paris, Fayard, 2019.

Leleu Véronique et Bollard-Duval Clotilde (dir.), La Lune : du voyage réel aux voyages imaginaires, Paris, RMN, 2019

Lemaire Gérard-Georges, Le Noir, Paris, Hazan, 2006

Michaux Henri, La nuit remue, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1987

Milner Max, L’envers du visible, essai sur l’ombre, Paris, Seuil, 2005

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Argumentaire La nuit exerce sur l’être humain une fascination variée allant des peurs engendrées à l’exacerbation des sens pour en percevoir les contours. Les artistes n’y échappent pas et leurs démarches, œuvres et commentaires révèlent des impressions et conceptions visant à saisir ce qui est tout à la fois familier et garant d’un mystère. Quelles ...

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