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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

La fabrique spatiale de la littérature oulipienne.

Quand l’espace renouvelle les pratiques littéraires.

La géographie s’est depuis longtemps intéressée aux espaces représentés dans la littérature [1]. Ce n’est que plus récemment qu’elle a commencé à défricher les relations que les œuvres littéraires entretiennent avec leurs contextes de production et de réception. Esquissée notamment par quelques travaux se réclamant d’une « géographie de la littérature » (Brosseau et Cambron 2003, Molina 2010), cette seconde approche s’insère pourtant parfaitement dans le projet d’une science sociale ayant pour projet de décrypter les rapports entre espaces et sociétés (Molina 2012). « Replacer l’œuvre et les conditions de sa production dans le contexte de son existence, dans l’espace et le temps social » (Lévy 1997, p. 40) apparaît d’autant plus légitime que des pratiques littéraires contemporaines comme celles des Oulipiens entretiennent une relation particulière avec les lieux (Schilling 2003, 2006, 2011). Créé au début des années 1960, l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo) regroupe des écrivains, mathématiciens et musiciens qui partagent un même projet : pratiquer d’une manière ludique et expérimentale le langage, inventer des contraintes pour impulser des dynamiques littéraires nouvelles. Chez les Oulipiens, l’espace se trouve investi non plus seulement comme thème littéraire, mais aussi comme terrain d’expérimentation de nouvelles manières de fabriquer la littérature.

Au travers du cas emblématique de l’Oulipien Jacques Jouet [2], cet article propose d’explorer comment des pratiques littéraires contemporaines mettent en jeu un rapport renouvelé à l’espace qui bouleverse le processus traditionnel de fabrication de la littérature. L’œuvre de Jacques Jouet s’inscrit en effet dans la filiation oulipienne d’une écriture ludique et sous contraintes. À partir des années 1990, l’écrivain va se livrer à des expériences littéraires spatialisées. L’analyse de son œuvre que cet article propose aura pour enjeu d’apprécier comment l’investissement d’un espace dans un temps donné et les relations sociales qui s’y déploient constituent les catalyseurs de nouvelles dynamiques littéraires. Cette mise en lieu de la fabrique littéraire s’inscrit dans une tendance plus générale qui traverse les pratiques artistiques contemporaines. Depuis les années 1960, les arts plastiques contemporains tendent à s’inscrire dans la perspective d’un « art contextuel » en se construisent dans et avec leur environnement (Ardenne 2002). Le modèle d’analyse et les concepts proposés par la géographe du fait artistique Anne Volvey pour étudier ce mouvement de spatialisation de l’activité artistique contemporaine (2008, 2010) seront donc mobilisés pour éclairer la dynamique de fabrication de cette littérature oulipienne. Cependant, les œuvres de Jacques Jouet se construisent dans un rapport d’immédiateté à un lieu dans lequel l’écrivain prend position et interagit avec ses usagers et habitants. Aussi la littérature et la poésie de Jacques Jouet relèvent non seulement d’une « fabrique spatiale » (Volvey 2008), mais aussi d’une fabrique temporelle et sociale (Bourriaud 1998). Les travaux de la sociologie de l’art et de la critique littéraire seront donc également d’un secours précieux pour appréhender les triples modalités (spatiale, temporelle et sociale) de construction des œuvres de Jouet.

Un premier temps de la réflexion sera consacré à une mise en perspective des évolutions des modalités de production de la littérature. Le terme de « fabrique littéraire » sera utilisé pour désigner l’ensemble des activités, acteurs, espaces et temporalités qui concourent à la construction d’une œuvre littéraire. La fabrique traditionnelle de la littérature met en jeu une succession d’acteurs et d’activités qui se déroulent chronologiquement dans différents espaces. Le rapport entre l’auteur et son lecteur apparaît donc distancié dans l’espace et le temps et médié par une série d’acteurs, d’activités et d’objets qui participent à construire l’œuvre littéraire. La première partie de l’article démontrera comment, avec les écrivains oulipiens, la littérature a engagé son « tournant spatial » (Volvey 2010, p. 7) en modifiant profondément ces modalités de production. La seconde précisera la façon dont Jacques Jouet expérimente avec une acuité particulière cette nouvelle manière de faire la littérature construite dans un ici et maintenant, et comment ses pratiques bouleversent profondément la linéarité du processus traditionnel de fabrication de la littérature.

La spatialisation de la fabrique littéraire.

Les travaux issus des théories littéraires (Jauss 1978, Eco 1965, Genette 1991, 1994) comme ceux de la sociologie de l’art (Escarpit et Bouazis 1970, Becker 2010, Dirkx 2000, Heinich 2011) amènent à considérer la littérature non plus au travers d’une approche purement textualiste, mais dans une perspective plus dialogique, comme une construction sociale, comme le produit d’un processus mettant en jeu une pluralité d’acteurs et d’activités. Serait littéraire ce qui serait conçu comme tel par son auteur, mais aussi reçu en tant que tel par la société, différents groupes sociaux participant à la production concrète et symbolique de l’œuvre. Il s’agit ainsi, dans un premier temps, de décrire ce processus traditionnel de fabrication littéraire en précisant comment celui-ci repose sur l’enchaînement d’activités et d’interventions d’acteurs qui se succèdent dans le temps et se déroulent dans différents espaces. Un second temps de la réflexion sera consacré à l’analyse de la manière dont, à partir des années 1960, les Oulipiens investissent l’espace comme un laboratoire permettant de renouveler ces modes d’élaboration littéraires.

La fabrique traditionnelle de la littérature.

L’œuvre littéraire n’est pas seulement le fruit du travail d’un auteur, mais met en jeu une « chaîne de coopération » (Becker 2010, p. 49), une « division du travail » (ibid., p. 32) entre différents acteurs. Leurs activités s’actualisent dans différents espaces et à des moments distincts qui constituent différentes étapes de construction d’une œuvre littéraire.

Tout d’abord, l’œuvre commence à se construire en amont même de l’écriture. Comme le démontre la génétique littéraire qui travaille sur la genèse des œuvres, les espaces vécus par l’écrivain participent à l’influencer, tout autant que les espaces imaginaires et fictifs rencontrés dans ses lectures. L’œuvre littéraire se construit aussi d’une manière intertextuelle et s’inscrit dans un réseau de ramifications qui la relie à d’autres œuvres (Kristeva 1969). Pour la produire, l’auteur prend position dans un « espace des possibles » (Bourdieu 1998, p. 390) en tenant compte des productions de ses prédécesseurs.

La formalisation par le travail d’écriture constitue ensuite une étape majeure qui a pour enjeu la production d’un manuscrit. Activité littéraire centrale, l’écriture s’avère, dans l’imaginaire collectif, entourée d’un certain mystère et prestige (ibid.). Elle est souvent associée à des espaces privés, celui de la chambre ou du bureau de l’écrivain. Flaubert incarne d’ailleurs cette désormais légendaire figure de l’écrivain reclus, solitaire, travaillant en retrait du monde, retranché dans le silence de son bureau, écrivant et réécrivant son texte avec acharnement, avant de le soumettre à l’épreuve du « gueuloir ». Si la fabrique littéraire est souvent assimilée et réduite à cette activité solitaire de l’écriture, lui succèdent pourtant bien d’autres étapes essentielles à la constitution de l’œuvre (Becker 2010, Escarpit et Bouazis 1970).

La publication suppose en effet une collaboration entre l’écrivain, son éditeur et implique une série d’activités : relectures extérieures, réécritures éventuelles, travail de l’imprimeur. Ce travail de métamorphose du manuscrit en texte s’opère dans différents lieux successifs : maison d’édition, imprimerie, etc. Plusieurs acteurs interviennent ensuite dans la commercialisation, la distribution, la diffusion et la valorisation du livre. Se retrouve l’éditeur bien sûr, mais aussi l’écrivain engagé dans des activités para-littéraires (lectures publiques, interviews, etc.). Entrent également en jeu d’autres protagonistes de la chaîne du livre, tels que les libraires, bibliothécaires, enseignants, médias, ou organisateurs d’événements littéraires. Leurs activités se déroulent dans des lieux traditionnellement consacrés à la diffusion et la valorisation de la littérature, et éventuellement de l’art : bibliothèques, libraires, salons du livre, musées. Des institutions telles que l’école viennent également jouer un rôle dans la constitution de la culture littéraire et la diffusion des œuvres littéraires.

Enfin, la littérature implique un travail dialectique entre le texte — qui ouvre un certain nombre de possibles interprétatifs — et les lecteurs (Eco 1965, 1992). L’œuvre littéraire n’existe qu’à condition d’être actualisée par le travail de la lecture. Cette activité s’opère dans différents contextes sociaux et engage aussi bien des acteurs ordinaires que des professionnels (éditeurs, critiques, etc.). Synthétisant les apports d’une quarantaine d’années de travaux dans le champ de la pragmatique et de la sociologie de l’art, Jean-Pierre Esquenazi résumait ainsi que, plus qu’un simple « objet », l’œuvre apparaît comme « un processus au travail » (2007, p. 194).

Les pratiques d’appropriation de la littérature ne se résument d’ailleurs pas à la seule lecture. Les œuvres littéraires peuvent en effet être adaptées (cinématographiquement ou théâtralement, par exemple), utilisées, voire instrumentalisées par différents acteurs dans des espaces sociaux variés. Des travaux ont par exemple analysé comment la littérature était mobilisée par différents protagonistes. Les politiques (Hourmant 2005, Molina 2007), les sociologues (Ellena 1998), et les fabricants et gestionnaires des territoires (Molina 2010, 2012) s’en servent comme d’une ressource pour prendre position dans leurs mondes professionnels. Ces réactualisations dans divers espaces sociaux dessinent le « destin social » (Moulin 2007, p. 22) et assurent « la survie » (Escarpit 1970a, p. 129) d’une œuvre après la disparition de ses conditions de production.

Schéma 1 : Le processus traditionnel de fabrication littéraire. Source : Géraldine Molina, 2013.

Au travers de cette rapide esquisse, il apparaît que la fabrique traditionnelle de la littérature met habituellement en jeu une série d’activités et de protagonistes sociaux qui se déploient dans une pluralité d’espaces. L’œuvre littéraire apparaît au final « élaboré[e] par la société, modelé[e] par une suite de situations historiques, chargé[e] de connotations collectives » (Escarpit 1970b, p. 17). Dans ce mode de fabrique traditionnel, le rapport entre l’auteur et le lecteur est différé dans le temps, médié par le livre mais aussi par toute une série d’acteurs. À partir des années 1960, des écrivains vont commencer à remettre en question cette linéarité et le séquençage du processus de production de la littérature, et renouveler ainsi les modes de fabrique littéraire.

Le « tournant spatial » de la littérature.

Le contexte de création de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo) à la fin des années 1960, correspond à une époque caractérisée par la porosité des milieux, par un décloisonnement des champs de savoirs et domaines artistiques. L’architecture et l’urbanisme y rencontrent par exemple les sciences sociales (Violeau 2005). Georges Perec côtoie Henri Lefebvre, Jean Duvignaud, Paul Virilio et Georges Balandier (Schilling 2006). L’écrivain oulipien fréquente aussi les architectes et intervient dans leurs écoles [3] (Molina 2010). Cherchant à se distinguer de l’approche techniciste et scientiste des prédécesseurs du mouvement moderne, la jeune génération d’architectes qui émerge durant cette période s’appuie sur la littérature et la sémiologie pour repenser et refonder l’architecture (Molina 2010). Les Oulipiens rencontreront un franc succès chez cette génération d’architectes ; Italo Calvino, Georges Perec et Raymond Queneau font partie des écrivains contemporains les plus cités par les grands architectes-urbanistes actuels dans leurs discours et écrits. Cet attrait des acteurs du monde architectural et urbanistique pour la littérature oulipienne s’explique par la richesse et la particularité des rapports que ces écrivains ont instaurés avec l’espace.

Les Oulipiens ont en effet tenté de renouveler les pratiques littéraires en réinterrogeant le rapport entre espace, temps, écriture et société. Par l’intensité des échanges sociaux qui s’y déploient, par le rythme qui l’anime et la diversité des espaces qui la composent, la ville a notamment été investie par les Oulipiens comme un terrain de jeu privilégié. Ouvrant des possibilités multiples de contraintes et d’invention, elle leur permet d’expérimenter de nouvelles manières de pratiquer la littérature. Déambulant dans la ville, Raymond Queneau se lance dans une expérience d’écriture mentale de « poème promenade » qui donnera naissance à Courir les rues en 1967. Prenant également la ville pour « un laboratoire ou banc d’essai poétique » (Schilling 2011, p. 57), Jacques Roubaud tente de « recourir les rues » parcourues trente ans plus tôt par son prédécesseur oulipien et expérimente une poésie de réactualisation, un « poème vérification » (ibid., p. 58). Avec Les Villes invisibles, publié en italien en 1972, Italo Calvino s’essayera aussi au portrait poétique kaléidoscopique d’une multitude de villes en jouant sur les ressorts d’une écriture combinatoire. Les Oulipiens semblent donc entretenir une complicité particulière avec la ville, qui génère des pratiques littéraires et poétiques inventives. C’est peut-être chez Georges Perec pourtant que l’expérience spatiale renouvellera le plus l’activité littéraire.

Si la ville a été un sujet privilégié des poètes et romanciers, le lieu des promenades baudelairienne et rimbaldienne, des « dérives » des surréalistes (Stierle 2002), elle devient, avec Georges Perec, le laboratoire d’une nouvelle expérience, celle d’une écriture in situ, contextuelle qui se construit dans un rapport d’immédiateté au lieu. À partir de la fin des années 1960, Georges Perec se lance en effet dans des « projets exécutés “sur le terrain” » que décrit Derek Schilling (2003, p. 144). Ce « tournant spatial » s’amorce avec le projet des « Lieux ». Souhaitant travailler sur l’espace vécu, l’écrivain cherche à investir douze lieux parisiens auxquels son histoire personnelle le rattache. Des contraintes temporelles viennent se superposer : pendant douze ans, l’écrivain produira deux textes par mois sur ces lieux en mobilisant deux méthodes d’écriture différentes. La première est pratiquée in situ. Présent dans l’espace, l’écrivain tente, avec dépouillement et neutralité, de rendre compte de sa perception, de ses observations. Sa démarche se rapproche de celle du chercheur en sciences sociales et d’une méthode de type « ethnographique » (Schilling 2003, p. 145). La fabrique littéraire s’ancre ainsi dans un espace et un temps donnés que l’écrivain investit. L’écriture devient performance. Un rapport de simultanéité s’instaure entre la perception et la pratique d’un lieu et son saisissement par l’écriture. Le second mode d’écriture mobilisé dans ce projet est différé. Il s’inscrit dans une perspective classique de la représentation comme dialectique absence/présence (Molina 2005) : absent du lieu qu’il souhaite représenter, l’écrivain cherche à le rendre présent par le pouvoir de l’écriture, et par le travail de la mémoire en mobilisant ses souvenirs personnels. Superposant de fortes contraintes spatiales et temporelles, impliquant une endurance sur plus de douze ans, ce projet débuté en 1969 est abandonné en 1975. Perec poursuivra l’expérience sur d’autres lieux parisiens. Du 18 au 20 octobre 1974, par exemple, il s’installe au café de la Mairie, place Saint-Sulpice à Paris, avec pour projet de décrire la vie qui se déploie sur cet espace public, d’en saisir les détails les plus insignifiants. Dans cette Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (1974) qui prend des allures d’inventaire, l’écrivain recherche l’exhaustivité. Il s’efforce de transcrire fidèlement sa perception du lieu, s’inscrit dans une approche cognitive de l’espace. Se dessine dans ces projets, l’ambition d’investir comme thème littéraire le quotidien, ce « bruit de fond », l’habituel tel qu’il s’offre dans son immédiateté sa banalité, sa monotonie, ce qui fera quelques années plus tard, le sujet central de L’Infra-ordinaire (1989).

Ces projets perecquiens s’inscrivent dans une époque caractérisée par un climat intellectuel particulier. Intellectuels et artistes cherchent à « descendre dans la rue » (Buren 2005), manifestant leur intérêt pour le quotidien, et cherchant ainsi à se rapprocher de la société. Une certaine porosité et une influence mutuelle caractérisent d’ailleurs les rapports entre l’œuvre de Georges Perec et celles d’artistes contemporains comme Christian Boltanski (Joly 2010). À partir des années 1960, l’art contemporain a amorcé son « tournant spatial » en quittant les musées et institutions consacrées pour investir l’espace public et réinstaurer une relation de proximité à son public (Bourriaud 1998, Ardenne 2002, Ruby 2001). Ces pratiques artistiques contemporaines, ces Land Arts « prennent possession » des lieux. Elles témoignent d’un développement de stratégies spatiales « outdoors » contre le monde de l’art traditionnel, et s’inscrivent dans une perspective relationnelle avec leur public et leur contexte en se fabriquant avec eux (Volvey 2008). Comme l’intellectuel et l’artiste, l’écrivain entend être en prise directe avec son temps, sa ville, les habitants qui la parcourent et l’animent. Il cherche à s’inscrire de plain-pied dans le monde et « travaille » avec lui pour construire son œuvre littéraire.

D’autres expériences spatio-littéraires suivront, comme celle du couple Julio Cortázar et Carol Dunlop. Condamnés par la maladie, ces deux écrivains se lancent dans une aventure d’écriture mobile lors de leur voyage sur l’autoroute Paris-Marseille qui sera publiée chez Gallimard sous le titre Les autonautes de la cosmoroute ou un voyage intemporel Paris-Marseille en 1983.

À partir des années 1990, s’inspirant de ces expériences littéraires et artistiques (de Perec, comme de Cortázar et Dunlop) et d’artistes contemporains (comme Sophie Calle [4]), Jacques Jouet va poursuivre l’expérience de la mise en espace de la littérature et de la poésie d’une manière plus extrême encore.

L’espace ou le nouveau terreau d’une fabrique littéraire.

La postérité exceptionnelle de Georges Perec se mesure notamment par l’influence qu’exerce son œuvre sur de nombreux écrivains contemporains. François Bon, Patrick Modiano, Jean et Olivier Rolin, Martin Winckler, Marie Darrieussecq, Valérie Mrejen, Annie Ernaux reconnaissent ainsi leur dette et leur « filiation » perecquienne (Heck 2011). Parmi eux, Jacques Jouet occupe une place particulière. Chez cet auteur, le triptyque espace-temps-société occupe une place centrale et dessine un ensemble de contraintes qui génèrent des dynamiques littéraires renouvelant profondément l’expérience de l’auteur et celle du lecteur. Comme la plupart de ses confrères oulipiens, Jouet pratique différents genres, tels que la poésie, le roman, la nouvelle, le théâtre, l’essai ; genres que cet auteur a revisités en travaillant à partir de contraintes spatiales, temporelles et sociales. Ces expérimentations ont donné lieu à l’invention de nouvelles formes littéraires : le « poème de métro », le « poème paysage », le « poème portait » d’individus ou de groupes sociaux, la tentative d’épuisement d’un auteur, ou encore le projet d’aménagement littéraire concerté. Quels sont les dispositifs socio-spatio-temporels spécifiques que ces formes mettent en jeu ? Au-delà de leur particularité, sur quels nouveaux principes de fabrication de la littérature reposent-elles ?

Des dynamiques spatio-temporelles de l’écriture.

Un des premiers ressorts de l’écriture jouetienne consiste à se saisir de l’expérience immédiate que l’auteur fait d’un lieu. La pratique spatiale génère ainsi une dynamique littéraire spécifique, un ensemble de contraintes et de ressources que l’Oulipien utilise pour écrire. Si la plupart de ses expériences s’inscrivent dans cette perspective, c’est peut-être le « poème de métro » qui constitue la forme la plus emblématique de ce nouveau mode de fabrique littéraire du point de vue du rapport au temps et à l’espace qu’il engage. Mais avant d’analyser plus amplement le dispositif mis en jeu par le poème métro, laissons l’auteur nous en donner sa définition :

Qu’est-ce qu’un poème de métro ?

J’écris, de temps à autre, des poèmes de métro. Ce poème en est un.

Voulez-vous savoir ce qu’est un poème de métro ? Admettons que la réponse soit oui. Voici donc ce qu’est un poème de métro.

Un poème de métro est un poème composé dans le métro, pendant le temps d’un parcours.

Un poème de métro compte autant de vers que votre voyage compte de stations moins un.

Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premières stations de votre voyage (en comptant la station de départ).

Il est transcrit sur le papier quand la rame s’arrête à la station deux.

Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les stations deux et trois de votre voyage.

Il est transcrit sur le papier quand la rame s’arrête à la station trois. Et ainsi de suite.

Il ne faut pas transcrire quand la rame est en marche.

Il ne faut pas composer quand la rame est arrêtée.

Le dernier vers du poème est transcrit sur le quai de votre dernière station.

Si votre voyage impose un ou plusieurs changements de ligne, le poème comporte deux strophes ou davantage. (Jouet 2000, p. 7)

La dynamique d’écriture se cale sur les séquences du déplacement de l’auteur-usager du métro. La mobilité individuelle est exploitée comme une contrainte non seulement spatiale mais également temporelle. La démarche de Jacques Jouet s’inspire de celle des « autonautes de la cosmoroute » menés au début des années 1980 [5] par le couple d’écrivains Julio Cortázar et Carol Dunlop, de leur aventure d’écriture mobile lors d’un voyage sur l’autoroute Paris-Marseille La pratique d’écriture était alors déterminée par un déplacement contraint, les écrivains s’imposant de s’arrêter toutes les deux aires d’autoroute pour y passer une nuit. Comme chez ces écrivains sud-américains, chez Jacques Jouet, le parcours dans l’espace et dans le temps catalyse l’écriture. Espace parcouru par le poète oulipien, le métro prend l’allure d’une nouvelle fabrique poétique.

Schéma 2 : Le « poème de métro » de Jacques Jouet : la mobilité et l’espace-temps comme dynamiques poétiques. Source : Géraldine Molina, 2013.

En choisissant d’écrire « en direct », d’investir l’immédiateté comme un ressort d’une nouvelle fabrique littéraire, Jacques Jouet prend ses distances avec un certain modèle d’écriture :

C’est aussi une idée du travail. Le modèle Flaubert ce n’est pas le mien. […] Moi je préfère travailler dans le plaisir, ça c’est sûr. Après c’est une question d’énergie, c’est-à-dire que ce n’est pas l’accumulation du labeur pénible qui fait forcément… ça peut, bien sûr ! Mais en faire un modèle unique de travail, moi ça ne me va pas. Pas du tout. Dans le poème de métro, par contre, c’est une question de compression. Physique, l’énergie, tout compresse. Le pari c’est de dire « je travaille très intensément pendant un temps très court »… (Entretien réalisé le 15 octobre 2012)

La poésie de Jacques Jouet s’ancre et se produit donc à partir d’une actualité, celle d’un lieu vécu à un instant donné par l’auteur. L’expérience sensible du lieu devient le moteur d’une écriture instantanée. Confrère du « poème de métro », le « poème paysage » s’écrit lui aussi « en direct », mais d’une manière horizontale sur un seul vers (poème monostique) et « dans le paysage ». Le balayage panoramique est alors utilisé comme un mode d’écriture du poème. Pour le produire, Jacques Jouet prend appui sur sa perception du lieu. Il part de la position statique que son corps occupe dans l’espace et procède comme un photographe cherchant à immortaliser un panorama en saisissant le paysage par succession d’images horizontales. Ce dispositif poétique n’implique pas seulement un renouvellement du mode d’écriture, mais reconfigure également un autre pan fondamental de la fabrique littéraire que sont la lecture et le rapport au lecteur.

Schéma 3 : Le « poème paysager » : le balayage panoramique comme mode d’écriture et de lecture. Source : Géraldine Molina, 2013.

L’espace comme lieu de co-production de la littérature.

Dans la fabrique traditionnelle, le lecteur est en effet avant tout un destinataire dont l’activité principale, la lecture, occupe une place en aval du processus de production littéraire. En « descendant dans la rue », en investissant l’espace comme lieu d’écriture, en fabriquant une poésie de et dans un ici et maintenant, Jacques Jouet engage un tout autre rapport au lecteur. Les espaces investis deviennent le théâtre d’une rencontre entre le poète et l’habitant ou l’usager des lieux. Ces interactions sont exploitées par le poète comme un ressort de la fabrique poétique.

Avec le « poème paysage », par exemple, l’écriture et la lecture prennent toutes deux place dans un même espace et reposent sur une même dynamique de balayage panoramique. La lecture n’est donc plus simplement activité de déchiffrement et d’interprétation d’un texte par le lecteur. Elle échappe au livre, s’actualise dans la diction du poète et l’écoute d’un public. Elle est projetée oralement et s’accompagne d’une mise en scène du corps du poète dans l’espace, d’un mouvement du regard qui s’étire de gauche à droite. Elle est offrande immédiate et directe au destinataire qui n’est plus tant lecteur qu’auditeur et spectateur et partenaire d’une expérience sensible du paysage. L’œuvre se produit donc dans la collusion entre l’écrivain et le lecteur qui s’opère dans un lieu donné. Écriture et lecture se rejoignent ainsi dans et par l’espace.

« Tentative d’épuisement d’un auteur » constitue une autre forme d’expérience radicale du point de vue de la relation entre auteur et lecteur. Les contraintes sont cette fois-ci les suivantes : écrire un roman en s’installant durablement dans un espace public ou à usage public (à Paris en juin 2009 [6] et à Beyrouth en juin 2010 [7]) sous le regard des passants et d’intéressés s’étant déplacés spécialement pour l’occasion. L’écriture est projetée sur un écran géant au moment même où elle est produite par l’auteur pour assurer une lecture en instantané. Séquencées dans le processus de fabrication traditionnel de la littérature, l’écriture et la lecture tendent donc à se synchroniser et se superposer dans un même espace-temps.

Considérant que « tout est objet de poèmes » [8] et s’inscrivant par là même dans la filiation perecquienne, Jouet investit des lieux de vie quotidienne, des lieux ordinaires pour réaliser une autre expérience poétique, celle des « poèmes portaits ». À la manière d’un géographe ou d’un ethnologue, il se livre à un travail d’observation des lieux et de leurs usagers et les investit pour en établir le portrait. Il prend pour cible de son travail poétique un individu ou un groupe social : les clients d’une pâtisserie, ceux d’un salon de coiffure, les élèves d’une classe de collègue, des ouvriers d’usine dans le Nord-Pas de Calais, ou encore les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique à Cotonou. Tous se voient conviés à participer à une expérience poétique singulière : Jacques Jouet les invite à évoquer librement leurs rapports au lieu, à lui faire découvrir leur manière de l’habiter et de l’utiliser. Cette première étape d’interactions dans un lieu ordinaire va servir de base au travail d’écriture du « poème portrait », sous le regard du futur lecteur qui devient ainsi à la fois le sujet de l’œuvre et son co-fabricant. Une fois l’écriture achevée, l’auteur soumet son texte au lecteur (en lui donnant à lire ou en lui lisant à voix haute) et observe sa réaction.

Schéma 4 : La fabrique collaborative du « poème portrait ». Source : Géraldine Molina, 2013.

Les dispositifs poétiques et littéraires de Jouet modifient donc fondamentalement le rapport à la littérature et l’expérience littéraire de l’écrivain comme du lecteur. Avec le « poème portrait », la linéarité auteur-livre-lecteur est rompue. La fabrique spatiale de la littérature renforce la dynamique collaborative de la littérature. Les œuvres de Jacques Jouet naissent de la rencontre dans un espace et un temps donnés entre l’écrivain et un usager. Elles s’inscrivent donc dans une perspective « relationnelle » comparable à celle du mouvement artistique contemporain observée par Nicolas Bourriaud (1998).

Le statut du lecteur change profondément, se pluralise. Tout d’abord, il n’intervient plus simplement à l’aval de la production poétique au travers du travail d’interprétation et d’appropriation qu’est la lecture. Il est désormais intégré très en amont dans le processus même de construction du texte. Sujet de l’œuvre, personnage du « poème portrait », il est également un partenaire engagé dans la co-production de l’œuvre. Le rapport entre l’auteur et son lecteur n’apparaît donc plus distancié dans l’espace et le temps et médié par une série d’acteurs, d’activités et d’objets. Cette cohabitation de l’auteur et du « lecteur » entraîne donc un changement de la nature des interactions entre ces deux acteurs, et plus largement des « mondes » littéraires (Becker 2010).

La lecture change également de statut, elle devient exposition et restitution par l’auteur du résultat de travail collaboratif qu’il a engagé avec son partenaire-sujet : « Il faut faire la lecture à haute voix. Moi je suis très attaché à ça. Il faut en répondre en face » explique Jacques Jouet en entretien. Ces dispositifs de participation poétique reposent donc sur une relation interactive entre l’auteur et son sujet, qui donne parfois lieu à des prolongements inattendus. Ainsi, Jouet explique que certains « sujets » des « poèmes portraits » ont poussé l’expérience participative plus loin, et ce de leur propre initiative. Après la discussion avec le poète, alors que celui-ci écrivait « en direct » leur portrait, ils se sont eux-mêmes essayés à écrire un « poème portrait » de Jacques Jouet. Une réciprocité s’installe alors entre les deux individus. Leurs rôles se superposent sans plus se distinguer, chacun d’eux étant tout à la fois sujet, auteur et partenaire d’une expérience poétique extrême rendue possible par la communion dans un lieu et un temps donnés.

La spatialisation de la littérature : théâtralisation,  banalisation et publicisation de l’expérience littéraire.

Dans le cadre des « poèmes portraits » et de « Tentative d’épuisement d’un auteur », la démarche de Jouet s’apparente à une entreprise de dévoilement de la figure de l’auteur habituellement distante et inaccessible. L’auteur ne s’éclipse plus derrière le livre, comme dans le processus classique de fabrication de la littérature, mais se livre au regard du lecteur-spectateur et donne à voir comment la littérature se fabrique. La poésie jouetienne se construit donc sur une relation de proximité. La fabrique littéraire se voit ainsi profondément renouvelée, le rapport au lecteur n’étant plus médié par le livre. Le lieu devient l’espace de mise en scène de l’écrivain au travail, du processus d’écriture. Ainsi, si la modernité avait proclamé la mort de l’auteur, sa disparition derrière le texte (Barthes 1984, Foucault 1994), l’entreprise jouetienne entend proclamer sa résurrection et l’exhibition du processus de fabrication de la littérature. Non seulement l’auteur ne communique plus in absentia, mais désormais, il s’expose. L’écriture est donnée à voir en train de se faire, théâtralisée par un processus scénique (installation de l’écrivain dans une tente transparente et projection de son travail sur l’écran géant dans le cadre de l’opération « Tentative d’épuisement d’un auteur », par exemple). Elle se produit sous le regard du lecteur. L’espace public correspond au lieu d’exposition de l’écrivain au travail, au théâtre d’une expérience radicale pour l’auteur et l’usager, celle d’une synchronisation entre le travail d’écriture et de celui de la lecture. Le livre est aboli comme objet transactionnel entre l’auteur et le lecteur, le processus d’écriture se fait lui-même médiation. Si cette mise en espace induit une théâtralisation de l’écriture et de la figure de l’auteur, elle conduit également à leur banalisation. Exposer les modalités de fabrication de l’écriture s’apparente à une entreprise de dévoilement qui participe à la déconstruction d’un mythe, et non des moindres, celui des « mystères de la création » (Bourdieu 1998). En s’exhibant dans l’espace public en plein processus de « création », la figure de l’écrivain se désacralise, se démystifie. La mise en lieu de la fabrique littéraire induit donc aussi au final la mise en danger de la figure de l’auteur.

La délocalisation de la fabrique littéraire constitue d’ailleurs une évolution fondamentale du point de vue des types de lecteurs qu’elle met en jeu et des modalités relationnelles entre auteur-lecteur. Tout d’abord, l’auteur s’expose à une réaction directe du lecteur, se soumet à son jugement sans les intermédiaires habituels (libraires, critiques, bibliothécaires, etc.). En outre, en s’installant dans l’espace public, la littérature s’intercale, s’impose dans la vie des usagers et habitants, et bouleverse leurs pratiques quotidiennes. Elle se confronte donc aussi à une altérité radicale, à un acteur qui ne correspond pas au lecteur habituel (ayant choisi de s’engager dans l’œuvre en prenant possession d’un livre), mais à un usager ou habitant qui découvre la littérature au hasard de ses pratiques spatiales, un « spectateur involontaire », « un spectateur presque malgré lui » (Ruby 2001, p. 18).

Jacques Jouet explique d’ailleurs en entretien que son travail répond à une ambition sociale et militante, celle de publiciser la littérature en donnant à voir son processus de fabrication et de la rendre accessible à tous. Cette volonté de démocratisation s’inscrit dans un mouvement plus général qui caractérise notamment l’art contemporain (Bourriaud 1998, Ardenne 2002). La littérature s’extrait de ses espaces habituels (le livre, la librairie, la bibliothèque, etc.), pour se construire dans une dynamique « outdoors » en se mettant en discussion dans l’espace public. En investissant des espaces tels que ceux de l’usine ou de l’hôpital psychiatrique (« poèmes portraits »), elle propose d’intégrer les délaissés, les dominés, d’en faire non pas seulement des « lecteurs », mais des acteurs à part entière de la fabrique littéraire, des partenaires.

L’analyse de la fabrication d’œuvres oulipiennes a conduit à constater comment cette littérature contemporaine est « travaillée » par l’espace au même titre que l’art contemporain (Volvey 2008). Cette spatialisation de la littérature bouleverse le rapport habituel à la littérature. L’espace devient le terrain d’une expérience littéraire totale, lieu d’inspiration, il est aussi lieu de co-construction de la littérature, lieu dans lequel l’œuvre s’inscrit, lieu de sa réception par les habitants et usagers des espaces. Si cette littérature oulipienne se fabrique sur une multiplicité d’interactions sociales que l’espace rend possible, elle contribue également en retour à modifier l’expérience du lieu et notamment des espaces publics, les pratiques et représentations des habitants et usagers.

Aussi conviendrait-il de prolonger la perspective en analysant la manière dont la littérature « travaille » l’espace. Des travaux ont d’ores et déjà ouvert la voie en constatant que la littérature est invitée dans le monde des bâtisseurs de ville. Des architectes ont, par exemple, collaboré avec des écrivains pour réaliser des projets d’aménagement d’espaces publics (Molina 2010) et les Oulipiens apparaissent comme les références littéraires contemporaines les plus citées par les faiseurs de ville dans leurs discours publics (Molina 2012). L’utilisation de la littérature pour construire et gérer la ville constitue donc une tendance contemporaine. Il resterait à se pencher plus précisément dans une prochaine contribution sur les cas oulipiens pour apprécier finement leur contribution à la fabrication de la ville contemporaine. Mise en lieu, spatialisée, comment cette littérature poétise-t-elle en retour l’espace ? De quelle façon participe-t-elle à en modifier les représentations sociales et parfois même la matérialité ?

Illustration : Who Cares ?, « Sans titre », 16.05.2011, Flickr (licence Creative Commons).

Résumé

Créé dans les années 1960, l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo) regroupe des écrivains qui se livrent à des pratiques ludiques et expérimentales du langage en inventant des contraintes pour impulser des dynamiques littéraires nouvelles. Cet article propose d’explorer comment les activités littéraires des Oulipiens mettent en jeu un rapport renouvelé à l’espace, au temps et à la société qui bouleverse le processus traditionnel de fabrication de la littérature. Apparaissant particulièrement représentative de cette tendance, l’œuvre de l’Oulipien Jacques Jouet sera prise pour cœur de cible de l’analyse. Chez cet auteur, le triptyque espace-temps-société dessine en effet un ensemble de contraintes qui génèrent de nouvelles dynamiques littéraires. Les œuvres de Jacques Jouet renouvellent profondément la fabrique littéraire de la littérature, l’expérience littéraire de l’écrivain comme du lecteur.

Bibliographie

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Notes

[1] Dans l’ordre alphabétique, un grand merci pour leur relecture et leurs précieux conseils à : Pauline Guinard, Magali Hardouin, Kelly Harrison, Thierry Paquot et Anne Volvey, ainsi qu’à Jacques Jouet pour la vérification des éléments concernant sa démarche.

[2] Jacques Jouet est un écrivain contemporain né en 1947. Côtoyant les Oulipiens Georges Perec et Jacques Roubaud à la fin des années 1970, il rejoint l’OuLiPo en 1983. Il mène une activité littéraire et artistique polymorphe en pratiquant le genre poétique, le roman, la nouvelle, le théâtre, l’essai, et le collage, qu’il participe à renouveler au travers de nouvelles formes générées par l’invention de contraintes. Son œuvre fait l’objet d’une attention croissante du côté des études littéraires au point qu’un colloque international lui a récemment été consacré à Poitiers (« Jacques Jouet, Oulipien polygraphe » du 27 au 29 juin 2013), organisé par Marc Lapprand (UVIC, Canada) et Dominique Moncond’huy (Poitiers) dans le cadre de l’ANR DifdePo et avec le soutien du FORELL (MSHS de Poitiers).

[3] Georges Perec avait notamment été invité à la fin des années 1970 à l’École d’Architecture de la Villette. Jean-Pierre le Dantec, écrivain et ingénieur, ancien enseignant de l’école, explique (au cours de l’entretien qu’il a accordé à l’auteure de cet article durant sa thèse) que c’est même un des enseignants plasticiens de la Villette qui avait poussé Georges Perec à se livrer à l’exercice d’une tentative d’Épuisement d’un lieu parisien. L’architecte Philippe Panerai se souvient également que, dans les années 1980, l’écrivain avait été invité de nombreuses fois dans les jurys de soutenance de diverses écoles d’architecture. Au moins à trois reprises, l’architecte avait eu l’occasion de participer à des soutenances aux côtés de Perec. Pour penser la mixité sociale dans un projet architectural qu’il présentait lors de sa soutenance, un des étudiants évalués avait tenté de s’inspirer du principe des grandes coupes d’immeubles qui est proposé dans La Vie mode d’emploi pour éclairer les logiques de stratification socio-spatiales (caractéristiques des bâtiments haussmanniens du 19e).

[4] Dont le travail les Dormeurs entretient lui-même un rapport de filiation avec celui de Perec.

[5] Jacques Jouet les cite en effet comme une source d’influence majeure de ses propres expérimentations (entretien réalisé le 15 octobre 2012).

[6] L’opération « Tentative d’épuisement d’un auteur » s’est déroulée dans le cadre de la première édition du festival littéraire « Paris en toutes lettres » organisé par la mairie de Paris en 2009. Jacques Jouet se lance à cette occasion dans une performance : écrire « en direct » un roman-feuilleton sur la place Stalingrad pendant quatre jours (du 4 au 7 juin) sous les yeux des Parisiens. Un dispositif de projection sur un écran géant permet aux passants d’observer l’écriture en train de se faire. Le texte issu de cette expérience d’écriture radicale, « Agatha de Paris », a été publié dans Agatha de Mek-Ouyes (2011) dont le titre s’avère caractéristique d’une certaine jubilation humoristique oulipienne à jouer avec légèreté sur le langage.

[7] L’expérience sera renouvelée un an plus tard dans la capitale libanaise, dans le cadre de l’événement « Beyrouth, Capitale mondiale du Livre, 2010 ». Cette seconde édition se construit sur la base d’un partenariat entre la Mairie de Beyrouth et celle de Paris et se déroule sous l’égide de l’Unesco. Se voulant multiculturelle, la performance varie quelque peu : elle repose sur une collaboration entre l’auteur parisien et une auteure libanaise, et sur le principe d’une écriture à quatre mains en public. Jacques Jouet écrit un roman feuilleton projeté sur grand écran, tandis que Zeina Abirached crée en parallèle un roman graphique à partir de ses souvenirs personnels de Beyrouth. Le projet se déroule durant trois soirées du 7 au 10 avril 2010 dans différents lieux symboliques de l’histoire du Liban : le premier soir dans un café (jouxtant la Maison Jaune, un immeuble de la Ville marqué par les conflits et destiné à devenir un musée de l’Histoire de Beyrouth) et au Centre culturel français les deux soirs suivants (maîtres d’œuvre du projet : Mairie de Paris, Ambassade de France au Liban, Culturesfrance ; maître d’ouvrage du projet : Mairie de Beyrouth).

[8] Entretien réalisé avec Jacques Jouet le 15 octobre 2012.

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