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Serendipity.

Une histoire culturelle contemporaine ou une histoire culturelle du contemporain ?

Laurent Martin, Sylvain Venayre (Dir.), L’histoire culturelle du contemporain, 2005.

Image1Sous l’égide de la muse Clio, la discipline historique amplifie ses champs d’investigation en délimitant des territoires, en définissant des frontières, défendant des normes d’analyse autant à partir d’objets de recherche spécifiques qu’à partir d’éclairages singuliers d’objets constamment étudiés. Parmi ces objets, il en est de fort connus : l’histoire politique et militaire, économique et sociale, l’histoire du droit et des cultures, de l’art. Autant de découpes auxquelles nous sommes habitués et qui ont été légitimées, non sans antagonismes internes, par les institutions, et notamment les universités. Dans cette perspective, l’histoire culturelle du contemporain contribue à désigner un de ces territoires, pour partie et durant longtemps résumé dans les anciennes histoires des idées. Ce territoire déploie trois dimensions : produire ses objets propres, cerner ses enjeux et amplifier les réflexions portant sur l’épistémologie de l’histoire.

S’il faut maintenant décrire brièvement les objets actuels de l’histoire culturelle, il suffit d’évoquer les contenus suivants : l’histoire du livre, des intellectuels, des médias, des politiques culturelles, du spectacle vivant, mais aussi de la peur, de la sexualité, de la mort (autant d’objets, jusqu’à des dates récentes, plus familiers aux anthropologues, aux sociologues ou aux philosophes). À propos de ces contenus, il convient toutefois de signaler, d’emblée, aux personnes extérieures à ce domaine d’étude, que ce ne sont pas seulement des objets culturels concrets qui forment le cœur des études dans ce secteur (livres, spectacles, journaux, peintures) ni les seuls phénomènes de production ou de circulation culturelles (industries culturelles, médias, rumeurs, en tant qu’elles permettent des représentations, des modélisations des identités), mais aussi le mode d’approche, distinct des approches économiques, politiques ou autres. Un même objet et les mêmes sources peuvent, il est vrai, être examinées différemment par ces différentes approches. Il convient d’ailleurs de signaler la précaution prise par les historiens, précaution qui consiste souvent à proposer d’abord des angles d’investigation complémentaires à ceux qui sont traditionnellement utilisés.

En tout état de cause, l’histoire culturelle organise une approche qui interroge la manière dont le culturel travaille (classe, préconstruit, cadre) le monde social et politique. Objets et approches permettent ainsi d’identifier ce territoire. Encore est-il nécessaire de préciser que ses travaux irradient de plus en plus sur les autres recherches historiennes (portant sur d’autres objets ou sur d’autres périodes), comme en un choc en retour. De même qu’elle arpente d’autres sentiers disciplinaires, s’exposant alors à la critique pour « flou conceptuel ». On connaît le reproche, mais cet ouvrage s’emploie à dissiper les malentendus.

Cet ouvrage, organisé autour de vingt-six contributions de qualité, prononcées lors d’un colloque tenu à Cerisy (2004), offre une approche de ce territoire. Il pourrait répondre seulement aux besoins de légitimation toujours de rigueur face à de telles opérations constitutives. Mais aujourd’hui les travaux réalisés ont montré dans une large mesure le caractère périmé des méfiances à leur égard. Aussi décrit-il un territoire qui ne peut être réduit à un simple effet de classement universitaire corporatiste (avec polémiques et/ou consensus). Dès lors, c’est un ouvrage qui n’intéressera pas les seuls spécialistes. Et dont l’approche pourra être amplifiée par la lecture de trois livres importants dans cette optique : Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, Pour une histoire culturelle (1997), Philippe Poirrier, Les enjeux de l’histoire culturelle (2005), et Pascal Ory, L’histoire culturelle (2004). Nul doute que, de ce point de vue, le tournant du 21e siècle (selon l’expression utilisée par Pascal Ory, dans sa conférence de l’Université de tous les Savoirs, le 20 Avril 2000) aura été celui de la justification, de l’éclaircissement de l’histoire culturelle comme dimension à part entière de Clio.

Un socle de références pour une histoire culturelle.

En parcourant l’ouvrage, le lecteur qui n’est pas familier de ces questions verra se mettre en place toute une série d’éléments constitutifs, historiquement, de l’histoire culturelle.

La première question résolue est celle de savoir comment s’est instituée cette discipline. Histoire des idées (sur laquelle l’article de François Dosse revient avec une grande précision) ou histoire des représentations, peut-on affirmer que l’histoire culturelle a un ancêtre, une préhistoire, dans ces titres anciens ? Doit-on voir dans le livre d’Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille (1982), un des témoin de la naissance d’une telle discipline ? S’agit-il d’ailleurs d’une discipline nouvelle ou d’une problématique nouvelle dans une discipline ancienne ? Ou encore, d’une récente mise en forme — à travers un vaste programme de recherches — d’une dimension historiographique repérable dans une bibliographie pluri-centenaire ?

En tout cas, un des auteurs de ce recueil de conférences affirme pouvoir poser un double amer afin d’éclairer les points de confrontation entre concepts constitutifs de la recherche en histoire culturelle. Le premier amer est une date, 1988, et un texte : la seconde préface à la réédition de La Nouvelle Histoire de Jacques Le Goff (1988). Mais, dès 1974, Jacques Le Goff pose la question de la cohérence conceptuelle d’un tel type de recherche et estime que l’histoire des mentalités, « happée par la mode », semble déjà « passée de mode ». Et déjà, en 1968, Georges Duby présentait, au milieu d’une indifférence générale, le premier article sur l’histoire culturelle.

À la conjonction de ces deux renvois, se déroule donc le passage de la notion de « mentalité » à celle de « représentation », beaucoup s’essayant bien sûr à définir le statut historien de la notion de représentation. Mais ce concept à peine établi, un deuxième amer doit être profilé : le passage à celle de « culture » (1995).

Il est clair que l’histoire des représentations ne s’est effectivement établie qu’en rupture avec l’ancienne histoire des mentalités. L’ouvrage de Geoffrey E. R. Lloyd, Pour en finir avec les mentalités (1993), a rassemblé avec pertinence les griefs les plus caractéristiques opposés depuis des années à ce concept de « mentalité ». Entre 1960 et 1970, Lucien Febvre fait le choix du concept d’ « outillage mental » et exclut d’utiliser mentalité. En 1961, Georges Duby publie, dans l’ouvrage collectif L’histoire et ses méthodes, un article (« L’histoire culturelle ») qui privilégie les « représentations collectives » à la manière de Durkheim. Il traite déjà le concept de « mentalité » comme un concept dépassé. Chacun reconnaît progressivement que la valeur heuristique de « mentalité » est faible, et d’ailleurs l’anthropologie l’a récusée depuis longtemps.

À quoi s’ajoute le rôle de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Ehess) (dotée d’un statut universitaire à partir de 1975) au sein de laquelle des chercheurs se lancent, sans titre disciplinaire particulier, mais non sans bénéficier de soutiens éditoriaux (notamment les Éditions Gallimard), dans des recherches qui portent soit sur la société culturelle (Daniel Roche, Georges Vigarello), soit sur l’imaginaire social (Michel Vovelle, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet).

Enfin, ce n’est pas sans allusions aux travaux épistémologiques du philosophe Michel Foucault que ces notions prennent corps. Chose curieuse, ce n’est pourtant pas que les historiens aient beaucoup commenté Foucault, à cette époque. Voire, la référence à Foucault a parfois servi de repoussoir dans le cadre de la profession d’historien. Ne s’attaquait-il pas de front à certains positivismes, et ne pouvait-on pas, grâce à lui, entreprendre une critique du poids du positivisme dans certaines constructions d’historiens ? Il n’en a pas moins eu une influence évidente sur les projets des historiens.

Une discipline et ses objectifs.

Chacun s’accorde à affirmer désormais que l’histoire culturelle est établie, dispose d’assises confortables, et produit des ouvrages de qualité. En s’appuyant sur d’autres analyses, on pourrait se demander toutefois si cette discipline met en jeu une simple division du travail en matière d’histoire ou si elle se positionne autrement. Comment en juger, sinon en se souciant du programme de cette histoire culturelle ? Quel que soit le succès ou l’ampleur donnée à ses entreprises, ce qui compte pour elle, c’est que l’histoire culturelle est une modalité d’histoire sociale qui circonscrit son enquête aux phénomènes symboliques : elle est donc une « histoire sociale des représentations ». Elle se différencie des histoires qualitatives en ce qu’elle accorde toute son importance au « mesurable » et au « médiatique », et qu’elle ne se soucie pas de savoir, pour choisir ses objets, s’ils sont connotés de façon méliorative dans la société étudiée (ce qui la pousse une nouvelle fois du côté du « médiatique »).

Ses activités visent à promouvoir et à valider une histoire de la circulation, de la mise en relation et, à l’étude de sujets particuliers, elle privilégie celle des interactions de sujet à sujet. Dès lors, le traditionnel, mais non moins heuristique triptyque « production-médiation-réception » constitue pour elle un ensemble de focales privilégié. Un objet culturel n’existe en effet jamais en lui-même.

En imposant finalement, par ses sujets de recherche et par ses contributions, la résolution de problèmes spécifiques, une certaine tutelle sur le champ historique, l’histoire culturelle doit aussi trouver des moyens assurés de justifier ses préoccupations. C’est d’ailleurs par ce biais que Philippe Poirrier proposait un tour d’horizon des territoires de l’histoire culturelle, qui confirme la diversité des champs d’étude répertoriés dans cet ouvrage, surtout en histoire contemporaine : éducation, politiques et institutions culturelles, intellectuels et médiateurs culturels, cinéma (de l’étude cinématographique aux pratiques culturelles), médias (de la presse des origines à la culture de masse), sensibilités (Philippe Ariès à Alain Corbin, mais aussi la culture de guerre), mémoire (usages du passé dans Les Lieux de mémoire, systèmes symboliques à l’époque médiévale, mémoire de Vichy, « trou » de la mémoire coloniale).

Dernier objectif envisagé, l’historiographie, dont Philippe Poirrier, là encore, soulignait la pauvreté en France, contrairement à l’Italie ou l’Allemagne, où l’épistémologie, véritable discipline, s’affirme « comme un passage obligé de la pratique et de l’écriture historienne ». Longtemps récusée, l’épistémologie semble retrouver un second souffle avec le succès de la notion de « régime d’historicité », ce rapport que toute société entretient avec son passé.

Enfin, n’hésitant pas à pratiquer un rapprochement avec des champs historiographiques nationaux, signalons qu’un parallèle — ce qui ne signifie pas analogie — peut être tenté entre les Cultural Studies, et la New cultural history de nos collègues anglo-saxons.

Le statut des représentations, du culturel.

Il n’existe pas de fait brut, de donné, de point de départ pur et absolu. Du point de vue épistémologique, ce point est établi depuis longtemps. Encore fallait-il en tirer toutes les conséquences, dont celle-ci : tout acte humain est médiatisé — construit et reçu — par des représentations. Ces dernières enveloppent aussi bien les imaginaires que les discours et propos qui conduisent ces actes à la conscience publique, lui donnent de la visibilité, et en construisent l’importance. Comment ne pas y voir des processus culturels ?

Savoir s’il faut appeler cela « mentalité », « imaginaire », « idéologie », ou « culturel », c’est un débat sérieux à mener, si du moins on ne veut pas appeler ces phénomènes des « manières de penser et de sentir » — les valeurs du vocabulaire sociologique — (comme le requiert Hervé Martin, qui revient plusieurs fois sur cette question (p. 95), et donne des exemples pertinents à méditer). Toujours est-il que ces dilemmes et débats nous renvoient à l’existence de liens patents entre les actes et les discours, les discours et les constructions sociales qui permettent de soutenir notamment des paradoxes devenus pour nous insoutenables (lorsqu’il s’agit d’un autre temps : par exemple, l’absence de liens entre actes et discours). Quant à la notion de « représentation », elle n’est sans doute pas encore la clef définitive du problème, si du moins on en reste à des définitions aussi vagues que : « vue des choses », « façon de percevoir », quand on ne préfère pas « magma d’idées », de mots, d’images, et de symboles, dont pourtant tout le monde s’accorde à entendre qu’ils sont transmis aux individus par le groupe, le tout assemblé et hiérarchisé de façon plus ou moins cohérente. Cela étant, pour ce concept de représentation, Dominique Kalifa propose trois strates de significations : celle des représentations matérielles (objets, images, imprimés,…), celle des schèmes de perception (les appréciations), celle des exhibitions et des mises en scène de soi, individuelles et collectives (représentations au sens propre). Cette notion, par ailleurs, n’est pas assimilable au travail du comédien, du danseur, du circassien voire du performeur qui ne se représente pas lui-même mais utilise son corps en medium pour représenter un personnage : on le voit, la notion de représentation mérite encore quelques strates supplémentaires…

Chaque contribution apporte sa quote-part au débat, raffinant par là les distinctions disciplinaires nécessaires. Toutes les séparations ne sont évidemment pas évoquées dans un espace aussi restreint, mais les principales sont répertoriées : notamment, le motif d’une séparation entre une histoire sociale, essentiellement économique, et l’histoire culturelle.

Ces considérations, dont nous n’extrayons que l’essentiel afin d’y introduire les néophytes, impliquent que la culture ne soit pas traitée comme un domaine, mais comme une dimension primordiale, de circulation et d’effets de sens. Le concept de culture, dans le cadre de cette histoire culturelle, prend la valeur d’un ensemble des voies par lesquelles les individus et les groupes perçoivent, pensent et donnent sens au monde qui les entoure. La réflexion sur la culture regroupe donc l’analyse des appréciations, sensibilités, valeurs, normes, croyances, imaginaires, expériences subjectives. « Par l’analyse des formes symboliques, de leur langage, de leurs effets et de leur rôle créatif, par l’étude des représentations de soi et des autres, des formes subjectives de l’expérience, de l’imaginaire ou de la dimension discursive du réel, par l’étude encore des multiples facteurs qui modèlent et constituent les identités (les classes bien sûr, mais tout autant le genre, l’âge, l’expérience, la ville, la nation, la religion ou toute autre apparence), cette histoire-là entend bien étudier les espaces où se construit et s’anime la réalité sociale, dont la culture serait quelque chose comme l’expression structurante » (p. 80).

Des objets spécifiques.

Quelques réflexions en termes de bilan.

La lecture attentive des différentes contributions met le lecteur devant des champs de recherche très étendus. Cette lecture, de surcroît, permet de dessiner la topographie de la recherche scientifique contemporaine, à partir des ouvrages (les listes bibliographiques sont imposantes), des questionnements (chaque contributeur rend compte de l’essentiel), des résultats les plus caractéristiques.

L’objet livre par exemple, qui relève de l’écrit, mais n’est ni le journal ni le compte-rendu, et qui n’a intéressé longtemps que les collectionneurs ou les bibliothécaires, devient ici un point de recherche à part entière. Il fait désormais l’objet de recherches concernant l’économie du livre, les techniques de production, les foires, les librairies, les éditeurs (à partir de 1780-1800), les bibliothèques, mais aussi les manières de lire. Les pratiques de lecture sont, depuis quelques années, scrutées pour le plus grand bénéfice des connaissances (au-delà des seuls historiens). Comment, du reste, ne pas citer ici Roger Chartier, non encore mentionné dans cette brève recension ? Bref, de la production à la réception, en passant par l’écriture, l’histoire du livre nous conduit à mieux saisir les dynamiques historiques qui ont fait de nous des lecteurs. Au point que la question se pose de savoir ce qui se passera avec l’écran plat de l’ordinateur ? La troisième révolution du lire est certes en marche. Soyons au moins attentifs aux processus de transformation qu’elle engendre dans nos attitudes.

L’analyse de la construction de l’objet médias, de son côté, permet de montrer que la réflexion des historiens ne privilégie pas le support, mais fait sa place à la définition d’une culture médiatique. Les enquêtes s’intéressent à la fonction sociale des médias et aux représentations collectives. « Il ne s’agit pas simplement de bâtir une histoire des pratiques et de la réception médiatique, mais de réfléchir à la question de l’imprégnation d’une culture médiatique » (p. 140). Au demeurant, les chercheurs se penchent sur le statut de la réception : comprendre comment se diffuse et circule la culture médiatique. En dernier ressort, par ailleurs, ils ne peuvent se dispenser de mettre en scène les rapports des médias avec l’opinion publique. Où ils abordent le politique.

D’autres contributions nous emportent vers des perspectives décisives : l’histoire des politiques culturelles, par exemple. Mais aussi celle du spectacle vivant : d’autant que ce terme pose un problème. S’agit-il d’opposer le spectacle vivant et le spectacle mort ? Certes, la dénomination est commode. Mais l’adopter, cela ne revient-il pas à accepter, sans critique, une catégorie ministérielle ? D’ailleurs, les auteurs précisent combien l’usage d’une telle catégorie est délicat, puisqu’elle recoupe aussi bien : théâtre et cirque, danse, art lyrique, manifestations ludiques collectives. On voit mal ce qui permet ici les distinctions nécessaires. Peut-être vaudrait-il mieux opposer spectacle vivant et industries culturelles.

Nous avons laissé de côté de nombreuses autres contributions (les œuvres d’art, la psychologie, les sciences, les techniques). Le lecteur les découvrira en lisant l’ouvrage. Elles apportent, chacune leur lot de questions. En cela, chacune est indispensable.

Et le contemporain ?

Reste cependant une question, sans doute relative à des usages différents dans des disciplines différentes. À la lecture de ce volume, on voit très clairement se dessiner une histoire, non moins clairement une histoire culturelle. Mais « du contemporain », cela est moins certain, aussi bien de l’extérieur du « métier » d’historien que de l’intérieur. Un doute affleure rapidement. Parle-t-on d’une histoire culturelle du contemporain ou d’une histoire contemporaine de la culture ? Chacun privilégie-t-il plutôt le temps présent ou le contemporain ?

Certaines contributions s’intéressent de fort près au Moyen Âge. Là aucune confusion possible. D’autres s’inquiètent du moderne. On s’y retrouve encore.

Mais le « contemporain », sauf à être cité quelque fois (Loïc Vadelorge, p. 156 ; Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon, p. 193 et 210), ne fait l’objet d’aucune thématisation dans ce cadre du moins. S’agit-il du présent ? De l’histoire du temps présent pour laquelle les acteurs sont toujours en vie. Une histoire sous la surveillance des acteurs comme on pourrait le suggérer ? Alors, l’histoire couvrirait une séquence historique marquée par deux balises mobiles : en amont, la durée d’une vie humaine (le témoin) ; à l’aval, la frontière entre le moment présent et l’instant passé.

À moins que le « contemporain » ne recouvre, chez les historiens, d’autres séquences. Mais on aurait aimé les voir analysées dans l’ouvrage. Peut-être l’occasion d’un éclaircissement ultérieur ?

Certes, cette difficulté est sans doute l’occasion de s’interroger sur les découpages des historiens, qui n’ont pas l’air (dans l’ouvrage) d’interroger ce point : ne peut-on se sentir lésé par un programme historique qui s’en tient académiquement à ce que l’on considère encore comme la période contemporaine : à savoir celle comprise entre la Révolution française et nos jours.

Conclusion.

Deux mots pour conclure. Nous avons bien conscience d’avoir laissé de côté de nombreux points que d’autres lectures d’un tel recueil, ample et divers, n’auraient pas laissés en suspens. Notamment les considérations concernant les relations entre l’histoire culturelle et les autres disciplines (la géographie qui fait l’objet d’un article,…). La question des relations entre l’histoire culturelle et la sociologie, aussi. Et bien d’autres encore.

Mais tout ne saurait être évoqué dans un compte-rendu qui doit avant tout mettre l’eau à la bouche du lecteur. Assumons plutôt cette incomplétude, si elle laisse au lecteur la latitude de rêver à ce qu’il pourrait trouver dans un ouvrage à mettre à l’étude ou au programme d’un lecteur qui a le goût des fréquentations nouvelles.

Laurent Martin, Sylvain Venayre (Dir.), L’histoire culturelle du contemporain, Paris, Éditions Nouveau Monde, 2005. 450 pages. 34 euros.

Abstract

Sous l’égide de la muse Clio, la discipline historique amplifie ses champs d’investigation en délimitant des territoires, en définissant des frontières, défendant des normes d’analyse autant à partir d’objets de recherche spécifiques qu’à partir d’éclairages singuliers d’objets constamment étudiés. Parmi ces objets, il en est de fort connus : l’histoire politique et militaire, économique et ...

Bibliography

Roger Chartier, Au bord de la falaise, Paris, Albin Michel, 1999.

Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier, 1982.

Dominique Kalifa, La culture de masse en France, Paris, La Découverte, 2001.

Jacques Le Goff, Préface à La nouvelle histoire, Bruxelles, Complexe, 1988.

Geoffrey E. R. Lloyd, Pour en finir avec les mentalités, Paris, La Découverte, 1993.

Jean-Yves Mollier, « Histoire culturelle et histoire littéraire », Revue d’Histoire littéraire de la France, n°3, 2003, p. 597-612.

Pascal Ory, L’Histoire culturelle, Paris, Puf, coll. Que-sais-je ?, 2004.

Philippe Poirrier, Bibliographie de l’histoire des politiques culturelles. France, xixexxe siècles, Paris, Comité d’histoire du Ministère de la Culture et de la Communication, La documentation française,1999.

Philippe Poirrier, Les Enjeux de l’histoire culturelle, Paris, Points-Seuil, 2005.

Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, Pour une histoire culturelle, Paris, Seuil, 1997.

Philippe Urfalino, L’invention de la politique culturelle, Paris, Hachette, 2004.

Loïc Vadelorge, Pour une histoire culturelle locale, Rouen, 1919-1983, Université Paris I, 2002.

Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000.

Notes

Authors

Julien Rosemberg

Il est doctorant en histoire culturelle au Centre d’Histoire sociale du 20e siècle (Panthéon-Sorbonne) sous la direction de Pascal Ory. Après un travail sur les relations entre Histoire, mémoire et représentation à travers une étude sur la collection de bandes dessinées historiques Vécu de l’éditeur Glénat (2002), il interroge maintenant plus particulièrement les rapports qu’entretiennent les politiques publiques et la culture en France depuis les années 1970 (notamment les questions de légitimité culturelle et artistique). Il est par ailleurs chargé d’études dans un cabinet concernant les questions de conseil, d’évaluation en matière de politiques culturelles et de conduite de projets auprès de collectivités publiques et intervient en sociologie des publics de la culture à l’Université de Paris 10 – Nanterre. Ses dernières publications : Arts du cirque, Esthétiques et évaluation, Paris, L’Harmattan, octobre 2004, 266 p. « Évaluation artistique et politique culturelle, objet du débat et débats sur l’objet » in EspacesTemps Les Cahiers, octobre 2005. « La prise en compte par les politiques publiques des expressions artistiques sur l’espace public, l’histoire récente à la relève de la mémoire » in Création dans l’espace public, création de l’espace public, Colloque organisé par La fédération des arts de la rue, septembre 2005. « Cirque et évaluation » in Arts de la piste, HorslesMurs, Décembre 2004. « La bande dessinée historique : une source possible pour l’historien » in Belphégor, Novembre 2004.

Christian Ruby

Docteur en philosophie, Enseignant. Membre de l’Association pour le Développement de l’Histoire culturelle, membre du Comité de Rédaction des revues Raison Présente, EspacesTemps, Bulletin critique du livre en langue française, Urbanisme et Les Cahiers de l’Éducation permanente (Accs, Belgique). Derniers ouvrages publiés : Nouvelles Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Bruxelles, La Lettre volée, 2005. Expérience ou exercice de l’art, en collaboration avec l’artiste Slimane Raïs, Genouilleux (01), La Passe du vent, 2005.

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