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Serendipity.

Nord-Pas-de-Calais : de la « crise » au renouveau économique.

Pierre Veltz et Laurent Davezies (dir.) Le grand tournant - Nord-Pas-de-Calais 1975-2005, 2005.

Image1Pierre Veltz, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées et à Sciences-Po Paris, et Laurent Davezies, professeur à l’université Paris Val-de-Marne, proposent dans cet ouvrage un état des lieux de la situation économique et des perspectives de développement pour la région française Nord-Pas-de-Calais. Prenant pour point de départ le rapport de l’Oréam-Nord de 1971, l’ouvrage montre à quel point la crise industrielle a été rude dans cette région où l’abandon de la production charbonnière a été scellé dès le milieu des années 1960. Pourtant, la sidérurgie, la métallurgie, le textile, autres piliers de l’industrie régionale, résistaient encore à cette époque — et nombreux étaient ceux qui espéraient son maintien, même partiel. C’est l’effondrement de la sidérurgie non côtière, qui, dans les années 1980, précipitera la prise de conscience. Malgré l’apport de l’industrie automobile, le défi de la reconversion industrielle paraissait très difficile à relever. Pourtant, le constat des auteurs est net : la « reconversion » n’a pas eu lieu, mais, la région ne s’est pas effondrée : elle a tenu bon et renoue aujourd’hui avec le dynamisme.

L’importance des investissements publics.

Cette renaissance du Nord-Pas-de-Calais doit certes beaucoup à la solidarité nationale. Les transferts liés aux flux socialisés des retraites, aux emplois, à la dépense publique et parapublique, tiennent une place considérable dans l’économie nordiste. Globalement, l’emploi aurait baissé de 6% entre 1975 et 1990, ce qui est peu par rapport au séisme économique régional. Mais si l’on dissocie « emploi privé » et « emploi public », les chiffres deviennent inquiétants. L’emploi privé aurait ainsi chuté de 24% tandis que l’emploi public augmentait de 37%. Par ailleurs, le Nord-Pas-de-Calais a fait l’objet d’un rattrapage nécessaire en termes d’infrastructures publiques, puisque son stock double dans la période 1975-1990. La situation du Nord illustre donc parfaitement ce que Laurent Davezies appelle la « déconnexion croissante entre le dynamisme du secteur productif local et le développement local, entre la masse des salaires correspondant à des activités exportatrices et les revenus des territoires. »

Autre aspect essentiel que souligne l’ouvrage : la nécessité de renforcer la base productive du Nord-Pas-de-Calais. L’exemple de Lille-Roubaix-Tourcoing est flagrant. Sur un revenu « basique » de 72 milliards d’euros (c’est-à-dire un revenu qui correspond à des activités marchandes allant au-delà des besoins locaux), on trouve 13 milliards de salaires privés, 15 milliards de salaires publics et 16 milliards de retraites. Le Nord-Pas-de-Calais est, à cet égard, passé d’un extrême à un autre : d’une région « basique » (au sens défini plus haut), les salaires « exportateurs » n’y composent plus qu’une part secondaire. Par ailleurs, sa position en queue de peloton dans l’échelle du pib par habitant, s’explique en premier lieu par « l’évasion des retraites » (L. Davezies) : le taux élevé de départ des retraités aggrave le vieillissement accéléré de la région.

Il est certain par ailleurs que, de par son passé, la région Nord-Pas-de-Calais connaît l’importance des activités industrielles. Si sa reconversion a été difficile, il ne faut pas pour autant écarter ce secteur comme moteur économique pour l’avenir. Opposer économie industrielle et économie de services ne pourrait que conduire à un « sur-place» fatal à la région — d’autant que, comme le soulignent les auteurs, nous n’entrons pas dans une économie tertiaire postindustrielle mais dans une « économie industrielle de services ».

Le poids du chômage et de la pauvreté.

Un autre aspect qui se dégage est la « banalisation » de l’économie nordiste. Le Nord-Pas-de-Calais n’est plus marqué de traits spécifiques. En effet, la montée des tâches tertiaires a homogénéisé les régions françaises. L’atout majeur est de mettre la région à l’abri des effets négatifs des crises sectorielles. Mais le revers de la médaille est la présentation d’un profil économique certes varié, mais qui manque de cohérence. Un secteur résiste, celui de l’automobile — seule industrie sectorielle qui peut mériter le nom d’industrie de reconversion.

En parallèle, des réalités lourdes persistent, en particulier le chômage et la pauvreté. La région illustre bien l’absence de corrélations mécaniques entre emploi, chômage, et pauvreté. En effet, durant la seconde moitié des années 1990, pourtant années de croissance riche en emplois, la pauvreté a sensiblement augmenté dans la région. L’explication de cette apparente contradiction serait la démographie des ménages. Ainsi de nombreux « mono-ménages » apparaissent, le nombre de retraités augmente fortement ainsi que le nombre de ménages sans revenu. À une situation ancienne où des revenus stables entraient dans des ménages regroupant plusieurs générations, s’oppose aujourd’hui une situation nouvelle qui a vu se développer le travail féminin et la fragmentation des groupes familiaux. Comme le soulignent Pierre Veltz et Laurent Davezies, « l’irrigation » beaucoup plus fragmentée et aléatoire des individus et des ménages multiplie les situations de « sécheresse financière », qu’elle soit permanente ou temporaire.

Une région en cours de transformation.

Enfin, il est important de mettre en valeur la profonde révolution de la mobilité périurbaine. Dans le passé, les mondes ouvriers des différents branches étaient très cloisonnés. La plupart des ouvriers habitaient les bâtiments édifiés par le patronat et les circuits de ramassage quotidien se faisaient usine par usine. Cette segmentation spatiale rigide a manifestement aggravé les conséquences de la crise. L’accroissement de la mobilité doit être favorisé, soulignent les auteurs, car elle permet de multiplier les opportunités de sélection et de valorisation des compétences, tant pour les entreprises que pour les individus. De plus, la métropole est un vecteur de croissance sur lequel la région peut s’appuyer. Ce qui profite à l’une profite aussi à l’autre.

Ainsi, en dépit d’un certain nombre de handicaps « historiques », la région Nord-Pas-de-Calais se transforme. Comme le prouvent les études sur le développement durable, éditées en 2004 [1], il existe bien une puissante volonté de changement dans la population, portée par les décideurs politiques régionaux et locaux. Parce que toute évolution qu’elle soit économique ou humaine, demande une grande force de « caractère », la Région Nord-Pas-de-Calais, si elle souhaite construire un bel édifice économique, doit non seulement accepter son passé industriel mais aussi affronter une réalité où dynamisme et enthousiasme vont de pair…

Pierre Veltz et Laurent Davezies (dir.), Le grand tournant – Nord-Pas-de-Calais 1975-2005, 2005. 22 euros. 169 pages.

Abstract

Pierre Veltz, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées et à Sciences-Po Paris, et Laurent Davezies, professeur à l’université Paris Val-de-Marne, proposent dans cet ouvrage un état des lieux de la situation économique et des perspectives de développement pour la région française Nord-Pas-de-Calais. Prenant pour point de départ le rapport de l’Oréam-Nord de 1971, ...

Bibliography

Notes

[1] Le développement durable en question, Études Prospectives Régionale n°8-Mai 2004. Atlas régional du développement durable, Édition de l’Aube-Février 2004. Le développement de l’évaluation en Région Nord-Pas-de-Calais, Études Prospectives Régionale n°7-Septembre 2003.

Authors

Xavier Poulet-Goffard

Étudiant en économie à l’université de Paris-Dauphine, il collabore à ID-Info-Parlement.

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Serendipity.

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