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Serendipity.

Nous/entre-nous/chez nous.

Que pourrait-on dire du « lien » dans une cité de banlieue ?

La question du lien et de ses mĂ©tamorphoses pourrait Ă  elle seule permettre d’embrasser l’ensemble de la production sociologique. Des concepts comme ceux de division sociale, de domination ou de coopĂ©ration ont pour enjeu de s’interroger sur ce qui fait « sociĂ©té » et donc de donner sens Ă  la notion de lien social. Pour Elias, la notion de lien, entendue comme interdĂ©pendance, doit ĂȘtre placĂ©e au centre de la rĂ©flexion sociologique et conduit Ă  remettre en cause les entitĂ©s soi-disant distinctes « d’individus » et de « sociĂ©té »[1][1]. Ainsi, le lien ne serait pas un Ă©lĂ©ment de second ordre nĂ©cessaire pour mettre en relation des substances qui lui prĂ©existeraient, mais il serait l’élĂ©ment premier permettant de comprendre la configuration et l’économie psychique d’une sociĂ©tĂ© faite d’individus. Pourtant aujourd’hui, l’usage du terme a perdu de sa rigueur, Ă  tel point qu’il apparaĂźt souvent comme un automatisme, une sorte de lieu commun du langage sociologique spontanĂ©. Constater l’absence de lien, ou plus prudemment sa carence, s’avĂšre un diagnostic courant qui dĂ©bouche sur un traitement sans surprise : il faudrait reconstruire du lien social. Cette rhĂ©torique se trouve particuliĂšrement prĂ©sente quand on parle de ces quartiers de logements hlm cumulant des difficultĂ©s Ă©conomiques, urbaines et sociales, en bref quand on Ă©voque, Ă  la suite de rĂ©ductions successives, « la banlieue »[2][2].

Les quelques rĂ©flexions prĂ©sentĂ©es ici sur les diffĂ©rentes maniĂšres dont on pourrait poser la question du lien reposent sur une recherche collective menĂ©e Ă  la citĂ© des « 4000 logements de La Courneuve »[3][3]. Au dĂ©part, l’interrogation peut partir de la confrontation avec les discours entendus. Ceux-ci portent d’abord sur la catĂ©gorie de « cité » engageant alors la question du lien territorial comme interdĂ©pendance spatialisĂ©e. Ils postulent souvent l’homogĂ©nĂ©itĂ© des habitants de ce type de quartier. Peu importe alors la variĂ©tĂ© de leurs trajectoires individuelles puisque la commune appartenance territoriale suffirait Ă  les rendre Ă©quivalent dans la mesure oĂč elle renverrait au mĂȘme processus de sĂ©grĂ©gation. Les mĂȘmes discours qui postulent l’homogĂ©nĂ©itĂ© des habitants des banlieues dites difficiles peuvent parallĂšlement insister sur les difficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  ce type de quartier Ă  construire du lien et Ă  produire des communautĂ©s tant sont avivĂ©s les conflits de voisinage qu’ils prennent la forme de ruptures entre gĂ©nĂ©rations ou entre communautĂ©s dites ethniques. Les seules identifications s’exprimeraient sur le mode de plus en plus fragmentĂ© d’une sorte de « patriotisme de barres ».

D’un point de vue social, une citĂ© comme celle des « 4000 » se caractĂ©rise par une dominante ouvriĂšre affirmĂ©e qui invite Ă  se poser la question des mĂ©tamorphoses de la culture ouvriĂšre. Des notions telles que celle de « privatisation »[4][4] ou « d’individuation »[5][5] du monde ouvrier ont tentĂ© de saisir les transformations qui affectent cette catĂ©gorie sociale et elles s’accordent pour pointer l’affaiblissement de la rĂ©fĂ©rence au collectif. Serait-on passĂ© de la « classe » Ă  des « personnes »[6][6]? En d’autres termes, la question du lien social en milieu ouvrier invite Ă  saisir les transformations en se mĂ©fiant toutefois de l’image trop embellie d’une sociabilitĂ© ouvriĂšre rĂ©volue.

Enfin, la dominante ouvriĂšre de la population se trouve associĂ©e Ă  l’importance du chĂŽmage dans la citĂ©. Le fait qu’un tiers des actifs soit au chĂŽmage et qu’un jeune de 15 Ă  24ans sur deux soit privĂ© d’emploi conduit Ă  constater la rupture d’un nombre important d’habitants avec l’univers du travail alors que pour d’autres les liens entretenus avec le monde professionnel sont labiles et prĂ©caires. DĂšs lors, pour un nombre non nĂ©gligeable de la population les moyens de subsistance sont dĂ©connectĂ©s du rapport au travail officiel, qu’ils soient fondĂ©s sur un systĂšme d’aide public ou sur l’économie parallĂšle (travail au noir, trafics). Cette modification patente du rapport au travail pose, elle aussi, la question du lien et des nouvelles formes de l’individuation. Si l’on en croit les analyses de Robert Castel, les processus de mĂ©tamorphose du salariat et de dĂ©saffiliation sociale en produisant des « surnumĂ©raires » conduiraient Ă  des « formes d’individualisation que l’on pourrait qualifier d’individualisme nĂ©gatif, qui s’obtiennent par soustraction par rapport Ă  l’encastrement dans des collectifs »[7][7].

Une derniĂšre caractĂ©ristique du terrain, l’importance de la population immigrĂ©e, engage Ă  mettre, une nouvelle fois, Ă  l’épreuve la notion de lien. Si un tiers de la population des « 4000 » est de nationalitĂ© Ă©trangĂšre, cette proportion ne reflĂšte pas le nombre des personnes perçues comme immigrĂ©es qu’il s’agisse des personnes naturalisĂ©es, des personnes françaises issues de l’immigration, de Français originaires des Antilles ou des comptoirs indiens. Qu’est-ce qui fait lien entre ces populations d’origines diverses ? L’interrogation centrale que porte la relation Ă  l’étranger, le rapport Ă  l’altĂ©ritĂ© ou peut-ĂȘtre plus justement au « presque semblable »[8][8] se trouve, dĂšs lors, au centre de la rĂ©flexion.

Lien territorial, lien social ou professionnel, lien culturel, diffĂ©rentes maniĂšres de poser la question apparaissent de maniĂšre Ă©vidente. Mais le sens que l’on peut donner Ă  ces expressions ne doit pas se cantonner au registre mĂ©taphorique. La production de lien doit ĂȘtre saisie par l’intermĂ©diaire des mots dits, des catĂ©gories utilisĂ©es pour se reprĂ©senter le monde mais aussi des pratiques et des actes engagĂ©s. En d’autres termes, le travail de constitution de lien imbrique des dimensions tout Ă  la fois pragmatique et symbolique. Certes, l’observation rigoureuse des pratiques supposerait une enquĂȘte de type ethnographique qui n’a pas Ă©tĂ© menĂ©e mais la spĂ©cificitĂ© du matĂ©riau constituĂ© d’entretiens approfondis n’interdit pas de distinguer, sans doute provisoirement, deux maniĂšres d’apprĂ©hender la notion de lien. Elle se donne d’abord Ă  voir dans ce que disent les personnes sur les relations qu’elles ont entre elles. Le lien peut alors ĂȘtre entendu comme co-prĂ©sence que cette relation soit dĂ©crite sur le mode philosophique en utilisant, par exemple, les mots de Buber[9][9] ou de LĂ©vinas[10][10] qui parlent de relation « je-tu » et de « rencontre » ou qu’elle soit conçue sur le mode sociologique, celui de la situation d’interaction, et Ă  la maniĂšre de Goffman[11][11]. En tous cas, cette premiĂšre maniĂšre de concevoir le lien se diffĂ©rencie de celle qui privilĂ©gie la dimension symbolique et saisit le lien Ă  parti des mĂ©canismes d’identification qui fonde la perception que les individus ont de leur place dans la sociĂ©tĂ©. Le lien se manifeste alors par l’existence de ces « communautĂ©s imaginaires »[12][12] et, selon cette seconde conception le couple « je-tu » cĂ©derait sa place Ă  la catĂ©gorie du « nous ».

Le lien comme interaction : parler, échanger, recevoir.

La production de lien paraĂźt d’abord renvoyer Ă  toutes les pratiques couramment rĂ©unies sous le terme de sociabilitĂ©. L’étude des pratiques et rĂ©seaux de sociabilitĂ© apparaĂźt comme une figure imposĂ©e de la sociologie urbaine et plus particuliĂšrement des Ă©tudes sur les quartiers d’habitat social en raison mĂȘme de la dĂ©finition que la sociologie urbaine naissante a donnĂ© au concept de ville. En effet, pour l’école de Chicago[13][13], la ville se caractĂ©rise Ă  la fois par des critĂšres spatiaux, tels que la densitĂ© et la diversitĂ© de sa population et des critĂšres culturels comme la nature superficielle des Ă©changes qu’elle abrite. DĂšs lors, il est logique que beaucoup de sociologues urbains se donnent comme un de leurs objectifs d’étudier les nouvelles relations sociales caractĂ©ristiques du milieu urbain. A l’origine, les quartiers de logements sociaux Ă©taient conçus comme des lieux de rĂ©sidence d’une population hĂ©tĂ©rogĂšne, et, Ă  ce titre, ont souvent Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme des laboratoires de nouvelles formes de sociabilitĂ©. Les premiers discours vantĂšrent Ă  leurs propos la capacitĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  l’échange ou la facultĂ© Ă  auto-produire du lien. Puis les incantations se transformĂšrent en regrets et on mesura la dĂ©tĂ©rioration Ă  l’aune des pratiques sociales observĂ©es dans des quartiers ouvriers homogĂšnes oubliant souvent de se demander si celles-ci relevaient spĂ©cifiquement de la culture ouvriĂšre ou plus gĂ©nĂ©ralement de la culture villageoise[14][14].

« Bon, je vois mes voisins lĂ , du dessus lĂ , j’ai trouvĂ© ça gentil. Et pourtant… c’est des… des personnes Ă©trangĂšres, mais ils sont… j’ai trouvĂ© ça gentil: J’ai vu son mari… l’autre jour, j’allais Ă  ma boite aux lettres

– J’ai dit “Vous avez du couscous?” en rigolant.

– Il me dit “Vous le voulez?”.

-“Oh ben” je dis “ça c’est gentil!”.

Il me l’a donnĂ©.

– Il me dit… “Vous redonnerez le pot Ă  ma femme”.

– Je dis “C’est trĂšs gentil, merci!”.

Moi c’est ce que j’appelle la… la solidaritĂ©. Et… ĂȘtre social quoi » Colette, 45 ans, bĂ©nĂ©ficiaire du rmi.

« LĂ , cela fait un an que j’ai rencontrĂ© une jeune femme […] Mercredi seulement je suis allĂ©e chez elle. Ça fait un an que l’on se connaĂźt mais je suis allĂ©e chez elle Mercredi. J’ai rencontrĂ© son mari seulement hier, bon ça va devenir une bonne amie. Parce que lĂ  on a franchi le pas bon, elle est venue chez moi, je lui ai montrĂ© mon appartement, j’ai Ă©tĂ© chez elle […] c’est peut-ĂȘtre pour cela que je m’entends bien avec elle parce que c’est une Nordiste donc c’est sĂ»rement ça. Puis elle est mariĂ©e avec un Kabyle aussi elle, pas avec un Français. Qui est intĂ©grĂ© aussi d’ailleurs parce qu’elle a trois enfants FĂ©licien, Julien et AnaĂŻs, donc ça n’a rien du tout avoir. Ils sont trĂšs intĂ©grĂ©s, il n’y a pas de problĂšme. Et c’est marrant parce que son mari c’est un raciste en puissance. Il a horreur des Arabe. Et mon mari c’est pareil » Nathalie, 27 ans, employĂ©e.

« Il y a les gens qui ont des animaux et puis ceux qui ont les mĂȘmes horaires. Je sais qu’à six heures quarante-cinq Ă  six heures cinquante cinq, il y a six personnes qui descendent . Je connais la dame qui doit prendre l’autobus Ă  moins dix. On cause mais on n’a pas encore Ă©changer notre point de vue sur le travail, on parle un peu de tout, on discute du quartier […] Un jour, par une belle journĂ©e, j’avais mis une bouteille au frais et je suis descendu avec la bouteille est plein de verres. Il y avait une dame entrain de parler avec tous les enfants. Je dis «je viens parler avec vous, on peut se dĂ©saltĂ©rer », elle me dit « pourquoi vous faites ça ? » je dis « cela aurait Ă©tĂ© dommage qu’en haut, chez moi, je boive tout seul, ça ne m’intĂ©resse pas je prĂ©fĂšre trinquer avec vous […] et puis rien n’empĂȘche qu’on mette une rallonge Ă©lectrique de la loge de la concierge, je mets de la musique et ont danse ». On vit ensemble ici ». Marcel, 54 ans, peintre en bĂątiment.

Dans les entretiens effectuĂ©s aux « 4000 », le premier souci semble d’affirmer que les rapports de voisinage sont rares et, pour cela, la plupart des personnes ont recours Ă  la mĂȘme expression : « bonjour-bonsoir », la formule rĂ©sumerait les relations qu’ils entretiennent avec leurs voisins. L’échange de quelques paroles de politesse permet de sortir de l’épreuve que constitue toute rencontre, et a fortiori celle d’un voisin de hlm. Elle permet de marquer la reconnaissance en Ă©tablissant un contact minimal malgrĂ© la proximitĂ© spatiale et introduit de la distance par la standardisation. Mais la formule permet Ă©galement de sortir de l’épreuve de l’entretien et s’intĂšgre souvent dans une stratĂ©gie plus large de distinction de son environnement. Marquer de maniĂšre ostensible le peu de rapports que l’on entretient avec ses voisins, c’est aussi signifier que l’on a rien Ă  voir avec eux et qu’on ne peut leur ĂȘtre assimilĂ© parce qu’ils apparaissent socialement disqualifiant. En rĂ©alitĂ©, l’insistance Ă  nier l’existence de relations de voisinage ne veut pas dire que de telles liens n’existent pas. On a parfois l’occasion de constater une distorsion entre ce qui est dit et ce qui est fait (au moment de l’entretien, un voisin sonne Ă  la porte) mais souvent la contradiction se manifeste Ă  l’intĂ©rieur du discours puisqu’aprĂšs la dĂ©nĂ©gation viennent les rĂ©fĂ©rences aux pratiques de sociabilitĂ©. On parle des mots Ă©changĂ©s, des personnes du quartier ou de l’extĂ©rieur que l’on reçoit ou que l’on Ă©vite d’accueillir chez soi. Apparaissent alors les interactions Ă©lĂ©mentaires dont on peut penser qu’elle sont constitutives de lien social et que l’on peut organiser en trois ordres : la circulation de la parole, des invitations et des services.

Les rĂ©fĂ©rences Ă  l’échange de parole sont les plus nombreuses, elles incluent les formules de politesse, la conversation et leurs envers, les insultes. La circulation des formules du politesse et de propos marquĂ©s du sceau de la banalitĂ© mĂ©riterait d’ĂȘtre analysĂ©e Ă  partir du paradigme du don[15][15]. Dans la circulation de ces « petits cadeaux anodins et parfaitement standardisĂ©s »[16][16] que reprĂ©sentent ces paroles sans importance, ce qui compte ne doit pas ĂȘtre cherchĂ© dans ce qui est dit, dans le bien, mais dans le lien, et dans le cycle mĂȘme de l’échange. L’analyse de ce qui est dit en entretien sur les maniĂšres dont la parole circule ou, au contraire, se trouve entravĂ©e, sur les formes qu’elle revĂȘt et sur les vecteurs sur lesquels elle s’appuie mĂ©riterait d’ĂȘtre faite de maniĂšre minutieuse. On peut d’ores et dĂ©jĂ  noter que le thĂšme apparaĂźt comme un Ă©lĂ©ment dĂ©cisif du rĂ©gime de preuves mobilisĂ©es pour convaincre que la cohabitation avec les immigrĂ©s n’est pas possible. Dans le discours xĂ©nophobe, un grief souvent adressĂ© aux immigrĂ©s est le fait qu’il manquerait aux codes Ă©lĂ©mentaires de la politesse et de la civilitĂ©. Ainsi, dans les interactions de la vie quotidienne, ils se comporteraient vis-Ă -vis des personnes mais aussi des lieux collectifs de maniĂšre irrespectueuse (les paroles insultantes sont citĂ©es comme preuve ultime du problĂšme que pose les immigrĂ©s). Le thĂšme de la politesse apparaĂźt, dĂšs lors, comme un point d’accroche dĂ©cisif d’une xĂ©nophobie diffĂ©rentialiste et culturaliste. Les Ă©carts de comportement renvoient Ă  des variations dans le sens accordĂ© Ă  certaines paroles ou gestes. Le code de politesse est bien au cƓur des diffĂ©rences dans les systĂšmes de comprĂ©hension du monde et donc des diffĂ©rences culturelle si l’on reconnaĂźt la justesse de la dĂ©finition du concept de culture donnĂ©e par Clifford Geertz[17][17].

En comparaison, le troc de services est moins souvent Ă©voquĂ© mĂȘme si les traces d’un systĂšme d’échanges (arroser les plantes, garder les enfants, les clĂ©s, ou fourniture de nourriture, faire du bricolage ou prĂ©parer la cuisine) dessine les contours flou d’un systĂšme Ă  mi-chemin de l’entraide et de l’économie parallĂšle. La question de l’hospitalitĂ©, quant Ă  elle, apparaĂźt souvent dans les propos tenus[18][18]. La clĂŽture de l’univers privĂ© (« personne ne rentre chez moi ») est frĂ©quemment affirmĂ©e et mĂȘle la traditionnelle « fermeture du groupe domestique sur son intimité »[19][19] qui se traduit pas la rĂ©ticence des catĂ©gories ouvriĂšres Ă  recevoir chez elle en dehors de la famille et pour certaines occasions au souci sĂ©curitaire particuliĂšrement fort dans ces citĂ©s. L’interprĂ©tation de l’ensemble de ces pratiques, ou plutĂŽt des reprĂ©sentations que l’on a pu recueillir ne peut ĂȘtre faite qu’en se souvenant que « les conduites de sociabilitĂ© les plus anodines engagent toute la position sociale et tout le rapport aux autres des groupes sociaux »[20][20]. Cette donnĂ©e sociologique de base permet ainsi de comprendre pourquoi l’ouverture de l’espace privĂ© se trouve souvent associĂ©e Ă  la catĂ©gorie du « mĂȘme ». On fait rentrer chez soi celui qui nous ressemble. L’exigence de similitude rĂ©sulte, en partie, du principe de rĂ©ciprocitĂ©. L’échange d’invitations suppose une certaine Ă©quivalence des positions et se trouve indissociable de la crainte de ne pas bien recevoir, de ne pas pouvoir rendre au mĂȘme niveau. La question de l’hospitalitĂ© se heurte souvent Ă  celle de la honte et de l’honneur lorsque l’on a le sentiment de ne pas ĂȘtre Ă  la hauteur. Le sentiment de honte peut ĂȘtre alimentĂ© par des considĂ©rations Ă©conomiques pour des personnes dont la situation financiĂšre exclut de « rendre » aussi bien qu’elles ont Ă©tĂ© reçues. Mais la difficultĂ© Ă  recevoir est Ă©galement gĂ©nĂ©rĂ©e par l’image du quartier. De nombreuses personnes Ă©voquent la rĂ©ticence des gens extĂ©rieurs Ă  venir dans la citĂ© comte tenu de sa rĂ©putation ou leur discrĂ©dit qu’elles ressentent quand il faut inviter des amis dans un environnement qu’elles jugent dĂ©gradĂ©. Cette derniĂšre remarque introduit au cƓur mĂȘme des processus d’identification, entendus comme une autre maniĂšre de poser la question du lien.

« Si vous voulez on a honte de faire venir quelqu’un. On a honte de faire venir des fois des gens le dimanche. Combien de fois j’ai Ă©tĂ© nettoyer du cĂŽtĂ© des poubelles pour que quand les gens arrivent cela soit propre » Gaston, 66 ans, retraitĂ© (agent de maĂźtrise ratp)

«Mais non nous n’avons pas d’ami. Comment on se fait un ami. Il faut l’inviter, non ? une fois. Ça coĂ»te quelque chose. S’il t’invite chez lui, il faut faire la mĂȘme chose. AprĂšs c’est dur. Nous Ă©tions deux fois chez notre facteur parce qu’il nous connaĂźt bien. Ils ont servi de tout, la nourriture. Si nous l’invitons nous pourrons pas faire comme eux. C’est pas Ă©quitable ça » Virgil, 66 ans, sans emploi ; handicapĂ©.

Le lien comme identification : « l’entre-nous » territorialisĂ©.

La constitution de lien relĂšve pour une part du travail d’élaboration de catĂ©gories permettant tout Ă  la fois de percevoir et de se reprĂ©senter le monde et de s’y situer. Le regard se dĂ©place alors des interactions quotidiennes marquĂ©es par l’intersubjectivitĂ© aux identifications qu’entĂ©rine l’usage du pronom « nous ». A l’aide d’un logiciel d’analyse du discours[21][21], il est apparu que, statistiquement, l’emploi du « nous » est, de maniĂšre significative, associĂ© Ă  l’univers sĂ©mantique renvoyant Ă  la dimension du quartier[22][22]. La rĂ©fĂ©rence spatiale omniprĂ©sente est celle de la citĂ©, les « 4000 », mais aussi souvent celle du dĂ©partement dĂ©signĂ© par son numĂ©ro le « 93 ». Ces catĂ©gories spatiales vont souvent de paires avec l’idĂ©e de clĂŽture, certains habitants parlent d’habiter d’un « enclos », se considĂšrent comme « prisonnier des 4000 » ou Ă©voquent leur dĂ©sir de « s’extraire de la cité ». Chez les jeunes, l’impression d’enfermement se double parfois de l’idĂ©e de condamnation (« on est condamnĂ© Ă  vivre ici ») ou de contagion (« on est, malgrĂ© soi, pris, contaminĂ© par l’environnement »).

« Et, tu vois c’est cette image qu’on a, qui nous colle Ă  la peau. Une sociĂ©tĂ© pourrie. Une citĂ© pourrie, donc t’es pourrie. Mais il y a d’autres citĂ©s, je veux dire, il y a des citĂ©s Ă  Saint-Denis qui sont aussi craignos. Alors je vois pas pourquoi on colle toujours cette, cette image aux 4000. C’est cette pression qu’il y a sur, sur nous! Alors qu’il y a pire. Et c’est pas parce qu’on habite un joli coin que on vaut mieux que les autres. Mais, tu vois c’est la sociĂ©tĂ© qui renvoie ça aussi Comme je disais pour une part de la sociĂ©tĂ©, il y a un cĂŽtĂ© ensoleillĂ©, un cĂŽtĂ© noir. Une citĂ© c’est pareil. Une ville c’est pareil. T’as un cĂŽtĂ© qui est beau, un cĂŽtĂ© qui est moche. bon ben – et de temps en temps, les gens ils englobent le tout hein » Dalila, 22 ans, chĂŽmeuse, en stage dans un association du quartier

« On est… prisonniers des 4000. Non moi je vois… je sais pas. Je sais pas. Je me dis pfff – et puis il y a les maladies aussi. On les voit – moi je vois plein de jeunes qui ont, qui sont malades du sida ; on les a connus ils Ă©taient bien. Ils sont tombĂ©s dans la came…. Et puis on est condamnĂ©s aussi Ă  vivre avec ces gens lĂ . Alors, Ă  n’importe quel moment, on peut attraper cette maladie. Et puis, il y a le shit qui se balade partout. On rentre dans un bĂątiment, t’es obligĂ© de consommer sans consommer quoi » Djamila, 20 ans chĂŽmeuse, Ă  la recherche d’un emploi.

« Ils se sentent trĂšs trĂšs forts sur La Courneuve parce qu’ils ont fortement intĂ©grĂ©s la ville et ses alentours. Ils sont vraiment bien intĂ©grĂ©s dans le secteur […] Ils se sentent chez eux, c’est normal parce qu’ils ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  venir ici. Ils se sentent chez eux, chez eux, je ne sais comment vous le dire, comment je le ressens ». Jacques, 47 ans, cuisinier au chĂŽmage.

L’identification au lieu se nourrit Ă  deux sources, celle du stigmate et celle du mythe. L’idĂ©e de stigmate intervient de maniĂšre quasi automatique lorsque les plus jeunes relatent leurs difficultĂ©s Ă  trouver un emploi. Elle est aussi souvent t Ă©voquĂ©e Ă  propos de ce que Goffman appelle les « contacts mixtes » « instants ou normaux et stigmatisĂ©s partagent une mĂȘme « situation sociale , autrement dit se trouvent physiquement en prĂ©sence les uns des autres »[23][23], en l’occurrence ici quand sont dĂ©crits les contacts avec d’autres jeunes et spĂ©cifiquement les jeunes de Paris : « les gens de Paris » sont perçus comme diffĂ©rents et mĂȘme parfois peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme « plus dĂ©veloppĂ©s ». C’est Ă  proprement parler bien de « stigmate » comme handicap social dont il faut parler puisque, selon leurs mots, les « 4000 » c’est une « image qui colle Ă  la peau » et c’est une image disgracieuse, elle fait penser aux autres que « parce qu’on habite un coin moche, on vaut moins que les autres ».

Le lien territorial s’alimente aussi au mythe de l’ñge d’or. Celui-ci est omniprĂ©sent chez les rĂ©sidents les plus anciens, mais il est aussi repĂ©rable chez les plus jeunes, il mĂȘle alors des souvenirs transmis par les parents et des rĂ©fĂ©rences Ă  l’enfance ou Ă  l’adolescence. Cet Ăąge d’or est celui oĂč est reconstruit le sentiment d’ĂȘtre « chez soi » : « de faire corps », « d’avoir une vie normale, en communauté ». Le mythe puise dans la cĂ©lĂ©bration d’une sociabilitĂ© perdue  (avant on se frĂ©quentait, on s’invitait) et comme toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’ñge d’or, il inclut une chute. La perte se trouve gĂ©nĂ©ralement associĂ©e au renouvellement de la population de la citĂ©, au dĂ©part des premiers occupants et Ă  l’arrivĂ©e de nouveaux locataires d’origine immigrĂ©e. Mais « l’entre-nous » territorial se construit aussi selon des modalitĂ©s qui n’ont rien de spĂ©cifiques au site et Ă  son histoire et qui repose sur le souvenir et la persistance des rĂ©seaux familiaux qui fonde l’identification Ă  un lieu (et par exemple, le fait de vouloir y ĂȘtre enterrĂ©). En d’autres termes, ici comme ailleurs se dessine un espace affectif qui nourrit le sentiment d’ĂȘtre chez soi.

La catĂ©gorie du « chez nous », Ă  l’échelle du quartier, apparaĂźt comme un Ă©lĂ©ment central du discours xĂ©nophobe recueilli[24][24] qui repose sur une matrice ethnocentriste. Il prend comme rĂ©fĂ©rence le quartier, lieu de mĂ©moire et lieu d’identification perdue et perçoit les immigrĂ©s comme les responsables du processus de dĂ©possession et de perte. Le noeud de l’argumentation rĂ©side dans le renversement du « chez nous » au « chez eux » et se rĂ©sume par une formule « ils sont plus chez eux que nous sommes chez nous ». Cette dĂ©nonciation d’un « monde Ă  l’envers » traverse l’ensemble du discours et l’inversion se manifeste d’ailleurs par les nombreuses fois oĂč le terme « intĂ©gré » est utilisĂ© de maniĂšre particuliĂšre lorsqu’est dit, par exemple  « qu’ils ont intĂ©grĂ©s la ville », « qu’ils ont intĂ©grĂ©s les murs ». La question de l’hospitalitĂ©, souvent Ă©voquĂ©e Ă  propos des pratiques de sociabilitĂ©, se trouve Ă©galement au cƓur de l’expression xĂ©nophobe. Le statut des immigrĂ©s, tel qu’il est prĂ©sentĂ©, s’apparente, Ă  celui « d’invitĂ©s » et leur est d’abord reprochĂ© le fait de ne pas se soumettre aux rĂšgles de l’hospitalitĂ© qui commande de se comporter selon les codes des hĂŽtes. Par dĂ©finition, l’hospitalitĂ© s’apparente Ă  un don d’espace, elle n’implique pas de donner Ă  l’étranger un espace Ă  lui mais de le recevoir dans son espace Ă  soi. Jacques Derrida a parlĂ© de « la loi paradoxale et pervertissante de l’hospitalité »[25][25] et du caractĂšre ambivalent du terme dont tĂ©moigne son Ă©tymologie. Cette ambivalence tient au fait que pour donner l’hospitalitĂ©, il faut avoir autoritĂ© et souverainetĂ© sur un espace (« pas d’hospitalitĂ©, au sens classique, sans souverainetĂ© de soi sur le chez soi »[26][26]). Or, le sentiment d’une dĂ©possession de son « chez soi » si prĂ©sent dans le mythe de l’ñge d’or du quartier interdit de se poser en hĂŽte. Dans cette logique, l’hospitalitĂ© est considĂ©rĂ©e comme dĂ©voyĂ©e et corrompue quand elle s’accompagne d’un rapt d’espace, autrement dit quand l’invitĂ© s’installe ou quand il fait comme chez lui. DĂšs lors, on voit bien comment, de maniĂšre paradoxale, le paradigme de l’hospitalitĂ© se heurte au processus d’intĂ©gration.

MĂȘlĂ©e de maniĂšre indissociable aux discours sur les diffĂ©rences culturelles, le clivage entre gĂ©nĂ©rations intervient Ă©galement dans l’économie gĂ©nĂ©rale du discours xĂ©nophobe. Les dĂ©clarations d’hostilitĂ© Ă  l’égard des immigrĂ©s dĂ©bouchent le plus souvent sur un moment oĂč des distinctions sont opĂ©rĂ©es entre diffĂ©rentes catĂ©gories d’immigrĂ©s. Parmi ces distinctions, celle qui diffĂ©rencie les jeunes des plus anciens est la plus frĂ©quente (ceux qui pose problĂšme ce ne sont pas les vieux, ce sont les jeunes). Cette distinction se comprend dans la logique du modĂšle de l’hospitalité : les vieux Ă©taient considĂ©rĂ©s et se considĂ©raient eux mĂȘmes comme des invitĂ©s. « Ceux-lĂ  vous les entendez jamais, ils disent jamais rien. Mais c’est toute leur descendance ». Cette descendance est chez elle et se considĂšre comme telle. Le caractĂšre opĂ©ratoire du clivage gĂ©nĂ©rationnel dans les modes de reprĂ©sentations des immigrĂ©s s’explique aussi par l’existence d’un dĂ©calage dans le rapport travail. Les anciens immigrĂ©s sont reconnus par ce qu’ils partagent le mĂȘme lien professionnel que l’ensemble de leur classe d’ñge. Il s’est construit puis souvent dĂ©litĂ© Ă  partir de l’expĂ©rience du travail ouvrier puis de celle du chĂŽmage. À l’inverse ce qui est reprochĂ© aux plus jeunes et cette absence de transmission d’un systĂšme de valeurs organisĂ© autour du travail. En leur reprochant, leur proximitĂ© au monde dĂ©linquant, on met aussi en cause cette absence de lien au travail entendu comme mĂ©tier et cette dĂ©connexion entre moyens de subsistance et travail. Dans cette logique, coexistent dans le discours des aĂźnĂ©s souvent la dĂ©nonciation et parfois la quasi glorification des jeunes (les jeunes peuvent dans certains cas ĂȘtre prĂ©sentĂ©s comme le fer de lance de la rĂ©volte). En cela, cette catĂ©gorie apparaĂźt bien comme un objet de condensation, elle apparaĂźt chez certains comme une catĂ©gorie proprement politique dans la mesure oĂč elle est conflictuelle. Le discours des jeunes sur « les jeunes » dĂ©notent une particularitĂ© dans le fait qu’ils utilisent souvent le « ils » pour parler d’eux-mĂȘmes. Ils parlent trĂšs souvent des jeunes ou en tant que jeunes mais emploient rarement le « nous ». Autrement dit qu’ils prĂ©fĂšrent, par exemple, la formule « les jeunes, ils sont par Ă©coutĂ©s » plutĂŽt que celle « nous les jeunes on est pas Ă©couté ». L’explication rĂ©side en partie dans l’existence de stratĂ©gies de dĂ©marcation, propre Ă  la situation d’entretien individuel et liĂ©e aux effets de la stigmatisation. Les jeunes se dĂ©marquent de leurs pairs pour ne pas endosser le stigmate, parfois abondent dans le sens de l’image nĂ©gative du groupe pour mieux se valoriser en tant que personne. L’interprĂ©tation doit aussi faire la part de la stratĂ©gie de distanciation. Se sachant en situation d’observation, les jeunes parlent d’eux-mĂȘmes Ă  la troisiĂšme personne tout comme les indigĂšnes le font face Ă  l’anthropologue. Ils se savent objet d’étude et de discours et livrent aux chercheurs une image, une projection, celle que l’observateur attend. Enfin, cette rĂ©ticence Ă  dire « nous » renvoient sans doute au fait qu’ils n’ont pas le vĂ©ritable sentiment d’ĂȘtre un collectif en raison de la duretĂ© des relations au sein des groupe de jeunes (les filles insistent souvent sur cet aspect) mais aussi en raison de la faiblesse des agents spĂ©cialisĂ©s dans la production de collectif. Aux « 4000 », le rĂ©seau associatif des jeunes reste faible comparĂ© Ă  certains autres quartiers et l’implantation communiste longtemps trĂšs structurante est aujourd’hui largement vieillissante.

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Endnotes:
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  2. [2]: #_ftn2
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  22. [22]: #_ftn22
  23. [23]: #_ftn23
  24. [24]: #_ftn24
  25. [25]: #_ftn25
  26. [26]: #_ftn26
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Abstract

La question du lien et de ses mĂ©tamorphoses pourrait Ă  elle seule permettre d’embrasser l’ensemble de la production sociologique. Des concepts comme ceux de division sociale, de domination ou de coopĂ©ration ont pour enjeu de s’interroger sur ce qui fait « sociĂ©té » et donc de donner sens Ă  la notion de lien social. Pour Elias, la ...

Bibliography

Notes

[1] Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1991.

[2] Henri Rey, La peur des banlieues, Paris, Presses de Science -Po, 1996.

[3] Cette enquĂȘte a Ă©tĂ© menĂ©e par une Ă©quipe du Cevipof composĂ©e Sophie Duchesne, Florence Haegel, François Platone et Henri Rey avec la collaboration d’Imane Hayef et Jean Ranger. Elle s’intĂ©grait au programme de recherche du pir-Villes-Cnrset de l’Insee sur les « situations dĂ©favorisĂ©es ». Deux contributions Ă  des ouvrages collectifs ont dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© quelques rĂ©sultats de cette recherche, Florence Haegel, Henri Rey, « Autour du vote. ComplexitĂ© et fluiditĂ© des prĂ©dispositions Ă©lectorales des habitants des “4000 logements” de La Courneuve, in Nonna Mayer (dir.), Les modĂšles explicatifs du vote, Paris, L’Harmattan, 1997. Sophie Duchesne, Florence Haegel ,François Platone, Henri Rey , « DiversitĂ© des attitudes politiques dans une citĂ© de banlieue. EnquĂȘte aux “4000” de La Courneuve, in Ces quartiers dont on parle, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1997.

[4] Olivier Schwartz, Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, puf, 1990.

[5] Jean-Pierre Terrail, Destins ouvriers, Paris, puf, 1990.

[6] Florence Weber, « Nouvelles lectures du monde ouvrier : de la classe aux personnes », GenÚses, n°6, décembre 191, p. 179-189.

[7] Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995, p. 463.

[8] Jacques Hassoun, Le passage des étrangers, Paris, Austral, 1995, p. 121.

[9] Martin Buber, Je et tu, Paris, Aubier, 1992.

[10] Emmanuel Levinas, Hors sujet, Paris, Fata morgana, 1987.

[11] Erving Goffman, Les rites d’interaction Paris, Editions de Minuit, 1974 ou La mise en scĂšne de la vie quotidienne, Paris, Editions de Minuit, 1973, La prĂ©sentation de soi (Tome 1), Les relations en public (Tome 2).

[12] Benedict Anderson, Imagined communities, Londres, Verso, 1983, traduit en français sous le titre L’imaginaire national, Paris, La DĂ©couverte, 1996.

[13] L’école de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine ; PrĂ©sentation de Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, Paris, Aubier, 1984.

[14] Catherine Paradeise, « Sociabilité et culture de classe », Revue Française de Sociologie, octobre- décembre 198, XXI-4, p. 571-597.

[15] Alain CaillĂ©, « Le don de parole. Ce que parler veut dire », in Mauss( Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) Ce que donner veut dire. Don et intĂ©rĂȘt, Paris, La DĂ©couverte, 1993.

[16] Ibid., p. 194.

[17] Clifford Geertz milite, en effet, pour une conception que l’on pourrait qualifier de sĂ©miotique du terme de culture, il la dĂ©finit comme un systĂšme de signification, un code partagĂ© par un ensemble de personnes, Clifford Geertz, The interpretation of culture, New York, Basic Books, 1973.

[18] Sur cette question, cf. le numĂ©ro de Communications consacrĂ© Ă  ce thĂšme, n°65, 1997 et en particulier l’article d’Isaac Joseph « Prises, rĂ©serves, Ă©preuves », p. 131-142.

[19] Richard Hoggart, La culture du pauvre, Paris, Éditions de Minuit, 1970, p. 66.

[20] Jean-Claude Chamboredon, Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement, Revue Française de Sociologie, X, 1970, p. 13.

[21] L’analyse des entretiens a Ă©tĂ© menĂ©e en utilisant Ă  la fois une mĂ©thode qualitative et quantitative. S’agissant de cette derniĂšre, le logiciel Alceste a Ă©tĂ© utilisĂ©. L’objectif de ce logiciel est de faire apparaĂźtre, grĂące Ă  l’analyse statistique des cooccurrences dans un corpus donnĂ©, les diffĂ©rents univers sĂ©mantiques qui les caractĂ©risent.

[22] Un travail centrĂ© sur l’usage des pronoms personnels dans les entretiens des « 4000 » a Ă©tĂ© menĂ© en collaboration avec Sophie Duchesne, voir Sophie Duchesne, Florence Haegel, « Individualisation et identification en situation de communication : la fonction symbolique des pronoms dans des entretiens recueillis aux ‘4000’ », in Catherine Neveu, Espace public et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 151-202.

[23] Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de Minuit, 1975.

[24] L’importance accordĂ©e ici Ă  l’expression xĂ©nophobe ne rĂ©sulte pas de la position dominante de ce type de discours dans le corpus mais plutĂŽt des interrogations propres Ă  mon travail de recherche actuel.

[25] Jacques Derrida, De l’hospitalitĂ©, Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida Ă  rĂ©pondre, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1997, p. 53.

[26] Ibid., p. 53.

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