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Les arrière-gardes à l’avant-plan.

William Marx (dir.), Les arrière-gardes au 20e siècle. L’autre face de la modernité esthétique, 2004.

Image1La présentation du projet réflexif, assurée par William Marx, assume le caractère légèrement provocateur du titre. Pourquoi les « arrière-gardes », alors même que toute l’histoire du premier 20e siècle est clairement celle des « avant-gardes » ? Eh bien, pourquoi pas, répond en substance l’auteur, qui rappelle que les arrière-gardes sont tout aussi nécessaires à une armée. Il se livre alors à une analyse historique de l’usage des deux termes, pour constater que s’ils sont apparemment symétriques, en fait, dans leurs usages, il n’en est rien. En matière esthétique, une avant-garde ne détermine pas forcément une arrière-garde qui lui ferait pendant. Cependant, la notion même d’arrière-garde ne peut naître que quand « la masse croit au progrès dans les arts ». Revenant sur l’usage dans les années soixante de l’expression « combat d’arrière-garde », il constate une ambiguïté foncière du sens : la doxa entend l’arrière-garde comme force esthétique réactionnaire, mais elle peut aussi désigner les groupes des retardataires de l’esthétique, qui iraient malgré eux dans le sens indiqué par les avant-gardes. Il revient alors sur la naissance du mouvement moderniste, qui fait naître des éléments congruents, comme « tradition », « classicisme », et la figure de Baudelaire, pour se situer sous l’égide de la phrase de Sartre qui voit Baudelaire comme un « homme qui avance à reculons, tourné vers le passé ». C’est ainsi qu’on peut inférer que certes, une avant-garde peut cacher une arrière-garde, mais aussi que dans toute arrière-garde se dissimule une avant-garde en puissance. Du coup, si la fécondité créatrice des arrière-gardes existe, pourquoi les avoir si peu étudiées ? L’auteur en voit la raison dans ce qu’il appelle la « tentation anthropologique » de l’histoire artistique, qui privilégie les œuvres consacrées par la postérité (jugées « belles »). Ce type de raisonnement ne permet cependant pas de comprendre certains auteurs (Valéry…) car ils apparaissent du coup comme isolés, météoriques. La « Nouvelle Critique » n’a pas échappé à ce défaut, ce qui soulève une question épistémologique de fond pour l’histoire littéraire, à savoir celle du critère de choix des œuvres prises en considération.

Aujourd’hui, la critique post-moderne, l’alignement sur la critique des arts plastiques, qui met le Kitsch à l’honneur, les travaux menés dans l’ex-Europe de l’Est pour comprendre comment les avant-gardes ont été absorbées et dissoutes dans les systèmes en place, tout cela fait que la notion d’arrière-garde non seulement n’est plus taboue, mais qu’elle est devenue un concept utile dont il est temps que se saisisse la critique littéraire : examiner la face cachée du récit traditionnel, série de ruptures, mis en place depuis deux siècles est une façon de repenser la totalité de l’histoire littéraire.

À partir de cette ouverture, l’ouvrage se divise en trois parties : dans la première (« Modèles théoriques, archétypes artistiques »), cinq interventions proposent des remarques générales, non limitées du reste à la littérature, puisque l’Opéra et le cinéma sont convoqués à la réflexion. Les deux autres parties recensent des études de cas, (« L’antimodernisme en France » et « Les paradoxes du modernisme européen »), plus ou moins riches, plus ou moins intéressantes selon les auteurs ou œuvres considérées. Les problèmes soulevés tournent autour de la question esthétique évidemment, philosophique (rapports de Mallarmé et Heidegger au temps par exemple), politique, sociale (ancrages régionaux par exemple).

L’ensemble, forcément inégal comme il est presque de règle dans les publications de colloques, n’en est pas moins stimulant. Outre le fait d’apporter des savoirs sur des groupes ou des auteurs en effet bien peu étudiés, il encourage à renouveler la problématisation de l’histoire littéraire, et ne se contente pas de « réhabiliter » tel auteur ou tel groupe, mais propose de reconfigurer l’ensemble du récit fait des productions littéraires du premier vingtième siècle. Nous ne pouvons qu’espérer que ce genre d’initiative servira de tremplin à d’autres, tant il est vrai que l’histoire littéraire a besoin d’un sérieux coup de neuf.

William Marx (dir.), Les arrière-gardes au 20e siècle. L’autre face de la modernité esthétique, Puf, 2004. 224 pages. 20 euros.

Abstract

La présentation du projet réflexif, assurée par William Marx, assume le caractère légèrement provocateur du titre. Pourquoi les « arrière-gardes », alors même que toute l’histoire du premier 20e siècle est clairement celle des « avant-gardes » ? Eh bien, pourquoi pas, répond en substance l’auteur, qui rappelle que les arrière-gardes sont tout aussi nécessaires ...

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