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Serendipity.

Décentralisation et clientélisme.

Pierre Tafani, Les clientèles politiques en France, 2003.

Ce compte rendu a été publié dans la revue Pouvoirs Locaux n°60 de mars 2004. La rédaction d’EspacesTemps.net remercie Pouvoirs Locaux pour l’autorisation de publication de cet article.

Image1Aborder la question du clientélisme en politique est une entreprise délicate et donc courageuse, en raison des incompréhensions qui résultent nécessairement de la difficulté à en cerner les contours. On saluera donc ici le travail de Pierre Tafani, restitué dans son ouvrage, paru en 2003, Les clientèles politiques en France dont le titre illustre d’emblée toute la témérité de la tentative, puisqu’il suggère un contenu éloigné de toute théorisation du clientélisme au profit d’une description de différentes « clientèles politiques », identifiées ici territorialement. L’ouvrage se présente en effet comme une série d’études de cas, celui de la Corse, de Lille, de Nice et de Paris, l’analyse du clientélisme semblant devoir se réduire ici à celle des « clientèles », assimilées à un « repiquage continuel de relations personnelles qui se prêtent mal à une analyse systématique, car elles sont toutes plus ou moins spécifiques ».

Penser les clientèles.

Comment cependant rassembler dans un même livre quatre études de « clientèles » aussi dissemblables en apparence dans leur « sociogenèse », sans en proposer une lecture systématique ? Elle est donc bien présente ici et peut être énoncée de la manière suivante : la France est le pays du clientélisme érigé en système de gouvernement, et ce du Nord au Sud, comme les quatre cas étudiés en sont l’illustration, avant, mais aussi et surtout après, la décentralisation de 1982. Le résumé est un peu brutal, mais pas infidèle, même si bien entendu de nombreuses nuances apparaissent dans l’ouvrage, qui limitent son apparence caricaturale. Ces nuances sont importantes car le propos sur les clientèles dépasse le contexte français. Pour Pierre Tafani en effet, « les clientèles sont chez elles un peu partout, sans doute parce qu’elles sont consubstantielles au fonctionnement du politique dans les sociétés complexes » (p. 322). C’est pourquoi, il est important de « penser les clientèles » car cela « revient à rejeter comme réductrices les conceptions univoques du pouvoir » et donc évite d’avoir à choisir entre un idéalisme démocratique qui s’interdit de voir le clientélisme, et un pragmatisme démocratique qui au contraire en fait un principe actif de tout régime politique.

On regrettera que cette théorie du pouvoir ne soit pas plus développée au-delà des quatre études, pour une meilleure compréhension non pas de chacune d’elles – elles sont aussi bien informées que possible et peuvent se lire séparément –, mais au profit d’une définition plus claire à la fois des clientèles et du clientélisme. On n’en perçoit en effet pas toujours la spécificité par rapport à d’autres types d’analyse politique de phénomène comparables, comme le réseau ou un certain communautarisme, pas plus d’ailleurs que le « bénéfice » pour ceux auprès de qui il est censé s’exercer.

À propos de la Corse par exemple, l’auteur met bien en évidence le lien entre la structure sociale, l’histoire de l’île et sa structuration politique qui trouve à s’incarner dans un concept qui lui semble spécifique en France, le clanisme. Qu’est-ce qui distingue alors celui-ci du clientélisme ? À propos de Lille, il est intéressant de tenter de montrer que les relations de clientèles ne sont pas une spécificité méridionale, mais peut-on faire totalement l’impasse sur ce qui les distingue dans le Nord d’un clientélisme ordinaire à partir du moment où ces différences sont prises en considération quand il s’agit de la Corse ? Il semble difficile à ce propos de ne pas évoquer les pratiques des partis socio-démocrates, comme partis de « services » et comme « contre-sociétés » dont le cas lillois se réclame, au profit certes d’une clientèle, mais d’une clientèle avouée et considérée comme telle pour des raisons politiques explicites. À propos de Nice, il semble que, plus qu’ailleurs, le « système Médecin » doive davantage à la corruption qu’au seul clientélisme, qui comme le souligne lui-même Pierre Tafani, n’est pas nécessairement illégal et ne doit pas tout au développement de la décentralisation. À propos du cas parisien enfin, étendu à celui de la Corrèze, il est clair que les clientèles décrites mettent en évidence le rôle déterminant d’un homme, Jacques Chirac, qui d’après l’auteur érigerait l’échange de services entre un « patron » et un « client » en doctrine et système de gouvernement. Mais peut-on faire d’un homme l’emblème d’un système — surtout quand son exceptionnelle longévité politique explique en grande partie l’étendue de son réseau et que d’autres « explications » plus structurelles pourraient être mises en évidence ?

Autant de questions ou de remarques qui montrent, comme on l’a dit, que le sujet est difficile est que le moindre des mérites de l’ouvrage est bien d’alimenter le débat dont l’auteur rappelle avec à propos qu’il est largement ignoré en France.

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Aborder la question du clientélisme en politique est une entreprise délicate et donc courageuse, en raison des incompréhensions qui résultent nécessairement de la difficulté à en cerner les contours. On saluera donc ici le travail de Pierre Tafani, restitué dans son ouvrage, paru en 2003, Les clientèles politiques en France dont le titre illustre d’emblée ...

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