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Comment s’organise une spoliation ?

Renée Dray-Bensousan, Les Juifs à Marseille - (1940-1944), 2004.

Image1Cet ouvrage est issu d’une thèse universitaire. Il vient combler une partie des lacunes des études réalisées sur la Deuxième guerre mondiale en présentant le cas de Marseille ; en effet jusqu’à présent la zone Nord a été plus étudiée que la zone Sud. Renée Dray-Bensousan contribue ainsi à une meilleure connaissance de la zone dite libre avec ce travail sur l’exemple marseillais pendant les années noires. L’auteure est familière des sources de cette époque par sa fréquentation depuis plus de dix ans des lieux d’archives. Elle a une fort bonne connaissance de ces populations juives dans la ville phocéenne au moment de la Deuxième Guerre Mondiale ; elle a notamment participé à la Commission départementale sur les spoliations des Juifs dans les Bouches du Rhône (rapport publié en 2003). Dans les premières pages de son ouvrage, elle commence par essayer de cerner cette population qui ne se vit pas alors comme une communauté. Et c’est bien là que réside un des intérêts de l’ouvrage, dans cette approche des différents groupes, Juifs d’origine comtadine, Sépharades, Ashkénazes… qui vivent auprès du Vieux Port. La guerre et la débâcle modifient durablement la composition de ces populations avec, notamment, l’arrivée de nombreux réfugiés issus de toute l’Europe. Marseille, port d’embarquement vers la liberté, devient rapidement une souricière avec l’invasion de la zone Sud.

Dans un deuxième temps, R. Dray-Bensousan cherche à montrer comment la politique antijuive de Vichy tente de constituer ces différentes populations si diverses en une seule communauté stigmatisée. À l’intérieur d’un cadre chronologique, l’auteure présente les différents recensements des Juifs et la marginalisation progressive puis les persécutions qui touchent ces populations entre 1939 et 1944. Mais ce que l’auteure développe le plus dans le corps de l’ouvrage, c’est tout le phénomène de l’aryanisation économique, minutieusement décrit et qui montre comment la spoliation de ces populations est mise en place ; c’est là que repose la partie la plus novatrice, dans l’étude de ce phénomène encore mal connu ! Les pages consacrées à la déportation sont moins nombreuses, mis à part l’épisode de la destruction des quartiers du Vieux Port en janvier 1943 et les rafles qui l’ont précédées.

L’ouvrage présente une liste des sigles et abréviations généralement usités, ce qui est toujours utile pour se retrouver dans le maquis des organisations de cette époque. L’appareil critique est développé. Cependant, l’ensemble du texte souffre d’une rédaction trop rapide, l’écriture n’est pas homogène : si le chapitre sur l’aryanisation bénéficie d’une expression dynamique, ce n’est pas le cas dans tout l’ouvrage. De plus, l’auteure domine quelquefois trop son sujet pour expliquer clairement une situation qui lui paraît évidente, et les lecteurs se sentiront parfois lésés par ce style allusif, concernant par exemple des différentes institutions et organisations juives dont les relations sont particulièrement complexes. Enfin et c’est probablement la critique majeure faite à ce livre, il aurait gagné à être davantage centré sur ce phénomène de l’aryanisation économique.

Si cet ouvrage n’est pas encore une grande synthèse sur les Juifs à Marseille, il apporte une avancée significative sur la situation marseillaise et constitue une étude de référence. Cependant il faudra encore plusieurs travaux pour connaître l’ensemble de la population juive marseillaise. Il manque notamment la présence des non-juifs marseillais : comment s’organisent les relations entre les différentes populations ? Comment se modifient-elles au fur et à mesure que les mesures antijuives se multiplient ? Enfin, comment se reconstruit cette population après la guerre ? Cet ouvrage montre bien que l’histoire locale est fondamentale pour comprendre l’histoire nationale. Il est à souhaiter que de nouveaux travaux universitaires viennent enrichir la connaissance de cette période, et que les universitaires encouragent les étudiants à venir ouvrir ces nombreux cartons d’archives dont Renée Dray-Bensousan rappelle l’existence.

Renée Dray-Bensousan, Les Juifs à Marseille – (1940-1944), Les Belles Lettres – Histoire, Paris, 2004. 474 pages. 25 euros.

Abstract

Cet ouvrage est issu d’une thèse universitaire. Il vient combler une partie des lacunes des études réalisées sur la Deuxième guerre mondiale en présentant le cas de Marseille ; en effet jusqu’à présent la zone Nord a été plus étudiée que la zone Sud. Renée Dray-Bensousan contribue ainsi à une meilleure connaissance de la zone ...

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