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Sérendipité.

Parler Politique.

Cet article est paru dans le supplément consacré aux « États généraux des revues » du numéro 341 du magazine Les Inrockuptibles.

Le politique peut être défini comme un ensemble de méthodes et de pratiques concourant à éviter la transformation en guerre civile des conflits internes d’une société. Il concerne toute la société et plus précisément la société prise comme un tout. C’est, en ce sens, le domaine du social qui vérifie le mieux, par son existence, que nous vivons en société. Parmi les différentes dimensions du monde social, le politique est sans doute celui qui nous livre le plus nettement les réalités humaines comme un écheveau d’interrelations non réductible à l’un des éléments qui le composent. Les objets d’étude politiques se trouvent en première ligne pour « accueillir » des concepts transversaux ou globaux, qui portent sur l’ensemble de la société : État, communauté, individu, société,… Chaque explication apparemment ponctuelle d’un événement, par exemple un choix électoral, conduit à mobiliser, au-delà du récit d’une campagne ou de l’organigramme des forces organisées en présence, des raisonnements impliquant le statut des individus dans la société mais, du même mouvement, la composante proprement politique de ce statut. Ainsi, à propos du vote d’extrême droite à la dernière présidentielle française, on a vu fleurir des systèmes explicatifs à deux étages : un « fondement objectif » (la souffrance des membres des couches populaires) et une « expression politique » (le vote pour Jean-Marie Le Pen). Cette vision « pavlovienne » de la causalité, se représentant les électeurs comme des grenouilles spinales réagissant à des impulsions électriques appelle une réponse politique du même type, exonérant ainsi les citoyens concernés de la responsabilité de leurs actes. Or, le développement d’une véritable démocratie exige la construction permanente d’un univers éthique commun à tous.

La réduction de l’analyse des comportements politiques à un dispositif stimulus/réponse manifeste la rencontre funeste entre deux courants théoriques qui ont eu leurs mérites mais dont les faiblesses éclatent aujourd’hui : le behaviorisme (pour des raisons méthodologiques et métaphysiques, on renonce à entrer dans la « boite noire » des logiques internes du comportement individuel) et le structuralisme fonctionnaliste (les individus ne pèsent pas lourd face aux grandes lignes de force qui organisent la vie sociale). Pour notre part, nous nous situons dans le paradigme des acteurs, dans une tension assumée entre la structuration globale du social et l’autonomie de ses composantes, notamment individuelles. Penser ensemble l’acteur et le système comme une totalité dialogique, tel nous paraît être le projet. Nous rencontrons alors des électeurs-acteurs, pas complètement acteurs, mais non dénués pour autant d’intentionnalités efficaces et d’horizons stratégiques pertinents, pratiquant une rationalité partielle, imbriquée avec du non-rationnel et de l’irrationnel, comme nous en pratiquons tous, peu ou prou, dans notre vie quotidienne et même, souvent, dans nos conjectures scientifiques.

C’est une banalité de dire qu’on aura une vie politique plus satisfaisante si les simples citoyens sont pleinement avisés (et pas seulement « informés ») de l’état des sociétés auxquelles ils appartiennent. Or notre vie politique reste marquée par une explicitation faible, de la part des hommes politiques, de ces enjeux, enrobés dans leur discours par des formulations plus traditionnelles (comme l’opposition entre une gauche « sociale » et une droite « économique »), moins dérangeantes pour les lignes de conflit préexistantes et donc, pensent-ils, moins menaçantes pour leur capital de légitimité. La ville, la nation, l’Europe, le Monde, et le pouvoir qu’une société, aux différentes échelles, peut et doit avoir sur les conditions de son développement sont bien les grandes questions d’aujourd’hui. Parler vraiment politique : n’est-ce pas d’abord de cela que nous avons besoin ?

Résumé

Le politique peut être défini comme un ensemble de méthodes et de pratiques concourant à éviter la transformation en guerre civile des conflits internes d’une société. Il concerne toute la société et plus précisément la société prise comme un tout. C’est, en ce sens, le domaine du social qui vérifie le mieux, par son existence, ...

Bibliographie

Notes

Auteurs

Jacques Lévy

Professeur de géographie à l’Université de Reims et à l’Institut d’Études Politiques de Paris.

Partenariat

Sérendipité.

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