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Sérendipité.

Les ombres agissantes.

Image1Lipetsk, 400 kilomètres au sud de Moscou. Une ville dans le plus pur style soviétique, accueillant l’un des fleurons de l’industrie métallurgique de la Russie post-soviétique, à qui le cours élevé de l’acier assure aujourd’hui une certaine prospérité qui se remarque notamment dans le brillant éclatant des dorures fraîchement refaites de l’église orthodoxe.

La Russie post-communiste est devenue après l’Amérique latine et l’Afrique le nouvel Eldorado des chercheurs en sciences sociales des religions. Sectes en tous genres, courant New Age, églises évangéliques, renouveau orthodoxe, etc., autant de phénomènes en pleine expansion appelant au renouvellement des problématiques sur le religieux et ses rapports à notre monde contemporain : autrefois promises à un déclin certain, les religions retrouvent une vivacité qui s’expliquerait notamment par l’effondrement des grands systèmes idéologiques, et avant tout du communisme. D’une religion à l’autre en somme…

Ainsi pourrait être comprise cette image : Lénine, dans l’ombre, symbolisant l’ancien régime soviétique aujourd’hui écroulé regardant sidéré la renaissance de l’église orthodoxe…

Mais cette photo peut être lue d’une autre manière : et si c’était Lénine lui-même qui posait le voile sur sa propre présence en projetant l’Eglise orthodoxe en pleine lumière ? Une impression renforcée sur la photo par l’effet de focale qui fait se pencher l’un vers l’autre les deux éléments signifiants de l’image. Comme s’ils s’attiraient irrésistiblement et se soutenaient mutuellement…

Ce qui est intéressant dans ce jeu d’ombre et de lumière n’est donc peut-être pas tant ce qui est révélé au grand jour que ce qui est caché : Lénine justement, ou plutôt la vieille Union Soviétique, qui n’en finit pas de se survivre… Sur fond de renaissance de « l’âme russe » dans la fierté retrouvée de son identité chrétienne orthodoxe, la Russie de Vladimir Poutine renoue avec certains de ses vieux démons : guerres coloniales, muselage de la presse, restriction de la liberté de circulation par le rétablissement des visas intérieurs, arbitraire administratif, etc.

Aujourd’hui, les Russes qui n’ont pas eu la chance de profiter de l’ouverture économique — et ils sont nombreux — ont à nouveau peur. Et l’on repense alors à cette fameuse phrase de Karl Marx :

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple » (Critique de la philosophie du droit de Hegel, paru dans Sur la religion, Paris, Éditions Sociales, 1968, p. 41).

Photographie : Lipetsk, Place de la cathédrale, anciennement place de Lénine, août 2005. © Sébastien Tank.

Résumé

Lipetsk, 400 kilomètres au sud de Moscou. Une ville dans le plus pur style soviétique, accueillant l’un des fleurons de l’industrie métallurgique de la Russie post-soviétique, à qui le cours élevé de l’acier assure aujourd’hui une certaine prospérité qui se remarque notamment dans le brillant éclatant des dorures fraîchement refaites de l’église orthodoxe.La Russie post-communiste ...

Bibliographie

Notes

Auteurs

Sébastien Tank

Docteur en sociologie de l’Ehess, il est chercheur associé au Centre d’Études Interdisciplinaires des Faits Religieux (Ceifr) et il enseigne la sociologie des religions à l’Université Paris 5. Après une thèse portant sur les conversions au judaïsme en Israël, en France, en Argentine et aux États-Unis (thèse préparée sous la direction de Danièle Hervieu-Léger), il se consacre aujourd’hui à l’étude comparée du pluralisme religieux et identitaire dans le judaïsme contemporain, notamment en Argentine. Il est responsable des Mensuelles.

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Sérendipité.

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