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Serendipity.

Sciences sociales en Europe.

Conférence Social Sciences and Humanities, du 9 au 11 décembre 2005, Communauté européenne, Bruxelles.

La Conférence est annoncée par L’Europe invite les sciences sociales !

Image1Après le Science in Society Forum, l’initiative a été prise par la Communauté européenne d’organiser une Conférence spécifique aux sciences sociales et aux humanités, qui n’étaient guère présentes alors. Le succès de cette initiative a été évident puisque les places ont été prises d’assaut, et qu’il est devenu vite difficile d’y participer.

EspacesTemps.net, une fois n’est pas coutume, se sentait tout à fait en phase avec le discours ambiant, de la part des intervenants comme des participants, fondé sur le postulat consistant à dépasser les frontières disciplinaires comme nationales — dont il a été souligné que les politiques nationales (européennes et extra-européennes) n’y aidaient pas beaucoup, et que les représentations nationales des disciplines persistent, n’aidant guère à l’interdisciplinarité internationale amenée par les politiques (« top down » fut le terme utilisé) mais guère dans les travaux (« bottom up »), et rencontrant des résistances. De même des interventions de membres du public sur les dégâts de l’opposition entre les sciences dures et les sciences molles, applaudies. Même si certaines remarques opposaient encore « excellence » et « interdisciplinarité »…

La Conférence, moins interactive que le Forum, était a-disciplinaire et non scientifique : il s’agissait de réfléchir en amont aux questions de la politique européenne menée pour favoriser le développement des sciences sociales en Europe, et non pas de dégager et de réfléchir autour de concepts scientifiques (qui auraient pu être ville, monde, environnement…), ou du travail des chercheurs, des structures qui le soutiennent ou des problèmes qu’ils rencontrent. Le caractère a-disciplinaire de la manifestation était renforcé par le fait que les chercheurs appelés à s’exprimer ne se réfèrent nullement à leurs propre s recherches, ni même à leurs disciplines, le contenu étant donc généralement « abstrait ».

Nous avons particulièrement apprécié la très pertinente intervention de Janez Potocnik, membre de la Commission, pour une autonomie conceptuelle des sciences sociales et une interdisciplinarité active, exprimant une inquiétude sur une situation actuelle critique, un tournant pour les sciences sociales, et conseillant vigoureusement d’être actifs au moment même où l’on fait des propositions à la Commission.

Le discours est cependant resté très européen, le rapport au monde trouble malgré les efforts réalisés notamment en invitant des intervenants non-européens. L’Europe n’est pas une idée, encore moins un concept, c’est un territoire, ou mieux un territoire institutionnel… qui reste, malgré les efforts explicites des organisateurs, bien occidental — en tous cas en ce qui concerne les intervenants. Par ailleurs l’opposition entre « européen » et « global » revient à plusieurs reprises dans les interventions. Enfin la présence reste forte de l’alter ego américain, sous la forme de la question qui pourrait être exprimée par la formule « comment cela se passe (bien)… aux États-Unis ? », ou bien « comment pouvons-nous faire pour que ça se passe autant (voire plus) bien chez nous que là-bas ? ». A ce complexe vis-à-vis des États-Unis, font pendant les interventions des invités (en vérité peu nombreux) en provenance d’Amérique Latine et d’Afrique. Même si les problèmes quotidiens que rencontrent les chercheurs de ces pays sont naturellement absents, les efforts et les problèmes de fond des sciences sociales dans ces contextes sont visibles en transparence, au moins pour un public averti sur ces questions.

Remarquons au passage la quasi-absence des Africains dans le public, les seuls intervenants étant des Sud-africains, et une intervention ignorant curieusement l’apartheid comme contexte marquant pour la recherche même dans ce pays… contrairement à un intervenant d’Amérique latine insistant sur des sciences sociales tardives, jeunes, encore très limitées.

Notons, par ailleurs, un bel appel d’une intervenante venue d’Oxford, au président de l’Académie des sciences chinois à ouvrir leurs archives, montrant à la fois un intérêt pour ce qui se fait en dehors de l’Europe dans la recherche mais aussi un esprit d’ouverture politique, outre qu’un effort à ce que les chercheurs européens ne se chargent pas de faire l’histoire de Chine avec leurs archives, à défaut de sources proprement chinoises.

Par ailleurs, et par rapport aux « autres », il s’agit de construire le savoir européen et non pas encore la société européenne, en s’appuyant sur la réflexion des sciences sociales qui restent très intellectualisantes, une sphère d’intellectuels hors-société.

Nous étions quelques uns du réseau d’EspacesTemps.net à se retrouver sur les bancs de cette Conférence, et l’implication de la revue dans ces types de réunions nous a semblée importante, pour la faire exister dans un milieu scientifique et dans un espace qui est le sien : la question reste de savoir comment faire en sorte de rendre le dialogue effectif entre les institutions européennes et le projet que nous menons, afin qu’il puisse s’y exprimer ; comment les institutions européennes, lors de ces événements, peuvent être un lieu d’échange avec d’autres projets, d’autres revues (il n’y en avait pas parmi les invités mais il pourrait y en avoir), d’autres institutions en dehors de la francophonie, et qui parlent le même langage.

Photo : Bruxelles, © Emmanuelle Tricoire.

Abstract

La Conférence est annoncée par L’Europe invite les sciences sociales !Après le Science in Society Forum, l’initiative a été prise par la Communauté européenne d’organiser une Conférence spécifique aux sciences sociales et aux humanités, qui n’étaient guère présentes alors. Le succès de cette initiative a été évident puisque les places ont été prises d’assaut, et ...

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Notes

Authors

Cristina D’Alessandro-Scarpari

Après un doctorat en géographie humaine à l’Université François Rabelais de Tours et une recherche postdoctorale à la West Virginia University (États-Unis), elle est enseignante à l’Institut des Sciences Politiques de Paris et chercheuse contractuelle à la Msh de Tours. Sa spécialité est la géographie humaine de l’Afrique subsaharienne. Elle s’intéresse tout particulièrement à l’étude géographique des situations problématiques (protection environnementale transfrontalière, usages des outils visuels et impérialisme digital, géographie des massacres) et aux enjeux théoriques dans les sciences sociales. Elle est l’auteure de Géographes en brousse (2005, L’Harmattan) et coéditrice de l’ouvrage Espaces, savoirs et incertitudes (Ibis Press).

Emmanuelle Tricoire

Elle a été professeure d’Histoire, de Géographie et d’Éducation civique dans l’enseignement secondaire à Metz, à Marseille où elle a participé à la revue pédagogique La Durance, et à Paris. Elle est l’auteure de l’article « Homère » du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (dir. Lévy et Michel Lussault, Belin, 2003) et co-auteure avec Jacques Lévy et Patrick Poncet de La carte, un enjeu contemporain, La Documentation Photographique, 2004, dont elle a réalisé le complément pédagogique. Elle travaille à l’interdisciplinarité dans l’enseignement et la recherche à la Faculté Enac de l’Epfl (École Polytechnique Fédérale de Lausanne).

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