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Science/s.

Image1Un forum a été organisé en mars par la Commission européenne. Il s’appelait « Science in Society ». Depuis 2000 la Commission a mis en place un Plan d’Action élaboré pour que soit promue « la science » au sein du public, afin que les citoyens prennent de bonnes décisions, des décisions informées. Il s’agit donc de développer la réflexivité au sein de la société, pour que cette dernière agisse avec discernement dans un monde qu’elle travaille à rendre durable. Une posture et un objectif en pleine adéquation avec des sciences sociales contemporaines : le monde réfléchit sur lui-même.

Pourtant, des très nombreuses initiatives présentées qui ont été financées par « Science and Society », pas une seule ne concerne la diffusion des sciences sociales. Il n’est question que de nanotechnologies, de nucléaire, d’ogm. Lorsque, dans les débats, quelques intervenants, provenant rarement des sciences sociales, questionnent enfin l’auditoire sur la place de ces disciplines dans la réflexion menée, cela revient à rappeler qu’un peu d’histoire ne peut faire de mal, à proposer que l’anthropologie mène un travail sur la perception du nucléaire, ou encore à évoquer l’importance de l’économie. Ainsi, les sciences sociales sont convoquées pour apporter des explications sur ce qui se passe ou ce qui ne passe pas entre la société et « la science », pour faire le lien entre « la science » et la société.

Qu’en est-il des objets propres aux sciences sociales, des méthodes utilisées et parfois très diffusées (comme les forums hybrides qu’a théorisé Michel Callon par exemple), des approches et des problématiques renouvelant une question de société, de la réflexion à mener par toutes les sciences sociales en amont de questions politiques donc fondamentalement éthiques ? Quelle ville, quel monde avons-nous construit, construisons-nous, voulons-nous ? Quelle mobilité développons-nous ? Quelle idée de la nature, pensée comme un objet construit par les sociétés et non comme une fatalité, véhiculons-nous ? On s’entend facilement objecter que les sciences sociales n’ont ni méthodes stabilisées, ni concepts légitimés, ni théories universelles, qu’elles sont peu fiables, qu’elles ne posent jamais d’acquis « définitif ». Il est facile de démontrer le contraire, en faisant appel à la construction des méthodes historiques ou sociologiques : par exemple, et en amenant la réflexion sur « la » science, entendez, pour les ressortissants des sciences sociales, les sciences appelées « dures » (sciences biophysiques et mathématiques) : ces sciences sont-elles définitives, ont-elles des méthodes ou des objets stables, consistent-elles en autre chose qu’une construction, y compris lorsqu’il s’agit de la classification des éléments ?

Pourquoi cette argumentation est-elle donc si peu souvent développée ? Les sciences sociales peuvent-elles devenir au regard de la société, qui constitue leur objet, un interlocuteur ? En d’autres termes qui peuvent agacer, les sciences sociales se soucient-elles de leur propre promotion dans la société, de leur marketing ?

Depuis une quinzaine d’années, les sciences biophysiques font, elles, l’objet de nombreuses initiatives comme Science and Society. En Suisse par exemple, une fondation lancée par Charles Kleiber, Science et Cité, est fondée sur la même conviction qu’il faut informer les citoyens et dialoguer avec eux. Dans ce pays, la démocratie directe a mis en évidence cette urgence, à travers notamment une votation qui, dans les années 1990, menaça les budgets de la recherche biologique. La réaction des Universités et Écoles Polytechniques Fédérales est aujourd’hui visible : un travail permanent avec les médias permet aux innovations de « la » science d’être connues et valorisées, dans une société qui vote régulièrement sur des questions complexes.

Concernant les sciences sociales, aucune initiative ne semble jamais avoir été menée, ici ou ailleurs. N’en auraient-elles aucun besoin, n’y aurait-il aucun enjeu ? Sur ce dernier point, nous avons évoqué plus haut le lien constitutif des sciences sociales à la société. Quant aux besoins, les recherches bénéficient de budgets pourtant faibles par rapport aux sommes investies dans la recherche biophysique. Les chercheurs en sciences sociales, les revues de sciences sociales, ont l’habitude d’un dénuement qui aboutit peut-être à ne pas laisser penser quelques incontournables : qu’une enquête fine, probante, demande des moyens importants ; qu’il est nécessaire de bénéficier de programmes adaptés et puissants pour en traiter les résultats. Ou encore que la formalisation et la diffusion d’idées, de méthodes d’accès à une réflexion sur nos propres sociétés, nécessitent des outils performants, coûteux, afin d’être efficaces.

Dans un objectif de valorisation au sein de leur société, pour une efficience croissante et pour leur propre pertinence, c’est aux chercheurs en sciences sociales qu’il revient de prendre l’initiative.

On pourrait donc se donner comme programme les points suivants : 1. Développer l’importance des sciences, en tant qu’elles tendent à saisir un monde fondamentalement complexe ; 2. Faire prendre conscience de l’importance des sciences sociales. Ce qui, après tout, revient à : 1. De la part des sciences sociales, promouvoir les sciences au pluriel, dans notre société.

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Un forum a été organisé en mars par la Commission européenne. Il s’appelait « Science in Society ». Depuis 2000 la Commission a mis en place un Plan d’Action élaboré pour que soit promue « la science » au sein du public, afin que les citoyens prennent de bonnes décisions, des décisions informées. Il s’agit ...

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Authors

Emmanuelle Tricoire

Elle a été professeure d’Histoire, de Géographie et d’Éducation civique dans l’enseignement secondaire à Metz, à Marseille où elle a participé à la revue pédagogique La Durance, et à Paris. Elle a collaboré à l’ouvrage La carte, un enjeu contemporain, La Documentation Photographique, 2004, avec Jacques Lévy et Patrick Poncet et travaille sur l’idée d’Europe dans l’Est européen. Rédactrice en chef d’EspacesTemps.net, elle travaille à l’interdisciplinarité dans l’enseignement et la recherche à la faculté Enac de l’Epfl (École Polytechnique Fédérale de Lausanne).

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