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Serendipity.

Pragmatique de la mémoire et enquête sur les régimes de mémorialité.

Illustration : Victoria Pickering, « The BIG Maze », 25.08.2014, Flickr (licence Creative Commons).

Illustration : Victoria Pickering, « The BIG Maze », 25.08.2014, Flickr (licence Creative Commons).

Au regard de sa redécouverte en France par les historiens au début des années 1980 (Nora), puis de sa reprise en sociologie par le renouveau des études halbwachsiennes (Lavabre, Marcel, Jaisson), de sa renaissance en philosophie (Ricœur, Todorov) et en anthropologie (Candau) au cours des années 1990-2000, et plus récemment de son actualisation dans le domaine de la science politique (Bertrand, Gensburger), on pourrait penser l’objet « mémoire » saturé. De plus, presque deux décennies de travaux engagés dans le sillage du programme interministériel de recherche Cultures, villes et dynamiques sociales ont largement promu la mémoire en instance de renouvellement des approches antérieures en termes de culture et de patrimoine (Bruston) concourant in fine à ce même effet de saturation. Enfin, la mémoire est devenue une préoccupation forte, d’une part pour nombre d’acteurs professionnels ou associatifs, dont certains la mobilisent parce qu’ils ont en charge la conservation du passé (musées, mémoriaux…), d’autres la convoquent comme un instrument de concertation ou de gestion (politique de la ville, aménagement urbain) voire comme une ressource pour le développement local (développement territorial) ; d’autre part pour nombre de collectifs qui en ont fait un objet de lutte pour la reconnaissance. Cette histoire récente a, qui plus est, été marquée par une intrication forte des milieux de la recherche et d’autres milieux professionnels, associatifs ou militants, ayant entretenu équivoques et confusions quant à un objet-mémoire constitué à la fois en thème de recherche, ressort de l’action publique et terrain d’engagement critique.

Pour autant, l’engouement mémoriel contemporain ne constitue pas nécessairement un motif pour se détourner désormais du domaine de la mémoire au profit de nouveaux modes de conceptualisation ; il peut être bien au contraire un motif d’implication. En effet, les dispositifs multiples auxquels donne lieu cette préoccupation aujourd’hui largement partagée par une grande diversité d’acteurs, sont à appréhender comme autant de sites où se négocie ce qui a valeur de mémoire. De sorte qu’il y a, nous semble-t-il, matière à reprendre le chantier de la mémoire à l’aune d’une approche pragmatiste attentive précisément aux diverses enquêtes qui prolifèrent dans le monde social, aux arts de faire et aux épreuves publiques qui la font advenir en tant que telle. Cette perspective nous semble être d’autant plus à l’ordre du jour que force est de reconnaître la relative pauvreté des études pragmatistes actuelles sur le phénomène mémoriel et, par-delà, le peu d’intérêt manifesté par les grandes figures du pragmatisme [1] à l’égard de la mémoire. En ce sens, une approche pragmatiste de la mémoire ne peut se prévaloir d’une tradition d’études dans ce domaine ni même d’un équipement conceptuel déjà élaboré et prêt à l’emploi ; elle ne saurait simplement procéder de l’affiliation théorique. Bien plutôt, elle est pour ainsi dire appelée par les caractéristiques du terrain que l’on vient d’évoquer. Mais ce qui est alors adéquat, du pragmatisme, c’est une épistémologie, une politique, en l’occurrence une théorie de l’enquête (Dewey 1993) plutôt qu’une théorie de la mémoire, inexistante. En sorte qu’il appartient à ceux qui empruntent cette voie de devoir reconstruire une armature théorique ad hoc, ainsi que le fait remarquablement dans cette Traverse Johann Michel, en avançant par exemple les notions de « trouble mémoriel », de « mémoire publique », de « public mémoriel ».

L’apport considérable que l’on pourrait tirer de perspectives pragmatiques ou pragmatistes, aussi variées soient-elles (qui justifie cette proposition de Traverse), consiste à saisir le phénomène mémoriel non comme un objet déjà constitué dont il s’agirait d’examiner les usages ou comme un phénomène réduit à son indexation à un arrière-monde (cadres sociaux, structures sociales, champs de force…), mais comme quelque chose qui se détermine, se spécifie dans le cours d’activités pratiques en train de se faire et qui, par conséquent, est observable et descriptible. Nullement portée à voir dans la mémoire une entité stable, bien identifiée, dont les propriétés sont indépendantes des usages qui en sont faits et à la constituer ainsi en « boîte noire », une telle perspective implique au contraire de postuler que nous ne savons pas a priori ce qu’il peut en être de cette entité puisqu’il s’agit précisément d’interroger la manière, pour une part idiomatique, dont elle est instanciée dans des contextes variés. Elle implique également de mettre au centre de la démarche l’enquête telle qu’elle est pratiquée par des acteurs engagés dans des projets mémoriels ou simplement confrontés à la nécessité de mobiliser des ressources mémorielles et de les agencer pour agir. Ainsi conviendrait-il de parler non de « mémoire » comme de l’objet à traiter par l’enquête sociologique, mais de « mémorialité » comme de ce avec quoi sont aux prises les acteurs ou instances engagés dans des entreprises mémorielles, ce qu’il leur appartient de spécifier et d’instruire par l’enquête, de faire tenir et de rendre sensible par des agencements pratiques. Paraphrasant Dewey, on pourrait dire de la mémorialité qu’elle est le problème qu’ils ont à résoudre dans la situation qui est la leur. En ce sens l’enquête — ou l’instruction de la mémoire — devient l’opérateur de détermination de ce qui vaut mémoire : non pas tant parce qu’elle révèlerait un stock de données cachées, mais parce qu’elle fait exister la mémoire selon des modes qu’il s’agit alors de spécifier et au terme d’épreuves publiques de vérification qu’il convient d’analyser.

Ce sont ainsi différents régimes de mémorialité qu’explorent les contributions rassemblées dans cette Traverse. Par cette expression, nous voulons désigner la pluralité des cadres praxéologiques par où s’instancie de la mémoire, par où en somme cette entité vague acquiert sa déterminité, dans le cours d’une certaine sorte d’activité pratique et au travers des épreuves spécifiques qu’elle engage [2].

Un premier régime, organisationnel, peut être identifié comme correspondant à des activités soumises à l’épreuve de la totalisation où la mémoire est un vaste corpus à constituer et à organiser en vue de produire certains effets. L’analyse minutieuse effectuée par Benjamin Tremblay de l’activité déployée au sein du Rize, Centre Mémoires et Société de Villeurbanne en propose un cas de figure prototypique dans la mesure où la vaste entreprise mémorielle de collecte engagée là à l’échelle de la cité répond au mot d’ordre : « Avec nos mémoires, faire société », et que ce n’est donc rien moins qu’une sociogenèse qui est attendue de l’assemblage des mémoires. C’est le même travail continu de mise en ordre en vue d’une performance qu’effectue ce néo-conteur dont Anne-Sophie Haeringer interroge les arts de faire et dont elle montre combien son « art de l’à-propos » en est tributaire. On pourra s’étonner que soient ainsi réunies « mémoire individuelle » et « mémoire collective » mais il nous importait, en premier lieu, de ménager une place dans cette Traverse à une enquête explorant à nouveaux frais le domaine des arts de la mémoire dont on pourrait dire que bien avant l’heure, ils ont donné lieu à une pragmatique de la mémoire. En second lieu, dans la perspective pragmatiste qui est la nôtre, la présumée différence substantielle de l’individuel et du collectif importe moins que cette homologie : là où il s’agit de mémoire individuelle, c’est dans la totalisation de cette mémoire que se forme l’individualité du conteur ; là où il s’agit de mémoire « collective », c’est dans la totalisation de cette mémoire qu’est présumé prendre corps le sujet collectif qui en serait le suppôt.

La question de la part des dimensions individuelle et collective engagées dans le phénomène mémoriel est également au cœur des deux contributions de Béatrice Fraenkel et de Gérôme Truc, l’une et l’autre consacrées à la mise en mémoire du 11 septembre 2001 ; événement qui, plus que tout autre, a fait date — au point qu’une date en tienne lieu ! — et constitue dans cette mesure une scansion majeure du temps public [3]. C’est un régime que l’on peut qualifier d’émotionnel qui s’en dégage, correspondant à des expériences publiques (Quéré 2002) qui sont autant d’épreuves de contemporanéité. Dans le cadre expressiviste où elle s’inscrit alors, la mémoire se ramène au souvenir-avec de l’événement et au partage public de l’émotion individuelle qu’a suscitée ce dernier, que ce soit de manière anticipée, dans les « promesses de mémoire » apparues spontanément dans les rues de New York au lendemain des attentats (Béatrice Fraenkel), ou par l’effet du dispositif mémoriel installé depuis lors sur le site (Gérôme Truc). Davantage qu’une mémoire de l’événement (expression référant à deux entités existant indépendamment l’une de l’autre, consécutivement), il s’agit là d’une événementialité mémorisationnelle couplée à une mémorialité événementialisatrice ; d’une part, au sens où les témoins directs se sont rendus mutuellement perceptibles la teneur et la grandeur événementielle de ce qui arrivait par des manifestations expressives tout à la fois publiques et mémorielles orientées vers un horizon d’attente plus encore que commémoratif, commémorationnel ; d’autre part et inversement, au sens où les dispositifs venus performer la prophétie mémorielle ramènent leurs visiteurs à leur propre expérience vécue du 11 septembre. Au regard de ce qui peut donner corps à la notion classique de « mémoire collective », il importe, dans une perspective pragmatiste, de souligner combien, en dépit du fait que la plupart aient été le fait d’initiatives individuelles, les « promesses de mémoire » initiales ont revêtu un caractère conjoint, public et en ce sens collectif (elles n’ont été effectuées par tel ou tel individu que parce qu’on les effectuait) et combien la mémoire anticipée invoquée par chacun est à son tour fondamentalement collective (untel se souviendra parce qu’on se souviendra). Notons encore qu’une telle « mémoire collective » n’est aucunement tributaire de l’existence substantielle d’un macro-sujet de type durkheimien ; le semblant d’individu collectif qui en constitue le suppôt est au contraire instancié dans le cours même de la dynamique engagée par les « promesses de mémoire », pour autant précisément que l’acte de discours qu’est la promesse joue un rôle déterminant dans la constitution éthique de la personne (Ricœur 1990) et pour autant encore que la promesse dont il s’agit ici porte sur la mémoire dans laquelle, depuis Locke, il est convenu de voir le critère déterminant de l’identité personnelle : comme si l’événementialité dont il s’agit là était aussi grosse de l’émergence d’un nouveau sujet collectif qui (ne) consisterait (que) dans une contemporanéité immédiatement éprouvée par tous les témoins et indéfiniment vérifiée depuis lors par tous les visiteurs.

Dans l’espace des politiques mémorielles, comment faire droit à une mémoire singulière, en l’occurrence celle de l’esclavage ? Dans le cadre de la procédure de sa patrimonialisation, comment faire droit aux mémoires multiples indexées au même lieu, en l’occurrence la prison Montluc à Lyon où furent enfermés nombre de résistants, dont Jean Moulin, mais où furent également guillotinés plusieurs militants du FLN ? Prenant en charge ces préoccupations, les contributions de Johann Michel et de Marie-Thérèse Têtu explorent pour leur part des terrains où la mémoire peut être appréhendée sous un régime de pluralité, que l’on peut encore qualifier d’agonistique, de façon à indiquer que les pratiques mémorielles qui s’y déploient suscitent ou réactivent des tensions pouvant être violentes, voire font l’objet de luttes qui sont des luttes pour la reconnaissance (Honneth 2000). En ce sens, les épreuves qu’elles ont à traverser sont proprement des épreuves de reconnaissance, au regard tant de la vérité historique des faits dont il y aurait à se souvenir que de l’identité culturelle et morale de ceux qui sont engagés dans la lutte mémorielle. Même s’il est bien encore question d’événement public avec les commémorations du 23 mai étudiées par Johann Michel, c’est une tout autre acception du public qui est à l’œuvre, non plus adverbiale mais substantivée : pour ceux qui en appellent au souvenir des « victimes de l’esclavage colonial » et se définissent corrélativement comme « descendants d’esclaves », il ne s’agit en effet pas seulement de manifester leur émotion en public, mais de se constituer ce faisant en un public — de constituer ce faisant le public. Au plan théorique, cette acception substantivée du public correspond à la perspective deweysienne selon laquelle un public — le public — n’existe jamais qu’en fonction de problèmes qui a) s’originent dans certaines activités sociales ayant des conséquences indirectes suffisamment « étendues, persistantes et graves » (Dewey 2010) pour affecter les conditions d’existence d’un grand nombre de personnes étrangères à ces activités et pour que le contrôle de leur source et de leurs effets mérite un effort collectif de régulation ; b) mettent en jeu, en tant que tels, « les conditions de l’association », c’est-à-dire approximativement les conditions du vivre ensemble, les cadres normatifs de la vie sociale ; c) donnent lieu à enquête pour les déterminer, objectiver la réalité des dommages qu’ils occasionnent, mettre en cause, le cas échéant, les pouvoirs établis, proposer des solutions. S’inscrivant rigoureusement dans cette perspective, Johann Michel s’attache à analyser les modalités selon lesquelles les commémorants du 23 mai problématisent publiquement le trouble mémoriel et identitaire qui est le leur et se constituent proprement, ce faisant, en un « public mémoriel » ; l’originalité de sa lecture deweysienne tenant à ce que le caractère indirect des conséquences affectant ce public-ci demande à être apprécié dans le temps et non, comme souvent, dans l’espace [4]. La tonalité deweysienne n’est pas moindre dans la contribution de Marie-Thérèse Têtu, qui se marque cette fois jusqu’au plan pratique de l’activité de recherche dont il est rendu compte. En effet, alors que l’enquête sociologique de Michel porte sur la constitution d’un « public mémoriel » auquel il appartient d’instruire sa propre enquête permettant d’établir la réalité de son pâtir ou encore la responsabilité historique de l’État français, c’est l’enquête sociologique même engagée par Têtu qui, de par le caractère collaboratif que lui confère le recours à l’outil numérique, est constitutive de publics ou, tout au moins, concourt à une pluralisation des publics et qui, ce faisant, performe démocratiquement une conception pluraliste de la mémoire.

Enfin, on aura noté qu’un certain effet d’identification est attaché à ces différents régimes mémoriels, pour autant que la mémoire y est toujours celle d’un sujet ; selon que son individualité est tributaire d’une totalisation de sa mémoire, selon qu’il se constitue en sujet mnésique sous le coup de la puissance interpellatrice d’un événement considérable, ou selon qu’il est impliqué dans la reconnaissance d’une mémoire à laquelle il est attaché. Or, c’est précisément cette association entre mémoire et identité que tâche de défaire le film de Jérémy Gravayat auquel est consacrée la contribution de Dominique Belkis et Michel Peroni ; un film dont on peut dire, en ce sens, qu’il consiste proprement en une épreuve de désidentification ou bien encore, de subjectivation paradoxale. Comme c’est aussi le cas pour celle de Marie-Thérèse Têtu, l’originalité de cette contribution tient pour partie au rapport qu’elle expérimente entre l’enquête sociologique d’inspiration pragmatiste et les diverses variétés d’enquêtes profanes que peuvent susciter les enjeux mémoriaux dans le monde social ; non cette fois en venant impulser et nourrir la dynamique sociale et démocratique d’enquête, mais au contraire en emboîtant le pas à ce qu’il s’agit précisément de reconnaître comme étant déjà l’œuvre d’un enquêteur à part entière, menée sous format esthétique, et à teneur ontologique. L’enquête sociologique quant à elle porte alors sur cette activité — cinémato-graphique — dans le cadre et les limites de laquelle c’est un autre mode d’existence de la mémoire, paradoxal, fictionnel, qui est exploré, pour autant qu’il en est attendu des effets politiques de subjectivation. De la mémoire improbable qui se trouve par là figurée, on peut donc dire qu’elle est saisie sous un régime ontologique.

Abstract

Dans une perspective pragmatiste, ce n’est plus proprement de « mémoire » dont il convient de parler, comme de l’objet à traiter par l’enquête sociologique, mais de « mémorialité » comme de ce avec quoi sont aux prises les acteurs ou instances engagés dans des entreprises mémorielles : ce qu’il leur appartient de spécifier et d’instruire par l’enquête, de faire tenir et de rendre sensible par des agencements pratiques. En ce sens, les contributions rassemblées dans cette Traverse explorent différents régimes de mémorialité : organisationnel, émotionnel, agonistique et ontologique.

Bibliography

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Notes

[1] À l’exception peut-être de Mead (The Philosophy of the Present), encore que c’est surtout dans des conférences tardives et dans des fragments non publiés de son vivant qu’est abordée la question de la mémoire, et pas véritablement comme une question spécifique, mais dans le cadre d’une évaluation des implications philosophiques de la théorie de la relativité (cf. Joas 2007).

[2] Nous prenons donc cette expression dans une acception sensiblement différente de celle que lui donne Denis Peschanski (2012) qui l’emploie, quant à lui, à propos de la mémoire sociale de la Deuxième Guerre mondiale pour désigner sa structuration par des grandes figures : celle du héros pendant des décennies, avant que la figure de la victime, et singulièrement de la victime juive, prenne le relais au début des années 1980.

[3] Nous devons cette expression à l’approche pragmatiste de l’événement public de H. Moloch et M. Lester : « Les collectivités humaines créent […] à leur usage des démarcations temporelles présumées être partagées par tous ceux qui sont considérés et se considèrent eux-mêmes comme des membres compétents de leur collectivité. Nous adopterons l’expression “temps public” pour représenter cette dimension de la vie collective qui permet aux communautés humaines d’en arriver à posséder un passé, un présent et un futur structurés dont la perception est supposée être partagée. De même que l’histoire d’une vie individuelle a pour éléments de base des évènements privés, de même le temps public se constitue au moyen d’évènements publics. Ainsi, la teneur de la conception qu’un individu se fait de l’histoire et de l’avenir de sa collectivité finit par dépendre des processus de construction des évènements publics comme ressources pour la discussion des affaires publiques » (1996, p. 26-27).

[4] Précisons qu’à partir de Dewey, on peut tout aussi bien concevoir le public sur un mode indéfini (un public), à la manière de Johann Michel dans sa contribution à la présente Traverse, que sur un mode défini (le public), à la manière par exemple de Louis Quéré (2002) dans son analytique de l’expérience publique. Ces deux lectures ne sont pas antinomiques ; elles réfèrent chacune à une phase différente d’un même processus. Dans un cas, le public est défini comme correspondant à un ensemble de personnes affectées ; dans l’autre, il ne s’agit pas de tel ou tel collectif réel mais du public des citoyens, soit d’un « personnage fictif » qui en vient pour un temps à être incarné par tel ou tel collectif réel et qui constitue le « garant supposé du respect d’un certain nombre de droits et d’obligations fondamentaux, de la reconnaissance de nouveaux droits et de nouvelles obligations, ou encore de la sauvegarde des principes au nom desquels peuvent être justifiées des interventions visant à articuler et à hiérarchiser les activités sociales concernées » (ibid., p. 154).

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