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Serendipity.

Le Sénat, du territoire aux citoyens.

Image1Au terme des élections régionales et cantonales de mars 2004, il apparaît que le débat fut surtout national et que le traitement médiatique, mais aussi politique qui en est fait ne présente pas de distinction claire entre l’enjeu politique dont il est question et la fonction politique de ces élections. Est-ce à dire qu’il est communément admis que le citoyen ne vote pas en connaissance de cause et que l’élection des représentants régionaux et départementaux n’est pas l’enjeu des élections régionales et cantonales ? Finalement, les rôles des régions ou des départements semblent être considérés à la hauteur des budgets qui leur sont alloués. Cette élection s’apparente à un vaste sondage d’opinion, qui se distingue par son exhaustivité relative. C’est dire si le rôle des institutions est méconnu de ceux qui en élisent les membres. Il est une autre institution, le Sénat, qui partage cette distinction. En revanche, le Sénat n’a pas le privilège de faire l’objet de tant de considérations. Probablement parce que ses membres sont élus au suffrage universel indirect et que ces élections se font dans la plus grande discrétion.

Le Sénat est pourtant une institution singulière sur bien des sujets, connu pour son rôle dans le vote des lois proposées par le gouvernement et l’Assemblée nationale ou de sa propre initiative, il reste cependant difficile d’en savoir plus sans être initié et familier des locaux du 15, rue de Vaugirard. Bien que méconnu, le Sénat jouit pourtant d’une réputation tenace. Inscrit dans des temporalités longues et désynchronisées du reste de l’activité politique (ses membres sont élus pour 9 ans et renouvelés par tiers tous les trois ans), on lui reproche aussi de représenter davantage le territoire que les citoyens alors que l’urbanisation croissante a considérablement modifié la représentativité nationale des maires et des conseillers municipaux (le suffrage privilégie ces derniers qui occupent plus de la moitié des sièges). Si la fonction du Sénat est bien de représenter les collectivités locales, cette vision cache pourtant le fait que les sénateurs sont souvent élus pour leur singularité plus que pour leur représentativité. L’activité et la dynamique de cette institution, dont le rôle est aussi de contrôler l’activité du gouvernement sous forme de questions, de déclarations ou d’investigations, sont de toute façon au cœur de la politique française. Si le gouvernement peut adopter une loi à l’encontre de la position du Sénat (un peu plus de 10% des cas), il ne peut le dissoudre à la différence de l’Assemblée nationale. Son activité intéresse donc à juste titre les citoyens, au même titre que les régions ou les départements, et il serait regrettable que, là encore, le débat ne porte pas sur des informations précises et bien documentées.

Le Sénat entend participer lui-même à cet objectif en proposant un site Internet « au service des citoyens ». En utilisant cette formule et en ne faisant pas référence directement aux collectivités territoriales, le Sénat souhaite créer une passerelle entre le citoyen et son activité, afin de réduire la distance imposée par le suffrage indirect. De ce point de vue, l’objectif est en grande partie atteint pour peu que les personnes intéressées s’approprient l’outil et l’information ainsi mise à leur disposition. Cette institution essaie de dépasser sa représentativité territoriale en rappelant qu’elle est surtout au service de tous les Français.

En cela, le site du Sénat est tout à fait exemplaire. Si l’initiative s’inscrit dans une logique croissante de mise à disposition des informations légales de l’activité politique, le Sénat a visiblement envisagé sérieusement cet objectif. Au-delà d’une simple présentation de l’institution, ce site en présente les membres et surtout leur activité. La page d’accueil informe entre autres sur les ordres du jour, l’actualité parlementaire, les dernières publications et les projets ou les propositions de loi. Il est aussi très aisé d’accéder aux rapports ou aux comptes rendus de débats. On y découvre aussi le rôle et l’activité de la délégation du Sénat pour l’Union européenne ou les études de législation comparée européennes classées selon 30 thématiques. La qualité de ce service trouve son intérêt dans la possibilité d’accéder à l’intégralité des documents avec une facilité déconcertante. Manifestement, le site n’a pas été conçu pour rendre cette information peu accessible et peu lisible, mais au contraire, pour en faciliter la recherche et la lecture. Il est aussi expliqué précisément comment contacter un sénateur, par courrier ou par courriel. Enfin, pour peu que le Sénat soit en session, il est possible de suivre le débat en vidéo, même si la qualité de cette transmission reste cependant moindre que celle proposée par la chaîne télévisuelle. Il reste alors la possibilité de se rendre sur place pour une simple visite ou avec l’intention de participer aux séances publiques, dont les modalités d’accès sont elles aussi clairement expliquées. Les détails vont jusqu’à proposer des liens vers les sites de la Sncf, de la Ratp, mais aussi des services informant en temps réel sur les embouteillages. Comment ne pas y voir un excès de bonne volonté ?

Si l’on ne saurait acquiescer la formule du président du Sénat, à l’occasion de la fête de l’Internet, alors qu’il confirmait la « fin de la géographie » avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, on peut sans hésitation reconnaître l’effort de cette institution qui offre avec ce site une occasion d’en savoir plus sur son activité. Par exemple, il est possible de consulter en détail la loi portant sur le principe de laïcité, mais aussi les amendements qui ont été proposés, ainsi que le compte rendu intégral des débats rendus en séance publique. Il est également possible de consulter le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique et celui relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Ces deux projets, qui font l’objet de nombreux débats parmi les utilisateurs « avertis » d’Internet, les fournisseurs d’accès et les hébergeurs, sont pourtant tout à fait méconnus par ailleurs. Le premier sera voté en deuxième lecture le 6 avril à partir de 22h, alors même que de nombreux points intéresseraient le plus grand nombre. Il est question dans ces projets de loi, du statut juridique du courrier électronique, du rôle du CSA ou de la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d’accès vis-à-vis des contenus illicites. Le site présente l’intégralité des textes, les rapports, les amendements et les débats, en première et en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Ainsi, comment rester indifférent au rôle de cette institution ? Son site nous rappelle qu’elle change. Depuis la réforme adoptée en juillet 2003, il a été décidé qu’à partir de 2010, les sénateurs ne sont plus élus pour 9 ans, mais pour 6, la limite d’âge d’éligibilité passe de 35 à 30 ans, et le renouvellement ne se fera plus par tiers, mais par moitié. En outre, le nombre de sénateurs sera augmenté de 22 sièges afin de « mieux respecter la représentation des équilibres démographiques et des collectivités territoriales ». Ces mesures seront prises progressivement à partir des prochaines élections qui ont lieu en septembre 2004. Mais surtout, l’actualité de ce site montre que cette institution jugée vieillissante légifère aussi sur les problématiques les plus récentes et les plus dynamiques. Initialement, la loi pour la confiance dans l’économie numérique, déposée par le gouvernement, comportait des passages qui imposaient un contrôle de l’information qui n’existe actuellement qu’en Birmanie, en Chine et en Iran. De nombreuses modifications y ont été apportées par le Parlement, au point de rendre cette loi nettement plus applicable au regard du contexte socioculturel et économique d’un pays comme la France. L’ensemble des amendements, des rapports et des débats confirme que cette loi a été beaucoup plus controversée que ne le fut celle sur le principe de laïcité dans l’enseignement public qui fut adopté en première lecture. Il apparaît aussi que le Sénat fut à l’origine d’amendements dont la teneur fait état d’une compréhension plus approfondie des enjeux socio-économiques que ne le fit l’Assemblée nationale. En première et en deuxième lecture, le Sénat s’est en effet opposé à l’obligation de surveillance des contenus par les hébergeurs, en insistant sur le fait que cela n’était techniquement et économiquement pas viable, mais aussi sur le fait que l’obligation de surveillance est contraire à la directive européenne que cette loi est censée transposer, contrairement à ce qui était avancé par l’Assemblée nationale. Le traitement médiatique de ces projets de loi fut pourtant presque inexistant, alors même que des points très discutables restent peu discutés, comme le rôle du Csa ou la capacité des fournisseurs d’accès à interdire l’accès à un site étranger dont le contenu est illicite en France. Si cette loi est indispensable et que le travail du Parlement fut d’une grande richesse, il est regrettable que de tels enjeux ne soient pas débattus plus largement. Indiscutablement, le site du Sénat, mais aussi celui de l’Assemblée nationale, a permis à des entreprises, des associations et des citoyens de s’informer et de présenter leurs positions. Sur ce point, le Sénat a aussi fait remarquer en première lecture qu’un article de la loi, tel qu’il était formulé, interdisait de débattre sur les lois en utilisant Internet. Cette modification n’ayant pas été prise en compte par l’Assemblée en deuxième lecture, le Sénat propose une seconde fois un amendement sur le sujet. En cela, la mise à disposition des informations relatives à l’activité du Parlement offre une réelle opportunité d’information et de débat, indispensable au fonctionnement de la démocratie. Internet ne permet pas pour autant de jouer le rôle des médias de masse et ce constat confirme, s’il en est besoin, qu’Internet offre surtout un potentiel qui ne demande qu’à être actualisé. De là à dire que tout cela est virtuel, il y a un pas que nous ne ferons pas !

Le site du Sénat

Quarante-quatre ans du Sénat…

Projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique

Projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle

Les études de législation comparée

La fin de la géographie

Abstract

Au terme des élections régionales et cantonales de mars 2004, il apparaît que le débat fut surtout national et que le traitement médiatique, mais aussi politique qui en est fait ne présente pas de distinction claire entre l’enjeu politique dont il est question et la fonction politique de ces élections. Est-ce à dire qu’il est ...

Bibliography

Notes

Authors

Boris Beaude

Géographe, il est spécialisé dans la géographie d’Internet et enseigne à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il prépare une thèse sur la dimension spatiale d’Internet et plus particulièrement sur le piratage de ressources musicales. Il fait partie de la Rédaction d’EspacesTemps.net, où il est responsable du Site du mois.

Partnership

Serendipity.

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