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Serendipity.

Berlin, métropole culturelle.

Boris Grésillon, Berlin, métropole culturelle, 2002.

Image1Nous livrant une lecture de la ville de Berlin, Boris Grésillon s’attache à montrer la pertinence de la géographie pour comprendre non seulement un lieu mais aussi l’ensemble de la société qui le constitue.

Berlin est une ville atypique, ne serait-ce que par le fait qu’elle a un centre géographique constitué des périphéries de la partition d’après-guerre ; ainsi « l’œil s’étonne de repérer un vide en guise de centre » (p. 5). Outre le choix de ce cas particulier, la spécificité dans cette recherche est l’angle d’attaque utilisé : la culture. Cependant, il convient ici de bien comprendre de quelle culture nous parlons. C’est en décortiquant épistémologiquement le terme en général et la géographie culturelle en particulier, qu’il contribue à faire avancer cette dernière en optant pour la création artistique : fondamentalement urbaine, à plusieurs facettes mais dont aucune ne doit être mise de côté puisque étant toutes en interrelation, souvent en interaction. L’auteur analyse donc la culture « in », officielle dirions-nous, aussi bien que la culture « off », non officielle et surtout moins accessible au grand public. Dans ce dernier pan, l’importance du terrain prend toute sa dimension.

Au terme de ces considérations constituant la première partie du livre, une problématique générale est posée : Berlin est-elle une métropole culturelle ? Pour tenter d’y répondre, il convient de comprendre le contexte culturel de la ville. L’auteur va se livrer à une analyse géohistorique très intéressante pour comprendre « l’exception culturelle berlinoise » que nous connaissons aujourd’hui. Cette démarche mérite d’être soulignée, car encore peu de travaux sur les lieux manient à la fois les échelles géographiques et historiques. Les processus décrits nous conduisent à mieux saisir les jeux des divers acteurs et leurs effets sur la « ville chantier » qu’est Berlin, « laboratoire de la réunification », réunification ô combien difficile.

Une sorte d’état des lieux est ensuite dressé ; nous percevons une ville pleine de contrastes et de spécificités. Traitant divers groupes sociaux (Ossies et Wessies, jeunes et moins jeunes, riches et plus modestes, homosexuels, étrangers…), l’expérience de l’auteur de différents milieux semble souvent procéder de pratiques et d’enquêtes des plus entreprenantes. C’est le cas des raves, connues pour la difficulté qu’ont les non-initiés à trouver les lieux où celles-ci se produisent, du fait même de leur illégalité mais aussi dans l’optique de drainer un public spécifique et motivé.

Fort de ses observations, Boris Grésillon nous présente un Berlin où, malgré les tensions entre communautés, la centralité se construisant peut avoir des vertus intégratrices où les différences se mêlent pour créer et donc se dépasser. « Le couple altérité-centralité, ou altérité dans la centralité, est l’un des ferments de la métropolité berlinoise » (p. 178). Cependant, quant aux pôles culturels, c’est la polycentralité qui apparaît, redessinant le Berlin d’avant la chute du Mur (Mitte et Charlottenbourg), en plus de la construction d’un nouveau centre (Postdamer Platz). La culture doit s’adapter, être en perpétuel mouvement face au processus de gentrification ou aux décisions de puissants acteurs. « Tant à l’échelle de l’agglomération qu’à l’échelon du quartier, la redistribution géographique des cartes culturelles est frappante » (p. 225). De plus, une différence fondamentale se fait entre les « arts vivants », dynamiques et jouant le rôle d’éclaireur social, et les arts plastiques, plutôt statiques et vecteurs de différences identitaires. Si l’on met en regard la densité d’équipements culturels et celle de la mobilité idéologique et géographique des genres artistiques, Berlin semble avoir inventé son propre modèle de ville culturelle, son Sonderweg [1].

Mais l’accès au statut de métropole suppose que ce modèle soit reconnu et puisse « s’exporter ». L’auteur change d’échelles, confrontant la situation de Berlin à celles de Hambourg et Munich, au niveau national, puis à celles de Londres et Paris au niveau international. Le premier niveau trace un bilan très mitigé de la réunification allemande, où Berlin semble être « l’exception contestée ». Le second fait de Berlin une capitale marquée, seulement, par la « métropolité ». C’est-à-dire que dans un trinôme, Berlin, ville de création, Londres, ville d’avant-garde et de transition, et, Paris, ville de consécration, la première fait tout de même figure de mauvais élève en passant majoritairement à côté du très gros potentiel venant de l’Est et devenant ainsi essentiellement une ville de représentation. L’auteur termine alors en mettant en cause les représentants politiques, les élus de la capitale, acteurs qui n’identifient pas le problème ou ne s’en saisissent pas, et ne peuvent ainsi comprendre ou mobiliser les moyens à mettre en œuvre.

L’ouvrage passionne par son sujet et par la façon dont celui-ci est traité : effort de conceptualisation, de synthèse et d’écriture. Cependant, certains pourront lui reprocher de trop se démarquer de la géographie culturelle de Paul Claval, et plus généralement du culturalisme anglo-saxon. Mais il semble aussi légitime que certains dépassent ou créent « un autre chemin » à investir pour faire avancer la recherche, explorant ainsi d’autres grilles de lecture.

Abstract

Nous livrant une lecture de la ville de Berlin, Boris Grésillon s’attache à montrer la pertinence de la géographie pour comprendre non seulement un lieu mais aussi l’ensemble de la société qui le constitue. Berlin est une ville atypique, ne serait-ce que par le fait qu’elle a un centre géographique constitué des périphéries de la ...

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Notes

[1] Un autre chemin en allemand, Boris Grésillon l’emploie pour désigner le contre-modèle culturel, architectural et urbain que tente d’être la capitale de Berlin (p. 278).

Authors

Caroline Broc

Documentariste, étudiante en maîtrise de géographie à l’université Paris 7.

Partnership

Serendipity.

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