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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

Politiques culturelles des États européens : pour une nécessaire refondation.

Image : Gustave Caillebotte, Le pont de l’Europe, 1876, Petit Palais, Genève ©. Merci à Mark Harden’s Site.

Image : Gustave Caillebotte, Le pont de l’Europe, 1876, Petit Palais, Genève ©. Merci à Mark Harden’s Site.

En 1980, une plaisanterie britannique faisait du poste de responsable du Bureau des Arts et des Bibliothèques (Office and Arts and Libraries), ancêtre de l’actuel ministère anglais de la Culture, une sorte de retraite anticipée… Depuis les années 60, on a ainsi vu la fonction de ministre de la Culture osciller entre un rôle symbolique et une mission diplomatique à usage interne, destinée à s’attirer les bonnes grâces de professionnels souvent critiques à l’égard des systèmes en place. Les mutations opérées dans les relations culturelles internationales et les pressions économiques à l’œuvre depuis deux décennies ont conduit les titulaires du portefeuille « culture » des pays ouest-européens à devenir des ambassadeurs de l’excellence nationale ainsi que des arbitres précautionneux entre l’affrontement d’intérêts corporatistes divergents. Dans cette perspective, la coexistence/coopération entre les politiques culturelles des États membres, engagée sous les auspices de la construction européenne depuis les années 1980, tend à concurrencer les relations diplomatiques culturelles traditionnelles (Roche, 1998) [1].

Quels que soient l’ampleur des moyens et le type d’organisation adoptée, les gouvernements d’Europe occidentale affichent, à partir des années 60, des ambitions comparables dont les séquences se repèrent chronologiquement : démocratisation culturelle puis démocratie culturelles (1950-1980), appui à la professionnalisation du secteur et prise en compte de l’environnement économique et industriel de la culture (1980-1990), généralisation de l’attention au secteur privé et débat sur le renouvellement des politiques culturelles dans un contexte de globalisation économique et de développement des technologies de l’information et de la communication, attention contradictoire aux processus interculturels (1990-2000). Quoiqu’à des degrés divers, la culture « consacrée » est perçue comme objet puis dimension des politiques publiques. En outre dans un éventail ouvert à une gamme de disciplines de plus en plus nombreuses, le métier de ministre de la Culture devient multiforme. Forcément schématique, cette présentation ignore les contradictions et les décalages à l’œuvre d’un pays à l’autre. Elle a seulement pour objectif de suggérer qu’au-delà de différences politico-administratives, maintes fois soulignées, certains objectifs communs ont été liés à l’évolution même du champ culturel et de son rôle économique et social. Bien entendu, les « retrouvailles » avec l’Est de l’Europe ont pesé d’un poids significatif dans la nouvelle donne continentale à partir des années 90. Pourtant, elles ont moins d’influence directe sur les stratégies culturelles publiques nationales que sur les flux et les nouvelles orientations des milieux artistiques et des organisations non gouvernementales.

De 1970 à 1990 : des dispositifs divergents pour des objectifs comparables.

Deux principes s’imposent dès lors que l’on traite de politique culturelle. D’une part, les dispositifs mis en place résultent grandement de l’organisation politico-administrative en vigueur dans les États concernés, d’autre part, la perception même du rôle de la culture dans les sociétés européennes, varie d’un pays à l’autre. Si l’on met à part le statut historique de la culture en France relevant d’une « fusion » entre État/nation et culture et le rôle essentiel de la culture « française » dans l’émergence d’une identité nationale laïque et républicaine (Djian, 1996), l’on trouve en Europe toutes les nuances de la palette [2], sachant que la taille des pays constitue aussi un critère déterminant.

Jusqu’en 1992, l’administration culturelle du Royaume-Uni s’appuyait principalement sur l’existence du Arts Council (Conseil des Arts) créé en 1946, dont la marge de manœuvre vis-à-vis du gouvernement et des députés était grande, avec des objectifs assignés de façon très lâche, et une indépendance proclamée, doublée d’une complicité affinitaire avec les cercles de la culture dominante et les équipes politiques au pouvoir (Collini, 1992). Pour le reste, les Britanniques ne manquaient pas de rappeler que les arts relevant d’une affaire privée, les principales institutions culturelles du pays — bbc, National Trust, etc. — étaient nées d’initiatives purement privées, relayées ensuite par la signature d’une Charte royale. Ils soulignaient aussi le rôle éminent joué en matière artistique et culturelle, par le bénévolat associatif (charities), les fondations (trusts) ou le partenariat des entreprises.

La continuité du discours officiel durant cette période, ne doit pas faire oublier qu’en 1964, la travailliste Jennie Lee, devenue Secrétaire d’État aux Arts, avait publié un Livre Blanc sur la politique culturelle, triplé en neuf ans le budget du Conseil des Arts et présidé à la refonte de sa charte dans une optique plus affirmée de démocratie culturelle (Devlin et Hoyle, 2001). Mis à part cet épisode, l’exception britannique jouait un rôle symbolique dans la vision des différences radicales entre les approches nationales européennes.

Entre 1950 et 1980, des administrations spécialisées voient le jour. La diversité de leur dénomination illustre les disparités : arts ou culture, biens culturels, tourisme et spectacles ou bien-être, santé et affaires culturelles, sciences et culture, religion et culture sans oublier le sport ni le couple éducation/culture, les responsabilités administratives varient dans leur forme et dans leur philosophie : tantôt les appellations sous-entendent le primat exclusif donné à une stratégie artistique ou patrimoniale, tantôt le vocable de culture souligne l’attention à une forme de démocratisation culturelle, liée aux traditions d’éducation populaire comme en France ou aux fondements de la social-démocratie comme en Suède. Par ailleurs, la répartition des responsabilités varie : les États nordiques, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Irlande confèrent à leur administration culturelle nationale un rôle d’orientation générale, le gros des décisions en matière de subventions et de gestion revenant à des conseils spécialisés dans lesquels siègent des professionnels et des artistes. En Italie, l’éclatement des compétences culturelles entre deux ministères et la présidence du Conseil, démontre la prudence de l’État. En outre, plusieurs pays s’engagent dans une décentralisation culturelle dès les années 70 : la Norvège en 1967, l’Irlande en 1973, la Suède en 1974, pour ne citer que ces exemples. L’on trouve donc dans ces pays une combinatoire entre des organismes privés ou parapublics investis de compétences culturelles nationales et une large autonomie des collectivités territoriales, an particulier les communes. Enfin, dans la plupart des États concernés, le ministère des Affaires étrangères gère les affaires culturelles extérieures, l’enseignement artistique est du ressort de l’Éducation, le statut des artistes dépendant des administrations du Travail et des Affaires sociales.

En Europe occidentale, dans les années 80, les différences administratives peuvent se résumer à trois principaux systèmes : centralisme et/ou décentralisation, administration directe ou « à distance », fédéralisme. On compte alors au nombre des États centralisés avec un ministère de la culture prédominant, la France, la Grèce, le Portugal et le Luxembourg. Les administrations nationales passent des accords plus ou moins étendus avec les collectivités territoriales, en acceptant une dose inégale de décentralisation, voire d’autonomie : Espagne, Italie, Suède, Pays-Bas. La délégation de l’exécution des tâches à des organismes indépendants du ministère, le fameux principe « d’administration à distance » (arm’s length) est diversement représenté par la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark et la Finlande. Enfin la fédéralisation ou « communautarisation » des compétences culturelles — et souvent éducatives — génère l’existence d’exécutifs liés aux territoires fédérés : Rfa, Autriche, Belgique. Bien entendu, aucun de ces modèles n’existe à l’état pur, ni selon les mêmes principes : le arm’s length britannique s’est longtemps distingué de l’administration à distance nordique, laquelle l’encadrait dans des contrats très précis, contrairement à ce qui se passait au Royaume-Uni. Quant à la France, elle a progressivement combiné déconcentration et signature d’accords avec les collectivités locales. Enfin, si l’Italie a mis trente ans, selon Carla Bodo, à faire entrer dans les faits les principes de la décentralisation de 1947, elle a reconnu, dès l’après-guerre, un « statut spécial » — y compris linguistique — à un certain nombre de régions. Quoi qu’il en soit, Antonio Ca’Zorzi peut conclure dans son rapport remis à la Commission des Communauté européennes en 1987, que la plus grande disparité règne en Europe, du point de vue des politiques culturelles, en termes de moyens. Celles-ci émanent de l’évolution des sociétés européennes et du type de « contrat social » privilégié : confiance dans la société civile et le privé en Europe du Nord, au Royaume-Uni et en Europe du Nord, à la notable exception de la Suède) ; affirmation des pouvoirs publics régionaux et locaux (fédéralisme allemand et « communautarisation » belge) ; persistance d’un modèle national public affirmé, progressivement appuyé sur des partenariats avec les collectivités territoriales (Grèce, France, Luxembourg, Portugal).

Jusqu’à la fin des années 70, le primat est donné au patrimoine et aux arts du répertoire.

Le primat donné au patrimoine comme fondement de l’identité nationale — et dont l’État constituerait le garant — est évident dans de nombreux pays. C’est le cas de l’Italie, comme le note Mario d’Angelo en 1997 : « La politique culturelle de la période 1945-1955 était fondée sur un objectif majeur : le patrimoine, que ce soit le bâti, les beaux-arts ou le spectacle. Il fallait avant tout restaurer, protéger, conserver et transmettre la tradition ». L’Autriche elle-même illustre cette tendance dans ses politiques culturelles, malgré des tentatives pour valoriser le rôle social et contemporain de la culture. La Grèce retrouve une politique culturelle démocratique avec Mélina Mercouri, sous le signe du patrimoine. C’est l’un des fondements — quoique non exclusif — de la France d’après-guerre. Au Royaume-Uni, le malthusianisme financier de l’État le conduit à privilégier, via le Conseil des Arts, une politique du patrimoine dans le domaine des arts vivants — opéra, orchestres de chambre, théâtres de répertoire etc. — tout au moins jusqu’en 1967. Un deuxième principe fondateur est parfaitement illustré par le modèle socio-démocrate tel qu’il se développe en Suède en 1974 : accès de tous à la culture et ouverture progressive à des formes d’art contemporaines en particulier le spectacle vivant, encouragement aux associations de spectateurs ou de lecteurs, la culture étant ici considérée comme un droit dont tout citoyen peut se prévaloir. L’Autriche joue un rôle pionnier dans l’application de ces principes avec la création en 1989, du Service culturel autrichien, Öks, organisme autonome spécialisé dans la médiation entre milieux artistiques et enseignants. L’Allemagne illustre aussi cet attendu, avec une politique de démocratisation culturelle menée à l’échelle des Länder et des villes, quoique de façon inégale. En Suède comme en Allemagne, le théâtre de répertoire constitue l’un des fondements de la conscience nationale. À leur sortie de dictatures qui avaient muselé ou laissé en jachère les expressions artistiques, l’Espagne et le Portugal se rallient au principe de démocratisation culturelle, sans toutefois bénéficier des forces vives capables de la relayer dans la société civile, à la notable exception de régions comme la Catalogne ou le Pays basque. Ainsi, le principe même de démocratisation culturelle — non autoritaire dans son idéal — reste lié à l’exercice du pouvoir central au Portugal, alors que grâce à son volontarisme décentralisateur, le gouvernement espagnol contribue à fabriquer des sphères autonomes de démocratisation dans les régions. Le troisième principe est celui essentiellement illustré par la Belgique et les Pays-Bas : le champ d’expression de la culture contemporaine ne coïncide pas — ou plus — avec les limites géographiques et linguistiques assignées à l’État. Il convient donc d’encourager toutes les expressions artistiques, de quelque origine qu’elles soient, à condition qu’elles enrichissent l’espace public national. Ce principe est très bien illustré par les Pays-Bas, traditionnellement ouverts au pluralisme et aux activités culturelles internationales. Le cas de la Belgique est plus ambigu : si le pluralisme semble prévaloir dans la phase où les communautés autonomes cherchent à s’affranchir de l’État fédéral, l’on assiste depuis les années 90, à une relative « renationalisation » au profit de chaque communauté. Il reste que comme les Pays-Bas, la Belgique est une terre ouverte à de multiples influences. Terre plurilingue, le Luxembourg revendique également cette mosaïque d’expressions. Enfin la Suède développe une politique multiculturelle dont les difficultés tout comme les avancées sont source d’enseignement.

Beaucoup de pays européens mettent en place des dispositifs publics de soutien au cinéma. Si la tutelle du cinéma ne relève pas systématiquement des ministères de la Culture et reprend les formes « d’administration à distance » déjà observées, il n’en reste pas moins que, durant ces années, les pays européens se montrent sensibles à l’intérêt de promouvoir leur cinéma national ou leur industrie cinématographique puis audiovisuelle. La défense de l’expression nationale du 7e art se double du désir de compétitivité économique.

Les apories de la démocratie culturelle.

Dans les années 60, l’insistance mise sur la démocratisation entend concilier soutien aux arts labellisés comme participant de la « haute culture » et accès du plus grand nombre. Cette politique repose sur le primat de la « haute culture », comme mode d’éducation [3] pour le plus grand nombre. On neutraliserait ainsi l’effervescence artistique en s’efforçant « d’intégrer » au système ses représentants les plus en vue. Certains États membres se livrent à des appréciations chiffrées de l’assistance au spectacle, de la visite des musées, de la lecture. Support de la légitimation des politiques publiques, ces estimations laissent dans l’ombre toute une partie de l’activité culturelle et artistique. Surtout elles ne rendent pas compte des paramètres sous-jacents qui caractérisent la relation aux œuvres. La démocratie culturelle surgit alors comme contestation de la démocratisation culturelle, mais également porteuse de considérations qui supposent résolu le problème. La démocratie culturelle britannique s’efforce de réconcilier les deux acceptions du mot culture — artistique et anthropologique — en postulant que les individus ou les communautés pouvaient prendre leur vie en main grâce à la culture (Owen, 1998). En bref, là où la démocratisation culturelle peine à articuler politique artistique et culturelle, la démocratie culturelle émergente, d’abord soucieuse de favoriser l’accès de diverses minorités à l’espace public, aboutit, malgré elle, à fabriquer des contre-pouvoirs et des « niches identitaires alternatives », dès lors exploitables ou récupérables par des idéologies très diverses, allant du régionalisme linguistique et culturel à la culture « des jeunes » via le populisme de gauche comme de droite (Maffesoli, 2000). Pourtant le terme et la pratique sont repris dans une perspective intégratrice en Allemagne, en Autriche, en France ou en Italie — souvent à l’échelon local pour ne citer que ces quelques exemples. Ce nouveau principe donne lieu à des initiatives intéressantes, dans le domaine de la reconnaissance des langues régionales ou minoritaires comme en Finlande, Italie, Suède, Autriche, Belgique, Italie et Espagne. À titre d’exemple, en Autriche, par exemple, les droits culturels et linguistiques des minorités croates et slovènes ont été constitutionnellement reconnus dès 1955. Le gouvernement espagnol a engagé dès 1977, une reconnaissance culturelle et linguistique de certaines communautés reconnues comme « historiques » : la Galice, l’Andalousie, le Pays basque et la Catalogne. Enfin, le gouvernement italien a reconnu dès 1947, l’existence de régions à « statut spécial » : Sardaigne, Sicile, Frioul-Vénétie-Julienne, Val d’Aoste. Conséquence : la création d’écoles, de stations de radio et de télévision, de journaux et d’éditions dans les langues des régions concernées. (Bennett, 2001).

La culture, promesses et périls.

Une étude de la Commission européenne intitulée Culture, Industries culturelles et Emploi, chiffre en 1995 à 2 500 000, — 3 000 000 si l’on inclut les métiers d’art — le nombre d’emplois culturels existant dans les quinze pays de l’Union. Entre les années 80 et 90, la croissance de l’emploi culturel a été plus forte que dans les autres secteurs : + 24% en Espagne entre 1987 et 1994, + 36,9% en France entre 1982 et 1990, + 34% au royaume Uni, + 23% dans certains Länder allemands durant la même période. Certes, à l’exception des métiers du patrimoine, la plupart des emplois créés sont précaires, dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Mais il n’en faut pas plus pour dépouiller partiellement la culture de son rôle « spirituel » et la regarder d’un œil neuf. Cette nouvelle donne, ajoutée au fait que l’on assiste à partir de la fin des années 80, à la crise de représentation de l’État-providence, conduit les différents États membres à trouver des solutions nouvelles en faisant de la fonction même de ministre de la Culture, non plus un emploi subalterne ou hautement symbolique, mais une figure de gestionnaire-arbitre entre les différentes composantes de la vie artistique et culturelle, face aux opportunités et aux pressions nouvelles. Ainsi l’Union européenne se couvre de ministres qui vont apprendre les uns des autres.

Ministre de la Culture, un métier utile.

De 1959 à 1985, la fonction reste diversement valorisée, selon les pays. Au Royaume-Uni et en Irlande, les titulaires des fonctions culturelles administratives cultivent une modestie de bon aloi, compte tenu des faibles financements dont ils sont titulaires (en 1986, le financement public culturel du Royaume-Uni représente 0,22% du budget de l’État (Ca’zorzi, 1987). Pour d’autres raisons, les ministres nordiques et néerlandais se vivent comme des fonctionnaires au service d’une mission collective qui transcende leurs personnes, le socle symbolique du système culturel étant représenté par les artistes et les professionnels de la culture. C’est plutôt en Europe du Sud — France incluse — que la fonction revêt une aura particulière, à la notable exception de l’Italie. André Malraux en France, puis Mélina Mercouri et Jorge Semprun en Grèce et en Espagne. Leur arrivée coïncide avec la nécessité de donner un signal fort de « récupération » nationale, après des années sombres : la dictature en Grèce et en Espagne. Ils rehaussent leur fonction autant qu’ils l’occupent. Sans doute sont-ils aussi choisis comme des figures internationales de premier plan. Mélina Mercouri rêve d’une Grèce européenne comme Jorge Semprun s’efforce de faire dialoguer l’Espagne avec le reste du continent… Leur action est-elle à la mesure de leur image ? Peut-elle l’être ? Comme dans le cas d’André Malraux, Jorge Semprun subit des critiques tout au long de son investiture et dès son arrivée, en particulier sous la plume de journalistes madrilènes.

Du rôle symbolique à la fonction de gestionnaire.

Entre 1980 et 1990, l’importance prise par les médias et les industries culturelles ainsi que la compétition internationale qui les affecte, le développement foudroyant des activités culturelles dans un contexte de concurrence accru, conduisent les ministres ou les responsables culturels à devenir les arbitres de revendications professionnelles divergentes et à inventer de nouvelles formes de soutien indirect, en vue de garantir la compétitivité des activités culturelles nationales sur les marchés mondiaux. Les expressions culturelles collectives aux frontières de l’amateur et du professionnel « s’effacent » pour nourrir l’idée d’un professionnalisme individuel. Les intermédiaires se multiplient et se spécialisent. Toute une génération de nouveaux gestionnaires se développe. Parallèlement, les pressions et promesses du marché suscitent la création d’un nouvel avatar de la démocratie culturelle. La figure de Jack Lang se situe à la charnière entre deux figures du ministre de la Culture : l’ancienne, dans la lignée d’un Malraux, où le rayonnement personnel d’un ministre confère à sa fonction une visibilité nationale et internationale. La nouvelle, dans laquelle le titulaire de la culture conjugue son expérience artistique avec ses connaissances de juriste pour réaliser une œuvre en accord avec les nouvelles nécessités du marché. Alors qu’il obtient le doublement du budget du ministère de la Culture, Jack Lang « achève de liquider » symboliquement l’éducation populaire et les activités associatives, pour concentrer ses efforts sur les artistes « professionnels » et sur les technologies de l’information et de la communication. Par son charisme et sa connaissance des dossiers, Jack Lang agace ou séduit. La bruyante conversion de la France à la modernité culturelle — une interaction sans précédent de la relation entre économie et culture, notamment dans le secteur des industries culturelles — inspire à long terme Britanniques, Italiens, Espagnols et Allemands. Lui-même s’est appuyé sur les pratiques d’autres pays, notamment pour l’instauration du prix unique du livre. Le prix unique du livre existait depuis 150 ans au Danemark, de longue date aux Pays-Bas et plus récemment en Allemagne sous forme d’accord interprofessionnel lorsqu’il a été instauré en France. À son tour, la mise en place d’une loi en France a inspiré l’Allemagne, l’Autriche et la Grèce.

Modification des organigrammes sur fond de stagnation budgétaire (1990-2004).

Les années 90 sont placées sous le signe de nombreuses réformes et mutations dans les administrations culturelles européennes. Quatre facteurs se conjuguent au même moment : la stagnation de la plupart des budgets publics consacrés à la culture, l’apparition de figures ministérielles dans des pays où cette tradition n’existait pas, le développement d’une globalisation économique qui prétend augmenter à l’infini les parts de marché des entreprises multinationales, les mutations socio-politiques en Europe centrale et orientale dont l’Allemagne devient le laboratoire. La plupart des ministres investis de leurs nouvelles fonctions se réfèrent à la nécessité d’une coopération européenne accrue, tout en faisant de la culture nationale un enjeu renouvelé. Walter Veltroni, ministre des Biens culturels et porte-parole de la présidence en Italie — de 1996 à 1998 —, met en avant le rôle du ministère dans la consolidation d’une identité nationale. De même en Rfa, la réunification suscite une volonté d’arbitrage fédéral, malgré les résistances des Länder. L’art et la culture ne sont-ils pas « le fondement même d’une base de la continuité de l’unité de la nation », selon les termes de l’article 35 du Traité de réunification ?

Les ministres du Patrimoine national (1992) puis de la Culture, des Médias et des Sports (1997) prennent leurs fonctions dans un Royaume-Uni, réduit aux seules dimensions de l’Angleterre. Enfin, suite à la publication en 1987 d’un Livre blanc intitulé Acces and opportunity, A White paper on Cultural Policy, et sans doute aussi inspirée par l’exemple britannique, l’Irlande se dote en 1993 d’un ministère des Arts, de la Culture et des Régions de langue gaélique. À sa tête en 1997, Sile de Valera, petite fille de Eamon de Valera, Président d’Irlande de 1959 à 1973, laquelle engage une politique volontariste. D’autres font officiellement référence aux nécessités européennes. Ainsi les ministres des Pays-Bas et d’Autriche prennent la tête d’un secrétariat d’État réformé dans l’optique d’une meilleure communication européenne. En même temps, la nécessité de trouver des moyens complémentaires en associant le privé, naît dans l’esprit de plusieurs ministres — Angleterre, Italie, Espagne, Portugal. L’une des fonctions des nouveaux titulaires est de gérer la fin de l’État-providence. Un article d’El Pais commente en 1996 la stagnation voire la régression des budgets publics en faveur de la culture, à la notable exception de l’Italie, soit une augmentation de 9,67% sous la houlette de Walter Veltroni, lors de la création du ministère unique des Biens et des Activités culturels en 1996, mieux doté que ses prédécesseurs. Les auteurs du rapport International Data on Public Spending on the Arts confirment en 1998 ces tendances générales, en isolant deux situations particulières : celle de l’Unification allemande qui a conduit l’État fédéral à augmenter ses dépenses en faveur des nouveaux Länder, ainsi que l’augmentation substantielle survenue en Irlande, mais « à partir d’un niveau très bas ». « Les années 90 ont été caractérisées par des pressions croissantes sur les budgets publics en faveur des arts et des musées, et, dans certains cas, cela a conduit à des réductions importantes au niveau central et local », commentent-ils.

Des politiques culturelles de plus en plus instables.

Ainsi la bagarre pour l’augmentation des budgets culturels nationaux devient, dans les années 90, une lutte pour leur maintien, face à des opinions peu informées de la réalité du travail artistique. On en veut pour exemple, en France, le passage de la direction de l’Architecture du ministère de l’Équipement à celui de la Culture et de la Communication. En outre, la formidable technicisation du débat éloigne de quelques principes sur lesquels opinions et courants politiques sont loin de s’accorder. Mais il y a sans doute plus grave : les politiques culturelles nationales se sont construites dans le temps, avec la possibilité, jusque dans les années 90, de mettre en perspective les différentes priorités et mutations, voire de les anticiper. Ce qui se passe depuis une dizaine d’années laisse le sentiment que malgré des initiatives intéressantes, les administrations culturelles sont condamnées à répondre aux événements de façon strictement défensive. « Bien que les politiques culturelles tentent de s’adapter aux nouvelles circonstances, les mesures récemment prises semblent trop fragmentaires. […] Le système des politiques culturelles est devenu instable », commentent les auteurs de Creative Europe en 2002. Si le portefeuille de ministre a gagné une place dans les arènes nationales, cet avènement signifie-t-il pour autant que les grandes questions de la vie culturelle soient plus présentes dans le quotidien ? Rien n’est moins sûr. On a pu le constater lors des élections législatives qui ont lieu aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche et au Danemark dans les années 2000. Auprès d’une partie de l’opinion, il a été relativement facile à certains responsables de partis xénophobes de « retourner comme un gant », les présupposés d’une politique culturelle démocratique pour montrer que les appareils d’État imposaient une dictature culturelle (Autriche), que les artistes devaient être libérés de cet autoritarisme et que c’était aux citoyens de décider de ce qui leur convenait en matière artistique et culturelle (Pays-Bas, Italie). Ce revirement s’est conjugué avec le poids de la culture de divertissement pour proposer de réserver les financements publics aux seuls représentants du patrimoine national — musées, théâtre de répertoire, écrivains consacrés, ensembles folkloriques —, en prétendant abandonner aux lois du marché la plupart des activités contemporaines. Ainsi des pans entiers des sociétés européennes ont renoué avec une conception étriquée de la culture : populaire-nationale et « d’un bon goût figé ». Cet appauvrissement permet de refermer l’imaginaire national sur une vision passéiste et intemporelle, un « Disneyland sociologique », selon l’expression de Dragan Klaic en 2002. Mais il se fonde aussi sur une démagogie antiartistique. On retrouve ici tous les poncifs éculés de l’artiste comme parasite, menace pour l’ordre établi et la cohésion « nationale ». La rhétorique social-démocrate du rôle social de l’art sonne ici malheureusement creux, parce ses tenants s’en sont souvent tenus à une vision technocratique des activités culturelles, très en-deçà des pratiques de terrain et des nouveaux métissages artistiques de tous ordres, portés par des associations trop souvent ignorées par les pouvoirs publics.

Il convient pourtant de s’interroger sur le rôle aujourd’hui possible d’une administration publique de la Culture. Il convient aussi de rappeler que, quelle que soit l’organisation politico-administrative, ce sont les communes qui, dans la plupart des pays ouest-européens — y compris en France — assurent la majorité des financements culturels. Ainsi c’est bien une vision plus audacieuse de la politique partenariale qui paraît souhaitable entre les différents échelons de la puissance publique. Mais le rôle fédérateur des ministres ne s’arrête pas là : aujourd’hui, le soutien à la culture passe autant par des voies indirectes (fiscalité directe et indirecte, législation, statut des artistes) que par le soutien budgétaire direct. Or ces chantiers sont engagés de façon très inégale dans les pays européens. S’ils ont fait l’objet en France de mesures multiformes depuis 1981, ils rencontrent des sollicitudes diverses ailleurs : la Suède, les Pays-Bas, le Danemark et la Finlande se sont montrés de longue date attentifs au statut des artistes et de professionnels de la culture. C’est beaucoup moins le cas en Espagne, en Italie, au Portugal et en Grèce. De même, le prix fixe du livre — tradition de l’Europe nordique — ne relève pas de préoccupations prioritaires au Sud de l’Europe, même si des avancées notables ont été réalisées au Portugal et en Grèce sur ces questions. Le débat communautaire sur le service public de télévision a montré les divergences à l’œuvre entre la France, l’Allemagne d’une part et le Portugal, l’Italie et l’Espagne de l’autre, pour ne citer que ces exemples. Dans la plupart des pays ouest et est-européens, des organismes pour le mécénat d’entreprise ont été créés là où ils n’existaient pas. En Allemagne, Espagne, au Portugal et en France, des lois pour le mécénat des entreprises ont été créées et refondues, ces dernières dix années. À l’instar des accords passés entre les différentes sphères de la puissance publique, le rapprochement esquissé entre gouvernements et entreprises ou fondations d’entreprise apparaît un objectif convergent des pays européens.

Vers un partenariat public/privé ?

Le mécénat ou parrainage des entreprises a fait l’objet de réformes successives en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie. Comme on le constate d’après les chiffres produits par les différents États et par le Cerec (Comité Européen pour le Rapprochement de l’Économie et de la Culture), la plupart de ces financements vont au patrimoine, à la musique classique et aux arts visuels de référence, aux grandes expositions, à l’exception notable de l’Irlande et du Royaume-Uni où une longue tradition d’intervention privée tend à étendre la palette des soutiens aux activités contemporaines. Par ailleurs, les tendances observées depuis le début des années 90 montrent que les financements culturels des entreprises tendent à marquer le pas au profit d’activités sociales ou humanitaires, éventuellement mieux perçues par leurs salariés, en plein déploiement de « plans sociaux ». Enfin les fondations réunies au sein de Nef (Network of European Foundations) regrettent le manque de concertation en matière d’incitations fiscales et de partenariat public/privé. Il reste que, comme nous l’avons indiqué, des lois nouvelles ont été votées dans plusieurs pays européens dont l’Allemagne, la France et l’Espagne. En outre, les expériences de financement culturel grâce aux différentes loteries — Pays-Bas, Finlande, Belgique, Irlande, Royaume-Uni, Italie, Danemark, certains Länder allemands, etc. — font l’objet de trop rares commentaires, à l’exception des travaux entrepris dans le cadre du Cerec et de ceux de Circle, publiés en 2004. L’Admical française a permis de conférer au mécénat d’entreprise un certain prestige et une visibilité. Chemin faisant, si elle n’a pas elle-même été à l’origine d’un développement spectaculaire des financements privés pour la culture, son exemple est repris à l’échelle régionale et locale pour des partenariats directs entre banques, entreprises et institutions culturelles — festivals en premier lieu.

Vers une complémentarité entre les divers niveaux de décision.

Les États fédérés supportent une partie des financements culturels, quoique de façon variable. Aux termes de la loi constitutionnelle en vigueur en Belgique comme en Allemagne, et des compétences qui leur sont dévolues en Espagne, au Royaume-Uni ou en Italie (notamment au titre des régions à « statut spécial »), États fédérés ou régions ont vocation à orienter les politiques culturelles et les valider à leur échelle. En matière artistique et culturelle, les communes jouent souvent le rôle d’innovateur en matière d’élargissement des publics et d’accueil de nouvelles expressions artistiques. C’est le cas en Allemagne depuis les années 70 (Pongy et Saez, 1992). On retrouve cette capacité d’initiative en Italie, en France, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède et plus récemment au Portugal et en Grèce. Il s’agit souvent de capitales ou de grandes villes, parce qu’elles disposent de marges de manœuvre supérieures mais le phénomène concerne de plus en plus les villes moyennes, voire les petites villes, comme en Espagne. Il semble que la capacité d’attention aux formes d’art non labellisées, à la participation culturelle, à l’éducation populaire et aux activités interculturelles reviennent à ces entités petites ou grandes qui bénéficient souvent d’une expérience antérieure aux États dont elles sont ressortissantes et se trouvent moins contraints que les métropoles régionales par l’entretien d’institutions culturelles. L’idéal d’une politique culturelle nationale, revient sans doute à articuler de façon dynamique les différents niveaux de décision publics et privés — européen, national, régional, communal, secteur des entreprises et des fondations —, autrement dit à faire vivre la subsidiarité dans une acception positive. La décentralisation, parfois érigée en accessoire dogmatique du néo-libéralisme, peut s’avérer source d’inégalités et dessiner des espaces de concurrence au sein des États nations. Ainsi il importe qu’un certain nombre de principes — soutien à la création émergente, éducation artistique initiale et continue, soutien à la diffusion/distribution des œuvres émanant de sociétés indépendantes, dialogue interculturel et promotion des minorités — soient débattus à l’échelle nationale, dans un dialogue permanent avec les entités territoriales concernées et sans préjuger d’évolutions constantes.

La nécessité d’une réflexion concertée sur les statuts des artistes et des professionnels de la culture.

Les événements qui se sont déroulés en France en 2003, autour du sort des intermittents du spectacle, ont crûment révélé la fragilité d’un accord obtenu en 1969 [4], tout comme le caractère interdépendant des politiques culturelles et du statut des artistes. Comme en témoigne une étude remise à la Commission européenne en 2001, la situation des artistes et des interprètes reste précaire dans la plupart des pays et seule une minorité d’artistes vit de sa profession, la plupart exerçant un second métier parfois à plein temps. Le malthusianisme financier se doublant de la nécessité de renouveler rapidement les talents dans un contexte de médiatisation outrancière, tend à maintenir un marché de l’emploi largement surnuméraire dans lesquels les intermédiaires économiques peuvent puiser à loisir. De surcroît, la configuration aléatoire des carrières artistiques tend à dissocier de plus en plus les intérêts des employeurs de ceux des artistes auxquels ils recourent, majoritairement, il est vrai, dans le secteur privé (Menger, 2002), préfigurant ainsi un trait de plus en plus caractéristique des nouvelles formes d’emploi. Entre l’intérimaire à l’italienne et le micro-entrepreneur tel que le conçoivent les Britanniques — y compris dans les institutions artistiques reconnues —, toutes les nuances existent, générant de fortes disparités à l’échelle européenne voire dans un même pays. Ainsi en Allemagne, la crise continue que subissent les théâtres publics depuis deux décennies, conduit à des solutions drastiques au terme desquels metteurs en scène et interprètes font l’apprentissage d’une précarité nouvelle. En outre, la gestion collective des revenus des droits d’auteurs et droits voisins, génère des critiques récurrentes dans les milieux artistiques. Seule une minorité de compositeurs et d’artistes interprètes (un quart à un cinquième en moyenne en Europe) touchent les revenus générés par l’exploitation des droits d’auteurs et droits voisins. C’est finalement toute la chaîne des revenus artistiques — commandes, bourses, subventions, royalties, recettes diverses — qui semble atteinte d’une difficulté structurelle de fonctionnement, face à des phénomènes de concentration inédits en matière éditoriale, musicale et audiovisuelle. Parallèlement, l’esthétisation de toute expérience tend à faire de l’art une ambiance voire un « parfum » Un « certain art de soi » se confond, sur les écrans, avec une forme de communication publicitaire (Michaud, 2003). À l’heure où l’on fabrique en quelques semaines et sous les yeux de millions de téléspectateurs, des « stars » dans des « académies » racoleuses, en quoi la formation initiale et continue de chaque artiste reste-t-elle une nécessité pour une opinion publique devenue de longue date indifférente aux enjeux artistiques et culturels ? Fustigeant le post-modernisme qui s’est efforcé de produire une posture amorale et apolitique chez les artistes, l’écrivain britannique Haideh Daragahi dénonce la pression économique et la confusion entretenue entre les œuvres qui transgressent les limites contemporaines de l’imagination et celles qui maintiennent le statu quo.

Les artistes, salariés ou entrepreneurs ?

Créé officiellement en 1995, le Conseil européen des artistes s’est donné pour tâche d’assurer une représentation aussi large que possible des artistes — plasticiens, auteurs, professionnels du spectacle vivant — auprès des organisations européennes. Anticipant l’Élargissement, le Conseil a réalisé une étude consacrée aux conditions de travail des artistes dans seize pays européens dont l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et la République tchèque. Au-delà de la diversité des politiques culturelles, la situation des artistes se résume, selon le rapport, à une seule phrase : « Personne ne vous a promis d’en vivre ». Considérant que les représentants du spectacle vivant — du théâtre en particulier — sont mieux « traités » que les artistes visuels et les auteurs littéraires, le rapport insiste toutefois sur la faible prise en compte des spécificités artistiques à l’échelle européenne et sur le manque de mesures adaptées. Absence de contrats écrits dans le secteur privé, influence de la fiscalité sur le choix d’un statut (de salarié ou non salarié), divergences d’interprétation … Les rédacteurs de l’étude citée plus haut constatent aujourd’hui une tendance majoritaire des intéressés — artistes et techniciens du spectacle — à revendiquer un statut similaire à celui de salarié.

Des mesures dispersées.

Selon les auteurs de Creative Europe, reprenant les conclusions de travaux organisés sous la présidence suédoise de l’Union européenne en 2001, artistes et professions apparentées (design, artisanat, tourisme culturel) représentent 2 à 3% de la population active européenne. Avec quelques caractéristiques : la féminisation croissante du milieu, le rôle des artistes issus de l’immigration, la multi-activité et la généralisation de contrats à court terme, y compris dans les pays nordiques ou en Allemagne. En outre, la concentration des canaux internationaux de diffusion a considérablement accru le gap entre audiences nationales et créateurs de ces pays. Parallèlement les festivals jouent un rôle de plus en plus prescripteur, alors que leur nombre a augmenté vertigineusement en Europe. Selon les rapporteurs de Visby, 8 à 10% des auteurs et traducteurs littéraires vivent de leurs revenus d’écriture. Quant aux compositeurs de musique, les rapporteurs estiment que 15 à 20%, d’entre eux gagnent un peu plus de la moitié de leurs revenus de la composition musicale. 80% sont musiciens, enseignants ou exercent d’autres professions. Enfin, s’il fallait définir le statut de la plupart des artistes visuels, « le vocabulaire à indexer serait “précarité”, “multiactivité” et “autofinancement” », note Antoine Perrot, artiste français, Président de la Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens (Fraap). Une question enfin taraude beaucoup d’artistes : celle de la relation aux nouveaux médias. Les nouvelles communautés de travail se trouvent à l’intersection de l’art, de la science et de la technique. Les compositeurs contemporains utilisent l’informatique mais les matériels restent coûteux et difficiles d’accès. Le changement permanent des matériels et des systèmes risque de rendre les œuvres obsolètes. Que conserver et comment ? De surcroît, la plupart des institutions publiques soutiennent la digitalisation du patrimoine et des musées plutôt que la création d’œuvres contemporaines, malgré des avancées notamment en France et dans le Nord de l’Europe. Là encore, certains centres multimédias se sont organisés pour créer dont Encart (le Réseau européen du Cyber Art). Les membres de ce dernier entendent mettre en place un réseau européen d’excellence avec le soutien du ministère fédéral de la Recherche et de l’Éducation allemand.

Droits d’auteur et droits voisins en question.

Souvent inventé sous la pression des créateurs (Viala, 1985) le système de gestion collective a 150 ans d’âge. Il convient de se demander si la gestion actuelle des droits d’auteurs et droits voisins correspond aux attentes des créateurs. Ainsi le cas espagnol est énigmatique : les compositeurs y touchent à peine de quoi vivre pendant quatre mois au salaire minimum, alors que le nombre de représentations augmente et que la Sgae y est florissante. En matière musicale, le copyright semble rentable pour les seules stars, à l’instar de ce qui se passe au Royaume-Uni où moins de 3% des auteurs-compositeurs inscrits à la British Performing Rights Society ont reçu plus de 10 000 £ en 1993, alors que 80% des auteurs se contentaient de moins de mille livres sterlines par personne. Dans ces conditions, quoique source considérable de manque à gagner pour les producteurs, la piraterie ne représente pas le souci majeur des compositeurs de musique contemporaine pour lesquels la production d’un disque relève plus de l’outil de marketing que de l’enjeu commercial.

Dans un article pour Le Monde diplomatique de septembre 2001, Joost Smiers revient sur le fait que les droits d’auteur sont en train de devenir « l’un des produits les plus commerciaux du 21e siècle ». « Le système n’apparaît plus capable de protéger les intérêts de la majorité des musiciens, compositeurs, acteurs, danseurs, écrivains, designers, peintres ou metteurs en scène », lit-on encore dans le chapeau introductif de l’article. Le phénomène de concentration qui affecte une partie du secteur culturel et la « convergence » des technologies de l’information et de la communication risquent d’aboutir à ce que « seule une poignée de compagnies disposent des droits de la propriété artistique, passée et présente ». La juridisisation croissante des contrats oblige les artistes eux-mêmes à embaucher des avocats, avec des moyens beaucoup plus limités. De fait, 90% des revenus des droits d’auteurs et du droit voisin iraient à 10% des artistes. L’expansion des droits d’auteurs favorise ainsi beaucoup plus les investisseurs — éditeurs et maisons de disques par exemple — que les créateurs et les interprètes. Le système ne joue pas non plus en faveur du tiers-monde : « Ainsi le curare, le batik, les mythes et la danse lambada s’envolent des pays en voie de développement, alors que […] Lambada, le film y revient protégé par un ensemble de lois sur la propriété intellectuelle ».

« Retrouvailles » européennes et conséquences en termes de politiques culturelles.

« Nous sommes convaincus que sans une lecture correcte de l’attitude des régimes communistes passés envers la culture et l’administration culturelle, il est impossible de comprendre la logique souvent contradictoire de la période de transition, en ce qui concerne l’orientation des politiques culturelles dans la région », écrivait Corina Suteu en 2003.

Malgré la diversité des situations nationales, l’art et la culture jouaient un rôle-clé dans le système communiste de propagande. Après la période de terreur, l’État fustige la terreur inutile, comme en Hongrie. Dans ce pays, le socialisme a besoin de l’art. Il maintient donc une apparence d’autonomie pour les artistes, une liberté relative en les affranchissant de la « lutte pour la vie ». Ainsi se crée, selon Miklos Haraszti une « culture dirigée ». « Plus que de diktats politiques, il s’agit de l’intégration économique et intellectuelle de l’individu dans une organisation homogène qui embrasse la totalité de l’existence quotidienne », expliquait-il en 1977. Cette intégration offre aux artistes un rôle de bâtisseur loin des « humiliations » du marché, dans des grandes infrastructures de loisirs notoirement improductives, mais dont l’existence même constitue un signe de liberté antiéconomique. L’importance des structures et des financements mis en place dans « l’ancien régime communiste » explique aussi la difficulté de leur transformation dans la période actuelle.

Le poids de l’héritage.

Durant les années 60, les régimes est-européens ont procédé à un équipement culturel de leurs territoires : théâtres, musées, centres culturels pour les jeunes, maisons réservées aux écrivains et aux peintres, centres de congrès, etc. La médiation culturelle devient le fait d’éléments professionnellement formés et « politiquement » préparés. Les livres, entrées aux concerts ou aux théâtres sont à des prix très bas, les institutions étant totalement subventionnées par l’État et les artistes bénéficiant d’un statut de salariés permanents. La crise économique s’approfondissant dès le début des années 80, une vision moins généreuse s’instaure et différents scénarios se développent. En Hongrie, Tchécoslovaquie et Yougoslavie, un système flexible de petites organisations culturelles se développe, parallèlement aux institutions d’État. En Pologne, de 1982 à 1989, l’augmentation des crédits d’État à la culture s’efforce de juguler l’agitation souterraine des esprits. Dans d’autres pays comme les États de la Baltique, l’Albanie et la Roumanie, seuls les arts passeurs de la légitimité idéologique du régime sont subventionnés.

L’évolution des politiques culturelles est-européennes est à la fois radicale et conservatrice. L’État ne peut se désengager des nombreuses institutions surdimensionnées héritées de la période communiste. Autre source de paradoxes : la législation. En matière culturelle, cette dernière doit être revue. Pourtant, certains domaines sont abusivement privilégiés par rapport à d’autres : le patrimoine, le cinéma et l’audiovisuel, du fait de la perspective de l’adhésion communautaire. Par contre, le spectacle vivant et les arts visuels souffrent d’un abandon chronique. Enfin les lois se succèdent et se contredisent les unes les autres, suivant les volontés de leurs inspirateurs. Au terme d’infinies discussions, elles doivent être amendées, aussitôt adoptées. Les pays d’Europe centrale et orientale ont découvert la vertu des lois et l’ont idéalisée, ignorant le poids des pesanteurs sociologiques.

Le secteur non gouvernemental s’est développé lentement, essentiellement grâce aux soutiens extérieurs : Fondation européenne de la Culture, Pro Helvetia, British Council, Afaa, instituts et centres culturels français, Institut Goethe, Institut suédois, KulturKontakt, certains réseaux comme Ietm et Res Artis…

Soulignant que 35 000 000 d’euros auraient suffi à l’Union européenne pour prendre le relais du soutien de la Fondation Soros qui a permis l’émergence d’un secteur culturel « autonome mais fragile », Dragan Klaic s’inquiète en 2001, du fait que « personne n’utilise l’Élargissement comme un moyen de repenser l’Europe comme un projet culturel à long terme ». Selon cet auteur, des mesures s’avèrent urgentes pour combler le fossé d’ignorance entre les peuples des deux Europe : reconnaître le rôle central de la culture dans le développement, faire du multilinguisme la règle (et pas seulement au niveau des institutions communautaires), développer des programmes de mobilité, soutenir les réseaux culturels qui travaillent depuis quinze ans en Europe balte, centrale et orientale, privilégier les projets novateurs au détriment des actions prestigieuses… Sans doute ces mesures devront-elles se décliner à l’échelle conjointe de l’Union, des États et des collectivités territoriales. En tout état de cause, elles impliquent que des recherches paneuropéennes s’intéressent de près « à la transformation en cours de l’espace culturel européen ». À la faveur des coopérations européennes, des signes positifs apparaissent avec la mise en place de fonds indépendants des pouvoirs, dans les pays baltes et en Hongrie notamment.

L’importance sous-estimée des réseaux et associations culturelles transnationales.

À propos de transfert d’expériences et d’innovation, les États membres de l’Union européenne seraient bien inspirés d’observer de façon plus attentive l’expérience accumulée au sein des « réseaux culturels » et associations culturelles transnationales. Ces lieux d’apprentissage de l’interculturalité européenne — une centaine aujourd’hui en Europe, regroupant de 10 à 450 membres — ont expérimenté de nouvelles formes d’organisation et de coopération. Ils ont réuni des entreprises culturelles de toute l’Europe, procédé à des échanges de personnel, conduit des coproductions européennes, réalisé de nombreuses publications trop peu exploitées par les milieux académiques. Malgré leurs lacunes et l’échec de certains d’entre eux, beaucoup ont su prendre le tournant d’une mondialisation culturelle solidaire et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Selon Dragan Klaic (2005), ils représentent les premières formes de modes de collaboration transnationale qui se développeront dans les années à venir. Finalement soutenus par l’Union européenne et certains États membres, ils constituent un réservoir de savoir faire et d’analyses utilisables par les gouvernements qui pourraient leur confier des missions de production, de diffusion et d’élargissement des publics, dans le cadre de plateformes privées investies d’une mission européenne de service public de la culture. Citons notamment Trans Danse Europe, In Situ (arts de la rue), Ietm (Informal European Theatre Meeting), Res Artis (réseau international de résidences d’artistes), Banlieues d’Europe, Europa Jazz Network, Elia (Réseau européen des Écoles d’art) et Apollonia.

Au terme de ce panorama instable, un constat s’impose : les politiques culturelles des États européens peinent à remplir leurs objectifs dans des sociétés politiquement fragmentées où l’art et la culture sont perçues comme en concurrence directe avec des formes de loisirs multiples. Ainsi le bonheur kantien « désintéressé » de la relation aux œuvres ne s’impose de fait plus comme un impératif vital y compris en termes d’éducation, malgré l’inflation des discours sur le sujet. Il convient donc de replacer les politiques culturelles dans une logique intersectorielle au cœur même des imaginaires des peuples et des individus. L’éducation initiale et la formation continue en matière d’art et de dialogue interculturel s’avèrent d’une urgence criante, comme le rappelle Jean-Michel Djian (2005). La sensibilisation des jeunes générations à la propriété artistique et intellectuelle, aux conditions de la production artistique et culturelle et des échanges qui en découlent, s’avère aujourd’hui tout aussi nécessaire qu’une initiation à l’histoire des arts et à la création contemporaine — dans toutes ses dimensions. L’art a besoin de spectateurs « engagés » mais aussi de complices, au sens fort du terme. D’où l’importance du soutien aux arts amateurs et l’intérêt des expériences au travers desquelles des artistes travaillent avec des communautés, incarnant cette « culture des liens » chère à Peter Brook.

Image : Gustave Caillebotte, Le pont de l’Europe, 1876, Petit Palais, Genève ©. Merci à Mark Harden’s Site.

Résumé

Bien que les politiques culturelles nationales varient considérablement d’un pays européen à l’autre, en fonction des histoires, des sociétés et de la relation entre les États et les milieux professionnels de la culture, l’on peut identifier en Europe occidentale, quelques principes plus ou moins amplement appliqués : la nécessaire liberté artistique, la culture comme objet de politique publique, la nécessité de préserver et de restaurer le patrimoine bâti et les œuvres du répertoire national, comme autant de garants de l’exercice démocratique. Malgré des évolutions asynchrones, les gouvernements européens se sont tous dotés d’administrations en charge de la culture, soit directement liées à l’État, soit agissant dans une certaine marge d’autonomie. Inégalement, la création contemporaine a été soutenue. Enfin, la reconnaissance des cultures et langues régionales a donné lieu à la mise en place de régions jouissant d’une autonomie relative ou importante. Dernier trait commun aux pays d’Europe occidentale, les communes apparaissent partout comme les premiers financeurs des activités culturelles, entendues dans une acception large : de l’art contemporain aux initiatives socio-culturelles. Ce relatif parallélisme a d’ailleurs un impact dans les pays issus du communisme d’État — membres de l’Union ou nouveaux voisins de cette dernière. Les gouvernements de ces pays se sont dotés d’instances et de dispositifs souvent inspirés des politiques européennes occidentales. Depuis les années 1980, la montée en charge des services, la mondialisation des activités financières, les concentrations opérées dans les industries culturelles, obligent les politiques culturelles nationales à trouver de nouvelles réponses. L’on a pu ainsi parler de « politiques culturelles de plus en plus instables », car obligées d’arbitrer entre des marges financières de plus en plus réduites et des impératifs professionnels contradictoires et fragmentés. L’une des solutions le plus souvent recherchées est celle d’un partenariat tous azimuts de l’État avec l’ensemble des acteurs culturels, mais aussi les collectivités territoriales et le secteur privé. Ainsi les réseaux et les associations culturelles transnationales, les fondations et les autorités locales font preuve d’une grande détermination à s’engager dans de nouvelles actions, à l’échelle locale, européenne et internationale. Ces différents cercles d’acteurs peuvent progresser de façon intéressante, à condition que les États ne se contentent pas d’une décentralisation ou d’un désengagement de leurs fonctions traditionnelles, mais bien plutôt accompagnent et diffusent les résultats de ces initiatives. Leurs expériences aideront sans aucun doute les politiques culturelles nationales à se doter d’outils pour une meilleure coopération multilatérale. Et à progresser dans la prise en compte des nouvelles spécificités artistiques, pour une meilleure approche des relations avec les publics.

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Notes

[1] Par « démocratisation culturelle », nous entendons le principe de l’accès du plus grand nombre aux œuvres et aux connaissances labellisées comme relevant de la culture légitime ; la « démocratie culturelle » désigne, selon nous, le soutien à diverses expressions culturelles minoritaires ou dites « populaires ». Elle implique aussi une ouverture progressive du champ de la culture légitime et subventionnée à ces pratiques.

[2] Depuis la délégation des compétences culturelles à des organismes privés ou parapublics (Europe nordique, Irlande et Royaume-Uni) jusqu’à la fédéralisation (le pouvoir culturel aux Länder, Allemagne) voire la communautarisation des compétences culturelles (Belgique).

[3] Par « éducation », nous attendons l’idée d’un transfert d’expertise des professionnels vers le public, via les pouvoirs publics et les experts nommés par eux (Dubuffet, 1968), ainsi que l’intégration par la démocratisation culturelle, de catégories sociales rétives à l’ordre symbolique dominant (Certeau, 1974).

[4] Insertion des annexes 8 et 10 dans la Convention Unedic sur l’indemnisation du chômage. Cette mesure permet de faire jouer la solidarité interprofessionnelle des salariés au profit des artistes et techniciens du cinéma, du spectacle vivant et de l’audiovisuel, en reconnaissant l’enchaînement de contrats irréguliers en termes de durée et de rémunérations, ouvrant accès à des droits à l’assurance chômage pour 507 heures effectuées (jusqu’en 2003 sur douze mois), au lieu de plus de 1 000 heures dans le régime salarié général. Il s’agit d’une présomption de salariat et non d’un statut. Cette mesure qui concerne environ 100 000 personnes a fait l’objet d’un nouveau protocole en 2003, qui réduit la période de douze mois à dix mois et dix mois et demi, et modifie le mode de calcul des indemnisations en prenant pour référence un Salaire Journalier de Référence (le sjr, utilisé par ailleurs dans le régime général). En bref, ces modifications avantagent les personnes qui ont des revenus réguliers et nombreux. À terme, 30% des intermittents devraient être exclus du système. En 2005, 18 000 ont déjà été accueillis par le Fonds transitoire mis en place par le ministère de la Culture et de la Communication. (Cf. sites du Syndeac et de la Coordination des Intermittents et Précaires d’Île-de-France).

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