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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

‘Géographie’.

Article du Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, dirigé par Jacques Lévy et Michel Lussault, 2003.

Géographie.

A. Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social.

B. Objet de cette science, espace des sociétés (« espace géographique »).

A. La première définition décrit le cadre de travail des géographes d’aujourd’hui. Le mot « géographie » désigne toutefois aussi trois autres

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réalités du passé qui ont encore une résonance dans le présent :

1. La géographie comme regard à la fois empirique et théorique, rationnel, éthique, esthétique, sur l’ici et l’ailleurs, sur la Terre et le Monde, qu’on peut appeler paléogéographie, qui naît et se développe dans les civilisations méditerranéennes (Grèce et monde arabe surtout) de l’Antiquité à la Renaissance européenne.

2. La géographie comme exploration et description systématique de la Terre, qu’on peut appeler aujourd’hui archéogéographie, avec des prémisses chez les Grecs, une présence significative dans la Chine impériale, des Han aux Qing et une montée en puissance dans l’Europe du 16e au 19e siècle.

3. La géographie comme ensemble de discours combinant une étude des différents « genres de vie » selon les lieux, une idéologie nationale et une discipline scolaire. On peut nommer cet ensemble « géographie traditionnelle », « géographie classique » ou protogéographie. Elle se manifeste surtout en Europe, et tout particulièrement en France, dans la seconde moitié du 19e et dans la première moitié du 20e siècle.

Géographies.

Après l’acte inaugural d’Homère, on peut appeler géographes des auteurs qui, de Strabon à Humboldt, ont cherché à repérer, à identifier, à nommer et à expliciter les localisations, les localités et les lieux. Cette démarche, qui a une forte présence dans la Grèce antique, dans le monde arabe entre le 19e et le 14e siècle et dans l’Europe des Lumières reste présente dans la recherche systématique d’information sur les lieux (cartes, guides, dictionnaires), notamment en vue du tourisme. C’est souvent le contenu des rayons « Géographie » des librairies ou des épreuves de « Géographie » des jeux populaires. On peut également appeler géographes des auteurs qui ressortissent à la « géographie traditionnelle » ou « classique », qui s’est développée pour l’essentiel entre 1860 et 1960, avec pour centre de gravité la France des années 1880-1920. Durant cette période, l’espace n’était pas à proprement parler l’objet de l’étude. Il s’agissait plutôt d’une éthnographie systématique des sociétés rurales (les « genres de vie » de Paul Vidal de La Blache) dans le cadre d’un paradigme lamarckien privilégiant, comme grille de lecture, les différentes modalités d’adaptation de la société au « milieu » naturel. Par ailleurs, cette discipline s’est institutionnalisée dans un rapport particulier à l’État, acceptant dans de nombreux pays, la mission de naturaliser le territoire étatique et de concourir ainsi, notamment dans l’école, à la construction d’un communautarisme étatique. Enfin, cette géographie était affaiblie dès sa naissance par son refus marqué de la théorie, en contraste avec la sociologie et l’économie au même moment : la « description » littéraire – dans un cadre rhétorique proche du récit en histoire – contribuait à affranchir le raisonnement géographique de l’exigence de rigueur que les autres sciences sociales assumaient de plus en plus.

Acquis et enjeux.

Depuis les années 1960, avec un point de départ en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Suède, la géographie s’est profondément transformée, produisant, par innovations successives, son paysage actuel. On peut en résumer quelques traits significatifs. La géographie est une science sociale parmi les autres sciences sociales. L’objet de la géographie est l’espace, comme dimension de toute vie sociale. La géographie intègre à son étude de l’espace les caractéristiques générales de la complexité spécifique du social : l’historicité, la sociétalité (la société n’est pas la simple somme de ses éléments), la pragmatique (existence d’actions et d’acteurs), le rôle des langages et des représentations comme composantes majeure du réel social, à égalité avec le référent de ces langages et de ces représentation.

Enfin, forts de leur expérience récente, les géographes ont intégré la démarche réflexive, c’est-à-dire l’épistémologie interne, à partir des problèmes de la recherche, comme un aspect irremplaçable de leur activité.

À côté de ces acquis, on peut considérer un certain nombre de points en émergence ou en débat, qui constituent les enjeux du présent pour la géographie.

  • L’intégration systématique des apports des autres sciences sociales et de la philosophie dans les domaines encore peu explorés par les géographes : rôle de l’espace dans les sciences du psychisme et notamment les sciences cognitives, philosophie de l’espace, géohistoire, philosophies politique et morale appliquées à l’espace.

  • En relation avec cet enrichissement des substances, le renforcement d’une géographie analytique qui, renonçant à l’affirmation cartésienne d’un espace absolu géométrique, prenne davantage en considération l’importance de l’échelle et la diversité des métriques.

  • Une nouvelle réflexion sur la nature, conçue comme rapport social au monde bio-physique, qui, dans son principe, concerne et intéresse la géographie ni plus ni moins que les autres sciences sociales mais qui, compte tenu de l’expérience de la cohabitation entre les « branches » de l’archéo- et de la proto-géographie, peut trouver une place innovante dans le nouveau dispositif.

  • Un effort de renouvellement théorique considérable sur la carte, qui doit redevenir un point d’appui langagier pour la production et la diffusion de connaissances scientifiques sur l’espace.

  • L’ensemble des débats théoriques des sciences sociales, notamment les relations social/sociétal, communauté/société, individuel/collectif, mémoire/projet, économique/sociologique, politique/géopolitique.

  • La mise en discussion des problèmes d’objet, de méthodes et de techniques tels que la relation disciplinarité/transdiciplinarité du social, théorique/ empirique, qualitatif/quantitatif, recherche fondamentale/expertise/action citoyenne.

B. La deuxième acception du mot « géographie » se manifeste plutôt à travers l’adjectif « géographique », le nom apparaissant plus souvent, dans ce sens, en anglais (par exemple dans le titre de l’ouvrage de The End of Geography). Ce qui est géographique, c’est ce qui relève de l’espace du social (l’« espace géographique ») par opposition à d’autres espaces (physiques, biologiques, mathématiques, métaphoriques). En ce sens, contrairement à « spatial », « géographique » fournit une image globale de l’objet de la géographie et donne une connotation plus épistémologique – ce que ne peuvent pas faire d’autres disciplines qui ne disposent pas de deux mots différents pour désigner le champ et son étude : économie/économique, science politique/politique, et même histoire/historique, dans la mesure où « temporel » désigne, dans les sciences sociales, un champ plus large que celui de l’histoire ; l’usage du mot « historiographique » tend alors à combler cette lacune.

Bien évidemment, les acceptions « encyclopédique » (géographie = nomenclature des noms de lieux), naturaliste (géographie = ensemble des « conditions naturelles ») et écologique (géographie = relations « homme/milieu ») doivent être fermement bannies, sauf par ceux qui viseraient à enfermer la géographie d’aujourd’hui dans la paléo-, l’archéo- ou la proto-géographie.

Épistémologie, Épistémologie de la géographie, Espace, Histoire de la géographie.

Résumé

Géographie.A. Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social.B. Objet de cette science, espace des sociétés (« espace géographique »).A. La première définition décrit le cadre de travail des géographes d’aujourd’hui. Le mot « géographie » désigne toutefois aussi trois autresréalités du passé qui ont encore une résonance dans le ...

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