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Sérendipité.

Leurres et lueurs de la lutte contre la corruption au Bénin.

Entre crise et régulations …

06.11.2007, Flickr (licence Creative Commons).

Entre une corruption systématisée…

La fin du marxisme-léninisme et l’accession au renouveau démocratique, au début des années 1990, ont donné lieu dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, à l’aggravation et à la banalisation de la corruption. A la faveur des libertés nouvelles, des pratiques qui étaient autrefois restreintes et contenues par la superstructure dirigeante au sommet de l’État sont devenues accessibles aux agents placés dans l’infrastructure administrative. Outre le service public, la sphère privée n’en est pas exempte. La corruption a touché tous les secteurs de la vie publique : l’économie, le politique, le social, et même le culturel pour ne citer que ces dimensions-là. Dans les plus hautes sphères du pouvoir et les milieux financiers, la corruption apparaît parfois comme une crise régulatrice, un ensemble de règles pratiques convenues qui huilent la machine des relations intéressées.

Fait de société, la corruption économique est une préoccupation lancinante des gouvernements africains, du moins dans les discours. Au Bénin, malgré l’attirail des institutions internationales pour lutter contre ce phénomène, les faits de corruption économique sont légion au Bénin comme ailleurs en Afrique ou dans le monde. Non pas parce que le Bénin serait plus corrompu qu’un autre État du monde, mais parce que la recrudescence des faits de corruption devient inquiétante. Nous nous appuierons ici sur quelques faits de grande corruption économique (la privatisation de la sonacop) et la systématisation de la transhumance politique localement désignée par la terminologie des « retournements de veste » [1].

L’affaire sonacop ou l’économie infestée régulée ?

La République du Bénin, a décidé, sous l’instigation des institutions financières internationales, de se séparer de plusieurs de ses entreprises, y compris les plus rentables et celles dont la santé financière se portait à merveille. Dans ce cadre, le Bénin a voulu privatiser la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers, entreprise publique qui contribuait significativement au budget de l’État et entretenait son parc de produits pétroliers assez convenablement. Adoun et Awoudo (2007, p. 144) avancent le chiffre de sept milliards de francs cfa annuels dans les années 1994 comme contribution au budget de l’État, sachant que cette entreprise n’a jamais été exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée (tva) que l’État prélevait également. On peut souligner les 26 milliards de francs cfa de réserve de produits pétroliers contenus dans les cuves de cette entreprise à la veille de sa « privatisation », sans parler des terrains et immeubles, des réserves dans le réseau de stations-services, etc. Mieux, lors de la dévaluation du franc cfa en 1994, les prix de vente des produits de cette entreprise sont demeurés inchangés malgré le renchérissement du dollar sur le marché international. Au 30 juin 1999, la sonacop comptait 2,8 milliards FCfa de stocks jaugés, plus de 4 milliards FCfa de créances, 37 milliards FCfa en compte bancaire, et sa valeur incompressible était de 49 milliards FCfa (plus de 74 millions d’euros) (Adoun, Awoudo, 2007, p. 118).

Ce même 30 juin 1999, suite à un appel d’offres, l’État béninois cédait 55 % de ses actions dans le capital de ce géant du pétrole, autrefois monopolaire sur le marché domestique des hydrocarbures. Jusque-là, rien d’anormal en effet. Après plusieurs acrobaties et des délais procéduriers habituels, la sonacop a été adjugée à la Continentale de pétroles et investissement (cpi) du richissime homme d’affaires Séfou Fagbohoun, alors encarté dans les arcanes du pouvoir et proche du chef de l’État Mathieu Kérékou. Séfou Fagbohoun, président du madep [2], parti politique membre de la mouvance présidentielle, avait fait fortune dans les affaires entre le Bénin et le Nigéria, et collectionnait des voitures dans son Adja-Ouèrè natal où il était adoubé comme chef d’État, malgré ses difficultés à manier la langue de Molière. Il venait de réaliser sans nul doute la plus importante opération financière de sa mouvementée vie d’affairiste.

Selon les études de Transparency International Bénin conduites par Ahanhanzo-Glele en 2001, au 30 juin 1999 à la veille de l’ouverture du capital de cette entreprise par l’État béninois, elle se portait bien, regorgeait d’un stock de produits jaugés à 2,8 milliards de francs cfa, des créances de l’ordre de plus de 4 milliards de francs cfa et 37 milliards comme fonds de trésorerie ; tout ceci n’étant qu’une part de la richesse réelle de cette entreprise dont la valeur incompressible avant cession a été évaluée à 49 milliards FCfa soit 74,809 millions d’euros (Adoun, Awoudo, 2007, p. 119). De leurs investigations, Adoun et Awoudo (2007, p. 121) concluent que « cette entreprise publique cédée à moins de 16 milliards de francs cfa, vaudrait un peu moins de 50 milliards de francs cfa dont 37 milliards (plus de 56,488 millions d’euros) d’argent frais ». La cpi détenait désormais la majorité des actions et contrôlait le fleuron. Le scandale avait été éventé par la commission bancaire de l’Uemoa, Union économique et monétaire ouest-africaine, qui levant le lièvre, écrivait dans son rapport que « le montant officiel de 8 milliards 497 millions de francs cfa qui a permis l’achat des 55 % du capital de la sonacop par la Continentale des pétroles et investissements (cpi) est frauduleusement soutiré en réalité des caisses même de cette entreprise publique » [3]. Scandale confirmé par le Rapport Fandohan, du nom de l’expert Armand Fandohan commis par la Cour d’appel de Cotonou. En somme, et c’est ce que le Béninois lambda reprend et/ou comprend, « la sonacop a été achetée avec l’argent de la sonacop ». Ce sera le point de départ de l’affaire sonacop et des déboires de l’homme politique avec le pouvoir.

Analysant ces faits, il est intéressant de remarquer que nous sommes en présence d’un scandale économique, voire politique, et aux interconnexions muliples, qualifiée de « crime économique » [4] par l’ancien président de Transparency International Bénin, Adrien Ahanhanzo Glele. Pourtant, il faut souligner que la stratégie d’appropriation et/ou de cession de cette entreprise a permis en fait à un citoyen béninois en compétition avec d’autres groupes étrangers, davantage prestigieux, de mettre la main sur un patrimoine national et d’en éviter l’extraversion. En somme, c’est comme si la privatisation de la sonacop répondait à une logique de « nationalisation privée », c’est-à-dire une sorte de montage politico-économique destiné à soustraire aux grands groupes étrangers la mainmise sur un fleuron de l’économie nationale. Certes, on pourrait se demander dans quelles conditions de transparence se sont déroulées les opérations compliquées et complexes ayant justement fait penser à de la corruption, les intrigues mafieuses éventuellement organisées et orchestrées dans une telle démarche. Toujours est-il que l’on peut comprendre ici qu’au-delà de leur normativité et de la suspicion à laquelle ils donnent lieu, les faits de corruption (économique) peuvent servir de régulateurs économiques. Mieux, ces faits, dans le cas précis de la sonacop, peuvent être réinterprétés comme faisant partie d’une sorte d’économie sociale de la gouvernance publique, qui ambitionnerait de comprendre les rationalités préexistantes à certaines décisions économiques au plus haut niveau de l’État. La corruption, à travers l’affaire sonacop, peut ainsi apparaître comme le fruit d’une stratégie délibérée de l’État, ou de certains de ses acteurs, pour conserver dans le giron public des intérêts économiques vitaux, afin de s’opposer à la logique implacable d’un capitalisme dévastateur impulsé par les institutions néolibérales et le pouvoir de l’aide publique au développement. Bien sûr, ces acteurs publics qui entrent ainsi en résistance contre l’ordre économique mondial n’oublient pas d’alimenter au passage leur patrimoine personnel, en minorant la part qui revient à l’État lui-même. Baker (2007) souligne d’ailleurs que la corruption représente 3 % du montant de l’argent sale circulant dans le monde, lequel argent sale constituerait selon lui le « Capitalism’s Achilles heel » c’est-à-dire le talon d’Achille du capitalisme.

Le cas sonacop serait-il en dernière instance illustratif d’une réponse endogène, non coordonnée, issue des failles du système capitaliste et destinée à contrer les affres de ce même capitalisme triomphant dont l’arme fatale demeure les privatisations des entreprises publiques à potentiel ? Il est peut-être osé de placer l’analyse sous ce prisme. En effet, dans ce cas, la crise de la corruption pourrait alors sur le plan macroéconomique être donc perçue comme une forme de régulation du marché par le marché, forme involontaire dans notre cas, d’un système aux prises avec l’impérialisme économique, sur un fond de citoyenneté qui voudrait faire conserver un bien national à des nationaux. Dans un souci de réflexivité paradigmatique et analytique, la question serait alors de savoir si, objectivement ou non, la corruption économique ne permet-elle pas au capitalisme national d’exploiter ses propres failles, contre l’extension du capitalisme international.

Cette réponse n’a pas été induite par la population ni par des mouvements organisés de la société civile ou des syndicats financiers, mais plutôt par des milieux d’affaires aux objectifs a priori différents. Toujours est-il qu’à la fin on pourrait analyser cette privatisation, qui n’aurait pas respecté les règles de l’art à en croire Ahanhanzo Glèlè (2001) et Adoun et Awoudo (2007), comme ayant eu pour effet collatéral de maintenir dans le giron des nationaux une société prometteuse, de soustraire au capitalisme international un outil envié du marché économique. D’ailleurs à son arrivée, le nouveau gouvernement du président Boni Yayi, prendra des mesures pour retourner l’entreprise dans le giron de l’État avec la mise sous écrou le 8 juin 2006 de Séfou Fagbohoun, le pdg de la Continentale des pétroles et investissements (cpi), le consortium qui avait racheté la sonacop. Ce retour de la sonacop (par décret de réquisition pris le 2 juin 2006 pour 90 jours par le gouvernement), sous la tutelle de l’État n’aurait certainement pas été possible si ce n’était un opérateur économique national (cpi) qui la détenait. En somme, dans une opération classée comme l’une des plus corruptives de l’histoire économique du Bénin, l’État avait pu récupérer un patrimoine juteux et productif, dans un environnement concurrentiel où d’autres sociétés filiales de grands groupes internationaux opéraient.

Transhumance et corruption électorale : l’utilitarisme en œuvre.

La corruption politique est au sens de la théorie des conventions [5], une sorte d’infestation du centre ou de la coordination par des mécanismes à la fois économiques et sociaux. Elle concerne le sommet de la hiérarchie qui confond souvent les ressources publiques avec des fonds personnels et en use pour acheter des consciences et des votes. Pour cause, la corruption dans la sphère politique se manifeste le plus souvent par deux signes visibles : la transhumance politique et la corruption électorale. La première traduit les échelles de mobilité unilinéaire des hommes politiques au gré de leurs intérêts dans le champ public et la seconde fait son lit lors de ce que Kisito (2008) nomme les « labours électoraux du terroir ». La mobilité politique, y compris interpartisane, favorise le développement de la corruption dont la rente est nécessaire pour s’attacher un électorat dans la construction de sa notabilité propre par l’homme politique. Dans le terroir, l’homme politique, en quête de légitimité pour postuler au pouvoir local ou national par extrapolation, doit faire état de ses relations sociales et politiques, mais aussi et surtout d’une capacité financière et d’une force de nuisance et de débauchage destinée à démobiliser le camp adverse.

Sport national dans le Bénin démocratique, la transhumance politique est le fait pour un homme politique de changer d’appartenance politique au gré des intérêts souvent financiers et prestigieux. Ainsi, au Bénin, plusieurs députés élus à l’Assemblée nationale ont eu à changer de partis après leur élection, afin de se rapprocher de la « marmite » du pouvoir. En effet, la transhumance politique se passe souvent dans un seul sens, quitter l’opposition pour rejoindre les rangs de la mouvance présidentielle. Généralement, un homme politique reconnu opposant d’un régime doit souffrir les affres des vainqueurs dans une sorte de vae victis, surtout s’il est un homme d’affaires. Acheter ses adversaires ou insuffler de l’argent chez lui pour fragiliser son camp est une tactique basique utilisée par les pouvoirs en place dont les ressources semblent illimitées justement du fait de ce confusionnisme avec les fonds publics. Même les chefs d’entreprises qui n’ont pas d’obédience politique se sentent obligés de prendre part au jeu. J.-P., assistant d’un entrepreneur des btp [6] explique :

Mon chef, il ne fait pas la politique, mais quand les élections approchent, il aide la plupart des candidats susceptibles de gagner, … si on n’a pas de marchés, on ne peut pas faire vivre l’entreprise. (J.-P., ingénieur des travaux publics).

Si dans l’ombre, pour garantir l’accès aux marchés publics très lucratifs du secteur des btp, plusieurs chefs d’entreprise procèdent stratégiquement à des investissements de campagne sur plusieurs candidats éligibles, cette redistribution de leurs revenus, vise à sécuriser sous forme de dépôts à terme, les marchés futurs à obtenir. À défaut de militer ouvertement dans une chapelle politique et de s’afficher, l’acteur entrepreneur peut ainsi jouer sur plusieurs tableaux, et discrètement. A contrario, pour l’homme politique déjà connu, quelques communiqués de délation envers les anciens amis, via presse interposée, suffisent pour annoncer la direction du vent. Et de rumeur en rumeur, l’opinion publique découvre que son leader a changé de camp. Cette pratique taxée de défection [7] au Niger, la transhumance politique et la mobilité électorale des politiques, est toujours un fait d’actualité sous nos tropiques. Le plus célèbre cas de transhumance politique au Bénin, relaté par Alain Kisito Mètodjo (2008, p. 111) fut celui de Me Yves Edgar Monou. Cadre influent du parti La Renaissance du Bénin de Nicéphore Soglo, dont il était le porte-parole, cet avocat, dont le pedigree mentionne cinq partis en cinq ans, avait lâché son mentor pour rejoindre en pleine période électorale, Mathieu Kérékou en 1996, via la pratique des communiqués. Nommé ambassadeur du Bénin à Paris, l’entrepreneur et agent politique abandonnera ses compagnons dans l’infortune douloureuse de l’opposition.

En 2009, à la veille de l’installation du maire de la commune de Sémè-Podji, municipalité stratégique située entre Cotonou, le pôle économique, et Porto-Novo, la capitale, et hébergeant d’importantes ressources financières comme les parcs de vente de véhicules d’occasion, ou encore les sites pétrolifères en prospection du pays, et des carrières d’exploitation de sable marin utilisé dans le bâtiment, le conseiller municipal Mathias Gbedan, vice-président du Parti du renouveau démocratique (prd) et ancien maire de la même commune, a rejoint le camp présidentiel des fcbe [8]. En pied de nez à ses ex-compagnons du prd, bannière sous laquelle il a été réélu « conseiller communal», il a obtenu de conserver son siège de maire sous les couleurs des Cauris [9], dans une commune considérée comme très « juteuse » du fait des activités portuaires de la lucrative filière des véhicules d’occasion. Dans sa déclaration post-coup, il expliquera en substance avoir « quitté l’enfer pour le paradis » et se découvrira des qualités de pasteur pour ordonner au vent de cesser de souffler pendant la cérémonie de son installation en tant que maire.

En somme, bien au-delà de la « marchandisation du vote » dont parle Banégas (1998), le « marché d’achat d’hommes politiques » qu’a décelé Awoudo (2004) et qui se tient dans les arènes des partis surtout à la veille des élections, existe toujours tant à l’hémicycle que lors des joutes électorales, et donne lieu à des transactions occultes où il est reconnu que la corruption siège et fait partie des normes politiques d’usage sur fond de clientélisme et d’opportunisme alimentaire. Il traduit la « fluidité des alliances » (Banégas, 2003) politiques au Bénin, mais partout ailleurs en Afrique subsaharienne. La corruption électorale commence donc au sommet de la hiérarchie des partis politiques avant de rejaillir sur les militants achetés à coup de billets de banque, de dons en nature et de divers gadgets distribués lors des porte-à-porte. Elle est donc rationalisée par le haut, pour permettre une mobilisation à la base plus facile où le matériel suffit à convaincre les plus hésitants dès lors qu’ils savent que les leaders locaux sont déjà cooptés par l’acquérant. La logique utilitariste en politique est donc le lieu de l’expression de la corruption en tant que lubrifiant du système politique pour assurer la négociation pacifique entre les différents acteurs.

… et une corruption au quotidien.

Mettre en perspective des actes de corruption au niveau macrosocial nous a amenés à explorer la corruption dans le champ politique et dans le champ économique. Mais elle n’est pas circonscrite uniquement dans les strates sociales les plus élevées. Son caractère systémique et généralisant a permis sa réplication au niveau microsocial, dans la vie quotidienne des acteurs sociaux. Ces derniers sont au jour le jour obligés de s’engager dans une négociation permanente pour redéfinir leurs espaces de position respectifs, afin de prendre en charge les pratiques corruptives auxquelles les soumettent, parfois de force par une certaine contrainte morale, les fonctionnaires du service public, mais souvent par la volonté personnelle confondue avec le traditionnel « devoir de cola » dans un contexte de « démocratisation de la bouffe » (Kisito, 2008). Analysons quelques faits assez courants relatifs au monnayage des services dans l’administration publique en suivant la distinction analytique petite corruption/grande corruption.

Les actes de corruption que l’on pourrait qualifier de « petits » du fait de leur envergure réduite ou de leur ambiante manifestation au niveau du citoyen lambda, et ce, donc, au quotidien, font partie d’un répertoire très diversifié. La petite corruption, généralisée et banalisée affecte donc tous les citoyens à un moment ou à un autre de leurs rapports avec l’État ou ses services, mais, aussi dans leurs rapports avec les administrations privées. Elle met en jeu les demandeurs de services publics avec les fonctionnaires situés au plus bas niveau de l’échelle bureaucratique. Roger Gbegnonvi ancien président de Transparency International Bénin et militant de la société civile béninoise, dans l’une de ses chroniques, fustige les pratiques corruptives des agents de la sbee [10] chargé de recevoir les paiements des factures des usagers :

Pendant que fonac, alcrer, Transparency [11] et tutti quanti remuent terre et ciel pour briser la nuque à la corruption, pendant que le Chef de l’État procède à limogeage et confirmation de limogeage pour briser la nuque à la corruption, des Béninois et Béninoises, assis devant leurs tiroirs-caisses, s’adonnent la journée longue à un rampant racket, pas brisé et pas brisable apparemment quoique parfaitement condamnable. […] Chaque caissier ou caissière constitue l’association qui y va d’une voix semi-suppliante émanée d’un visage affable : « Nous restons vous devoir quinze francs, nous n’avons pas de petites pièces. » Cela se passe tous les jours ouvrables à tous les guichets sbee, soneb, opt et tutti quanti répandus sur toute l’étendue du territoire béninois. Vous venez de payer, de très mauvais gré, une facture mensuelle de quelques milliers de nos précieux francs cfa. Au moment de prendre la monnaie, on vous la rend à 98 % et, pour les 2 % restants, l’on vous déclare, souriant : « Nous restons vous devoir quinze francs, nous n’avons pas de petites pièces. » [12]

La pratique des petites monnaies que reste devoir immanquablement la caissière aux guichets de paiement des factures de la sbee, mais bien au-delà dans tous les services de l’État où l’usager a des pécules à verser, est illustrative des méthodes mises en œuvre pour contraindre l’usager à laisser une rente qui à la fin de la journée, permet au fonctionnaire public d’engranger pour son propre compte une plus-value indépendante de son salaire. En créant ces espaces discrétionnaires de gestion d’une rente parallèle, ces agents s’inscrivent dans des stratégies d’autoproduction de la corruption et siphonnent leurs vis-à-vis en soumettant par un argument imparable, le client à sa dictature, la dictature de la petite monnaie, cette pièce de monnaie manquante et qui doit être abandonnée, que dire, offerte.

« Pour ne pas que les feuilles s’envolent, il faut y déposer un caillou ».

« Pour ne pas que les feuilles d’un dossier s’envolent, il faut y déposer un caillou » dit le proverbe. Les principes de la physique confirment bien cette métaphore qui du reste demeure vérifiée dans la vie pratique du citoyen béninois, les cailloux étant censés logiquement avoir plus de poids qu’une feuille de papier et donc exercer sur cette dernière la pression nécessaire pour qu’elle puisse résister au déplacement d’une masse d’air relative, le vent. Le recours à ce principe physique illustre en réalité la pratique d’une petite corruption devenue banalisée et qui est entrée quasiment dans les mœurs, celle des « cailloux sur dossiers » : elle consiste pour tout service que l’on demande, dans une administration publique surtout, mais aussi privée de plus en plus, à rétribuer d’avance le fonctionnaire ou celui qui reçoit le dossier afin de le stimuler à vite et à bien faire un travail pour lequel son employeur le rémunère déjà. Le risque qu’encourt le requérant qui ne le fait pas est de voir son dossier purement et simplement « perdu », « envolé », ou dans le meilleur des cas voir son traitement « retardé », à ses dépens. Il faut donc non seulement être membre d’un réseau relationnel conséquent qui vous permette d’avoir la juste information, mais aussi l’alimenter, en encourageant le fonctionnaire qui doit traiter votre dossier.

Dans une administration publique, on considère les fonctionnaires comme étant inamovibles jusqu’à la retraite, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus perdre leur emploi. Certains travailleurs du secteur public pensent donc que leur salaire devient un devoir pour l’État et un droit pour eux, qu’ils aient travaillé ou pas. Comme le contrôle n’existe pas ou ne s’applique que très peu pour diverses raisons, le salaire n’est plus une motivation suffisante pour le travailleur surtout qu’il est jugé insuffisant. Aussi, il ne reste que les bakchichs pour le motiver. Ceci ne signifie pas que toutes les administrations sont corrompues ou que tous les fonctionnaires ou autres dispensateurs de services publics recourent systématiquement à ces « cailloux » sur les dossiers ; mais il s’agit de comprendre que la pratique devenue banale s’est érigée en système dans nombre d’administrations publiques, ou même privées, et facilite la médiation avec les requérants, créant de facto des disparités entre ceux qui peuvent déposer les cailloux et ce qui ne le peuvent pas, ceux qui savent qu’il faut le faire et ceux qui ignorent les circuits de dépôts.

« Que ça finisse et qu’on ne revienne plus ici ».

Un autre lieu de monnayage privilégié du service public est sans doute l’institution hospitalière. En effet, jouant sur la détresse des patients et la faiblesse du malade qui se sent en position d’infériorité face à quelqu’un qui est censé agir sur sa vie et décider de son sort, entre les lignes, certains agents hospitaliers n’hésitent pas à introduire des écarts face aux normes formelles de leur corporation. Ces écarts sont de plusieurs natures et vont des petits cadeaux aux actes plus organisés de racket systématique de l’usager. Dans certains hôpitaux par exemple, un petit cadeau à l’infirmière, de la part des accompagnateurs, peut valoir une prise en charge quotidienne très assidue du malade, une attention des plus affables et un suivi sans pareil. À la maternité du Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou, l’hôpital de référence au Bénin, une garde malade nous explique :

« Cette sage-femme-là, elle est trop méchante. Pour n’importe quoi, au cours de l’accouchement, si l’enfant ne descend pas vite, elle prescrit directement la césarienne. Elle ne prend même pas le temps de voir si on peut quelque chose. Mais si dès le début des consultations prénatales vous lui faites de petits cadeaux de temps en temps, elle s’occupe bien de vous et l’enfant descend normalement dans la plupart des cas, sauf s’il y a complication. » (J.N., garde-malade)

Lui faire de petits cadeaux déjà en amont lors des consultations prénatales revient de fait à s’attacher les faveurs de cette sage-femme, en instaurant une relation particulière entre la future parturiente (et/ou ses proches) et l’agent de santé. Cette relation particulière basée sur la rétribution a priori, d’un service auquel le souscripteur a pourtant droit par le simple fait d’être admis dans cet hôpital, suffit à la singulariser dans le bon sens, par rapport aux soins dont elle pourra bénéficier pendant toute la durée de suivi de sa grossesse ainsi qu’à l’accouchement et même durant la période postnatale. Un mari ayant accompagné sa femme pour une consultation postnatale explique :

« Ta femme est là entre la vie et la mort, et c’est elle [la sage-femme (nda)] qui peut la sauver ; tu n’as pas le choix, il faut bien se comporter avec elle. »

Ainsi, une sage-femme compétente peut décider de faire dépenser des malades aux revenus maigres, lorsqu’elle ne reçoit pas des cadeaux. Pour éviter cela, les parents de la parturiente, les garde-malades essaient de bien traiter ce personnel de santé en prévision de l’accouchement, afin qu’à ce moment-là ce personnel ne puisse pas avoir systématiquement recours à la césarienne qui est une opération très dépensière, entre coût de l’opération, médicaments, traitement postopératoire et frais de location de la chambre.

L’enquête de l’Observatoire de lutte contre la corruption (olc, 2007, p. 64) place la maternité en tête des services hospitaliers les plus corrompus entre détournements de médicaments, privatisation des soins et autres pratiques délictueuses. Le Réseau national de lutte anti-corruption (renlac, 2003) constate aussi qu’au « pays des hommes intègres [13] », les professions d’infirmiers et de sages-femmes sont perçues comme étant les plus touchées par la corruption [14]. Dans ces services publics en première ligne avec les usagers au quotidien, on assiste donc à la privatisation d’une compétence, de la part de la sage-femme, en vue de recevoir un revenu surnuméraire en nature ou en espèces avant d’effectuer un travail pour lequel elle est déjà payée. La maternité et les sages-femmes ne sont qu’une lucarne d’observation de ce qu’Olivier de Sardan, Bako-Arifari et Moumouni appellent la « corruption » et la « vénalité » (2007, p. 225) [15] dans le système de santé ; toutes choses ayant de façon générale stigmatisé les phénomènes corruptifs dans la santé. Face à la résignation des usagers, ils déduisent que « la corruption dans le système de santé fonctionne sur l’exploitation de la vulnérabilité et de la fragilité du malade d’une part sur l’exploitation de l’angoisse et de la détresse des accompagnants » (Olivier de Sardan, Bako-Arifari, Moumouni, 2007, p. 247). La prière des garde-malades, c’est « que ça finisse, et qu’on ne revienne plus ici ». La maternité est à l’image de l’hôpital, comme une citadelle imprenable où règnent en maîtres les sages-femmes, soupçonnées de tous les maux et faisant tout ou presque pour déposséder les malades. Outre les pratiques de petits cadeaux, le détournement des médicaments est une autre tare reprochée au personnel de santé. Pire, la vente de médicaments parallèles au sein même de la structure sanitaire constitue des sources de corruption dont les impacts sont difficilement mesurables en termes de coût social. Dans ce sens, si certains usagers de la maternité sont conscients qu’ils sont rackettés, escroqués, en somme pris parfois dans un engrenage corruptif duquel ils ne peuvent sortir que si leur parent malade se rétablit et est libéré, ils préfèrent au nom de la vie de ce proche, laisser tomber. Un instituteur accompagnant sa femme à la maternité du cnhu de Cotonou conclut :

« Tu sais, la lutte contre la corruption, c’est bien beau… mais ici, c’est la vie de ta personne qui est en jeu… Alors il vaut mieux laisser en priant Dieu pour vite sortir d’ici. Si quelque chose ne t’a pas emmené, est-ce que tu auras à faire à eux [au personnel soignant (nda)] ? » (M.S., instituteur)

La lutte contre la corruption à la maternité, et plus généralement dans le système de santé, apparaît un peu plus difficile d’une part à cause de la présence de nombreux bénévoles (Tidjani Alou, 2001) non payés comme dans le cas du Niger ou du corps apparenté dit des Mesures sociales au Bénin ; et d’autre part du fait de l’abdication des usagers par rapport au fait que le service rendu par le corps de la santé touche directement la vie du malade, qui plus est lorsqu’il s’agit de la maternité où plusieurs vies sont en jeu : celle de la femme en état de grossesse et celle du/des bébé(s) qu’elle porte.

Au Bénin, le corps des « mesures sociales » est constitué par des infirmiers, laborantins et autres sages-femmes fraîchement sortis des écoles de formation de l’État. Ils sont recrutés sur un budget dit de Mesures sociales et reçoivent à ce titre un salaire assez faible (environ 74 000 FCfa par exemple pour une sage-femme). Affectés dans les centres de l’intérieur du pays le plus souvent, ils ne sont pas affiliés à la fonction publique, mais il leur revient dans bien des cas de prendre en charge le fonctionnement réel des centres de santé en l’absence de personnels plus compétents. Ils développent plusieurs pratiques d’accumulation, mais ceci ne leur décerne pas l’exclusivité des actes corruptifs ou les fait passer pour plus corruptifs que les autres corps de la santé. Ils sont certainement plus exposés que les autres, tout simplement. En réalité, les membres de ce corps ne faisaient que reproduire à échelle plus étendue, des pratiques solidement ancrées dans le corps de la santé et dont la gouvernance est détenue par certains réseaux d’agents soignants liés à des personnalités hauts placés du corps (des maris responsables de zones, des médecins-chefs dont les épouses sont des sages-femmes, etc.), garantissant un certain degré d’impunité. Malgré la politique du reversement [16], un infirmier-major, anciennement recruté Mesures sociales et ayant servi dans le département de l’Atacora confesse :

« Vous savez, même la fonction publique, ça ne paie pas bien ; la seule garantie, c’est la retraite, et quelle retraite ! »

C’est dire sans doute à mots couverts que des pratiques illicites [17], qui ont mis du temps à s’organiser et à s’ancrer dans l’exercice quotidien des fonctions des agents de santé, ont la vie dure et ne sont pas prêtes de disparaître du simple fait d’un reversement vécu comme une simple mesure administrative (les postes n’ayant pas changé pour les agents concernés) avec quelques conséquences sur la fiche de paie et la garantie d’appartenir désormais à l’État et à ses services déjà bien reconnus pour autoriser implicitement une certaine liberté d’action à ses agents, si l’on ne veut pas apostropher le laxisme et les méfaits de la bureaucratisation à outrance du service sanitaire public.

Un triangle mafieux aux abords, une corruption organisée à l’intérieur.

Les pratiques corruptives dans la justice sont très nombreuses et quotidiennes, du fait du grand nombre d’auxiliaires auxquels les justiciables « doivent » graisser la patte (huissiers, policiers, juges, avocats, etc.). Tidjani Alou (2001) a conceptualisé la « justice au plus offrant » dans un système où la forte intermédiation définit des espaces discrétionnaires entre usagers et fonctionnaires de la justice. Au premier lieu, encore, la délivrance des actes est le canal le plus courant pour constater les biais qu’introduisent les agents administratifs dans l’exécution de leurs fonctions. Le récit suivant est un dialogue assez illustratif entre une victime et un agent. Il renseigne sur un certain nombre de mécanismes d’expression et de pratiques dans le corps judiciaire et parajudiciaire :

« … j’ai vécu la situation… on m’a envoyé chercher un casier judiciaire pour ma petite sœur… arrivé là bas, je rencontre quelqu’un à qui je demande le bureau où l’on prend les casiers judiciaires. C’était un agent d’entretien. Je lui dis que je cherche le bureau où l’on prend les casiers judiciaires.

– Je sais là où on fait ça : suis-moi, dit l’agent d’entretien.

Arrivés dans un bureau à l’étage, l’agent d’entretien s’adresse à un agent administratif :

– Le jeune là, il veut un casier judiciaire.

L’agent administratif, c’est celui qui remplit les formulaires et les introduit au cabinet du juge pour signature. Il se tourne vers K.L.

– Donnez une photocopie légalisée de l’acte de naissance !

K.L. s’exécute et l’agent administratif continue :

– Ça fait 500 FCfa et vous redescendez pour payer à la caisse. Vous revenez dans une semaine.

– Une semaine ? Grand-frère, c’est urgent hein, supplie K.J.

– Alors, donne-moi les 500 FCfa, ajoute 1 000 FCfa et reviens demain.

K.L. dépose les 1 500 FCfa et s’en va. Il est 17h30 environ. Le lendemain, à 8 heures du matin il se présente au bureau de l’agent administratif, retire son document dûment signé. Ce dernier lui demande d’aller retirer à la caisse son reçu. Arrivé à la caisse, la caissière lui tend un reçu de 500 FCfa. » (K.L., Porto-Novo).

Adapté du récit de notre interlocuteur, ce texte dévoile un triangle mafieux au sein duquel s’interpénètrent au niveau visible les hiérarchies formelles et en arrière-plan un quatrième larron. Pour le premier type d’acteurs, il s’agit de l’agent administratif qui introduit les dossiers au cabinet du juge, celui qui délivre les attestations et casiers judiciaires proprement dits et la caissière. L’agent informel, c’est l’agent d’entretien, qui joue dans ce réseau, un rôle de courtier principal, en introduisant le client et en déclenchant l’activité. Il n’est pas visible dans la structure formelle de délivrance du service, mais l’anime en rameutant les clients potentiels vers l’interface visible du réseau, l’agent administratif chargé d’établir les formulaires. En faisant payer 1 500 FCfa, dont 1 000 FCfa sans aucune traçabilité, les quatre acteurs peuvent se répartir équitablement 250 FCfa chacun. Cette conjonction d’acteurs opère à la périphérie du système judiciaire, notamment au cœur du système de délivrance des actes.

Les trois niveaux de malversation : d’une part, l’agent administratif a obligé l’usager à payer 1 500 FCfa au lieu de 500 FCfa, et sans justificatif ; ensuite, la caissière a contribué à assurer le fonctionnement normal du système en délivrant un reçu normal, comme si de rien n’était. Enfin, les différents agents se sont fait des subsides en sus de leurs salaires, en créant des frais d’urgence au détriment de l’usager, satisfait du reste d’avoir obtenu de façon accélérée l’acte qu’il recherchait.

Au-delà de ces cas quasiment banalisés, d’autres affaires plus importantes se déroulent dans le système judiciaire, à l’intérieur plus exactement. Le procès dit des frais de justice criminelle en 2004 au Bénin témoigne de la situation. Le plus long procès de l’histoire du Bénin, qui prit fin le 4 juin 2004 après plus de quatre mois a permis la condamnation des incriminés pour des peines allant de six mois à cinq années d’emprisonnement, et surtout permis à l’opinion publique de se rendre compte pour de vrai que même ceux qui rendent justice peuvent instituer des espaces de corruption dans leurs pratiques quotidiennes. Après plus de deux ans de détention préventive suite à une commission d’enquête du Ministère des Finances sur le détournement frauduleux des fonds publics de frais de justice, 95 fonctionnaires (magistrats, greffiers, percepteurs et receveurs) avaient été cité à comparaître depuis le 27 janvier 2004 à la Cour d’Assises de Cotonou pour faux et usage de faux en écritures publiques et authentiques, corruption et détournement. Ils avaient mis en place une chaîne de détournement systématique et touché entre 1996 et 2006 plus de 8 milliards de francs cfa au titre de frais de missions prévus pour les enquêtes judiciaires. Au réquisitoire, 66 condamnations de deux années d’emprisonnement ferme à vingt ans de travaux forcés contre les accusés pour « faux en écriture publiques et authentiques », « usage de faux », « escroquerie », « complicités de faux et d’usage de faux », « corruption » ont été prononcées. Selon le Ministère public, ce procès a révélé « le symptôme d’une défaillance de l’État, de l’administration tout entière et traduit éloquemment la nécessité d’un assainissement général » (fidh, 2004, p- 9).

L’affaire des frais de justice criminelle est donc un exemple type de petite corruption qui par accumulation progressive a généré une véritable affaire aux proportions inquiétantes et énormes qui place aussi dans le champ des affaires de grande corruption, grande s’entendant ici pour l’ampleur et le volume des fonds concernés. Le procès qui a secoué le système judiciaire béninois ces dernières années, étalant des cas de grande corruption mêlés à des résurgences de petite corruption au sein de l’appareil judiciaire, mais aussi soulevant les lambris dorés de la petite corruption dans l’ombre des parquets, demeure exceptionnel. Celui qui fait la loi ne doit pas la transgresser explique un enquêté : 

« Sin do to non gba sin nan ! Eux-mêmes, si on vous disait tout ce qu’ils nous font endurer vous n’allez pas croire. Je devais aller voir un parent mis sous mandat de dépôt : il faut chaque fois donner de l’argent sur toute la ligne avant de le voir, et lui-même doit donner des sous à ses codétenus sinon ils vont le maltraiter, même le tuer peut-être. C’est un autre monde là-bas. Il m’a dit que tout doit s’acheter, même là où se tenir debout… » et il continue : « ceux qui disent qu’ils luttent contre la corruption dans ce pays, ils ne font rien pour ces cas-là, ils s’occupent des gros sous, des grosses affaires seulement. Ce qui se passe tous les jours dans les prisons ne les intéresse pas. » (Jo, menuisier, Cotonou).

À l’intérieur même des prisons, la corruption est présente, mais personne ne semble lutter contre elle. Le discours sur la lutte contre la corruption au Bénin ne s’en est pas encore occupé selon toute vraisemblance. Tidjani Alou (2001, p. 61) explique en substance : « on l’accuse [la justice (nda)] […] d’être une institution gangrenée par une corruption qui ne cesse de prendre de l’ampleur, au vu et au su des pouvoirs publics, incapables de faire face au développement du phénomène. Tous la dénoncent, mais tous s’en accommodent, la tolèrent même, au besoin l’utilisent dans leurs transactions quotidiennes », comme s’il était normal, voire naturel de toujours huiler la machine du service public avant qu’elle ne rende le service pour lequel elle est dédiée.

Si vous ne payez pas, il ne vous les fera pas : les photocopies à l’université.

Systémique, la corruption a infesté tous les secteurs de l’activité sociale. Aussi, elle n’épargne pas le monde estudiantin. L’université pour sa part, ne se trouve pas épargnée par les pratiques donnant lieu à des actes éventuels de corruption. L’exemple des photocopies est riche d’enseignements. Si l’on considère que certains étudiants, responsables d’amphithéâtre pour chaque photocopie réalisée pour le compte d’un camarade étudiant, les livres étant chers à acheter et souvent difficiles à trouver, prélèvent systématiquement une sorte de dîme en ajoutant au montant des copies effectuées, un petit supplément pour la peine qu’ils se sont donnée en allant effectuer les photocopies pour les autres. Et dire que ces responsables se battent pour se faire élire à chaque début d’année, avec dans le rétroviseur, cette manne quotidienne à laquelle ils s’abreuvent. La perspective des photocopies est un critère motivant la candidature de certains, voire leur activisme pour se faire élire responsable d’amphithéâtre. Essayons un décompte arithmétique anodin : pour un fascicule de 24 pages confié par un enseignant, le prix de la photocopie par page étant de 10 francs cfa sur les différents campus du Bénin, le fascicule reviendrait à 240 FCfa par étudiant qui le commande. Le responsable peut facturer dans un processus d’arrondissement le document à 250 FCfa, soit un surcoût apparemment minime de 10 FCfa par fascicule de 24 pages, et ce, par étudiant. Dans un amphithéâtre de 1 000 étudiants où seul le quart souscrit pour obtenir ce document, le responsable d’amphithéâtre se retrouve à empocher 2 500 FCfa du coup. Pour une dizaine de cours durant la même semaine, il est loisible d’évaluer quelle manne cet étudiant peut se faire sur le dos de ses camarades. Manne indolore d’ailleurs pour ces derniers, satisfaits d’obtenir leurs fascicules sans avoir à se déplacer et gérer les longues queues devant les centres de photocopillage, mais capitalisation effective pour le responsable d’amphithéâtre.

« Si vous ne payez pas, il ne vous les fera pas, c’est comme ça, tout le monde le sait… » confirme un étudiant du campus d’Abomey-Calavi.

La pratique du responsable d’amphithéâtre qui a priori aurait pu sembler être une manière de rendre service à ses camarades en centralisant toutes les commandes pour les faire faire d’un coup, demeure donc une opportunité de captation d’une certaine rente : il rentabilise son statut de responsable d’amphithéâtre.

« Trouve-moi quelque chose » : la délivrance des actes de naissance dans les arrondissements.

Dans la nouvelle pyramide administrative en vigueur depuis la décentralisation, les services d’arrondissement sont les premiers démembrements administratifs situés au plus bas niveau. Dirigés par des chefs d’arrondissements (ca), les arrondissements sont placés au-dessus des anciens maires devenus chefs de quartiers, en termes d’autorité hiérarchique. Ils sont en contact avec les populations et gèrent, entre autres, les services de l’État civil au niveau local. Voici rapportée, une scène qui se déroule quasiment tous les jours dans la plupart des services décentralisés et communaux : la délivrance de pièces de l’État civil dans les arrondissements et municipalités.

A.J. est un étudiant de 27 ans. Dans l’optique de déposer en urgence un dossier pour postuler à un emploi, il doit, après la sélection sur dossier qui a eu lieu et qu’il a passée avec succès, déposer une copie originale de son acte de naissance. La copie dite originale est un extrait d’acte de naissance tapé à la machine à dactylographier et portant un timbre officiel. Ce n’est donc pas une copie légalisée. Pour l’obtenir, il se rend à la Cour suprême de Cotonou, réputée pour faire des légalisations à prix réduit et surtout en un temps record, 12 h. « Quand vous allez là-bas le matin, à 15 h déjà vous pouvez passer retirer votre document » dit-il. A.J. se rend donc à la Cour suprême où le fonctionnaire préposé aux légalisations lui explique : « Pour ce que vous voulez, nous, on ne peut le faire ici, allez à la mairie de Xwlacodji [18] ».

A.J. demande : « Et si j’allais à la commune, là où je suis né ? »

On lui répond : « Là-bas, c’est encore mieux parce qu’ils peuvent fouiller leurs registres et retrouver votre fiche de naissance. »

A.J. se rend donc dans les bureaux de la circonscription urbaine, devenue depuis la décentralisation, des bureaux communaux. Il expose son problème après avoir attendu son tour dans une queue interminable :

« – Donnez une copie légalisée et une photocopie simple. Ça fait 350 FCfa.

– Non, madame ce n’est pas pour légaliser. On m’a demandé une copie originale qui doit provenir de votre service.

– Ah, je vois, quel est votre nom ? Vous êtes né quand ?

– A.J., 14 août 1981. »

L’agent, une femme d’une vingtaine d’années visiblement, appelle son collègue et lui dit :

« Sors le registre et vérifie le nom A.J., 14 août 1981. »

Elle se retourne vers A.J. :

« – Cela vous fera 1 500 FCfa ! Revenez après-demain.

– Ah, madame, j’en ai besoin en urgence. Ne serait-il pas possible de l’avoir plus tôt ?

– Revenez demain. Si je vous dis oui et qu’en arrivant vous ne l’avez pas, que ferez-vous ? »

A.J., la mine renfrognée, paye les 1 500 FCfa d’avance et s’éloigne, sans aucun reçu. »

Le lendemain, à la première heure, il se présente :

« – C’est un retrait madame. Hier j’ai demandé un acte de naissance original et vous m’avez demandé de venir aujourd’hui.

– Le ca (Chef d’arrondissement) n’est pas là, revenez dans trois jours. Il n’a pas encore signé.

– Mais, madame, hier je vous avais dit que…

–Au suivant ! » lance la dame pour couper court à toutes récriminations.

A.J. s’éloigne lorsqu’un homme à la mine joviale le cueille dans la cour de l’arrondissement. De loin, il avait observé toute la scène avec un sourire en coin.

« Qu’est-ce qui ne va pas mon frère ? »

A.J. lui raconte son malheur.

« – Bon, écoute, ce qu’on va faire, je connais quelqu’un qui peut nous aider !

– Ah bon ? C’est vrai ?

– Oui, écris-moi ton nom sur un bout de papier.

A.J. hésite un moment puis satisfait son interlocuteur qui glisse subrepticement dans sa poche le papier et lui dit :

« Ba noudé wa do finin bo » (ce qui signifie en langue fongbe ou fon « trouve-moi quelque chose, donne-moi une petite somme d’argent »).

A.J. demande : « – Combien ?

– Ça fait 2 000 FCfa ! »

Il remet la somme demandée et son interlocuteur lui demande d’attendre au portail, avant de se rendre à l’intérieur des bureaux administratifs.

Dix minutes plus tard, il est de retour avec les papiers demandés.

En tout, A.J. venait de dépenser 1 500 FCfa pour trois papiers qui portaient respectivement chacun un timbre de 250 FCfa. Or, officiellement, une légalisation revient à 350 FCfa y compris le timbre de 250 FCfa, ce qui signifie qu’il a payé le double sans recevoir aucune quittance, pour avoir ses papiers, du moment où il a demandé la fiche de naissance, un acte qui n’est pas couramment réclamé par les usagers. Ensuite, 1 000 FCfa de plus au rabatteur que constitue le garde-vélo, pour se voir sortir des documents prétendument non signés et pour lesquels il devrait revenir un autre jour.

Un cas courant de corruption au quotidien qui laisse entrevoir le rôle des agents administratifs qui créent la pénurie et la synchronisation de leurs actions avec des acteurs informels agissant en électron libre, comme le garde-vélo, pour rabattre les clients et alimenter le système. Le concours de l’intermédiaire agissant comme un rabatteur dans un circuit parallèle de délivrance du service public concerné a été fondamental pour que le service remplisse sa fonction officielle, la délivrance de l’acte. Volontairement, semble-t-il, les agents administratifs devant dispenser le service a créé la situation de pénurie, afin de renvoyer le client qui était en situation d’urgence, vers un courtier informel, le gardien, le garde-vélo ou tout autre agent non lié au service de délivrance des actes. Ce dernier en bon courtier a pu capter la manne financière en prenant soin de se faire payer à l’avance une part autre que celle que devrait lui redistribuer le réseau en place. Aucune quittance n’a été délivrée, et n’est souvent pas délivrée dans les bureaux des arrondissements (mis à part à la Cour suprême où toute légalisation donne systématiquement lieu à un reçu nominatif), ce qui favorise la création et la gestion d’un espace discrétionnaire dont la régulation revient aux seuls agents, leur accordant une marge de manœuvre autorisant le développement d’actes de corruption et, au-delà, d’autres formes de privatisation des services publics à un niveau local.

Entre rançonnement par les agents de police, rackets au sein des administrations et régies étatiques, cailloux à déposer sur les dossiers dans la demande d’un service public (soins de santé, demande d’actes comme les certificats judiciaires au tribunal, la légalisation des actes de naissance et diplômes au sein de l’administration locale des arrondissements et mairies…) ou autres manœuvres autour du photocopillage dans les amphithéâtres universitaires, les « petites corruptions » apparaissent comme des actes courants acceptés par les populations, qui ferment les yeux dès lors qu’ils n’ont pas d’autres recours. Ils gagnent du temps dans l’obtention de leur service et s’épargnent quelque tracasserie en déléguant en quelque sorte une parcelle de leur pouvoir au corrompu, chargé d’accomplir une partie de la tâche pour eux. Le responsable de la structure de répression de la corruption installée par l’État botswanais, Timon Kalolo [19] parle de mal rampant qui affecte tous les services publics et cause des dysfonctionnements dans toute la société, étant donné que les interactions quotidiennes entre les administrés et les personnels de l’administration sont monnayables et donnent lieu à des formes de privatisation quelques fois initiées volontairement par les agents administratifs. Un mal rampant qui fait le lit des grandes affaires de corruption et clarifie le paysage pour qu’elles puissent se constituer dans leur complexité. Le cas de la sonacop n’en est qu’un léger pan qui n’a pas encore fini d’être analysé tant par les juristes que par les anthropologues et sociologues s’intéressant à la délivrance des services publics de façon générale et en particulier au complexe de la corruption.

Leurres et lueurs d’une réponse de la société civile.

Se présentant comme un combat citoyen, la lutte contre la corruption est apparue depuis le lendemain de l’accession à la démocratisation, comme une réponse à la crise de la corruption, objectivée à l’aune du prisme des institutions financières internationales comme un nouvel instrument de l’instauration de l’ordre économique néolibéral mondial. Désormais, la lutte contre la corruption est entrée dans les mœurs politiques et sociales au Bénin. Durant la période révolutionnaire de 1972 à 1989, le régime marxiste-léniniste installé le 27 octobre 1972 sur un coup d’État du Général Mathieu Kérékou avait réussi non à endiguer le phénomène de la corruption, mais à le contenir dans les interstices les plus discrets du pouvoir politique. Il fallait donc être membre du régime, à un niveau élevé afin de pouvoir avoir accès à la discrétion nécessaire à ces pratiques. Les apparatchiks du pouvoir pouvaient donc détourner dans une certaine mesure, mais le citoyen lambda avait relativement plus de mal à opérer puisque le contrôle social était plus élevé.

Le mouvement anticorruption au Bénin.

L’ampleur des actes de corruption, le discours des institutions financières internationales qui ont posé ce combat comme une méthode de gouvernance au cœur de la première décennie postdémocratisation a permis l’émergence du mouvement associatif de lutte contre la corruption. Ainsi, sur l’instigation du président Mathieu Kérékou revenu au pouvoir après des élections démocratiques en 1996 et ce pour deux mandats successifs (marqués par une élection inter mandats remportée), l’État béninois a organisé une vaste concertation, du 26 au 28 mars 1998, le Forum national de mobilisation de la société civile contre la corruption (fonac/pnud : 1999) [20], pour structurer les mouvements émergents de la société civile et les orienter vers la lutte contre la corruption. Les participants ont réfléchi sur le diagnostic à poser quant au niveau de corruption ainsi que des réponses à apporter. Après un état des lieux, des pistes de solution ont été proposées et un cadre institutionnel de la société civile mis en place. Pour ce faire, au terme des conclaves, cinquante-trois organisations se sont associées pour constituer le Front des organisations nationales de lutte contre la corruption (fonac). Ces associations, d’objets variés touchant à la fois le développement (cas du Centre d’action pour le développement), l’animation et la culture (cas de l’Association pour le développement économique social et culturel de l’Ouémé [adesco], et du Centre béninois pour le développement des initiatives à la base, [cbdiba]), la santé (cas de l’Association Raoul Follereau qui se charge de lutter contre la prolifération de la lèpre), la sauvegarde des intérêts d’une corporation (l’Ordre des avocats, l’Association des juristes africains, l’Association des femmes juristes du Bénin, le Conseil de l’Ordre des Pharmaciens, l’Union des journalistes de la presse privée du Bénin, la fédération nationale des ong, etc.) et d’autres structures comme le Haut Conseil des Béninois de l’extérieur, l’Association nationale pour l’amitié entre les peuples et même la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (ccib). En 2008, la plupart de ces structures ne participaient pas ou plus aux activités du fonac et ne versaient pas leurs cotisations, car ne se sentant pas vraiment dans leur champ de pertinence. Le trésorier général du fonac constate : 

Lorsque dans la réalité ils ont commencé par voir ce que la lutte doit être, ils sont nombreux à tourner casaque… elles se sont rendu compte que cette lutte, « ce n’était pas ce à quoi elles s’attendaient. » (T.N., trésorier général du fonac) (Eyébiyi, 2008, p. 64).

La mission assignée au fonac par ses inspirateurs, était de lutter contre la corruption sous toutes ses formes : « détournement de deniers publics, enrichissement illicite, trafic d’influence, faux et usage de faux, l’impunité et toutes pratiques contraires à la bonne gouvernance et aux principes moraux ». Au Burkina-Faso par exemple, le Réseau national de lutte anti-corruption (renlac) s’est fixé comme mission « d’œuvrer pour la garantie de la bonne moralité et la transparence dans la gestion des affaires de la cité » (renlac, 2007).

Pour ce qui est de la réponse de la société civile, l’on peut aisément constater que le mouvement anticorruption béninois s’est constitué dans la logique d’une vaste mobilisation impulsée par l’État, regroupant des organisations sectorielles ou globales d’objectifs différents, dont le seul point commun était le désir de développer un discours autour d’un sujet devenu public et constitutif de l’espace public : la corruption.

La lutte contre la corruption, une ressource politique.

La frange de la société civile béninoise intéressée par la lutte contre la corruption s’est constituée dans le prolongement de la démocratisation et à la faveur du discours des institutions néolibérales dont les modèles de développement avaient échoué au début des années de transition démocratique. Ce mouvement social de la lutte contre la corruption a su donc capitaliser le besoin de transparence exprimée par les populations, pour pousser à la redéfinition des formes collaboratives avec l’État central, en unifiant l’imaginaire populaire autour de son objectif de combat citoyen. Dans cette démarche, pour occuper un terrain que l’État n’arrivait plus à contrôler depuis la fin du régime révolutionnaire marxiste-léniniste dans la ferveur de la conférence de la Baule, ce mouvement présenté comme citoyen s’est trouvé un allié de poids : les médias.

En effet, dans un paysage médiatique toujours florissant de titres et de parutions diverses, dans un environnement concurrentiel pour un marché de lettrés et de lecteurs de journaux assez étriqué, les organes de presse, nés de la démonopolisation des ondes par la loi n°97-010 du 20 août 1997 portant sur la libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin, se sont spécialisés dans la recherche d’informations piquantes et intéressant le citoyen lambda. Étant donné que la corruption est devenue dans l’imaginaire populaire un sujet démythifié et démystifié, relayer la lutte contre la corruption ou une mobilisation civile qui s’y apparente devient un fonds de commerce à ne pas négliger par ces médias, afin de garantir leur existence et leur viabilité.

Pour cause, le mouvement de lutte contre la corruption a trouvé en la presse, et comme allant de soi, un allié majeur, qui fait et défait l’opinion. En effet, le sujet est non seulement vendeur, mais la lutte contre la corruption intéresse les Béninois au même titre que le football qui jette des milliers de férus du ballon rond dans les rues de Cotonou à chaque fois que l’équipe nationale doit recevoir à domicile une formation étrangère. Les attroupements autour des kiosques et points de vente des journaux, le succès toujours grandissant et renouvelé des émissions interactives dans le contexte de liberté et de réalité de démocratie des formes d’expression populaire, ont achevé de consolider le discours anticorruption comme une ressource politique stratégique. Il est savamment manié par les acteurs de l’anticorruption, mais aussi subtilement exploité par les journalistes qui y ont découvert un nouveau filon. La multiplicité des tirages sur le sujet, les droits de réplique accordés aux présumés corrompus, les réparties cinglantes du fonac, et les interviews des personnes ressources sont constitutives d’un panorama d’actions engendrées par les logiques populaires de mobilisation autour de la lutte contre la corruption. Une lutte qui, à l’image de celle menée par les structures étatiques (Inspection générale des finances, cellule de moralisation de la vie publique, Inspection générale d’État, plusieurs commissions ad hoc, et l’Observatoire de lutte contre la corruption plus récemment), avec l’inefficacité, l’impunité et le peu de résultats recueillis, demeure encore au stade de la dénonciation et des soupçons, en l’absence de mécanismes de contrainte sur lesquels peuvent agir directement la volonté populaire pour mettre en œuvre une action répressive contre les présumés corrompus ou corrupteurs.

La lutte contre la corruption apparaît comme une ressource politique et sociale manipulée par les acteurs de la société civile en cours de professionnalisation, pour conquérir le politique, occuper l’espace public et entretenir de nouveaux symbolismes dans l’opinion publique que Burdeau définit comme étant « une force sociale résultant de la similitude de jugements portés sur certains sujets par une pluralité d’individus, et qui s’extériorise dans la mesure où elle prend conscience d’elle-même » (1995, p. 952, cité par Adjovi, 2006, pp. 210-221). Agissant sur le terrain de l’État, mais sans disposer d’autres moyens que la dénonciation et leur capacité à mobiliser les médias privés pour relayer leurs actions, le mouvement national de lutte contre la corruption au Bénin s’insère dans un cadre délibératif encore théorique qui manipule les grands énoncés discursifs sur la question de la corruption, espérant introduire une « nouvelle culture politique » (Beck, 1992) fondée sur l’idéal de justice et les valeurs éthique et morale, sans pour autant susciter un réel changement. À l’heure actuelle, le mouvement associatif de l’anticorruption au Bénin ne dispose pas des moyens financiers et juridiques nécessaires pour entamer une action répressive demeurant toujours le monopole de l’État. Le bilan des actions de lutte contre la corruption demeure assez mitigé. En revenant aux exemples cités précédemment, si au cas par cas des situations de corruption au quotidien ont pu être résorbées suite à la plainte des usagers, les grands dossiers comme ceux de la sonacop demeurent pratiquement hors de portée et continuent leur cheminement indéfini dans les couloirs de la justice. Il espère, avec cette nouvelle culture politique insufflée avec tant de peines, pouvoir refaçonner l’espace public dans l’optique d’induire une « révision en profondeur des formes de régulation politique » (Hamel, 2008, p. 59) existante. L’espace public devient avec la lutte contre la corruption, un espace de confrontation entre corrompus présumés et défenseurs proclamés de l’éthique, entre État régulateur mais dérégulé et immobile au fond face à cette crise, et mouvement social discursif mais impuissant qui revendique implicitement une mobilisation citoyenne incarnée par certaines élites urbaines (Pirotte, 2002) pour suppléer à ce que Adjovi (2006, p. 202) nomme la « vacance politique en panne d’idées et discréditée par la logique de la rente ».

Quel projet pour le mouvement citoyen de lutte contre la corruption ?

La corruption qui sévit dans les milieux d’affaires et touche l’économie au niveau macroscopique, tout comme les pratiques du clientélisme électoral et de la transhumance politique sont deux aspects d’une réalité unique, la faiblesse de l’État à réguler des pratiques de déviance dont l’ambigüité est de pouvoir servir elles-mêmes de régulateur au système politico-économique en place, en dernière instance. Témoignant de la privatisation de l’administration dans sa délivrance des services publics, la corruption touche les segments sociaux inférieurs dès lors qu’elle se décline au quotidien, légitimant une certaine forme de banalisation, qui rend toute lutte organisée difficile. La réponse de la société civile béninoise, par l’entremise du fonac, en s’inscrivant dans la vision néolibérale de la gouvernance, jette le mouvement associatif sur un terrain où l’État, sans avoir capitulé, a visiblement échoué. Le front anticorruption incarne un modèle de résistance et de luttes (Eyebiyi, 2010) traduisant la possibilité des acteurs sociaux à réagir face aux crises d’envergure, qui compromettent leur existence ou influent d’une façon ou d’une autre sur la société. Néanmoins, ne disposant pas des cadres répressifs juridiques nécessaires, ce mouvement, qui a su s’allier l’opinion publique urbaine et mobiliser l’engagement des partenaires financiers et techniques, ne peut compter que sur l’apport des médias pour l’aider à entretenir son économie de la dénonciation et faire rêver les populations sur l’effectivité prochaine d’une réalité de la lutte contre la corruption, effectivité toujours attendue mais tardant à se manifester.

À partir de cas concrets de corruption économique (affaire sonacop), de corruption au quotidien (délivrance des services publics, corruption électorale), cet article dévoile quelques ressorts des stratégies corruptives développées par l’État et ses services déconcentrés, mais aussi auxquels il doit faire face. La logique utilitariste présidant au développement de la transhumance politique participe également du renforcement de la corruption électorale, au détriment du combat d’idées. De ce fait, l’engagement de l’État, généralement à travers ses acteurs de premier plan, a de la peine à se concrétiser. L’intervention de la société civile en lutte contre la corruption apparaît alors à la fois comme une volonté de suppléer à un État défaillant, mais aussi comme une perturbation à la régulation politique d’un phénomène ambivalent, constamment décrié par toutes les parties, mais ayant libre cours. Si certaines affaires de corruption économique semblent pouvoir traduire en dernière instance une volonté de résistance à l’expansion du capitalisme mondial, et ceci par mobilisation au niveau national de pratiques décrétées néfastes au développement et à la bonne gouvernance, en l’occurrence la corruption, il va sans dire que le chantier de la lutte contre la corruption demeure ouvert.

En outre, la thématique de la lutte contre la corruption demeure une ressource politique discursive pour les acteurs de l’anticorruption et une rente pour la plupart des acteurs (État, presse et société civile). Le projet de lutte contre la corruption reste encore à s’interroger sur la fin de ses leurres et la concrétisation de ses lueurs. Pour cause, le politique ne cesse de réaffirmer sa volonté manifeste de lutter contre une crise systématique et quotidienne de la corruption, tout en n’accédant pas aux besoins de réforme revendiqués par les mouvements anticorruption. Le discours anticorruption agité par la société civile au Bénin occupe le terrain urbain, encensé par la réceptivité des classes moyennes et même du citoyen lambda à tout discours destiné à l’émouvoir et rendre l’altérité responsable de sa situation personnelle. Ainsi, toute justification du non-développement voit souvent mobilisée au premier rang des arguments la mauvaise gouvernance et plus explicitement la corruption. Face aux « prédateurs » de l’économie nationale, mais aussi à monsieur Tout-le-Monde qui décide dans une administration publique de développer des espaces discrétionnaires générateurs d’une rente, l’affect de l’opinion publique béninoise, au sens habermassien selon lequel elle est faite par une frange de personnes éclairées (Adjovi, 2006, p. 211) qui délibèrent sur les affaires publiques, se sent touché et sa sympathie pour le mouvement social croît. Si dans les milieux alphabétisés et urbains la lutte contre la corruption est un objet d’intérêt, comment, dans les campagnes, le discours anticorruption reformate-t-il la conscience collective ? Quelles mobilisations de la société civile est-il susceptible de générer ?

Résumé

À la faveur de l'expansion démocratique du début des années 1990 avec son cortège de libertés et l'adoption du capitalisme, l’administration publique béninoise, héritière d’un régime marxiste-léniniste, s’est retrouvée confrontée à la recrudescence d’actes de prédation économique, de mauvaise gouvernance et plus particulièrement de corruption lors des privatisations des entreprises publiques. Inscrite dans une crise générale de l’État, crise ayant favorisé l’émergence de formes de mobilité politique négociée et le clientélisme électoral, la corruption quotidienne s’est développée comme système de délivrance et d’accès au bien public. Formulé par les instituions néolibérales, le discours de la bonne gouvernance a fait de la lutte contre la corruption une préoccupation majeure des politiques publiques durant la décennie 1990-2000. Ainsi, la constitution du mouvement anticorruption a pu bénéficier de la disponibilité des médias privés et de leur liberté de ton pour s’ancrer dans l’espace public. À partir d’une approche socioanthropologique empirique, ce texte se propose d’éclairer les réalités d’une lutte contre la corruption destinée à réguler, dans l’espace public, la crise de la corruption. Il dévoile quelques modalités d’action de l’État et s’inscrit plus largement dans le cadre d’une thèse de doctorat effectuée sur les mobilisations anticorruption.

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Notes

[1] Terminologie couramment employée au Bénin pour désigner (voire fustiger) la transhumance politique, elle désigne les changements de partis ou de soutien politiques opérés par certains hommes politiques sur la base d’intérêts personnels.

[2] Le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès est la mutation en parti politique de la Fédération des associations de développement du département du Plateau, Olatejù, ce qui signifie littéralement en langue Nago, les racines du bonheur. Adoun et Awoudo (2007) traduisent par « les tentacules du bonheur ».

[3] Se référer au Rapport de la Commission bancaire de l’Uemoa sur la cession de la sonacop, 12 Mai 2000, cité par Adoun et Awoudo (2007, p. 367).

[4] Adrien Ahanhanzo-Glèlè dans l’émission télévisée « Ma Part de Vérité », diffusée par Golfe Télévision le 26 août 2006.

[5] Pour la théorie des conventions, la corruption politique est le produit endogène et malheureux d’un défaut de coordination. De façon générale, les conventions sont des équilibres sous-optimaux qui cristallisent les anticipations des acteurs en interactions. Elles permettent à chacun de savoir comment l’autre évoluera. On peut se référer à Batifoulier et Ventelou (2004).

[6] Les marchés publics relevant du secteur des bâtiments et travaux publics (btp) sont très lucratifs notamment en ce qui concerne le tracé des pistes rurales et le bitumage des routes au Bénin.

[7] Alain Kisito Mètodjo (2008) citant Oumarou Keita, in Le Républicain du 5 Mai 2005.

[8] Les Forces Cauris pour un Bénin émergent (fcbe) sont le regroupement de partis et d’hommes politiques soutenant les actions du chef de l’État Boni Yayi. Ils constituent en quelque sorte le bastion des partisans du pré-carré présidentiel, puisque d’autres partis dits de la mouvance présidentielle, mais se situant hors des fcbe, continuent de réaffirmer leur soutien à Boni Yayi, tout en développant un argumentaire plus critique. La notion de majorité politique est devenue multiple et ambivalente depuis 2006 au Bénin, mais là est un autre aspect sur lequel nous ne pourrons nous étaler ici.

[9] Symbole de campagne de Boni Yayi, le cauris sur fond vert représente le logo des fcbe.

[10] Société béninoise d’énergie électrique, anciennement société béninoise d’eau et d’électricité.

[11] Comprendre Transparency International.

[12] Chronique intitulée « Rampant racket et mensonge pieux », mise en ligne le 3 octobre 2007 par Roger Gbegnonvi.

[13] Signification du nom Burkina-Faso et phrase servant à désigner ce pays, depuis que le président Thomas Sankara a renommé l’ancienne Haute-Volta.

[14] Olivier de Sardan, Bako-Arifari et Moumouni reprennent d’ailleurs ce fait dans leur article de 2007, p. 225.

[15] Sur la vénalité, voir Veyne, 1981, ainsi qu’Elwert, 1984 et 1994.

[16] Pour régler le problème de la multiplicité des corps dans le secteur de la santé, en 2008, le gouvernement béninois a supprimé le corps des Mesures sociales et reversé dans la fonction publique tous les agents de santé concernés.

[17] Sur les pratiques illicites des personnels de santé, lire Olivier de Sardan, Bako-Arifari, Moumouni, 2007.

[18] Quartier de Cotonou.

[19] Timon Kalolo, directeur de l’agence chargée de la lutte contre la corruption, au cours d’une conférence tenue le 2 décembre 2008 à la Direction générale des impôts et domaines (dgid) à Cotonou ; conférence organisée par l’Observatoire de lutte contre la corruption, pour discuter de l’expérience botswanaise et réfléchir à l’amélioration du cadre stratégique béninois.

[20] Synthèse des communications et recommandations du fonac, (Cotonou 26-28 mars 1998), fonac/pnud, 1999, Cotonou.

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