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Sérendipité.

Les territoires des dynamiques intermédiaires.

Daniel Filâtre, Gilbert de Terssac (coord.), Les dynamiques intermédiaires au cœur de l’action publique, 2005.

Ce compte-rendu a été publié dans la revue Pouvoirs Locaux n°68 de mars 2006. La rédaction d’EspacesTemps.net remercie Pouvoirs Locaux pour l’autorisation de publication de cet article.

Image1Élaboré sous la direction de Daniel Filâtre et Gilbert de Tersac, avec la collaboration de 24 universitaires spécialistes des politiques publiques, cet ouvrage est le résultat d’une véritable aventure collective. Faisant suite à un colloque sur le même thème, l’ensemble des réflexions ici réunies donne des repères sur les différents concepts des dynamiques intermédiaires, aujourd’hui « au cœur de l’action publique ». À travers des exemples, augmentés d’études théoriques, c’est donc une analyse complète, détaillée et sous des angles diversifiés, qui nous est offerte — avec la volonté affirmée de faire de ce livre un outil réutilisable dans la réflexion de chacun.

Si l’action publique est généralement appréhendée à travers des approches ethnographiques ou des analyses institutionnalistes, les auteurs ont fait le choix d’une nouvelle approche, qui vise d’abord à élargir la focale d’analyse, au-delà de l’État, aux usagers, agents et acteurs intermédiaires du système politico administratif.

L’émergence des dynamiques intermédiaires.

Depuis les premières réformes de décentralisation, la France a connu des transformations institutionnelles qui ont profondément modifié le jeu politique et redistribué l’autorité de l’État central au profit d’un nombre plus important d’acteurs publics et privés. La complexité des problèmes posés, la croissance des demandes d’intervention publiques… ont eu raison de la capacité d’action du modèle étatique de gestion centralisée. Dès lors, de nouveaux modes de coopération et de régulation apparaissent, incarnés par les dynamiques intermédiaires. Ces dernières constituent la traduction concrète de l’action publique qu’exercent désormais les pouvoirs publics sur les citoyens. Elles doivent donc être considérées comme les instruments actuels de la rationalité administrative, et comme un ensemble d’interactions et d’interfaces entre acteurs. Loin d’être le résultat d’un simple processus de décentralisation politique, les dynamiques intermédiaires s’inscrivent véritablement dans l’évolution globale de nos sociétés post-modernes caractérisées par une gestion publique territorialisée. En effet, devenu « l’épicentre » de l’action de l’État, le territoire et désormais le principal outil de mise en œuvre d’une action publique transversale et contextualisée.

Les dynamiques intermédiaires constituent un travail politique concret qui s’ajuste selon les contraintes, s’articule selon les rationalités, et s’adapte pour gagner en efficacité et en légitimité. Elles s’organisent pratiquement autour de trois objets : l’activité professionnelle, le territoire, les dispositifs. Il émerge actuellement des professions d’intermédiaires destinées à servir d’interface entre différentes entités. Placés dans une position fragile, ces acteurs pivots se situent à l’interstice des logiques institutionnelles et jouent un rôle déterminant. C’est ce que prouve notamment l’exemple de la fonction de chef d’établissement scolaire. Aujourd’hui chargé de poursuivre des politiques en les adaptant au contexte et au public scolaire, le chef d’établissement a désormais pour rôle d’exercer un pouvoir de régulation intermédiaire en servant de relais entre les directives étatiques et leur application locale. Loin d’être un cas unique, de nombreuses autres professions illustrent cette analyse : assistants sociaux, agents en service d’appel, etc. Ces figures professionnelles chargées de coordonner, accorder, lier différents acteurs, se trouvent par leur position même, confrontées à des exigences hétérogènes venant du haut et du bas. Ceci les place alors comme intermédiaires chargés de procéder à des ajustements — voire à des « bricolages »…— révélateurs d’un nouveau mode d’action publique.

Le rôle central des territoires.

Les dynamiques intermédiaires s’organisent également autour du territoire, ce dernier permettant d’interroger les relations entre acteurs, organisations professionnelles et action publique. Ainsi, des espaces d’apprentissage intermédiaires se dégagent, à travers des dispositifs de médiation sociale qui unissent différents participants, et mobilisent des ressources diversifiées — essentiellement en vue de renouer le contact entre individus. La politique environnementale de protection de la biodiversité dans l’estuaire du fleuve Palmonès, illustre bien cette théorie des dynamiques intermédiaires de l’action publique. En outre, elle met en relief comment la protection de la nature — située au carrefour des objectifs d’intérêt général et des règles locales organisant les intérêts sectoriels —, a fait émerger une dynamique intermédiaire entre les scènes locales de la biodiversité, et entre les pouvoirs publics et usagers. Dans le cas présent, c’est la réglementation qui a joué le rôle de médiation. D’autres politiques comme la politique municipale de lutte contre le sida à Marseille, ou la politique d’accès aux médicaments menées par des ong internationales, corroborent cette analyse. Notons alors que les leviers de réalisation de ces politiques — leviers qualifiés de dynamiques intermédiaires — révèlent bien un contexte nouveau d’intervention publique de type territorialisé.

Enfin, les dynamiques intermédiaires se créent autour de dispositifs, qui permettent de stabiliser les rôles et régulariser les situations. Ces dispositifs intermédiaires, mis à la disposition du politique et de l’action publique, constituent alors de véritables outils de gestion et de médiation entre les différents niveaux d’un même territoire. Parmi ces outils intermédiaires, on soulignera notamment : les études, les dispositifs juridiques, les questionnaires, ou encore les évaluations. C’est ainsi, par exemple, qu’une étude sur les zones inondables — réalisées par des techniciens, et à destination d’élus — aura permis de faire collaborer ces deux niveaux d’acteurs, favorisant ainsi la rapide mise sur agenda du problème des inondations. Les mêmes effets se remarquent concernant une auto-évaluation écrite réalisée par des établissements scolaires en vue de l’élaboration d’une politique éducative départementale, ou encore à propos d’une évaluation servant d’outil de pilotage dans le cadre du programme européen Leader.

Au vu des exemples mentionnés dans ce livre, les dynamiques intermédiaires doivent être comprises comme la constitution de compromis dépassant les conflits d’intérêt, et comme la création de dispositifs de convergence en vue d’un projet partagé. Basée sur la régulation, l’intermédiation constitue donc désormais une forme à part entière de l’action publique, dont l’intérêt réside notamment dans sa forme d’institutionnalisation d’une durabilité provisoire. Bien qu’elles se heurtent à certaines résistances telles que la prégnance de l’État et de la bureaucratie, le poids des corporatismes traditionnels, une proximité des actions engendrant certains risques, etc., elles jouent aujourd’hui un rôle primordial. Étroitement liées à la territorialité et à la proximité qui facilitent les échanges et l’appropriation du territoire, elles optimisent de façon flagrante la pertinence et la cohérence de l’action publique.

On lira donc avec profit cet ouvrage détaillé, dense, et éclairant, dont on regrettera cependant une technicité parfois pesante.

Daniel Filâtre, Gilbert de Terssac (coord.), Les dynamiques intermédiaires au cœur de l’action publique, Maison des sciences de l’homme et de la société, Toulouse, Éditions Octarès, collection Le travail en débats, 2005. 25 euros. 278 pages.

Résumé

Élaboré sous la direction de Daniel Filâtre et Gilbert de Tersac, avec la collaboration de 24 universitaires spécialistes des politiques publiques, cet ouvrage est le résultat d’une véritable aventure collective. Faisant suite à un colloque sur le même thème, l’ensemble des réflexions ici réunies donne des repères sur les différents concepts des dynamiques intermédiaires, aujourd’hui ...

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