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Carte médicale.

Image1Début septembre 2008, les quatre syndicats français des infirmières libérales viennent de signer avec l’Assurance Maladie — institution nationale qui gère les branches maladie et accidents du travail/maladies professionnelles du régime général de Sécurité sociale en France — un accord qui va bouleverser les pratiques d’installations des nouvelles infirmières libérales. L’idée est de réguler l’installation en fonction des besoins et de la population. La France connaît 56 000 infirmières et infirmiers sur son territoire. Mais bien sûr la répartition n’est pas égalitaire suivant les régions, départements, communautés de communes, cantons ou communes… puisque avant cet accord les infirmières pouvaient s’installer où elles voulaient.

Pour illustrer cette décision historique, les médias nous ont souvent proposé des cartes. C’est l’outil indispensable pour montrer les inégalités spatiales. Cette carte est généralement en couleur pour attirer le regard et poser déjà un préalable scientifique. Il faut faire quelque chose car c’est « trop visible ».

Le quotidien régional Ouest-France dans son édition du 5 septembre ne déroge pas à la règle. La carte s’intitule « densité des infirmiers libéraux ». Avec le texte placé au dessus de la légende « Nombre pour 100 000 habitants », on comprend mieux que nous avons ici une valeur relative et que le traitement cartographique est correct car c’est bien une carte en plage. Cette carte avec ses six classes nous montre tout de suite les écarts entre les départements. Quatre d’entre eux (Les deux Corses, les Pyrénées Orientales et les Bouches du Rhône) comptent plus de 240 infirmières pour 100 000 habitants alors que treize départements (Ile de France sans Paris, Marne, Aube, Oise, Eure et Loire, Sarthe et Lot) comptent moins de 60 infirmières pour 100 000 habitants. Les écarts sont donc importants entre la classe maximale et la classe minimale : quatre fois plus dans la classe maximale que dans la classe minimale. Si on prend le maximum 310 et le minimum 37 l’écart est encore plus grand : huit fois plus ! La carte montre clairement un gradient Nord Sud : peu d’infirmières dans le Nord et par contre beaucoup dans le Sud et la pointe bretonne. En regardant la carte rapidement on ne comprend pas pourquoi il y a autant d’infirmières dans le Sud et donc on applaudit le nouvel accord : il faut réduire les inégalités spatiales, freiner les installations au Sud et favoriser par contre les installations au Nord. La géographie au service des politiques (on connaît…).

En plus de la carte techniquement correcte, le cartographe a rajouté dans le cadre en haut à droite un bout de photo. C’est souvent une habitude de Ouest-France. Comme si la carte ne suffisait pas à elle-même, Ouest France rajoute un objet graphique pour renforcer l’idée — par exemple, rajout d’un épi de maïs sur une carte sur les ogm, rajout d’une vache ou d’une barrière sur une carte sur l’élevage, etc. Ici le rajout concerne des bouts de personnages : deux mains avec des gants blancs, c’est notre infirmier, ici avec ses petits bras « frêles », c’est clairement une infirmière. Son patient, dont on ne voit que le pantalon bleu et les mains, semble être un homme. Pourquoi nous rajouter ce bout d’image ? Qu’apporte ce petit plus ? Cela vient indiquer que la carte est insuffisante pour comprendre la décision…

La carte serait insuffisante ? En effet, qui a besoin d’une infirmière ? Ce sont certainement les personnes âgées et donc il faudrait revoir la donnée cartographiée. En effet il faudrait diviser le nombre d’infirmières par rapport aux plus de soixante ou soixante-quinze ans et non à la population totale. Les écarts seraient alors certainement moins importants, car les départements en marrons foncé et clair sont ceux où les personnes âgées sont les plus nombreuses. Les médecins généralistes ont certainement le même gradient Nord Sud mais l’écart est peut-être moins fort entre Ile de France et Sud, car les médecins généralistes ont une clientèle plus variée, notamment les enfants. La carte de Ouest France est bien sûr intéressante mais pour les infirmières il faudrait pouvoir observer les cartes à une autre échelle. Celle de la communauté de commune ou du canton serait la plus pertinente car elle permettrait de différencier zones rurales et zones urbaines. Ces cartes existent, on peut les consulter sur le site de l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie de Bretagne par exemple. Sur ces cartes, on voit apparaître souvent un excédent de densité infirmière dans les zones rurales, qui ont en même temps un déficit en généralistes. Comme si les infirmières palliaient par leur installation libre le déficit de ces zones en médecins.

Quels seront alors les critères de l’Assurance Maladie pour corriger cette géographie inégalitaire Nord Sud ; et ces critères seront-ils appliqués aux kinésithérapeutes, médecins généralistes ? Il serait intéressant qu’un gouvernement ouvertement libéral en vienne à réduire un des droits essentiels des professions libérales en leur limitant le droit de s’installer librement où ils le souhaitent pour obtenir une installation plus conforme aux besoins de la population. Et là encore, il pourrait être fait appel aux géographes, même en temps de paix… pour corriger les erreurs du libéralisme… Vaste programme de guerre…

Lire la réaction d’Hervé Le Bras à cet article et la réponse de l’auteur.

Résumé

Début septembre 2008, les quatre syndicats français des infirmières libérales viennent de signer avec l’Assurance Maladie — institution nationale qui gère les branches maladie et accidents du travail/maladies professionnelles du régime général de Sécurité sociale en France — un accord qui va bouleverser les pratiques d’installations des nouvelles infirmières libérales. L’idée est de réguler l’installation ...

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